88. Multitudes 88. Automne 2022
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Pour une pharmacodynamie des techniques

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Félix Guattari insiste souvent sur le fait que sa pensée de la « machine » ne se limite aucunement à une compréhension des « machines techniques » : le « machinique » ne se réduit pas au « technique ». Toutefois, la pensée « machinique » de Guattari nous permet-elle d’envisager une philosophie de la technique moderne en tant que telle ? Quel sens revêt, pour lui, la technologie et notre couplage à celle-ci ? Au premier abord, la technique contemporaine semble emprunter dans ses écrits une voie ambiguë, celle-ci apparaissant autant comme source d’aliénation que comme potentiel d’émancipation. Par exemple, dans Les trois écologies, les « transformations technico-scientifiques » de la fin du XXe siècle sont à la fois présentées comme une « menace », mais également comme un potentiel de « résolution » des problématiques écologiques1. De même, dans son entretien avec Toni Negri paru en 1990 dans la revue Futur antérieur, alors que ce dernier insiste sur les impasses et les dangers d’un « âge informatique planétaire », Guattari semble maintenir une ouverture de possibles propre à ces technologies2. C’est au niveau « machinique » des productions de subjectivités que cette ambiguïté doit être pensée, notamment dans la production de ce que Guattari nomme la « subjectivité capitalistique ». En lisant ensemble les textes de Guattari sur le « machinique » et ceux qu’il consacre à la question des « drogues », nous souhaitons éclairer le sens de cette « subjectivité capitalistique » et montrer combien la philosophie guattarienne engage une pensée pharmacodynamique de la technique, non pas centrée sur la question du soin, mais sur la mise en œuvre de pratiques risquées d’ajustements, de transactions et d’expérimentations existentielles.

Technique et machinique

Chez Guattari, le concept de « machine » ne sert absolument pas à penser le devenir des techniques, mais à requalifier la dynamique du désir3 : le désir ne doit pas être compris comme une énergie libidinale naturelle et pulsionnelle intérieure au sujet – une énergie en attente d’un ordre culturel pour se sublimer –, mais comme une force de connexion d’objets partiels construisant un agencement producteur à la fois de formes sociales et de modes de subjectivation. Pourquoi employer ce terme de « machine » pour qualifier une telle dynamique désirante ? Parce que Guattari défend une conception de la machine technique originale, pensée comme entité à la fois opératoire et ouverte au devenir4. Une machine ne se définit pas d’abord par sa structure matérielle, mais par sa dimension opératoire incarnant un certain régime. Aussi, une machine doit toujours être pensée en fonctionnement : c’est à ce moment que les différents éléments inertes qui la composent entrent dans des rapports énergétiques d’échange et de synergie produisant une opération ou un « schème dynamique » spécifique. Un moteur n’est pas un simple assemblage d’alliages et de polymères, il incarne une opération réglée de transformation d’une énergie thermique en énergie mécanique par la mise en résonance de ses différents composants.

Par ailleurs, cette opération est essentiellement « ouverte » vers l’extérieur, selon deux dimensions :

une ouverture « ontogénétique » qui connecte cette opération avec différents éléments extérieurs qui soutiennent et rendent possible ce fonctionnement (« des éléments de plan, de construction, des rapports sociaux qui soutiennent ces technologies, un capital de connaissance, des rapports économiques5 »). C’est notamment ce qui se passe dans les pratiques de maintenance, de réglage et de réparation des machines, qui supposent ces différents éléments pour maintenir le devenir du fonctionnement à l’échelle de la machine elle-même.

une ouverture « phylogénétique » qui désigne un devenir de ce schème à travers différentes générations de structures techniques : « Les machines technologiques sont prises dans un phylum où des machines les précèdent et d’autres leur succèdent6 ».

Pour résumer, une machine technique se définit comme un régime d’interrelations dynamiques produisant une opération – une opération qui fuit toujours en direction d’autres éléments (sociaux, économiques, mathématiques, etc.) et qui s’emporte dans un devenir. C’est donc selon ce schème machinique – issu d’une analyse des machines techniques – que Guattari requalifie la dynamique du désir. Le concept de « machine désirante » dans L’Anti-Œdipe désigne une telle compréhension du fonctionnement du désir : l’objet a est pensé non plus comme la visée désirante d’un sujet, mais comme participant de la construction d’un agencement machinique connectant cet objet à d’autres objets partiels pour ouvrir sur de nouveaux possibles.

