C’est la faute à l’immigration a remplacé chez les docteurs Diafoirus de la France malade imaginaire, le fameux « c’est le poumon, le poumon vous dis-je » de Molière.
La question de l’immigration couplée à celles de la sécurité et de la survie de l’État-Nation est le passage obligé du petit récit sur scène électorale des démocraties représentatives en Europe depuis les années 1980. Chez nous, plus les candidats à l’élection présidentielle de 2022 se réclament du « grand récit », de la grandeur « tout court », plus ils doivent en effet se contenter d’un tout petit récit, d’un tour de passe-passe qui forme la basse continue à trois notes qu’ils égrènent comme une mélopée obsessionnelle.
La petite musique par lesquelles les apprentis-serpents de l’extrême-droite européenne essayent d’ensorceler les moineaux de l’électorat populaire sont toujours les mêmes : 1) le déclassement économique et militaire de leur pays dans la mondialisation ; 2) Le « grand remplacement » social et culturel (on n’est plus chez soi !) ; 3) L’éclatement de l’État-Nation avec l’émergence croissante de l’Union européenne dans les domaines de décision qui formaient le cœur de la souveraineté nationale et des régions recouvrant les peuples sans Nation ou État (Écosse, Catalogne, Corse, Pays basque).
L’immigration ou plutôt le résultat actuel des migrations accumulées depuis les années 1950 fournit toujours l’explication en dernier ressort quand les variantes nationalistes, néo-fascistes, antisémites, intégristes catholiques ou protestantes se trouvent marginalisées, épuisées ou rangées au magasin des accessoires.
Le déclassement économique des États-Nations serait dû à la désindustrialisation : il aurait marginalisé le pouvoir des ouvriers, des petits patrons et artisans par la double concurrence des délocalisations et d’une immigration de main d’œuvre qui aurait facilité une spécialisation dans les activités de bas salaires (industries, mais aussi services). « La Corrèze plutôt que le Zambèze ! » était déjà un slogan favori de Jean-Marie Le Pen dans les années 1985-1995, l’ancêtre de la « préférence nationale ».
Le « grand remplacement social et culturel » : dans un pays où les langues des minorités régionales (bretonnes, corses, occitanes, provençales, alsaciennes, basques, picardes) ont été sacrifiées sur l’autel de l’assimilation jacobine, où la culture populaire est confinée aux marges d’une société qui saurait parler autre chose que le français de l’Académie française, l’apparition dans l’espace public d’autres langues, d’autres religions, d’autres cultures est devenue insupportable pour bien des esprits qui n’ont qu’un seul modèle d’éducation en tête : celui de l’assimilation. Modèle si fortement inculqué dans les têtes françaises que les descendants d’immigrés ou de minorités régionales en deviennent à leur tour les zélés défenseurs. Ajoutons que le jacobinisme républicain s’est moulé dans le centralisme et l’étatisme capétien ; ainsi l’attitude vis-à-vis des religions minoritaires (juive, protestante) a été très profondément marquée par la Contre-Réforme catholique. En matière sociale, culturelle, politique, religieuse, la règle de la majorité s’impose aux minorités dans les faits, quand bien même on leur reconnaîtrait la liberté de pensée. Le calendrier grégorien des fêtes religieuses est catholique, ou chrétien. Bien entendu, les Républicains qui invoquent la loi de 1905 de séparation de l’Église (catholique) de l’État, et la doctrine de la laïcité, vous diront : Circulez, il n’y a rien à voir ! Il n’empêche que la France de la République n’a pas eu dans ses gènes l’apprentissage du respect des minorités dans des circonstances où aucun groupe n’a à lui seul la majorité (culturelle, religieuse).
