83. Multitudes 83. Eté 2021
Mineure 83. Lieux passants

Déférence métropolitaine
La trans-hospitalité du métro

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« Petit tas tombé

Petit a sans petit b

Au pied du piéton

Une âme est sous les cartons… »

Ces premiers vers de la chanson Petit tas tombé d’Alain Souchon, rappellent au passant qu’il y a bien une âme sous ces cartons. Le petit tas tombé, c’est l’accident de la vie, imprévisible et incontrôlable, qu’un simple regard aurait le pouvoir de mettre entre parenthèses. Pris par la respiration d’une ville trop peu civile, le passant ne voit pourtant que les cartons. Ce regard, même vide, a toutefois un avantage : il est révélateur de l’absence d’attention, de considération, de respect, d’urbanité, de
déférence disaient les Latins.

Mais pourquoi aller chercher la déférence pour traduire le sentiment de respect à l’égard de l’autre alors que cette notion, stigmatisée par la culture chrétienne, induit un rapport asymétrique à l’autre : un rapport de bienfaiteur à obligé.

La déférence, retour à l’ordre latin

À l’origine, la déférence ne se limitait pas à la considération respectueuse qu’une personne portait à une autre personne, surtout quand cette considération supposait une subordination, et l’obligation de se soumettre aux désirs de la personne envers laquelle on exprimait sa déférence. En réduisant la déférence à une posture asymétrique, le chrétien a oublié son latin. Deferens signifie d’abord l’égard porté envers quelqu’un, autrement dit le simple fait de porter et prêter (deferre) son attention à l’autre ; l’accepter comme son égal, saisir l’humanité de l’autre.

Cette posture de déférence dans la tradition gréco-latine pouvait ainsi prendre, pour le citoyen du moins, des formes aussi différentes que la compassion, l’amabilité, l’urbanité, l’aménité qui sont toutes des marqueurs de sociabilité. Et c’est en tant que telle que la déférence nous intéresse ici, non par la soumission qu’elle induit mais par l’urbanité qu’elle révèle1.

Lorsque le chrétien s’est emparé de la déférence, il l’a réduite à une conduite tantôt morale (le respect des règles coutumières ou traditionnelles), tantôt politique (l’intégration d’un ordre social qui est, soit monarchique avec le rang et le privilège, soit démocratique avec l’universalité des droits de l’homme comme principe premier)2. C’est la voie que suivront les moralistes du XVIIe siècle à la manière de La Bruyère qui, dans Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, insistait sur ce rapport de soumission : « Les hommes…. connaissent ceux qui leur sont égaux, sentent la supériorité que quelques-uns ont sur eux, et celle qu’ils ont sur quelques autres ; et de là naissent entre eux ou la familiarité, ou le respect et la déférence, ou la fierté et le mépris3 » : la déférence se voit réduite à une simple considération inscrite dans un rapport d’obligation et de contrainte.

Toutefois, ce n’est pas l’histoire de la notion de déférence et son déplacement de l’ordre gréco-latin à l’ordre judéo-chrétien qui nous intéresse ici, ni la manière dont l’anthropologie sociale s’en empare quand elle aborde l’ordre des régulations sociales, les interactions et les processus de sociabilité qui leur sont liés se faisant à l’échelle de la considération que l’on éprouve pour autrui4. Dans ces deux cas, la déférence n’est pas lue comme une relation égalitaire mais comme une mise en rapport hiérarchisée, et l’on sait bien que dans le rapport, ce n’est pas le rapport qui importe mais l’intelligence qui rapporte. Notre attention se portera plutôt sur son usage dans l’espace métropolitain à travers ce que nous appellerons la trans-hospitalité du métro. Cela nous permettra de revenir au principe premier de la déférence et comprendre l’importance qu’elle joue comme acte régulateur de notre sociabilité.

La trans-hospitalité du métro

La trans-hospitalité métropolitaine : l’habiter du métro devient son transporter5.

Pourquoi choisir le métro pour aborder la question de la déférence alors que l’imaginaire de ce lieu en fait un lieu inhospitalier par excellence et à l’opposé de l’exercice habituel des règles de sociabilité ? Peut-être parce que l’espace métropolitain permet d’interroger autant l’individu dans ses pratiques sociables que l’urbanité de la ville. Et s’il y a des lieux hospitaliers par nature comme les hôpitaux ou les hospices, s’il y en a d’autres qui le sont par intérêt comme les hôtels ou les pensions, s’il y en a même qui inspirent l’hospitalité comme les monastères ou les couvents, il y a aussi tous ces lieux qui sont hospitaliers par accident au sens où ils n’ont pas pour vocation première d’être hospitalier. Le métro fait partie de ces lieux hospitaliers par accident dont la nature trans-hospitalière se mesure à l’échelle de son transporter 6.

