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La réalité du revenu d’existence dans le Brésil post-Lula, par et

La réalité du revenu d’existence dans le Brésil post-Lula

Cet article vise à évaluer la portée des politiques sociales réellement existantes dans le Brésil de la période Lula, du point de vue du débat général sur le revenu d’existence. Soit deux questions : ces politiques sociales – notamment les transferts monétaires – ont-elles été pensées dans la perspective d’un revenu d’existence ? Le revenu d’existence pourrait-il fonctionner comme angle privilégié de réorganisation et d’intégration de ces politiques sociales ? L’histoire de Bolsa Família, instauré dans le Brésil de Lula, montre qu’il est d’origine néolibérale et que le véritable enjeu est d’appréhender les lignes de conflit qui séparent sa précaire existence empirique actuelle de sa constitution comme base d’une nouvelle démocratie.

The Realities of Basic Income Policies in Post-Lula Brazil

This paper evaluates the realities of the social policies set in place during under Lula govern-ments. It raises two questions about the implementation of the basic income scheme entitled Bolsa Familia : was is really devised as a form of basic income ? Could it provide leverage to a reorganization of social policies ? The study tends to show that Bolsa familia originated as a neoliberal reform and that the deeper stakes of its implementation raise the question of a depar-ture from its current form towards another conception of a new form of democracy.

La plèbe, la multitude et la rente, par

La plèbe, la multitude
et la rente
Le retour de la catégorie de plèbe, qu’on croyait liée à l’empire romain ou aux luttes populaires de l’époque de la Renaissance, tient à la difficulté de catégoriser en termes marxistes, liés à la production, des alliances transversales entre groupes émergents et exclus. La plèbe qui cherche à accaparer les surplus ressemble à la multitude décrite par Toni Negri et Michael Hardt comme surgissant dans les villes pour profiter de la rente urbaine. Ce que décrivent Corten et ses amis n’est-il pas la classe antagoniste du capitalisme cognitif en constitution ? L’image du devenir-plèbe de la multitude, et de la régression vers le capitalisme agro-industriel, programmée avec le Mondial de foot et les Jeux Olympiques, semble très écornée.

Plebeian Politics, Multitude and Rent
The return of the notion of “plebs”, which was mostly used to refer to the Roman Empire or to popular uprisings in the Renaissance, is probably due to the fact that it is very difficult to explain in Marxist terms (based on relations of production) the new transversal alliances between emergent and excluded social groups. In its effort to capture various forms of rent, the plebs is somewhat similar to Hardt and Negri’s multitude jumping out of the cities in order to capture the urban rent. What is described by Corten and his friends as the plebs may be the antagonist class to cognitive capitalism. The image of a becoming-plebs of the multitude, and of a regression towards agro-industrial capitalism, as programed by the World Football Tournament and the Olympic Games, deserves a debate.

Finance, instabilité et gouvernabilité des externalités, par

Après une mise en perspective historique du processus de financiarisation, l’article prête plus particulièrement attention au rôle de la finance dans le gouvernement des externalités, et cela à un double niveau. (1) Le premier a trait à la revanche des externalités négatives. La surexploitation de la planète résultant de deux siècles d’une croissance hyper-productiviste fait désormais peser sur l’économie mondiale une incertitude structurelle, qui pèse tant sur les prix des ressources non renouvelables que, plus fondamentalement, « sur le prix de l’avenir tout court ». Or c’est la finance qui, faute de mieux, va être « sollicitée pour donner un prix au futur ». Ce constat est d’autant plus fort que le développement des activités visant à solder les externalités négatives est destiné à jouer nécessairement un rôle majeur dans la dynamique du capitalisme. Après la convention boursière Internet et celle immobilière, il est ainsi fort probable que la prochaine convention boursière porte sur les énérgies alternatives et les activités liées à la réparation des dégâts de la croissance. (2) Le deuxième niveau concerne le rôle croissant des externalités positives liées au processus de production et de circulation des connaissances. Plus précisément, la révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC) et la montée de l’immatériel se traduisent par deux effets convergents et éminemment contradictoires, auxquelles la finance apporte une réponse. D’une part, les TIC permettent la numérisation et la codification de tout ce qui est répétitif dans l’activité mentale en dépréciant la valeur marchande de l’information. Or, et nous avons là une première contradiction, ces connaissances codifiées et numérisées (dites de niveau 1) présentent un problème majeur d’appropriation privative. Leur coût de production initial est certain. En revanche, leurs coûts marginaux sont très faibles ou nuls, ce qui rend de plus en plus difficile l’exécution des droits de propriété intellectuelle. D’autre part, ce même processus d’automatisation des activités mentales répétitives et de codification de la connaissance déplace le cœur de l’activité créatrice de valeur vers les connaissances tacites, difficilement codifiables : les connaissances dites de type 2, constituées par le triptyque créativité/intelligence/innovation. C’est le modèle paradigmatique du travail immatériel reposant « sur la coopération entre cerveaux travaillant sur ordinateur et reliés par le réseau (Internet)… » Or l’assujettissement de cette forme de la coopération productive en réseau ne peut être qu’indirecte et formelle. Dans ce cadre, la finance est alors destinée à remplir toujours davantage deux fonctions structurelles. Elle seule permet de subsumer le travail immatériel, tout en actualisant l’évaluation à la juste valeur (fair value) des actifs immatériels, dans un contexte d’incertitude structurelle où la « valeur des biens connaissances oscille de rien à des valeurs incommensurables et à des prix de monopole qui sont des prix politiques ».

After putting the process of the financialization of capital into historical perspective, this essay focuses attention on the role of finance capital in the governance of externalities on two levels : (1) the first has to do with the revenge of negative externalities. The overexploitation of the planet resulting from two centuries of super-productivist growth has henceforth introduced a structural uncertainty into the global economy that weighs as much upon the price of non-renewable resources as, more fundamentally, the « price of the future as a whole ». For better or for worse, it is now finance capital that is going to be « asked to put a price on the future ». This state of affairs is all the more marked given that the development of activities designed to counter negative externalities is necessarily destined to play a major role in the dynamic of capitalism. Following the stock exchange protocols realized around dot.coms and then housing, it is extremely likely that the next stock exchange protocol will be directed at alternative energy sources and activities related to growth-related damage control. (2) The second level concerns the growing role of positive externalities linked to the process of production and the circulation of knowledge. More precisely, the revolution in information and communication technologies (ICT) and the rise of the immaterial translate into two convergent and eminently contradictory effects, to which finance capital brings a particular response. On the one hand, ICTs allow for the digitalization and codification of all that is repetitive in mental activity by depreciating the market value of information. However – and this is where we find our first contradiction – these codified and (re-) digitalized knowledges present a major problem to private appropriation. Although the cost of their initial production is definite, their marginal costs are by contrast very slight or even non-existent – a fact that makes the execution of intellectual property rights that much more difficult. On the other hand, this same automation of repetitive mental activities and the concomitant codification of knowledge displaces the heart of value-creative activity towards implicit knowledge that is codifiable only with difficulty : this is knowledge of the so-called second type, constituted by the triptych of creativity/intelligence/innovation. This is the paradigmatic model of immaterial labor that relies « upon the cooperation between minds working on computer and connected by the net (internet) ». The subjection of this form of productive network cooperation can only be indirect and formal. Within this framework, finance capital is thus forever destined to fulfill two structural functions. Only finance capital is capable of allowing the subsumption of immaterial labor while realizing the evaluation at fair value of immaterial assets, in a context of structural uncertainty where the « value of knowledge goods oscillates between nothing and incommensurable values and the price of monopoly, which is ultimately political ».

Multitudes