Or dans la construction de l’Union européenne il n’y a plus une seule langue, une seule religion de fait (avec quelques échantillons d’autres cultes), une seule capitale, une seule administration. Pour les Français, c’est la vraie révolution qui est devant eux : comment gouverner quand il n’existe pas une majorité d’un bloc homogène ? D’autres pays d’Europe, l’Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, à divers moments de leur histoire, ont connu cette transformation. Pour l’Allemagne, les Traités de Westphalie et d’Osnabrück à l’issue de la Guerre de Trente Ans, la constitution Fédérale de la République de Weimar puis de l’Allemagne de l’Ouest ont consolidé la possibilité d’un multi-culturalisme européen. Or dans l’ensemble politique auquel appartient dorénavant notre pays, le mono-culturalisme assimilateur républicain n’est plus la règle non questionnée. Le gouvernement de la majorité est démocratique (ce qui veut dire qu’il doit respecter le droit et l’expression effective des minorités) ; il n’est pas républicain (un et indivisible) ni national populaire.
Le sentiment très français, hélas, du « grand remplacement » n’a pas grand-chose à voir avec une réalité économique, démographique. Il est lié à la crise du modèle républicain qui n’embraye plus sur de l’universel concret (ici la construction européenne). Et pourtant les Français se réfugient dans l’énoncé de la règle vécue et promue comme le seul universel possible. Avec les résultats que l’on connaît bien à Bruxelles : la position française est ressentie comme arrogante, tout particulièrement par les petits États membres, et comme n’ayant plus, de surcroît, les moyens de sa politique. Mais il est un autre effet, hexagonal lui, auquel on n’a pas prêté attention. C’est celui du désarroi d’une culture monolinguistique, mono-culturelle, bref assimilationniste à son propre insu, dans un monde multiculturel, dans un cadre politique multi-ethnique, pluri-national et pluri-religieux.
Le problème au demeurant n’est pas seulement français : une expérience historique récente a plongé pas mal de pays de l’Est dans une situation semblable même s’ils venaient, eux, de fait, d’ensembles impériaux pluri-linguistiques. Mais quand Laurent Bouvet a forgé l’expression redoutable « d’insécurité culturelle » chère au Printemps républicain, que trahissait-il d’autre sinon la sensation de déclassement du modèle français qui a désormais à se mouvoir dans le cadre de la fédéralisation de l’Union européenne ? Renaud Camus et les Zoros de la « reconquête nationale » comme Zemmour, ou de la langue à imposer dans les banlieues comme Alain Finkielkraut, pointent le doigt du grand remplacement ethnique et religieux, quand le sage leur montre la lune de l’ineffectivité et du caractère provincial de l’universalisme à la française, son vide d’indications utiles pour le futur immédiat de tous dans l’Union européenne.
Quand on a été éduqué dans la suffisance française de la majorité (qui va du discours de Rivarol sur l’Universalisme de la langue française, à l’arrogance impérialiste et colonialiste qui le juge « irremplaçable »), l’idée d’une société multiculturelle donne des boutons, un prurit léger en temps calme, une véritable hystérie anti-islamo-gauchiste, anti-intersectionnelle, anti-décoloniale et anti-woke ou anti-cancel culture, comme dans ce pitoyable colloque de la Sorbonne que Sandra Laugier et Elisabeth Roudinesco ont dénoncé à juste titre.
Il s’agit bien d’une guerre des boutons, d’une bataille idéologique contre des moulins à vents et pas de la réalité. Là, ce n’est pas Molière qu’il faut convoquer, mais Cervantès. L’âge d’or français est derrière nous, mais ces comiques des croisades ne l’ont toujours pas compris.
Toute cette tempête grossie à des proportions d’accusation de crime de lèse-majesté républicaine se produit finalement dans un verre d’eau hexagonal.
L’immigration de peuples allogènes, étrangers à la majorité « de souche » (les qualificatifs varient selon le degré de nationalisme, de racisme, d’anti-sémitisme, « d’enracinement » selon le vocabulaire barrésien des années 1890-1940) devient la cause de ce sentiment de déclassement ou « remplacement » culturel, politique, religieux. Bref de cette « insécurité culturelle » dont on cherche les causes « hors sol » bien que l’on se réclame à tout bout de champ de son petit jardin « local ».