Dire d’un habiter qu’il est déterminé par son transporter, ce n’est pas au sens des professionnels du transport avec leur maillage du territoire, ni dans la manière d’organiser des infrastructures avec une certaine gestion des flux, mais dans une logique plus intime du rapport que l’individu entretient avec l’espace qu’il occupe, sorte de retour au génie des lieux de la tradition gréco-latine, d’Homère à Virgile.
Le métro n’est pas n’importe quel lieu de transport. Il réunit à lui seul les trois grandes vertus de l’ordre chrétien : l’hospitalité, la mendicité, la charité7. Dans le contexte de l’espace suburbain, le métro serait tout cela réuni en un seul lieu. Un espace d’hospitalité avec son ordre des hospitaliers, ses agents de prévention et de médiation sociale qui font du métro l’un des plus grands centres d’accueil de France. Un espace de mendicité avec sa propre nomenclature : mancheur, manchard, quémandeur, tape-cul, mendicité à la rencontre ou à la priante. Un espace de charité circonstancié selon les âmes charitables que le métro transporte quotidiennement : du compatissant à l’indifférent. De ces trois ordres nous n’aborderons, faute de temps, que l’ordre trans-hospitalier.

L’appropriation affective du temps de transport

Pour comprendre cette nature singulière de l’hospitalité métropolitaine, revenons brièvement sur cet habiter du transporter comme mise en scène de règles d’urbanité : la déférence devenant un indice de sociabilité permettant de mesurer la présence ou l’absence de sociabilité.

Définir l’habiter du métro par son transporter, cela revient à se demander comment l’urbain passe d’une désappropriation de son espace d’habitation à une appropriation de son temps de transport. Est-ce qu’en m’appropriant mon temps de transport par le temps de plus en plus long que je passe pour me rendre d’un point à un autre, je compense ou non cette perte de temps par une véritable occupation de mon moyen de transport en commun ? Et en faisant cela, est-ce que je me désapproprie de mon lieu d’habitation, désappropriation qui vaut autant pour le locataire que pour le propriétaire pris dans une spirale du crédit liée à la spirale du déplacement8 ? Le métro me fait-il gagner du temps de transport tout en me faisant perdant de l’espace d’habitation ? C’est peut-être là le paradoxe du principe d’habitation moderne : être face à des habitants propriétaires de leur temps de transport tout en étant locataires de leur lieu d’habitation. Mais qu’implique l’appropriation de son temps de transport ?

L’usage des transports en commun montre que la transformation d’un temps chronologique durant lequel on est transporté devient vite un temps affectif durant lequel on incorpore son transport9. Et cette incorporation d’un temps de transport se construit autour de pratiques de sociabilité que l’on éprouve dans cet espace souterrain. À chaque moyen de transport et à chaque temps de transport, les pratiques de sociabilité diffèrent. Le transporter ferroviaire délimité par un déplacement habitation-travail/travail-habitation n’induit pas les mêmes pratiques de sociabilité que le transporter métropolitain qui dure généralement de 20 à 30 minutes. Dans ce moyen de transport en commun devenu fin de l’habitation individuelle, quel rôle jouent les moments d’hospitalité que le métro abrite ? Et cet habiter dans le transporter du métro n’est-il pas déterminé par la duplicité profonde de l’hospitalité qui est en même temps ouverture et fermeture, de la même manière que la déférence est ce qui permet d’attribuer ou non à l’autre un statut d’être humain.

L’hospitalité comme pont entre l’intérieur et l’extérieur

L’hospitalité, dans le métro ou ailleurs, est d’abord un pont fragile entre l’extérieur et l’intérieur, entre le dedans et le dehors dans la mesure où celui qui est dehors, l’hôte, essaie de le faire entrer dedans. Ce serait là le sens de l’accueil. Le métro est pour cela intéressant parce qu’il double le rapport extérieur/intérieur de plusieurs manières. En effet, dans l’agencement architectural du métro, l’espace est autant intérieur qu’extérieur. La limite intérieure du métro est en même temps sa façade extérieure, et ceci d’autant plus que, dans un lieu souterrain où l’on perd ses repères, il est encore plus difficile de distinguer l’intérieur de l’extérieur, ou le 1er du 2e niveau. Le mur que je vois sur le quai du métro est autant ce qui délimite l’intérieur de l’espace dans lequel je me situe que l’espace extérieur qui délimite mon environnement.

