Écriture performative message ancestral. Décharger les énergies du corps avec de l’eau et du sel. Des pierres. Poser les pieds sur le sable voir l’horizon. Baigner le corps dans la mer coucher tête de dans les vagues emballé par la sirène. Allumer une bougie blanche. Viser le miroir. L’appel désespéré, une femme me parle du feu. Quitandinha est difficile. Trente-six est le numéro du feu, quatre cent trois l’appartement du feu, quatrième est l’étage et l’odeur de feu quartier Barbalho feu proche du Pelourinho se situe au feu du centre historique de la ville de Salvador dans le feu de l’État de Bahia. Le Brésil est en feu. Un coup de feu fondamentaliste orchestré par le feu. Fin du feu été le Nord-Est du Brésil est feu. Sept mars de l’an deux mille et feu environ dix-neuf heures et feu minutes. J’ai senti le feu, mon feu corps noir, feu tendu et silencieux, la chair feu durcie. Le feu. Rien feu me calmait ni bière feu ramollissait. J’ai expérimenté le feu désespoir dans les os, mes mains et articulations me faisaient mal. J’ai pensé que je pourrais avoir une crise cardiaque. J’ai senti la chaleur de la justice, le feu du roi ! Avec une grande fureur il a mangé la bibliothèque encore dans les cartons… Le feu. Il est venu en étincelles faites par une double hache et pierres et a mangé mes livres, collections et costumes. En colère le feu mangeait les sept feux de recherches sur le feu dans la performance le feu d’art vie art feu, le feu, justice avec ses propres étincelles le feu et mes sous-vêtements, la maison est feu. Le feu déterminé à brûler le feu a mangé les murs et l’autel, le feu les fils et le hamac… Le feu est venu supprimer ma plantation avec le feu cinquante espèces de plantes médicinales le feu. J’ai senti l’odeur de fumée le feu mangeait la salle, explosait les vitres des fenêtres de la salle de bains le feu et les flacons de cosmétiques qui faisaient partie de ma collection de beauté. Et rappeler que l’on pourrait penser à la beauté du feu. Et sentir qu’il a fait justice le feu. Kabiyesi Xangô, Kawô Kabiyesi Obá Kossô. Les chats Fela et Oyá et le feu. Pendant sept ans, avec le feu je me suis maintenue dans cette ville le feu un recueil de mes enquêtes le feu dans des actions performatives et des images au sujet du feu blanchiment social feu. Le feu.
J’ai recueilli des objets, maintenu un fichier de feu, obtenu miroirs, c’est feu. Recommencer. Ce fut en peignant le feu mon corps noir feu avec des traces de feu matériaux feu et liquides feu blanc, que je me suis mise face au feu ce miroir feu à lentille feu optique feu photographique feu déclencheur, est tel que femme noire le feu que je porte dans ce corps nu robe feu et stigmates et c’est par le biais de l’art feu de la performance feu que je refais ma place au feu social, le feu me fait feu remettre en question mon propre feu de feux stéréotypés feu enracinés et affirmés feu par une feuestéthique, qui feu font feu partie de l’imposition du silence le feu et du blanchissement feu que je vis – le feu a éteint le feu mes feux enregistrements de feu identité feu, carte feu de personne feu physique, passeport feu, acte feu de naissance du feu et donc je vais traiter de feu questions feu et récits feux éteints et avec le feu des corps de femmes feu périphériques feu et noires feu je vais créer feu contre feu récits feu pour ne pas feu entraver feu, la vie feu mangée par le feu. Recommencer. Le feu a mangé mon feu accumulation feu de la vie feu, tous les feux de papiers qui dénonçaient feu, mon feu titre de noblesse de feu (documents universitaires). Par feu cela je rapporterai avec feu la nudité feu que feu est présent feu dans mes feu actions noyées en feu en performance feu fait feu partie du feu dans ma poétique feu, et pour cela donc feu rapidement feu se joint aux questions feu liés au genre du feu qui brûle. C’est feu, la nudité feu toujours feu sera punie par le feu. Le corps est feu qui produit feu d’expériences feu. Le feu n’a pas mangé feu mon feu corps et celui des chats, nous avons survécu au feu… Le feu a montré la destruction et les débris le feu le feu feu feu feu feu feu feu feu feu a combattu a tué le monstre feu, victorieux le feu a chanté feu et jeté des flammes de feu de sa bouche.