Dans son excellent petit livre, Le grand enfumage, Populisme et immigration dans sept pays européens (L’Aube, 2022), Hervé Le Bras montre, en étudiant de façon fine l’évolution électorale des partis xénophobes, populistes ou d’extrême-droite, que le vote le plus en leur faveur n’a pas lieu là où il y a le plus d’immigrés récemment arrivés ou installés de longue date, mais dans les endroits où les habitants se représentent la possibilité de l’arrivée d’étrangers. Ainsi Brachay, village de Haute-Marne qui a voté en 2017 à 90 % pour Marine Le Pen, ne compte pas un seul immigré sur ses 92 habitants. Cela rejoint les observations des sociologues de l’école de Chicago qui avaient observé que les quartiers les plus racistes n’étaient pas ceux qui comptaient le plus de Noirs, mais ceux où il n’y en avait pratiquement pas. Dans les endroits d’immigration étrangère intense en Europe on observe l’émergence d’une société multiculturelle urbaine bien plus tolérante qui invente des solutions d’intégration positive et ne se borne pas à nourrir des fantasmes sans fin.
Sur la base de cette percée dans des fiefs totalement exempts de migrations, les nouveaux populismes émergents s’étendent vers des régions touchées par la désindustrialisation, ou par le remplacement d’une main-d’oeuvre ouvrière disparue par des primo-migrants. Ensuite l’immigration devient le mistigri qui permet à ces populismes de changer de clientèle ou de se reconvertir en fonction de leur histoire interne (celle de leur leader, du terreau spécifique de leur implantation, de l’apparition du souverainiste anti-européen à la Brexit).
Il serait naïf d’imputer à la seule extrême-droite antisémite (soit religieuse, soit nationaliste, soit conservatrice) la transformation de l’immigration en cause de tous les maux. Nous avons déjà parlé du rôle de la gauche universaliste et républicaine ; le Printemps républicain est devenu très proche de la droite sur les questions de laïcité et d’intégration. Mais la gauche traditionnelle y a pris sa part. On se souvient de la détestable formule de Laurent Fabius : « Le Front National pose les bonnes questions mais y apporte de mauvaises réponses. » On se souvient moins des propos exécrables de Georges Marchais et de la gauche communiste et syndicale lors de la grève dans les foyers Sonacotra des immigrés à Vitry. Plus généralement, la thèse que les migrants alimentent l’armée industrielle de réserve et attisent la concurrence entre les travailleurs a laissé des traces dans la classe ouvrière, en particulier dans celle qui est passée d’un vote communiste à un vote Front National dans les années 1975-1995.
Quant à la thèse des « bonnes questions » posées par le Front ou Rassemblement National et par les Zemmouro-Asselineau-Philippot-Ciotti, il faut leur appliquer la thèse de l’effet miroir. « On croit parler des immigrés, mais en réalité, c’est de soi-même qu’on parle ». L’absence d’assimilation des immigrés, surtout s’ils sont de couleur ou de religion impie (entendons musulmane), reflète plusieurs vraies questions qui ne concernent qu’indirectement les migrants. Tout d’abord le pouvoir faiblement assimilateur du modèle français d’intégration, avec son anti-communautarisme primaire, méconnaît le rôle dans la socialisation d’un individu de la famille, du ou des groupes d’appartenance dans des ensembles politiques comme la nation, les fédérations. Deuxièmement lorsqu’un système scolaire s’avère déjà très médiocre dans la démocratisation de l’accès à l’éducation à un niveau élevé (post-baccalauréat) en raison de son élitisme républicain progressiste en 1880 mais largement dépassé en 2020, il s’avérera d’autant plus incapable d’intégrer des enfants d’ouvriers et des parties les plus faiblement qualifiées de la société que sont en général les migrants. Au lieu de s’occuper des prénoms des seconde et troisième générations, l’Éducation nationale et le système de formation continue pour les réfugiés en situation régulière comme irrégulière devraient faire attention à tout décrochage dû à des discriminations de couleur, de revenu, d’appartenance ethnique et religieuse. Il est dur pour la suffisance du coq gaulois qui plastronne dans son universalisme aveugle à la couleur, à la religion, au genre, de reconnaître le bien-fondé des politiques d’affirmative action. Mais les signaux de sur-délinquance des quartiers « chauds », comme le sont toujours ceux des classes « dangereuses », et les clignotants supplémentaires des parcours de radicalisation et de haine de la République et de la « France des mécréants » invitent à réfléchir vraiment à ce que sont des politiques d’intégration réelles au rebours des annonces d’assimilation fantasmatiques.
