Tribune de la présidentielle 2007

Ne pas voter, et après ? Questions pour la décision collective

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Les bonnes raisons de ne pas voter, à une élection présidentielle comme à toutes les autres élections, nationales et locales, sont nombreuses et écrasantes. Pour la plupart, elles ont été exprimées avec les premières expériences historiques de suffrage universel. Quelles que soient les règles, fort variables, de son exercice, celui-ci reproduit dans la pratique l’ordre social institué en favorisant des représentants issus des classes dominantes et les autorités traditionnelles ou ascendantes.

Le pouvoir social étant distribué inéquitablement, les électeurs n’ont en outre pas la liberté de choix qu’on leur présuppose et ce d’autant plus lorsqu’ils subissent également l’influence considérable de la presse, des sondages politiques et des médias. Le vote au suffrage universel confie aussi pour plusieurs années à des individus au profil très particulier – des professionnels de la fonction politique, autrement dit des spécialistes de la conquête électorale plus que du « bon gouvernement » – le sort de toute une population et la définition des règles à vocation pourtant universelle auxquelles elle sera soumise, même provisoirement. Lorsqu’elle repose sur le scrutin majoritaire, la démocratie électorale écrase aussi la minorité de ceux qui n’ont pas voté pour les élus[1.
Elle réduit l’expression politique légitime du mécontentement à un seul type de comportement, relativement inoffensif, et conjure aussi bien l’insurrection que d’autres formes plus locales ou plus directes de conflictualité[2. L’égalité formelle entre citoyens que présuppose l’universalité du droit de vote occulte enfin deux types d’inégalités réelles, non plus devant l’accès au pouvoir politique, mais face à l’acte électoral lui-même[3 :
· la ségrégation sociale et culturelle entre ceux qui ont la capacité d’émettre une opinion et surtout de la traduire en vote et ceux pour qui faire des choix ou des distinctions à l’intérieur du monde politique reste soit une énigme, soit un coup de dés ;
· une élimination, hors de la participation à ce même jeu pourtant circonscrit de la politique représentative, d’une fraction de la population – comme c’est par exemple encore très souvent le cas pour les étrangers résidents qui participent par ailleurs, ne serait-ce qu’économiquement ou culturellement, à la vie collective.

À quiconque se rassurerait donc encore de voir dans le vote l’aboutissement de la « civilisation » démocratique (et souvent son départ, qu’une mythologie tenace situe imaginairement à Athènes), à quiconque se repaît du nombre de nations tyranniques pour lesquelles l’élection au suffrage universel aurait représenté ou représenterait la figure nécessaire de l’émancipation, à quiconque glose plus ou moins cyniquement sur la démocratie représentative comme le moins nuisible des régimes politiques possibles, ou bien de ceux ayant historiquement existés, il suffit donc de rappeler que les mécanismes du vote au suffrage universel, qu’ils soient d’ailleurs soumis à la règle majoritaire comme à la règle proportionnelle, n’ont en rien fait disparaître le cens qui, en France par exemple, les ont précédés. Ils en ont simplement modifié les critères tout en les dissimulant, redoublant de la sorte la domination censitaire classique, aristocratique ou bourgeoise, d’une illusion entretenue quant à la signification égalitaire de l’acte de voter. Dans la plupart des processus historiques, l’instauration de ce type d’élection n’est donc jamais rien d’autre, au fond, que l’instrument de légitimation d’une élite nouvelle lorsque les anciens mécanismes, plus brutaux ou plus directs, de reproduction sociale de l’ordre politique et de reproduction politique de l’ordre social sont entrés en crise.

