Tous les articles par Cocco Giuseppe

Les soulèvements démocratiques qui nous manquent, par

Les soulèvements démocratiques qui nous manquent
À partir de la polémique entre Enzo Traverso et Georges Didi-Huberman autour des notions de révolution et de soulèvement, cet article propose une réflexion sur les dimensions constituées et constituantes de la démocratie. La controverse initiale entre ces deux auteurs se développe à partir des travaux de Antonio Negri, d’une part, sur le souffle d’une joie créatrice et, d’autre part, sur la notion de pouvoir constituant. Ce débat théorique est ensuite confronté avec les expériences concrètes des moments constituants qui ont caractérisé certains gouvernements dits progressistes en Amérique Latine (notamment le Venezuela) et avec l’émergence subversive du fascisme au Capitole américain et à Brasília. L’article propose enfin comme sortie des impasses les dynamiques instituantes et le retour de Carlo Ginzburg sur les rapports entre histoire et changements.

The Democratic Uprisings We’re Missing
Based on the controversy between Enzo Traverso and Georges Didi-Huberman over the notions of revolution and uprising, this article reflects on the constitutive dimensions of democracy. The initial controversy between these two authors developed from Antonio Negri’s work, on the one hand, on the creative breath of a creative joy and, on the other, on the notion of constituent power. This theoretical debate is then confronted with the concrete experiences of constituent moments that have characterized certain so-called progressive governments in Latin America (notably Venezuela) and the subversive emergence of fascism on Capitol Hill and in Brasília. The article concludes by proposing a way out of the impasse: instituting dynamics and Carlo Ginzburg’s return to the relationship between history and change.

Empire et la gauche brésilienne, par

Cannibaliser le décolonial ?, par

Cannibaliser le décolonial ?
Certaines critiques décoloniales des concepts d’hybridation, de pensée-frontière et de métissage mènent parfois sur le terrain des surenchères identitaires. Certaines analyses affirment que le capitalisme néolibéral ferait son miel des concepts contestataires d’anthropophagie politique qui ont animé la pensée décoloniale brésilienne, d’Oswald de Andrade à Suely Rolnik. Mais, dit Giuseppe Cocco, « le capitalisme contemporain n’est pas anthropophage, il est parasitaire » : s’il aime le métissage, ce n’est pas pour l’assimilation de l’autre, mais pour son extraction sans partage ; il n’est pas une anthropophagie (manger l’autre, et se laisser changer par lui), mais une anthropoémie (le vomir). Ce pourquoi il reste d’actualité de cannibaliser le décolonial.

Cannibalizing the Decolonial ?
Some decolonial critiques of the concepts of hybridization, of border thinking, and of mestizaje sometimes lead to identity-based escalations. These analyses claim that neoliberal capitalism is making its honey with the riotous concept of “political anthropophagy” that animate Brazilian decolonial thinking, from Andrade to Rolnik. But, says Giuseppe Cocco, “contemporary capitalism is not anthropophagic, it is parasitic” : if it loves difference, crossbreeding, it is not for the assimilation of the other, but for its extraction without sharing. It is not an anthropophagy (eating the others, and letting oneself be changed by them), but an anthropoemia (vomiting them), and that is why it is still urgent to cannibalize the decolonial.

Généalogie du gouvernement Bolsonaro
Les deux hélicoptères de la guerre brésilienne, par

Généalogie du gouvernement Bolsonaro
Les deux hélicoptères de la guerre brésilienne
L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil a eu lieu dans l’affirmation d’un nouveau warfare : une guerre diffuse où la distinction entre l’ami et l’ennemi devient floue. C’est un double dispositif qui s’est mis en place. D’une part, le retour aux affaires de l’armée brésilienne dans le cadre des missions de paix menées pendant les gouvernements de la gauche, en Haïti et dans les favelas de Rio de Janeiro. D’autre part, la polarisation par Lula et la gauche a préparé la mobilisation d’une nouvelle extrême droite. Avec la crise du Covid, grâce à la mise en place d’un revenu de base, le « lulismo » se transmute en « bolsonarismo ».

