LEMONDE.FR | 06.07.06 | Le débat sur la loi DADVSI a défrayé la chronique depuis plus de 6 mois, mais en dépit du lobby de l’industrie culturelle , la victoire des prohibitionnistes n’est pas totale ; s’en prendre aux pratiques culturelles des jeunes et à la majorité des internautes n’est pas si facile . Attendons la jurisprudence des juridictions pénales devant lesquelles devraient être théoriquement trainés les internautes fautifs.
Ce que montre l’article si dessous c’est que l’usage d’Internet n’est pas enfermé dans des barriéres nationales. De maniére légale ou clandestine la resistance s’organise à l’échelle de l’Europe , comme si la culture du numérique était réellement partie prenante de celle des Multitudes.
Emmanuel Videcoq pour la rédaction de Multitudes Web Lors que les nouvelles dispositions concernant la loi DADVSI entrent progressivement en vigueur, la résistance légale s’organise en France et à l’étranger : en Suède, une société d’assurances propose de couvrir les éventuelles amendes liées au téléchargement, et en France, c’est un parti lobbyiste “pirate” qui vient de voir le jour.
De nouvelles exceptions dans la loi DADVSI (droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) – notamment liées aux handicapés, aux bibliothèques, aux archives, à la presse, l’enseignement et la recherche – ont été insérées dans le dernier texte de loi. Par ailleurs, le droit à la copie privée est maintenu, sans précisions quant au nombre autorisé de ces copies. Les sanctions encourues seront graduelles suivant la faute : de 38 euros pour un simple téléchargement à 150 euros pour la mise à disposition de fichiers téléchargés illégalement. Les détenteurs, utilisateurs et fournisseurs de logiciels ou systèmes de contournement de droits numériques pourront être sanctionnés de 750 à 30 000 euros d’amende, hors logiciels d’échanges collaboratifs et de fichiers non soumis à rémunération de droits d’auteur.
TU PIRATES ? JE T’ASSURE !
On l’a vu lors des débats houleux à l’Assemblée nationale, mais également sur le Web ou dans la rue, cette loi et ses nouvelles contraintes ne laissent aucun internaute indifférent. En Suède, pays plutôt en avance dans le domaine des échanges (légaux ou pas) sur Internet, on surfe sur la vague de la contestation. Magnus Braath, un Suédois de 29 ans, se chargera au travers de la société Tankafritt, contre 140 couronnes suédoises par an (environ 15 euros), de payer l’éventuelle amende contractée en cas de téléchargement illégal. L’expérience n’est pas nouvelle, puisque déjà en 2004, aux Etats-Unis, la création d’un fonds spécial P2PFund était envisagée. En France, une telle pratique est hors la loi, puisqu’il est interdit de couvrir ou d’assurer une amende, qu’elle soit administrative ou pénale. Même si cette initiative a peu de chances de perdurer, elle ouvre tout de même le débat sur la viabilité d’un tel modèle économique, et sur la pertinence d’une loi uniquement répressive.
PARTI PRIS DE RÉSISTANCE LÉGALE
Par contre, rien n’interdit en France de créer un parti politique. C’est l’option qu’ont choisie une petite dizaine d’internautes “actifs engagés dans leur vie personnelle et professionnelle pour le libre accès à la culture”, et qui se sont rencontrés au hasard des forums et des chats sur le sujet : “HPK”, pseudonyme du fondateur, a donc décidé d’ouvrir le 21 juin dernier le Parti pirate français (PPF). Pour l’instant, ils avancent masqués, attendant un nombre suffisant de sympathisants pour se découvrir. Selon le communiqué de presse, ce parti, créé non pas pour “jouer un coup médiatique”, mais dans une “démarche responsable et républicaine”, appelle les Français à “la résistance numérique”. Le site connaît un certain succès depuis son ouverture, mais surtout depuis la diffusion en début de semaine dernière par LCI d’une bande audio du fondateur du mouvement. Comptant quelques dizaines d’inscrits fin juin, le parti enregistre aujourd’hui près de 2 200 adhésions comptabilisées sur le site officiel.
RÉSISTANCE NUMÉRIQUE INTERNATIONALE
Cette “internationale contestataire” – puisque l’on compte également des entités en Belgique, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie et en Suède (Le Monde du 6 juillet) – prône en France une philosophie en six principes “non négociables” : libre circulation des informations sur Internet, abolition du droit d’auteur, droit complet à l’anonymat sur Internet, droit au partage libre et sans contraintes de toutes les œuvres numériques, suppression de la taxe sur les supports vierges, et gratuité d’accès à la Toile. Le but visé par la branche française est de devenir un acteur prépondérant lors des élections de 2007, notamment en interpellant par blogs interposés les députés ayant voté la loi.
Pro et anti-DADVSI débattent de plus belle depuis l’apparition du parti pirate : “Bizarre, ce parti extrême qui risque de faire plus de mal aux anti-DADVSI que du bien”, “pourquoi cette clandestinité affichée ?” ou encore “il faut revendiquer beaucoup pour avoir un peu”, lit-on ça et là sur le Réseau. D’autant que certains des principes édictés ont déjà des réponses partielles : en matière de droit d’auteur, par exemple, la licence Creative Commons répond en partie au problème soulevé. Mais qu’en sera-t-il d’autres points délicats tels la gratuité ou l’anonymat ?
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