Comment décider ?
Laissée à ce stade, une telle critique de la participation électorale risque cependant de rester toujours insuffisante. Le retrait ou la défection vis-à-vis du vote ne constituent pas, en effet, des gestes capables de redéfinir à eux seuls les contours et les divisions de la politique. Même majoritaire ou presque, aujourd’hui, dans de nombreux corps électoraux, l’abstention ne met pas en crise pratiquement les démocraties dites représentatives et leurs règles de fonctionnement. Plus fondamentalement peut-être, l’« involontarisme », tel qu’il est par exemple inspiré de la figure aujourd’hui réinterprétée politiquement du personnage de Bartleby, n’offre a priori, par sa seule force, aucun point de résistance au volontarisme tenace des entrepreneurs et professionnels de la politique[4. Contre l’autosatisfaction à ne pas voter, même adossée au point de vue dandy ou pessimiste, nihiliste ou catastrophiste, que voter ne change jamais rien, qu’aucune élection n’altèrera le cours programmé du monde et ne pourra défaire la gouvernementalité, la régulation, la gestion ou la « police » qui, suivant le lexique variable de plusieurs philosophies politiques critiques contemporaines, supplantent désormais la politique, les critiques consistantes du vote ont du proposer la conversion à d’autres types d’actions, jugés, elles, authentiquement politiques. Étant entendu que si vous ne vous occupez pas de la politique, la politique s’occupe de vous, la dénonciation de la nature profondément oligarchique de la forme démocratique représentative doit privilégier d’autres voies d’expression : émeute, grève, renversement violent, démocratie directe partielle ou intégrale ou, comme c’est maintenant à la mode, participative, etc.
Il n’y a là cependant que des mots d’ordre pieux si celles et ceux qui les adoptent croient, de cette simple manière, évacuer définitivement le problème que posent les illusions démocratiques du suffrage universel à toute forme d’action politique collective. D’une part, les critiques de l’acte électoral ne s’interrogent pas souvent sur les conditions sociales – le fait de disposer de temps, par exemple – d’une vie politique plus « vraie » ou plus intense, plus fidèle aux aspirations de toute la population. Ensuite, elles présupposent souvent un âge d’or perdu de la politique où celle-ci aurait été plus directe, moins symbolisée ou euphémisée, plus petite ou mieux localisée – à l’échelle des problèmes réels rencontrés dans la vie collective -, plus « totale » (« Tout est politique ! » mais, aussi bien plus rien, peut-être, ne saurait le devenir…). Elles feignent surtout d’ignorer que les conditions de mise en œuvre et surtout de succès des formes de la politique qu’elles entendent promouvoir reposent, tout autant que l’élection d’un chef d’Etat, sur des techniques de formation de la volonté générale pourtant plus ou moins connues de tous et objectivées comme telles. Parmi celles-ci, ni l’assemblée générale indépendante d’organisations prétendant avoir le monopole de la représentation d’un groupe social, ni le conseil de quartier institué par des élus ne sauraient par exemple garantir la mise en égalité des points de vue et des opinions individuelles exprimées qu’exige théoriquement l’idéal démocratique. Avec des effets différents, des mécanismes de ségrégation semblables à ceux qui ont été soulignés dans le cas du vote d’échelle nationale au suffrage universel direct se retrouvent en effet dans ces formes plus immédiates ou plus petites de l’action politique[5. Et même en l’absence de représentants visibles ou cachés venus des partis et des syndicats, il existe toujours quelques habitués ou « professionnels » de la parole qui exercent, même involontairement, une domination, ne serait-ce que tacite, sur ces collectifs. De deux choses l’une : soit ce type de spécialisation politique est acceptable et acceptée par tous ou la majorité, par volontarisme politique, foi dans la nécessité d’une avant-garde révolutionnaire, ou compte tenu, par exemple, des conditions contemporaines de vie qui laisseraient peu de loisirs, pour la plus grande partie de la population, à la discussion et l’action politiques ; soit il faut la dénoncer, comme l’a fait une grande partie de l’anarchisme, au nom d’une critique de la cristallisation de toute forme de pouvoir, a fortiori lorsque celui-ci est non institué et insu, ce qui ne saurait aller sans le renforcement de ses effets. Soviets, conseils ouvriers, assemblées générales, coordinations, référendums, budgets participatifs, observatoires citoyens, dispositions en faveur de l’initiative populaire, conseils de développement, conférences de consensus, etc. : aucun de ces dispositifs de formation de la volonté générale ne peuvent en tout cas représenter, de par sa seule essence et sans construction collective préalable de l’instrument, une alternative sérieuse aux illusions démocratiques. Il ne suffit donc pas de réduire la taille des collectifs appelés à voter, ni de supprimer ou de fluidifier, par procédures de rotation ou mandats impératifs et révocables, le problème de la délégation de pouvoir, de l’autonomisation du pouvoir des porte-parole, pour s’affranchir des contradictions entre les principes et les résultats du vote au suffrage universel.
Du point de vue d’une critique de ce dernier, l’opposition entre démocratie directe et démocratie représentative n’est donc peut-être pas la plus pertinente. L’engouement récent pour la démocratie participative ou dite de proximité devrait en fournir une preuve supplémentaire car elle ne représente en définitive que l’extension, vers les zones abstentionnistes ou indifférentes à la politique, de la soumission aux mécanismes et aux règles du marché politique[6. Cela signifie aussi que la différence de nature, et non pas seulement d’intensité, entre les positions révolutionnaires et réformistes (et, a fortiori, contre-révolutionnaires) ne dépend peut-être plus tant de l’acceptation de la légitimité de l’action directe (par exemple de la violence politique, qui divise le mouvement dit altermondialiste), ni de l’opposition au jeu de la démocratie dite représentative. Elle doit désormais partir du problème pratique des techniques de décision et de leurs effets sur la construction d’une volonté collective. La question de l’organisation, le débat entre spontanéisme et organisation, romantisme et rationalisme, ont, comme on sait, occupé une grande partie de la tradition révolutionnaire du XXè siècle, par exemple à travers l’opposition rigidifiée de l’anarchisme et du communisme et des tendances centralistes et libertaires qui se sont opposées lors du dernier mouvement historique anti-systémique d’envergure mondiale, dans la décennie suivant 1968. Le problème de la décision ou plutôt la lutte entre modes de production des décisions est un critère plus pertinent de la politique radicale à venir.

