74. Multitudes 74. Printemps 2019
Majeure 74. Pour l’Europe

Le revenu de base. Vers une Europe plus sociale

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L’Union Européenne (UE) traverse une période difficile, tant sur le plan économique, politique, écologique que social. La montée des inégalités et de l’extrême pauvreté impacte à présent non seulement des personnes en marge de l’emploi mais aussi les travailleurs·ses précaires. Ces dernier·es se trouvent être de plus en plus nombreux·ses et constitué·es majoritairement de mères célibataires.

D’après le rapport du Conseil de l’Europe Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend datant de janvier 2018, la pauvreté et l’exclusion sociale menacent environ 120 millions d’Européen·ne·s, parmi lesquel·le·s 25 millions d’enfants. À l’échelle de l’Union européenne, un quart de la population est exposé au risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Environ 50 millions de personnes vivent actuellement dans des foyers au sein desquels aucun membre n’a d’emploi et plus de quatre millions de personnes sont sans-abri.

Ce rapport a fait en outre le constat suivant : « Les personnes âgées et les jeunes sont relativement plus touchés que le reste de la population. La dignité et l’autonomie de ces millions de personnes sont si durement touchées, que c’est la société européenne dans son ensemble qui risque d’être ébranlée. »

Cette situation a déclenché une série de mobilisations à travers l’Europe, allant des Indignados en Espagne aux revendications ayant abouti au vote du Brexit, en passant par les Gilets jaunes aujourd’hui, qui incarnent l’illustration la plus marquante d’une révolte populaire face aux injustices sociales. Ces mouvements demandent l’application de politiques fiscales plus égalitaires et une véritable démocratie directe, à travers notamment la mise en place d’un système de Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC). Les mouvements sociaux et mobilisations citoyennes ayant émergé ces dernières années ne permettent toutefois pas de les placer automatiquement sur un échiquier politique clair, comme en témoignent les difficultés de définir un profil type des Gilets jaunes. Le seul élément convergent semble être la volonté de changement du système qui les gouverne, sans avoir pour autant une vision claire de la direction vers laquelle ce changement devrait tendre. Nous nous trouvons par conséquent à la croisée des chemins, vers une opportunité d’ouverture démocratique et de changements concrets vers plus de justice sociale, mais également face à un risque réel de progression des nationalismes qui connaissent une popularité croissante au sein de l’UE.

À l’heure où la méfiance envers les représentant·e·s politiques ne cesse de croître, les alternatives politiques représentent un espoir pour beaucoup de personnes, une issue possible à la crise actuelle. Parmi ces alternatives, le revenu de base se présente comme une proposition concrète vers l’application de politiques économiques et sociales plus égalitaires. C’est certainement la raison pour laquelle le sujet a connu un intérêt croissant au cours des cinq dernières années.

Émergence du revenu de base en Europe

Si l’idée d’un revenu de base est relativement ancienne, ses origines étant la plupart du temps attribuées à Thomas More dans son ouvrage Utopia datant du XVIe siècle, celle-ci a émergé véritablement en Europe à partir des années 1970 sur la scène politique, universitaire, puis sur un plan militant.

En 1977, le parti politique écologiste hollandais « Démocratie 66 » soutient pour la première fois le revenu de base dans une proposition de loi déposée au Parlement. Sur le plan académique, le philosophe belge Philippe Van Parijs crée en 1984 le Collectif Charles Fourier, composé de chercheur·euses et de syndicalistes, puis contribue à la création, deux ans plus tard, du BIEN, initialement européen, (Basic Income European Network, Réseau Européen pour un Revenu de Base) qui devient mondial en 2004 (Basic Income Earth Network, Réseau Mondial pour un Revenu de Base).

Politiquement, les écologistes et les partis de la gauche libérale ont été les premiers à soutenir l’idée, suivis par les mouvements dits démocrates de gauche puis dans une certaine mesure par la gauche sociale démocrate traditionnelle. À présent, cette idée connaît un intérêt croissant parmi des responsables politiques émanant du centre-droit, comme c’est le cas du gouvernement finlandais, à l’initiative de la première expérimentation de revenu de base en Europe. Toutefois, les propositions soutenues par les différentes fractions politiques sont éminemment différentes et s’intègrent dans des projets de société parfois complètement opposés.