Si le concept de « machine » sert avant tout à repenser le concept de « désir » par-delà la psychanalyse d’orientation freudienne, peut-on néanmoins apprendre quelque chose en propre au sujet des « machines techniques » à partir de la pensée de Guattari ? Si la technique semble n’être qu’un territoire d’emprunt, il faut toutefois se souvenir de ce que Deleuze et Guattari appellent « théorèmes de déterritorialisation » dans Mille Plateaux, et notamment, le cinquième de ces théorèmes : « la déterritorialisation est toujours double, parce qu’elle implique la coexistence d’une variable majeure et d’une variable mineure qui deviennent en même temps7 ». Dire que la déterritorialisation est « double », c’est dire qu’elle passe toujours dans les deux sens : si dans la philosophie du désir de Guattari, la « machine technique » se déterritorialise, ne fonctionnant plus suivant son propre code (technologique) pour contaminer la question du désir, cela implique nécessairement en retour que la question du « désir » se déterritorialise sur le champ technicien. Pour le dire autrement, si la machine technique déterritorialise la notion classique de « désir », il faut nécessairement penser que la logique désirante contamine à son tour la notion de machine technique, appelant en cela à une nouvelle philosophie de la technique.

Subjectivités capitalistiques

La notion de « subjectivité capitalistique » permet d’identifier cette contamination de la technique industrielle par la question du désir. Rappelons que Guattari donne une extension large à la notion de « subjectivité » : « La subjectivité est la matière première de l’espèce humaine, ce qui fait qu’il y a vie individuelle, vie collective, et vie tout court8 ». La subjectivité désigne donc non pas une substance qui qualifierait l’identité du sujet, mais un processus d’information modulant le sujet en fonction des agencements dans lesquels il se place. En ce sens, le système capitaliste et productiviste ne produit pas simplement des infrastructures matérielles et des biens de consommation, il met également en forme ce que Guattari appelle une « subjectivité dominante » qui nous travaille tous et toutes : « Ce qu’il faut voir, c’est que la subjectivité individuée est devenue l’objet d’une sorte de production industrielle9 ».

Pour comprendre la spécificité de cette « subjectivité dominante », que Guattari qualifie aussi de « subjectivité capitalistique », il faut l’analyser à partir de son économie désirante propre et dans son rapport au devenir : « La subjectivité capitalistique, telle qu’elle est modulée par des opérateurs de toute nature et de toutes tailles, se trouve manufacturée de façon à prémunir l’existence contre toute intrusion d’événements susceptibles de la déranger et de la troubler10 ». Comment cette subjectivité parvient-elle à se prémunir des singularités pouvant la « troubler » et, par là, la transformer ? Tout simplement en fonctionnant comme un « système de redondance » favorisant la répétition des choses établies (des normes, des ordres, des comportements, etc.) : le désir se consume dans une projection répétitive permettant d’abolir toute conscience du temps qui passe et des singularités qui traversent celui-ci. Il s’agit de (se) constituer un éternel présent.

Ce type de subjectivité trouve un développement très précis dans les écrits de Guattari, dans un champ, en apparence, tout à fait éloigné de la question du capitalisme et de l’industrie : ses écrits sur la « drogue » et sur la figure de l’usager de substances psychoactives dont la subjectivité se trouve décrite de manière sensiblement analogue. D’ailleurs, l’analogie entre la « subjectivité capitalistique » de l’ère mass-médiatique et les psychotropes est clairement soulignée : « En s’assurant du pouvoir sur le maximum de ritournelles existentielles pour les contrôler et les neutraliser, la subjectivité capitalistique se grise, s’anesthésie elle-même, dans un sentiment collectif de pseudo-éternité11 ».

Cette subjectivité implique donc un rapport ambivalent au temps : elle permet à la fois de se constituer un temps personnel tout en annihilant tout rapport à l’altérité permettant de produire une bifurcation possible de ce temps, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un devenir. En effet, d’un côté, l’acte répétitif inscrit le sujet dans une redondance lui permettant d’ancrer un sentiment d’existence :

Dans le rythme binaire de la musique rock [qui est toujours associé à la question de la « défonce » chez Guattari], ce sont des énoncés répétitifs qui opèrent pour nous redonner un rapport au temps, pour qu’on se sente exister quelque part, dans un lieu12.