Cette lecture géométrique de l’espace métropolitain reprend de manière métaphorique la question de l’hospitalité comme volonté de faire entrer à l’intérieur celui qui est à l’extérieur. L’hospitalité serait finalement une tentative d’égalisation et de mise à niveau. Son enjeu serait autant le franchissement que l’abolition des espaces, voire l’interpénétration des lieux. Cette duplicité, l’hospitalité la tient du fait qu’elle est, par nature, double. Hospitalitas, hospitalis sont forgés sur hospes : celui qui reçoit l’autre, à savoir l’acte d’accueil comme hébergement gratuit. Mais hospes comme hôte est aussi l’hostis d’hostilité, autrement dit l’ennemi. L’hostis venant d’hostire, à savoir égaliser, compenser, payer de retour. L’hospitalité serait en fin de compte un geste de compensation (donne à l’autre ce qu’il n’a pas) et de protection dans un monde où l’étranger n’aurait pas sa place.

L’hospitalité est double parce que l’hôte est double, autant en latin qu’en grec d’ailleurs (le xénia de xénophobie, comme l’hospes de despote ou d’otage dont le premier sens est le maître de maison, celui qui exerce un pouvoir sur son hôte). L’hôte est dehors tout en étant dedans et c’est sa limite. Il est dehors quand il est demandeur d’asile et il est dedans quand il est accueilli. Ce qui est intéressant ici, c’est l’usage que notre culture fait de ce double, certains ouvrant la notion de l’hospitalité, d’autres la fermant. Ouverture et fermeture liées à l’absence ou à la présence de la déférence. Quel statut donner à l’autre ? Dois-je en faire un obligé, un débiteur, un donataire, ou tout simplement mon égal ? Cette ouverture ou fermeture dans mon rapport à l’autre est la même que l’on retrouve à l’échelle du territoire. L’idée de frontière, de limite, de barrière, de mur se réduit à un rapport entre l’intérieur et l’extérieur, le seuil servant à mesurer ce rapport. Il existe toutefois une autre manière d’envisager le territoire : l’idée d’interstice par exemple qui abandonne toute forme d’emplacement délimitant un territoire. C’est l’espace inscrit dans un mouvement de la discontinuité et non de délimitation, ce que Henri Michaux appelle l’espace incirconscrit. Du côté de la discontinuité, on est face à une ouverture qui reste ouverte puisque les frontières ne sont pas marquées. Du côté de la délimitation et de la frontière par contre, on a une fermeture qui enferme et qui s’enferme.

En général, les gens qui pensent l’hospitalité comme un espace de fermeture sont les mêmes qui font de la frontière une délimitation territoriale au sens de la formule de l’essayiste Jacques de Bourbon Busset : « Les rives sont la chance du fleuve. L’enserrant, elles l’empêchent de devenir marécage » ; formule qui a le mérite de poser simplement le problème. Les rives sont les qualités morphologiques du fleuve qui lui permettent d’être fleuve. Sans rive, il n’y a plus de fleuve mais une étendue d’eau disparate. Les rives deviennent alors autant le seuil que le contour ou la frontière du fleuve. Mais les rives, que nous disent-elles du fleuve sinon qu’il n’existe que par le seuil, le contour ou la frontière ? Qu’en est-il alors de la véritable nature du fleuve ?

Dans ces conditions, veut-on être dans l’emplacement (la frontière fixe), dans l’espacement (la défense du territoire) ou dans l’incirconscrit et l’interstitiel du territoire ? Peut-être que la chance du fleuve est de ne pas se trouver enfermé par ses rives, mais de laisser rêver les lignes pour reprendre la formule de Henri Michaux ou Berges de la Loire de Francis Ponge par exemple, fleuve aux contours incertains. Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de séparer le dedans du dehors puisqu’il s’agit de saisir la nature singulière de l’expatriation de cet espace du dedans. L’expatriation, cet autre terme de Michaux, ne signifie pas sortir de sa patrie, mais saisir le caractère indéterminé et insaisissable des choses, une sorte de distance intérieure qui n’a plus rien de géométrique, sorte de finalité de l’hospitalité dans sa volonté de rompre avec le rapport dedans-dehors. Pourtant la pensée la plus répandue sur l’hospitalité n’est pas chez Michaux mais chez Kant le garde-frontière10, grand spécialiste de la fermeture qui envisage l’hospitalité comme la préservation d’un espace clos et frontalier. Kant, comme beaucoup, pense que l’on est homme que par rapport au lieu que l’on occupe et que l’on a les caractéristiques de tel ou tel pays ou région. Il suffit de reprendre ses écrits détestables sur la géographie publiés récemment11.