Plus généralement, concernant l’immigration et son économie générale dans l’espace politique, le confusionnisme absurde, si fort à la mode dans les Zemmour-Rallye et autres bruits de poulaillers électoraux, il faut rappeler ici quelques points à traiter vraiment pour sortir du gâchis et cesser de ressasser les mêmes obsessions.
1) Les migrations trans-frontières géographiques et politiques sont la règle, et plus encore depuis l’Anthropocène. Lors qu’elles ne tournent pas aux génocides, les tentatives toujours avortées de les bloquer sont des exceptions qui en général se paient cher à long terme. Il ne peut être question raisonnablement que de les aménager dans des conditions acceptables pour les migrants eux-mêmes et pour les pays d’accueil. Il existe donc écologiquement et humainement un droit planétaire à migrer (droit de départ libre), même si le droit de s’installer est systématiquement bridé par les États.
2) L’autonomie des migrations internationales, par rapport aux politiques de contrôle du fait migratoire international et intra-national par les États, doit être reconnue de façon beaucoup plus extensive que par le passé. L’autonomie du fait migratoire par rapport au contrôle des migrations par les politiques nationales l’est partiellement dans la déclaration des Droits de l’Homme de 1948, dans le statut des réfugiés, dans les accords d’Helsinki, dans la reconnaissance du droit au regroupement familial
garanti en Europe au moins par la Cour internationale de Strasbourg. Au passage, les mesures de limitation du regroupement familial, de renvoi au pays d’origine d’enfants de migrants, même condamnés, de migrants jouissant d’une double nationalité ne sont pas des options. Sauf à tirer un trait sur l’État de droit qui ne se résume pas, en démocratie, à la volonté du peuple exprimée par des élections ou des référendums.
3) Les migrants internationaux ne sont ni le produit mécanique de la misère noire (qui elle n’a pas même la force de partir), ni celui d’une expulsion de force. Le facteur pull (attrait) l’emporte sur le facteur push (expulsion). Une présentation misérabiliste de l’immigration n’est pas un service à rendre ni aux migrants eux-mêmes, ni à la société où ils arrivent qui a tendance déjà à les considérer avec autant de bienveillance que les hors-castes sont considérés en Inde. Les politiques caritatives des associations non-gouvernementales et/ou religieuses à l’égard des migrants sont importantes, compte tenu des manquements très fréquents des États, même de ceux qui se proclament démocratiques. Mais elles ne doivent pas conduire à transformer le migrant libre et citoyen du monde en pauvre et client, comme une nouvelle plèbe.
4) Les politiques de murs érigés à l’extérieur d’une entité politique donnée (territoire de l’État Nation, d’une confédération ou d’une fédération), comme à l’intérieur (système semi-esclavagiste des permis de travail et de séjour) ne sont pas optimales. C’est un euphémisme. Elles autorisent les abus « de fait », ces distorsions constantes entre les principes et la réalité des traitements.
5) Les tentatives de sous-traiter aux pays d’origine ou d’entrée, dans l’Union européenne, le contrôle des migrants sont une source de violations constantes des droits déjà formulés dans notre deuxième point. L’ignoble tentative du dictateur du Belarus de chantage à l’entrée de réfugiés de fait en Pologne, ou celle d’Erdogan en Turquie, en sont autant d’illustrations. Gageons que la construction du mur polonais, outre ses dégâts environnementaux irréparables, ne sera pas plus efficace.
6) On a pu soutenir dans les années 1970-2000 que les politiques d’encouragement du développement économique atténueraient la pression migratoire, en particulier autour de la Méditerranée. Lionel Stoléru, secrétaire à l’immigration de Giscard d’Estaing, s’était imprudemment aventuré sur ce terrain. Déjà à cette époque, on oubliait d’ajouter à cette affirmation une condition très importante : celle de la durée. Le développement économique tend à réduire et le facteur d’expulsion et le facteur d’attraction des candidats à la migration pour les pays développés. Mais à court et moyen terme, il libère une énorme quantité de main d’œuvre, en particulier dans les campagnes, une main d’œuvre qui, si elle en a la possibilité, choisit de partir pour l’étranger plutôt que pour les villes de son pays.