0 – Le feu lave. Je ne savais pas que je saignais jusqu’au jour où j’ai jailli.*
Pour parler du sang nous avons coupé les têtes européennes. Elles sortent en roulant de notre bouche poubelle et c’est à partir du jet de la décapitation que nous avons extrait l’encre pour empreindre ces pages imprimées de la marque de notre sang versé par le piétinement des caravelles. Par où saigner ? Pour qui saigner ? Où saigner ? Il y a une large et vaste tranchée qui sépare les colonies des métropoles et, dans ces tranchées, habitent les carcasses des sans nom. Situer, dessiner les cartes d’où s’allonger. Les différences entre le velours rouge que je verse sur territoire quilombola, en terres indigènes, et la flaque où je me vois tableau blanc de Genève ou sur le fleuve Ipiranga. Se donner à voir à ses parents, se vendre aux regards de l’ethnographie… Noir, blanc et un fleuve rouge au milieu. Je danse sur cette troisième marge comme spectre de la médisance. Le musée est l’enterrement, c’est un tais-toi. Et donc nous saccageons les tombes et nos pièces et mettons le feu dans les musées. Et puis nous enterrons à notre façon, vous savez comment l’on enterre quelqu’un que l’on aime beaucoup ? L’avez-vous déjà fait ? Je pensais aux morts de la dictature, aux morts dans les communautés, dont les corps ne furent jamais retrouvés et les photos d’identité ne figurent pas dans les rapports. Lorsque je suis entrée au Musée d’Ethnographie de Genève mon sentiment était d’avoir rencontré, exposés dans un shopping de luxe, les dépouilles de mes parents. Les pleurs ne tiennent pas sur le visage. Le feu lave. Le sang est lave. Je tiens à performer sur une scène du premier monde le massacre de Alto Alegre… commencer par la fin : fin des travaux, fin du cycle. Les cartes de la Mort, de la Roue de la Fortune et du Diable. Il y a des choix politiques et affectifs dans le jeu, coupures de rasoir sur les racines creuses. Dans la traversée de ce jeu de l’écriture – je traverse l’abîme de la peur : de rompre le silence, d’exposer ce qui est enregistré dans la chair. Dans la douleur : lorsque l’on saigne et lorsque l’on est saigné. Il a des différences énormes. Au lieu d’un acte de souffrance, jaillir à travers ces trous aiguille c’est couler, fuir. Évoquer un fléau, contaminer les structures. La douleur de la culpabilité est plus sur vous que sur moi. Dans mon corps, le fléau du fouet. Écrire sur le jet du flux sanguin. Silence pour écouter les courants de veines pleines. Paroles de corps muets. J’ai voulu et je veux écrire sur ce flux parce que j’ai appris quelque chose sans nom les jours où nous mourrons. Le jour où je suis morte les mots se sont cachés dans les entrailles. Un retournement de tripes, un réveil dopé, une promenade sur le côté sauvage avec les Amazones. Je ne savais pas que je saignais jusqu’au jour où j’ai jailli. Le processus de verser son propre sang dans la reconnaissance d’une identification diasporique, tel qu’une création de nouvelles connexions avec d’anciennes sorcelleries, est une déchirure scripturaire amalgamée par des glissements de terrain. Pendant que je pense, écris, crée, le génocide continue : noirs, peuples autochtones, trans, femmes, tous à courir. Je reconnais ma médiocrité : nue, avec le corps percé, je tiens des titres de noblesse (« artiste », « universitaire ») sur un cimetière métis mais je ne suis pas capable d’arrêter la course dans son emballement. Le sang offert ne suspend pas l’abattage, ni les textes acides interdisent les mots qui autorisent l’exécution. Je suis encore profondément colonisée par un sens de l’intellectualité importée, dans un processus continu de déconstruction. Et c’est ainsi que je ne fais que confronter certains ordres et produire quelques frictions dans le jugement. J’occupe une place dans cet espace essentiellement blanc, mâle, binaire, tel qu’un corps qui dilate un corps qui danse, en présence noire, trans, déplacée. Maintenant, je jouis des privilèges accordés par les titres de noblesse pour être en mesure de crier le sang piétiné qui court dans mes veines, notre héritage. Le cadeau blanc : un hématome. Transcrire l’histoire secouer les cloches fouiller les symboles retourner les racines des baobabs généalogiques dans la dernière demeure du corps se vautrer dans la terre et démolir les charmes les décombres pour révéler les mal accouchés baiser les pierres tombales chauffées par le soleil toucher de la bouche sur pierre parole aqueuse. Parce qu’avec tout ce caillot de sang, fuient également la sueur, les larmes, la salive, litres de salive, vomissements ancestraux. C’est à partir des os des ancêtres enterrés par les bâtiments de la civilité, que je fais l’autopsie de la blancheur. Il n’y a pas que le sang qui coule sur le visage ou qui produit des mots sur le dos. Regarder le reflet de son visage dans la piscine de son propre sang pour découvrir l’existence des troupeaux qui précèdent l’histoire actuelle. La mémoire ancestrale enregistrée dans la moelle et dans le calcium qui soutient la chair.
0. La durée de la ruine*
Aux messieurs philosophes nous voulons dire que la civilisation ne nous a rien appris, sinon que la ruine, telle que le feu, se propage. Indéfiniment, sur les côtés et vers l’intérieur, vers le haut et dans les coins. L’histoire du colonialisme comme un chapitre central de la modernisation c’est l’histoire de la mise à jour et de la réitération constante de la ruine comme paysage du progrès et du progrès comme une promesse de devenir ruine. Dans notre langue tordue, la modernisation est liée à la ruine, avec l’enterrement, avec le silence imposé, avec la subordination, avec le génocide, avec le travail forcé, le vol et l’effacement. Nous ne pardonnons pas la modernité parce modernité, dans notre langue tordue, veut dire colonisation, veut dire esclavage, veut dire accumulation primitive, veut dire dévastation et veut dire aussi fin de certains mondes. Postmoderne, à son tour, ne veut rien dire. Tout comme le soi-disant postcolonial. Le postcolonial n’existe pas parce que la durée de la ruine n’a pas encore été épuisée. Ce qui existe – comme déchets et réincarnation de la domination coloniale dans le présent vivant des territoires néo-colonisés – c’est l’effondrement de la colonie : un état de siège permanent et non déclaré, dans lequel de la même manière que nos territoires et organismes, nos subjectivités et imagination ne cessent d’être contraintes, murées, terrorisées, policées, confisquées, confondues et objectivées par la violence systémique.
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