C’est là que la déférence prend tout son sens : expression de l’humanité de l’homme. Avec une telle duplicité, aussi bien celle de l’hospitalité (hôte et ennemi) que celle du métro (lieu schizophrène essayant de concilier accueil et gestion du flux), comment mesurer l’exercice de la déférence, sinon par l’activité économique dans laquelle elle s’exerce ?

Une déférence mesurée par l’activité économique de la mendicité

Concernant notre question de départ, la déférence dans l’espace trans-hospitalier du métro, le problème est de savoir comment son espace s’organise autour d’une hospitalité délimitée et mesurée par la mendicité que les « mancheurs » mettent en scène ? Autrement dit, le métro, en accompagnant les gens dans leur activité
économique, organiserait de manière économique son hospitalité. Est-ce le résultat de la singularité du lieu ou l’idée que notre culture se fait de la valeur-travail ?

Dans le métro, l’égard que je porte à quelqu’un se mesure-t-il, consciemment ou inconsciemment, par la présence ou l’absence d’une activité, sa valeur-travail dirait-on aujourd’hui, un peu à la manière de La Rochefoucauld qui dans le Plan du travail du Comité pour l’extinction de la mendicité du 30 avril 1790, faisait remarquer qu’il convenait en premier lieu de réprimer la mendicité professionnelle et le vagabondage pour secourir la pauvreté honnête et malheureuse : « Les véritables pauvres, c’est-à-dire ceux qui, sans propriété et sans ressources, veulent acquérir leur subsistance par le travail ; ceux auxquels l’âge ne permet pas encore ou ne permet plus de travailler ; enfin, ceux qui sont condamnés à une inaction durable par la nature de leurs infirmités, ou à une inaction momentanée par des maladies passagères12 ». Dans le même état d’esprit, les rapporteurs ajoutaient que la mendicité tenait du « vice le plus naturel à l’homme, la paresse13 ».

Les moments de mendicité inscrits dans l’espace d’hospitalité du métro seraient alors un moyen de lutter contre la stigmatisation habituelle faite à l’encontre du mendiant, ce parasite qui « a horreur du travail ». Notons cependant que lorsqu’il y a exclusion, au moins il n’y a pas expulsion : le mendiant reste le miséreux à l’intérieur du territoire.

Et dans ce contexte culturel, la déférence jouerait un rôle déterminant : accorder un statut de sujet à l’autre. Et c’est justement ce regard sur l’autre que la déférence va faire changer, regard évoluant d’ailleurs au cours de l’histoire, même si la mendicité relève intrinsèquement de l’exclusion.

Pour la tradition chrétienne jusqu’à l’ère pré-industrielle, la mendicité est profondément inscrite dans un ordre économico-religieux : elle porte atteinte à la valeur-travail. Au contraire, dans l’espace de la trans-hospitalité du métro, le mancheur, à la différence du mendiant, ancre sa pratique dans une logique d’activité travaillée qui, même si elle est extrêmement précaire, reste tout de même une activité. Face au mendiant et sa sollicitation passive, la main tendue et le regard contrit, on trouve le mancheur qui organise sa sollicitation active. Le rapport au travail n’est pas le même : le mancheur met en place une stratégie rhétorique complexe que l’actualité régule. La différence entre le mendiant et l’actif telle qu’elle est définie de l’Antiquité jusqu’à l’ère pré-industrielle est une différence de nature (l’ordre du religieux déterminant l’ordre économique), alors que la différence entre le mancheur et l’actif est une différence de degré liée à la reconnaissance économique. En outre, derrière ses multiples postures et attitudes, le mancheur interpelle un ordre social et les différents acteurs de la société. Et même si l’on est dans l’ordre de l’exclusion, l’exclusion reste plus ou moins inclusive. Ce degré d’inclusion de l’exclusion reste en fait mesuré par la valeur-travail. En effet, l’exclu social, qu’il soit mandigot, mendiant, mancheur, je l’accepte parce que je mesure sa mendicité à l’échelle de la valeur-travail qu’il met en scène : élaboration marketing de la stratégie verbale plus ou moins complexe avec un jeu d’acteur et un rapport au public.