La boîte noire du vote
Entrons par conséquent plus avant dans certains des mécanismes généraux du vote, par-delà les différences entre les nombreuses technologies sociales qui, de la Grèce à aujourd’hui, ont consolidé des formes incommensurables (quoique incessamment comparées) de l’activité démocratique. Toute pratique de décision par vote repose, dans une assemblée comme devant l’urne, sur la fiction libérale de l’existence d’une opinion individuelle, d’une opinion en outre indépendante, toujours déjà formée et connaissable également par tous. Il n’y a au fond aucune différence entre cette fiction et celle qu’entretient depuis quelques siècles l’économie politique à propos de l’acte d’achat ou d’investissement. La scénographie électorale et son rituel font abstraction du réseau de relations sociales qui peuvent exister avant le vote entre les électeurs. De ce point de vue, la mise en place d’une procédure de tirage au sort des personnes appelées à voter ne changerait d’ailleurs rien, car elle ignore tout autant le poids différentiel de chaque votant et les relations qu’il entretient. De même, le tirage au sort des représentants, élus, délégués ou mandataires, ne garantit lui non plus aucune « démocratisation » si ceux-ci sont, eux-mêmes, conduits à leur tour à voter pour prendre des décisions[7. Pour que l’acte de vote exprime une volonté véritablement collective, il faut qu’il émane d’un groupe où les relations sont suffisamment régulières et intenses pour que chaque choix individuel puisse éventuellement être considéré aussi comme une partie du choix collectif[8.
De ce constat vient sans aucun doute, dans la tradition critique du vote au suffrage universel, la quête par essence indéfinie de l’unité sociale qui serait la plus naturelle, la plus homogène, la plus pure en somme, pour supporter la réduction opérée par les procédures de vote : canton, circonscription, corporation, ville ou quartier, usine ou profession, etc. Ainsi, par exemple, de Bakounine affirmant que la « base de toute l’organisation politique d’un pays doit être la commune absolument autonome, représentée toujours par la majorité des voix de tous les habitants, hommes et femmes majeurs. » En toute rigueur, mais aussi en toute ironie, il faudrait proposer de voter afin de savoir quelle est, parmi ces communautés possibles, la mieux formée pour que le vote n’y soit pas qu’un leurre arithmétique. L’histoire des mouvements sociaux américains des années 1950-1970 témoigne, au milieu de nombreux autres exemples historiques, des modèles implicites dominants de collectifs mobilisés en général derrière la critique radicale des démocraties représentatives : communautés amicales mais exclusives, communautés très hiérarchisées d’apprentis et de maîtres, communautés construites sur le modèle de la congrégation religieuse tournée vers une puissance extra-mondaine[9. Toutes ces communautés sont fondées sur une division ou une séparation originaires qui excluent qu’on puisse généraliser leur exemple éventuel afin de construire une démocratie égalitaire.
Hors d’une telle voie, substantialiste, de restauration du vote organique derrière le vote arithmétique, de la communauté idéale derrière la société malade, il existe, dans la philosophie et la théorie politiques contemporaines, plusieurs voies procédurales visant à corriger, voire à dépasser, les traits structurellement oligarchiques du vote dit démocratique au suffrage universel[10. Deux modes principaux de construction des décisions collectives semblent se partager aujourd’hui le débat sur la démocratie post ou néo-représentative, quelle que soit par ailleurs l’échelle envisagée de leur application. Le premier – probablement le plus promu – est centré sur la discussion et la délibération comme méthode d’établissement d’une opinion commune. Il recherche les conditions techniques et linguistiques de clôture d’un débat, avec cette hypothèse que chaque individu est aussi armé et indépendant devant le dialogue qu’il l’était devant le vote, et cette téléologie pour laquelle tout dialogue conduit nécessairement à un accord plutôt qu’à une polarisation des opinions. Le second mode de construction de la volonté générale passe au contraire par des opérations d’épaississement plutôt que de diminution : politique de l’excédent contre politique de la réduction. Il pose la représentation, la transformation par traduction d’une opinion émise, comme des faits indépassables sur lesquels les collectifs doivent s’appuyer et s’enrichir[11. Recherche d’une démultiplication des prises et des plans sur la réalité plutôt que d’un plus petit dénominateur commun, construction d’une relation par interprétations réciproques de la voix de chacun plutôt que postulat d’une indépendance de l’individu dans la discussion, défiance contre toute universalisation plutôt qu’identification du commun et de l’universel : derrière la question du vote ou de l’abstention, la lutte actuelle entre technologies de la décision collective met en scène l’universalisme des Lumières rénové et une nouvelle cosmopolitique des différences.