Mais, d’un autre côté, cette répétition isole le sujet et le coupe de la présence du monde et de l’altérité qui le constitue, comme le suggère Guattari à propos de la « télévision » pensée comme forme de « drogue » :

« La télévision finit par fonctionner comme une drogue hypnotique, coupant le sujet de son environnement, contribuant à dissoudre des rapports familiaux et sociaux par ailleurs fort déjà distendus, diminuant le rôle de la lecture et de l’écriture au profit d’éléments culturels et informatifs d’autant plus superficiels qu’ils participent d’un phénomène qui a été caractérisé comme celui de la « mémoire courte13 ».

La télévision, en fait, se déploie dans un climat euphorique d’éternité14.

Cette subjectivité dominante se caractérise donc par des pratiques productrices de territoires existentiels, mais des territoires qui finissent par tourner en rond au point d’abolir toute ouverture vers une transformation possible. Cette subjectivité « compulsive » se caractérise ainsi par une mise en suspens du monde, une forme d’époché existentielle, qui n’a pas pour visée la connaissance du monde (comme chez Husserl), mais bien l’évasion vis-à-vis des conditions industrielles et problématiques de notre rapport à celui-ci. Pour saisir comment cette forme de subjectivité doit nous pousser à réinterroger notre rapport au monde – à commencer par notre système technique industriel médiatisant ce rapport – il faut étudier de plus près les éléments d’analyse proposés par Guattari au sujet des usagers de « drogues ».

La question de la « drogue »

L’originalité de la pensée de Guattari sur ce point consiste à faire de la subjectivité propre à l’usager de « drogues », non pas une subjectivité marginale ou anticonformiste, mais bien au contraire la forme même de la subjectivité dominante, notre « subjectivité normalisée15 ». Le rapport à la drogue constitue la base de notre subjectivité industrielle faisant de nous « des “normopathes” (selon l’expression de Jean Oury)16 ». Proposer une critique de cette subjectivité addictive capitalistique ne va donc pas consister, pour Guattari, à prôner un ascétisme existentiel ou une désintoxication angélique dégagés de toute ritournelle compulsive : il ne s’agit pas de nier ou de faire disparaître ni la drogue ni le ou la drogué·e en nous, mais bien au contraire de s’installer de manière problématique au sein même de cette économie désirante particulière.

Il faut d’ailleurs insister sur l’extension très grande que revêt la notion de « drogue » chez Guattari, qui ne se limite aucunement à certaines substances psychoactives, mais qui implique tout système de redondance par lequel un sujet transforme ses données subjectives pour à la fois se créer un territoire existentiel tout en se coupant de son milieu extérieur :

« Il faudrait partir d’une définition élargie de la drogue ; les défonces, pour moi, ce sont tous les mécanismes de production de subjectivité “machinique”, tout ce qui concourt à donner le sentiment d’appartenir à quelque chose, d’être quelque part ; et aussi le sentiment de s’oublier17 ».

La question de la « drogue » ne désigne donc pas simplement la consommation de psychotropes, mais une certaine manière d’être travaillé par la répétition. La « drogue » désigne chez Guattari à la fois une façon de se saisir soi-même et une façon de se couper d’un certain type de rapport au temps et à l’autre. Il déjoue, en ce sens, l’opposition artificielle (d’origine pénale) entre « drogues dures » et « drogues douces » :

« La distinction entre les drogues dures et les drogues douces est finalement assez artificielle. Elle paraît mal fondée sur un plan clinique. Il y a un usage dur des drogues douces et un usage doux des drogues dures18. »

La drogue est finalement moins une affaire de « substances » que d’organisation industrielle d’un désir qui « durcit » notre rapport aux choses. Le problème ne tient pas à des molécules ou des pratiques qui seraient en elles-mêmes « dures », mais à un durcissement de ces usages :

« C’est toute notre société qui est droguée, qui “durcit” ses drogues, qui les associe de plus en plus à un goût de catastrophe, à une pulsion de fin du monde. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire ! Il n’y a plus qu’à suivre le mouvement19 ! »

Comme en témoigne ce dernier extrait, ce durcissement n’est pas sans rapport avec l’impasse écologique dans laquelle nous vivons et le sentiment de catastrophe technoécologique qui habite notre époque. C’est d’ailleurs à partir de ce schème d’assuétude qu’il faut penser la transversalité de la question écologique dans Les trois écologies : assuétudes mentales dans nos obsessions et compulsions ; assuétudes sociales dans nos sociétés mass-médiatiques centrées sur l’actualité et la starification ; assuétudes environnementales dans nos dépendances énergétiques et extractivistes. Chacune de ces dimensions implique à la fois une force de production désirante au fondement de nos vies, mais également la production d’une coupure quant au devenir de nos systèmes mentaux, sociaux et environnementaux.