Genealogy of the Bolsonaro Government
The Two Helicopters of the Brazilian War
Jair Bolsonaro’s arrival to power in Brazil has taken place in the affirmation of a new warfare : a diffuse war in which the distinction between friend and enemy becomes blurred. A double mechanism has been put in place. On the one hand, the Brazilian army’s return to business as part of the peace missions carried out during the leftist governments, in Haiti and in the favelas of Rio de Janeiro. On the other hand, the polarisation by Lula and the left prepared the mobilisation of a new extreme right. With the Covid crisis, thanks to the establishment of a basic income, “lulismo” was transmuted into “bolsonarismo”.

Le travail des lignes, par et

Le travail des lignes
Cet article est à la fois l’aboutissement de quelques lignes de réflexion sur la mondialisation et l’ébauche encore précaire d’un projet plus ambitieux de recherche sur le travail des lignes. La question centrale est celle du travail des lignes. Dans une première partie on discute les lignes mobilisées par Carl Schmitt pour saisir le nomos de la terre. À partir des lignes du souverain, on déplace l’attention sur les lignes non étatiques dessinées par la liberté des mers et la liberté des commerces maritimes. Cela nous amène aux lignes mouvantes de déterritorialisation et de reterritorialisation pour appréhender le nomos obscur qui perce toute sorte de murs, un désert qui se propage à l’intérieur du nomos dominant. Pour terminer, on revient sur les dynamiques de la globalisation pour mettre en son centre non plus les océans d’eaux, mais le novissimo nomos de la terre déterritorialisée qui gouverne les océans d’argent. Les lignes de ce novissimo nomos se dessinent entre l’émergence incontournable de la Chine et le rythme des algorithmes.

The labour of lines
This article is both the culmination of some lines of reflection on globalization and the still precarious draft of a more ambitious project of research on the labour of the lines. The central question is that of the labour of the lines. In a first part we discuss the lines mobilized by Carl Schmitt to seize the nomos of the earth. From the lines of the sovereign, attention is shifted to the non-state lines drawn by the freedom of the seas and the freedom of the maritime trades. This brings us to the moving lines of deterritorialization and reterritorialization to apprehend the obscure nomos that pierces all kinds of walls, a desert that spreads within the dominant nomos. Finally, we return to the dynamics of globalization to put in its center no longer the oceans of waters but the novissimo nomos of the deterritorialized land which governs the oceans of money. The lines of this novissimo nomos are drawn between the inevitable emergence of China and the rythm of the algorithms.

La réalité du revenu d’existence dans le Brésil post-Lula, par et

Anthropophagies, racisme et actions affirmatives, par

L’anticipation du Manifeste anthropophage (1950) d’Oswald de Andrade a consisté à saisir la dynamique brésilienne, à cheval entre l’héritage de la colonisation européenne et sa projection dans l’avenir. Oswald a vu dans le Brésil qui entrait dans la modernité un « pays du futur », non pas du point de vue de la dynamique de construction d’une trajectoire nationale de développement, mais dans la perspective du développement du rapport brésilien (indigène) à l’altérité coloniale. La révolution anthropophagique, au fur et à mesure qu’elle projetait les Indiens dans le monde, se fondait sur une théorie de la multiplicité et non de la « diversité ». L’anti-colonialisme n’était pas un nationalisme et moins encore un isolationnisme, mais une machine de guerre pour prendre à l’Europe des riches « ce qui nous intéressait ».

Oswald de Andrade’s « Cannnibal Manifesto » (1950) was anticipative in its apprehension of the Brazilian dynamic as it emerged from its European colonial heritage projecting itself towards the future. As Brasil entered modernity, what Oswald observed was « a country of the future », not from the perspective of the dynamic of a construction of a national trajectory of development, but from the perspective of the development of the indigenous Brazilian relation to colonial alterity. The anthropophagic revolution, as it projected the Indians into the world, rested on a theory of multiplicity and not of « diversity ». Anti-colonialism was not a form of nationalism, but a war machine which served to take what we wanted in the rich Europe.

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