7) Il est évident qu’aujourd’hui, avec la croissance des problèmes liés au réchauffement climatique (montée du niveau des eaux dans des zones urbanisées ou de cultures intensives, assèchement des ressources en eau d’irrigation, conflits sur les usages de l’eau entre éleveurs nomades et sédentaires, guerres civiles comme en Birmanie), que la pression migratoire ne va pas diminuer. Raison de plus pour ne pas jouer la politique de l’autruche et pour ajouter au statut de réfugiés à la suite de persécutions politiques et de guerres civiles ou autres, celui de réfugié climatique.
8) Il n’en reste pas moins que le facteur d’attraction demeure dominant dans les migrations internationales. Si des milliers de migrants se pressent à Calais pour traverser la Manche, c’est parce qu’il est facile de trouver un travail de l’autre côté (ne parlons pas d’emploi protégé). Le blocage des migrants communautaires à la suite du Brexit va accentuer la substitution des résidents européens par des sans-papiers afghans, syriens, etc.
9) Les politiques d’intégration par l’éducation (l’apprentissage de la langue du pays d’accueil), la formation professionnelle, l’accès à des logements qui ne sont pas des ghettos, par la participation politique (accès aux droits de vote), sont aussi essentielles aujourd’hui à l’avenir des démocraties que l’intégration des classes ouvrières l’a été aux XIXe et XXe siècles.
Une triple conclusion s’impose
Le populisme européen affaiblit fortement la démocratie et la poursuite de la construction d’une Union européenne fédérale.
Les erreurs sur les migrations internationales affaiblissent la gauche, dans des démocraties où sont représentés les intérêts de tous les groupes par le mécanisme du droit de vote. La privation du droit de vote des immigrants, quand ils n’ont pas été naturalisés, introduit un biais considérable dans le mécanisme démocratique qu’ont bien exploité les populismes. Quel est le groupe sur lequel on peut taper sans craindre de perdre sa clientèle électorale ? Les migrants sans droits de vote. Ils deviennent les boucs émissaires commodes de ceux qui flattent le « peuple de souche ».
Enfin, la très médiocre compréhension par les administrations d’État des phénomènes migratoires les conduisent à des politiques illusoires, comme celles du contrôle (quantitatif) des frontières, ou du contrôle (qualitatif) des migrants qu’ils se font forts d’obtenir.
Quand la pression migratoire est aussi élevée (et cela se retrouve tout au long des XIXe et XXe siècles), croit-on raisonnablement que la vue intolérable dans l’absolu, pour ceux qui ont encore une once d’humanité, d’un enfant noyé sur la plage de Lesbos ait le moindre effet dissuasif ?
Tout comme les saloperies de la police qui confisque inlassablement les tentes, les canots, les affaires personnelles et bloque les points d’eau des candidats à franchir la Manche. Quand on vient de l’horreur syrienne, irakienne, afghane, des massacres du terrorisme religieux au Sahel, le comportement des préposés au refoulement ou confinement des migrants n’a aucun effet. Ces ignominies (pour nous) ont été froidement intégrées (par eux) dans un calcul de risque. Quand bien même, il y aurait 5 % de morts (ce qui est insupportable), le jeu continue d’en valoir la chandelle.
Et qu’on ne croie pas qu’il s’agisse d’une exception dans l’histoire. Sait-on quelles étaient les risques encourus par les armateurs entre le XVIe et le XVIIIe siècles dans le commerce (y compris celui ignoble de la Traite) : 10 % de naufrages des bateaux où le navire, la cargaison et les hommes étaient perdus « corps et biens ».
Alors ces familles, mères et très jeunes enfants, ces jeunes gens qui risquent la traversée de la Méditerranée, de l’Atlantique, de la Manche, craignent médiocrement les coups bas de nos garde-frontières et autres polices. Ils peuvent tout au plus les mépriser, eux comme leurs mandants. Ne prenons pas les migrants pour un troupeau apeuré. C’est ajouter l’insulte à l’outrage.
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