Nous nous baserons donc ici sur les propositions de revenu de base conformes à la charte du Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB), prônant l’instauration d’un revenu universel, octroyé de façon inconditionnelle à l’ensemble des individus d’une communauté politique, de la naissance à la mort et sans exigence de contrepartie. Ce revenu de base devra en outre renforcer le système de protection sociale actuel et non pas chercher à le déconstruire. Il doit constituer un outil efficace de lutte contre la pauvreté et les inégalités, mais également favoriser l’émancipation individuelle par une plus grande liberté de choix, notamment professionnels.

Les initiatives citoyennes, au cœur de l’émergence du revenu de base

Jusqu’à la fin des années 2000, le revenu de base est traité essentiellement sur le plan académique, dans les domaines de la politique, de la sociologie et de la philosophie.

En 2013 émerge une série de mouvements citoyens à travers l’Europe, impulsés notamment par une Initiative Citoyenne Européenne, demandant à la Commission européenne d’ouvrir le débat sur la question du revenu de base et de promouvoir des expérimentations au sein des États membres de l’UE.

Sur le million de signatures nécessaires pour que l’initiative aboutisse, près de 300 000 sont récoltées dans 28 pays différents1. Mais si le résultat est en dessous du pré-requis de la Commission européenne, l’initiative a le mérite de déclencher une véritable dynamique citoyenne par la création d’une multiplicité de mouvements citoyens formalisés à cette occasion, tels que le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) ou encore le réseau européen Unconditional Basic Income Europe (UBIE).

À la même époque, une initiative citoyenne obtient le nombre de signatures nécessaires pour obtenir l’organisation d’un référendum national sur la question en Suisse. Ce référendum est organisé en juin 2016 et révèle que 23 % des votant·e·s sont favorables à l’instauration d’un revenu de base dans le pays.

Si les résultats ont pu sembler décevants pour les partisans du revenu de base en Suisse, il est toutefois intéressant de constater qu’à présent, plusieurs villes du pays se penchent sur les possibilités d’expérimenter un revenu de base à l’échelle municipale, comme c’est le cas des villes de Zürich ou de Lausanne, qui ont porté la question au débat au sein de leurs conseils municipaux respectifs. Des villes qui par ailleurs ont connu des résultats beaucoup plus positifs en termes d’acceptation de l’idée au moment du référendum.

L’idée d’une expérimentation à l’échelle d’une ville semble par ailleurs connaître un succès croissant en Europe, comme l’explique Sergio Rossi, professeur à l’université de Fribourg : « Au niveau local, les gens se connaissent entre eux, et il y a aussi un mécanisme de pression sociale pour éviter de profiter sans rien rendre à la société. […] L’échelle locale offre des solutions à géométrie variable. Les décisions décentralisées sont aussi celles qu’on arrive le mieux à contrôler, et qui répondent au mieux aux besoins de la collectivité locale. » Ce type d’expérimentation, dite « sur site de saturation », menée sur un territoire bien déterminé, semble être aujourd’hui le modèle à suivre en Europe, puisque plusieurs villes préparent des projets similaires, comme la ville de Liverpool2 en Angleterre, Barcelone3 en Espagne ou encore la ville de Grande-Synthe4 en France.

Focus sur le projet B-MINCOME mené à Barcelone

Fruit d’une initiative de la Mairie de Barcelone, le B-Mincome est un projet pilote d’une durée de deux ans qui combine les politiques passives de revenu minimum avec les politiques actives de formation, occupation et participation communautaire. Le nom du projet fait directement référence au projet « Mincome » d’expérimentation de revenu de base mené dans les villes canadiennes de Winnipeg et Dauphin de 1974 à 1979.

Le projet B-Mincome a été monté essentiellement par le département municipal de droits sociaux et s’appuie sur un financement de l’Union européenne obtenu dans le cadre du programme Urban Innovative Actions lancé par le Fonds européen de développement régional (FEDER).

La crise économique, aggravée par l’explosion de la bulle immobilière espagnole a particulièrement touché la ville de Barcelone. Et c’est notamment via un creusement accéléré des inégalités que les effets s’en font le plus ressentir. Depuis le début de la crise, les revenus réels des 10 % de la population la plus pauvre ont diminué de 27 %, alors même que les revenus des 10 % les plus riches ont augmenté de 11 %5.

« L’écart d’espérance de vie entre les habitants de quartiers les plus pauvres et ceux des quartiers les plus riches est de 8 ans. Le taux de chômage de la ville a passé la barre des 12 % et bon nombre de personnes ayant un emploi restent pauvres, ne peuvent plus avoir accès aux aides sociales. » Leire Rincon Garcia, doctorante en sciences politique à l’Université de Barcelone et Secrétaire de UBIE.