Le vote comme enquête collective
Ces mailles sont cependant grossières, ces oppositions faciles, pour permettre d’y voir réellement plus clair. D’autant que ce n’est pas nécessairement de clarification des enjeux qu’il s’agit avec cette affaire de décision sur les techniques de décision. Les deux options présentées ici partagent en effet l’hypothèse d’une transparence, effective ou désirable, à soi et aux autres, d’un accès libre, aisé, de chacun à sa propre opinion, celle-ci apparaissant sous le mode de l’évidence plutôt que comme le résultat incertain d’une investigation. Or cette transparence n’est jamais donnée, tant un voile épais couvre, derrière des affirmations pourtant contraires, les préférences et les dilections. Il reste en outre vain de croire trouver le secret de la démocratie dans l’élaboration de règles justes et parfaites, qu’il suffirait ensuite seulement d’adopter dans une communauté ou un collectif toujours déjà là. Au contraire, c’est d’ailleurs l’idée que les techniques de décision et de vote et les collectifs s’entre-déterminent, qu’aucun de ces ensembles ne précède logiquement ou chronologiquement l’autre, qui anime toutes les approches procédurales actuelles de la question démocratique. Pourquoi ne pas radicaliser cette hypothèse selon laquelle le processus de décision et l’exercice du vote peuvent devenir les terrains privilégiés d’un apprentissage individuel et de formation de collectifs ? Que se passerait-il si le problème de la décision et, par extension, du vote, était ainsi déplacé, s’il était pensé comme la recherche d’une vérité plutôt que comme l’expression d’un vœu[12 ? Comment faire pour que l’expression des opinions de chacun soit en fait conçue comme un exercice de construction d’hypothèses, pour que chacun affecte par exemple ses penchants d’un coefficient d’erreur ou de conformité à la vérité, autrement dit pour que le questionnement individuel sur ses propres choix soit intégré dans le processus de formation de la volonté générale ? Il serait idiot de vouloir trancher ici solitairement de telles questions. Il convenait juste d’introduire à la réflexivité qu’implique aujourd’hui en définitive le refus de l’acte électoral dans les démocraties représentatives. « Voter c’est abdiquer », résumait Elisée Reclus. Mais le vote rejeté, l’enquête commence ou continue. Collectivement.