La mendicité, signe vivant d’une exclusion, reste tout de même une barrière contre l’expulsion. Le temps d’hospitalité inscrit dans un moment de mendicité serait en fin de compte un temps gagné sur l’expulsion. Mais, cela veut-il dire que dans l’espace métropolitain, la mendicité, comme mise en scène d’une exclusion subie (le refus d’activité du mendiant) et comme frein volontaire à l’expulsion (l’activité du mancheur), mettrait en scène une humanité mesurée par la déférence ? La déférence n’est-elle pas finalement la garantie éthique de l’hospitalité, de la mendicité et de la charité ? Si dans le métro, je ne suis plus un exilé, ni même un exclu en attente de son expulsion, c’est peut-être parce que la déférence organise explicitement la sociabilité de ce lieu, et implicitement mon rapport à l’autre.

1 Nous laissons de côté la question du lien entre déférence et souci de soi (Platon, Plotin, Marc-Aurèle et la question du lien entre souci de soi, souci de l’autre et l’ordre de la nature).

2 Précisions néanmoins que la déférence, telle que la chrétienté se l’approprie, si elle est un principe vertueux, n’est pas une vertu. La théologie scolastique chrétienne recense en fait sept vertus : trois vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité) et quatre vertus cardinales (la justice, la prudence, la force et la tempérance).

3 La Bruyère, Les Caractères. De l’homme, Paris, Flammarion, 1880, p. 252.

4 L’appropriation la plus connue est bien évidemment celle faite par E. Goffman dans Les Rites d’interaction. Il traite en fait la question des codes de convenance, de l’égard et de la considération portées envers l’autre. Et même s’il étudie la sacralité de la personne par rapport aux notions conjointes de déférence et de tenue qui déterminent les codes de convenance, et même s’il cherche à approfondir la question des processus d’interactions sous-jacent dans les conduites de l’étiquette par exemple (la déférence cérémonielle) en laissant de côté la question de la nature morale du sujet telle qu’elle apparaît dans la déférence qu’il qualifie de substantielle, il enferme l’étude de la déférence dans les présupposés de la tradition anthropologique du XIXe et début du XXe siècle comme Spencer, Töennis, Élias, Shils ; la déférence induisant un rapport a-symétrique entre bienfaiteur et obligé.

5 Pour une analyse plus approfondie de cette question, cf. l’article A. Milon, « Le métro parisien, lieu trans-hospitalier » in Le Livre de l’hospitalité (dir. A. Montandon), Paris, Bayard, 2004.

6 Nous laisserons de côté la place de l’hospitalité dans la culture cheminote, RATP et SNCF incluses, même si ces institutions mettent en scène une conduite dite schizophrénique, dans la mesure où elles sont bien en peine de concilier le flux des voyageurs (le maximum de personnes dans le minimum de temps avec la suppression de tout ce qui permet l’attente et la flânerie : des dispositions réglementaires du titre de transport au mobilier répulsif de la RATP avec ses contre-bancs et ses contre-sièges…) avec la culture de l’accueil (l’un des plus grand centre d’hébergement de France).

7 Cf. l’ordre de la chair, de l’esprit et du cœur, figures de l’amour chrétien chez Pascal.

8 On retrouve là tout le sens du mot « banlieue » comme lieu du bannissement, lieu de celui qui n’a pas les moyens de vivre en centre-ville : vivre à une lieue, un peu moins de 5 km, du centre.

9 Cela renvoie aux ordres symboliques que le métro organise mais que nous n’avons pas le temps de développer ici : Avancez ! Choisissez ! Ne bougez-pas ! Installez-vous !

10 Cf. E. Kant, Projet de paix perpétuelle, le 3e article définitif en vue de la paix perpétuelle notamment : « Le droit cosmopolitique doit se restreindre aux conditions de l’hospitalité universelle. »

11 E. Kant, Géographie, Paris, Aubier, 1999.

12 Procès-verbal de l’Assemblée Nationale, seizième livraison, volume 75. Paris, Beaudouin, 1789-1791, p. 13.

13 Rapport sur la nouvelle distribution des secours proposés dans le Département de Paris. Par le Comité de Mendicité. Paris, Imprimerie Nationale, 1791, p. 23.