Une pharmacodynamie des techniques

Penser notre rapport à la technique doit finalement nous engager à regarder de plus près ce qui fait l’économie vitale de ces personnes ostracisées qui se définissent aujourd’hui comme « personnes utilisatrices de drogues (PUD)20 » : pour comprendre le ou la drogué·e en nous, nous devons examiner celles et ceux qui sont devenu·es expertes en ce domaine. Il ne s’agit plus de réduire ces personnes à des catégories juridico-cliniques comme « toxicomanes » ou « addicts », mais bien d’observer le mode pragmatique de subjectivation qui les constitue.

Les terrains ethnographiques s’intéressant aux PUD ainsi que les forums d’échanges mobilisés par ce type de collectif21 montrent notamment que ces personnes n’ont majoritairement rien à voir avec l’image tragique (véhiculée par les médias) du toxicomane marginal et désocialisé, du junky ne vivant que pour sa prochaine dose : les PUD sont plus généralement intégrées à la société par leurs activités professionnelles et associatives, ainsi que par leurs relations amicales et familiales. C’est notamment ce que montre l’étude de l’ethnologue Astrid Fontaine dans son ouvrage Double vie : les drogues et le travail (2006) qui suit le parcours de différentes PUD non marginalisées du fait de leur intégration professionnelle22. La pratique des drogues pour ces personnes ne se caractérise pas comme un pur abandon de soi dans une compulsion effrénée, mais comme un terrain de composition et de négociation permanentes entre l’usage des molécules et les autres élans de la vie : il s’agit d’évaluer en permanence les doses, les effets et les durées de ces expériences pour faire en sorte de les limiter, de favoriser la réduction des risques et de ménager un espace hors des drogues.

Comme en témoigne le forum français psychoactif.org, plateforme d’une richesse inépuisable sur l’usage des drogues dans une visée de réduction des risques, les PUD abordent leurs pratiques en termes pharmacodynamiques. La pharmacodynamie s’intéresse à l’action exercée par une substance active sur l’organisme : quels effets selon quels dosages ? Quelles interactions avec les autres pratiques de la journée (repas, sommeil) ? Quelles interactions avec l’organisme ? Selon quel métabolisme ? Quelles modifications des sensations (body load et body high) ? Quel potentiel de craving (impulsion à vouloir reprendre une nouvelle dose suite à la diminution des effets de la dose précédente) ? Quelles interactions avec d’autres substances ? Quels effets secondaires et selon quelles durées ? Etc.

C’est selon ce modèle qu’il faudrait penser le rapport à la technologie selon Guattari, initiant par là une pharmacodynamie des techniques. Cette pharmacodynamie ne peut se réduire à une simple « pharmacologie ». En 2009, le motif d’une « pharmacologie » des techniques est devenu un axe central de la philosophie de Bernard Stiegler23. Par « pharmacologie », Stiegler entend une analyse en termes de phamarkon – à la fois remède et poison – des organes techniques et des organisations qui les structurent. Une technologie, en tant que pharmakon, est productrice de nouveaux circuits de transindividuation (c’est-à-dire d’individuation psychosociale : comment un « je » s’individue toujours en individuant un « nous » par une pratique partagée) tout en détruisant des circuits de transindividuation plus anciens (à la manière dont l’écriture produit une nouvelle culture de l’écrit et de la mémoire, tout en détruisant les pratiques de mémorisation orale et une certaine incarnation des idées, suivant l’analyse de Platon reprise par Derrida24).

Cependant, chez Stiegler, cette « pharmacologie » de la technique débouche uniquement sur la question d’un « prendre soin » à la fois de nos puissances désirantes et de la puissance technique mettant en forme ce désir. Partant d’une acception freudienne du désir, ce « prendre soin » se réalise uniquement dans la visée d’une « sublimation » : il s’agit de défendre les usages technologiques engageant une forme de sublimation des « pulsions » pour produire une culture de l’« esprit », tout en dénonçant les usages qui entretiennent la seule dimension « pulsionnelle » de notre désir.