Laurent Jeanpierre

[1 On trouve consignés une grande partie de ces arguments, tels qu’ils se sont exprimés dans la tradition anarchiste à la fin du XIXème siècle dans Caroline Granier, « Nous sommes des briseurs de formules ». Les écrivains anarchistes en France à la fin du dix-neuvième siècle, thèse de doctorat de l’Université Paris 8, 2003.
[2 Lorsque furent instituées en France, en avril 1848, les premières élections nationales au suffrage universel direct, « (…) le vote représentait un nouveau droit pour le peuple, mais limitait également sa participation à la politique à cette forme précise et relativement inoffensive. Il apportait de même un moyen de tempérer l’éternelle avant-garde parisienne, avec ses tendances à l’action directe, par un esprit provincial autrement respectueux des traditions et des lois. (…) Si l’insurrection est justifiée en l’absence d’élections libres et générales, comme l’affirmait alors l’opinion républicaine, inversement l’instauration du suffrage universel pouvait être comprise comme une antidote au changement révolutionnaire. Et (…) c’est bien l’idée qu’exprime ce slogan de l’époque : “Le suffrage universel met fin à l’ère des révolutions.” (…) Autrement dit, le problème du vote n’est pas tant que le résultat du scrutin soit truqué, vu la manière dont le pouvoir économique et politique est distribué dans la société, mais bien que le vote délégitimise des formes d’action politique plus directes, intenses et “expressives”, qui sont à la fois plus efficaces et plus satisfaisantes. » Dans Albert O. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 1983 (1982), pp. 192sq.
[3 Daniel Gaxie, Le cens caché, Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Le Seuil, 1977.
[4 David Rabouin, « Du Non-vouloir », Fresh Théorie II, Paris, Léo Scheer, 2006.
[5 Pour une vérification empirique, dans le cas historiquement paradigmatique de la Suisse, voir Hans-Peter Kriesi (dir.), Citoyenneté et démocratie directe : compétence, participation et décision des citoyens et citoyennes suisses, Zurich, Seismo, 1993.
[6 Ce en quoi elle doit être comparée aux pratiques de micro-crédit qui visent à faire entrer dans le circuit de l’économie formelle, c’est-à-dire marchande et monétaire, des populations pratiquant l’économie informelle. Sans surprise, démocratie participative et micro-crédit sont aujourd’hui les deux piliers réformateurs de la renaissance d’une nouvelle « nouvelle gauche ».
[7 Seul le tirage au sort entre plusieurs décisions possibles jugées acceptables auparavant, introduirait un nouveau principe, radicalement aléatoire, de formation de la volonté générale.
[8 C’est par exemple le point de vue de Durkheim. Cité dans Pierre Bourdieu, « Le mystère du ministère. Des volontés particulières à la “volonté générale” », Actes de la recherche en sciences sociales, 140, décembre 2001, p. 8.
[9 Francesca Polletta, Freedom is an Endless Meeting. Democracy in American Social Movements, Chicago, University of Chicago Press, 2002.
[10 Excluons d’emblée, parmi celles-ci les solutions presque exclusivement technologiques : voter en appuyant sur un bouton ou via internet ne change rien aux principes fallacieux sous-jacents de construction d’une volonté générale à partir de l’agrégation de volontés individuelles pourtant dépendantes les unes des autres et incommensurables.
[11 « La volonté générale ne s’exprime pas comme chez Rousseau par l’abstraction de tous les attachements dans une espèce d’isoloir. Le citoyen n’a pas à perdre sa volonté propre pour accéder à la volonté générale. Au contraire, il faut être extraordinairement attaché et expérimental pour produire quelque chose. » Dans Bruno Latour, Entretien avec François Ewald, Un monde pluriel mais commun, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2003, p. 59. Quel que soit l’intérêt spéculatif de cette remarque, notons simplement que la pensée de Rousseau est sans doute plus complexe et oppose en réalité, dans Le Contrat social, la « volonté de tous » qui est construite illusoirement à partir des intérêts particuliers et la « volonté générale » qui, selon René Scherer, « n’est pas une telle somme au sens d’accumulation d’opinions, mais une « somme des différences » ». Ce en quoi, elle ne diffère peut-être pas tant de l’utopie recherchée par Latour.
[12 « Il faut, disait Condorcet dans son Arithmétique politique, que les procédés d’une assemblée délibérante se rapprochent autant que possible de ceux que suit l’esprit d’un seul individu dans l’examen d’une question. » Cité dans Gilles-Gaston Granger, La mathématique sociale du marquis de Condorcet, Paris, Presses universitaires de France, 1956, p. 96.