Une pharmacodynamie des techniques d’inspiration guattarienne se présente de manière différente. Tout d’abord, pour Guattari, il n’est pas possible de faire la différence entre pulsion et désir, « entre chaos pulsionnel (indifférencié) et ordre symbolique (différencié)25 », le désir étant une force constructive fonctionnant par rencontre (avec un objet extérieur) et agencement, cette construction permettant la production de possibles (qui peuvent être tout autant réactionnaires et pulsionnels qu’émancipateurs). C’est en ce sens qu’il faut penser la technique : à l’heure d’une dépendance mortifère aux flux énergétiques et informationnels qui structurent nos machines, comment envisager notre statut de « personne utilisatrice de technologie » ? Ce n’est que par une pharmacodynamie des techniques expérimentant leurs limites, leurs degrés de contamination physique et mentale, leurs métabolismes avec nos milieux de vie, les effets de leur utilisation et de leur non-utilisation, qu’une critique de notre milieu technique peut prendre forme, non plus dans une volonté première de « soin », mais d’expérimentation risquée à la manière de la vie quotidienne d’une PUD.

En effet, les pratiques de drogues chez les PUD sont « expérimentales » au sens où elles ne sont réglées par aucune connaissance transcendante et sont toujours soumises à la question du risque (effets non linéaires d’une modification de dosage, réaction inhabituelle de l’organisme, etc.). Le développement technique nous place aujourd’hui dans une telle situation expérimentale autant du côté des concepteurs que des usagers : le renouvellement accéléré des technologies rend difficile toute anticipation des effets mentaux, sociaux et environnementaux de nos usages techniques et des infrastructures qui les soutiennent. Nous baignons dans un inconscient expérimental sur lequel nous n’avons pas beaucoup de prise. S’engager vers une pharmacodynamie des techniques n’en appelle pas à une dénégation idéaliste des technologies contemporaines, mais au contraire à reconnaître nos usages expérimentaux et l’importance de s’impliquer dans une véritable politique de « réduction des risques » – terme au cœur de l’action des CAARUD (Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues) qui ne visent pas à éradiquer les drogues, mais à apprendre à vivre avec.

1F. Guattari, Les trois écologies, Galilée, Paris, 1989, p. 1,17.

2F. Guattari, « Au-delà du retour à zéro », dans Qu’est-ce que l’écosophie ?, Lignes, IMEC, Saint-Germain-la Blanche-Herbe, 2013, p. 289-301.

3C’est d’ailleurs le cas dès 1969 et l’article « Machine et structure » posant une critique de la pensée lacanienne du désir : F. Guattari, « Machine et structure », dans Psychanalyse et transversalité, La Découverte, Paris, 2003, p. 240-248.

4En ce sens, sa conception des machines techniques résonne très fortement avec la pensée des machines que déploie Gilbert Simondon dans Du mode d’existence ces objets techniques (1958), bien que Guattari ne fasse jamais mention de cet ouvrage.

5F. Guattari, « À propos des machines », op. cit., p. 113-114.

6Ibid., p. 114.

7G. Deleuze et F. Guattari, Mille plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 377.

8F. Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ?, Lignes, IMEC, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, 2013, p. 332.

9Ibid., p. 217.

10Ibid., p. 358-359.

11F. Guattari, Les trois écologies, op. cit., p. 45, nous soulignons.

12F. Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ?, op. cit., p. 458.

13Ibid., p. 432.

14Ibid., p. 446.

15F. Guattari, Les trois écologies, op. cit., p. 20.

16F. Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ?, op. cit., p. 133.

17F. Guattari, « Les défoncés machiniques », dans Les années d’hiver 1980-1985, Les Prairies ordinaires, Paris, 2009, p. 211.

18F. Guattari, « Les drogues signifiantes », dans La Révolution moléculaire, Paris, Les Prairies ordinaires, 2012, p. 344.

19Ibid., p. 346.

20Anon., « Nous sommes des Personnes Utilisatrices de Drogues (PUD) », Fanzine de Psychoactif, no 5, avril 2022, p. 20, disponible au lien suivant : https://www.psychoactif.org/blogs/Edito-Nous-sommes-des-Personnes-Utilisatrices-de-Drogues-PUD_6832_1.html.

21Notamment, en France, le forum psychoactif.org.

22A. Fontaine, Double vie : les drogues et le travail, Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 2006.

23Voir notamment B. Stiegler, Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Galilée, Paris, 2009 ; et B. Stiegler, Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. De la pharmacologie, Flammarion, Paris, 2010.

24J. Derrida, « La pharmacie de Platon » (1972), dans Platon, Phèdre, GF Flammarion, Paris, 2004.

25M. Lazzarato, « De quelques “malentendus” à propos du désir », La Deleuziana, no 6, 2017, p. 52.