En 2015, les élections municipales ont été remportées par Barcelona en Comú, une formation politique de gauche radicale et écologiste issue d’une plateforme citoyenne. Elle avait proposé dans son programme électoral un revenu municipal supplémentaire et des actions de lutte contre le chômage priorisant trois leviers : une plus grande contribution des entreprises, la formation et la participation communautaire.

L’objectif du B-Mincome est de trouver une combinaison et une simplification des politiques publiques qui, d’une part, améliorent l’efficacité des politiques sociales et d’autre part, réduisent certaines dépenses. Il s’agit aussi d’analyser si les personnes qui accèdent à ces revenus gagnent en autonomie et réduisent leur dépendance aux allocations sociales à plus long terme.

Le B-Mincome est issu d’un travail partenarial entre de nombreux acteurs tels que le Département de Droits sociaux du Conseil municipal qui conduit le projet, l’institut de recherche IGOP, l’Institut catalan d’évaluation des politiques publiques, l’Institut international pour la non-violence (Novact) et le think tank Young Foundation.

Cette expérimentation fait la distinction entre politiques dites « passives » et « actives ». L’allocation d’un Revenu municipal d’inclusion en complément des revenus des ménages – compatible avec le revenu minimum de la Generalitat de Catalunya – constitue la partie passive du projet, au sens qu’elle n’implique pas d’accompagnement de la part des services publics. Ce revenu peut être inconditionnel ou conditionné à la participation aux politiques actives, visant elles à l’accompagnement des bénéficiaires vers la formation, le retour à l’emploi ou encore le logement.
Le public ciblé est composé des habitants de la ville bénéficiaires de politiques sociales municipales entre 25 et 60 ans. Sont exclus du projet les ménages dont les revenus sont 4 fois supérieurs au salaire minimum interprofessionnel (SMI). Afin de sélectionner les bénéficiaires, un système de tirage au sort sur la base du volontariat est prévu dans les trois arrondissements prioritaires. Le versement de l’allocation se fait via une carte de crédit dédiée et une partie des bénéficiaires le souhaitant perçoivent 25 % cette allocation en monnaie citoyenne locale, favorisant les commerces locaux.

Le financement de l’expérimentation provient en partie du concours d’actions urbaines innovantes de l’Union européenne, que Barcelone a gagné avec 14 autres villes européennes (face à plus de 300 candidatures). L’Union européenne a annoncé que Barcelone bénéficierait de 15 millions d’euros du FEDER pour un projet de développement urbain soutenable dans le quartier de l’Eix Besos.

Le B-Mincome s’intègre donc dans un contexte favorable sur le plan politique, les élections municipales ayant permis l’émergence d’un gouvernement qui a la volonté politique et la capacité financière de le mettre en œuvre grâce aux ressources financières obtenues via les programmes européens.

L’expérimentation est en cours et l’analyse des premiers résultats a débuté. À l’issue de cette expérimentation, l’équipe de la Mairie actuelle de Barcelone prévoit une deuxième expérimentation, se concentrant davantage sur les aides et politiques vers les ménages avec des enfants, dans le but de simplifier les allocations de la politique familiale.

Les mouvements citoyens européens :
des paroles aux actes

Les mouvements citoyens ont indéniablement été marqués par le contexte d’austérité économique et d’inégalités sociales. Le contexte européen a de fait joué un rôle incontournable dans l’élaboration des discours en faveur d’un revenu de base national, mais également de propositions de revenu de base européen.

« Notre monde est fait de luttes réelles, de souffrances concrètes, d’un dialogue entre la parole, l’expérience et l’action. »

Marea Basica (mouvement espagnol pour le revenu de base)

Les mouvements citoyens européens militant pour le revenu de base sont toutefois extrêmement différents d’un pays à l’autre, par leur nature et par leurs modes d’action.

Les organisations issues des mouvements de chômeurs·ses et précaires

Dans certains pays, les organisations qui portent le plus activement la question du revenu de base sont en réalité des émanations directes des mouvements de chômeurs·ses et précaires, ou encore de syndicalistes ou de personnalités émanant de la gauche radicale. C’est le cas par exemple, d’organisations comme le mouvement espagnol Marea Basica, dont les membres ont subi la crise économique de plein fouet et qui voient avant tout dans le revenu de base une issue directe et urgente à leur situation individuelle et collective.

Leurs discours et modes d’actions sont par conséquent marqués par leur expérience personnelle et alimentés de témoignages directs, apportant ainsi une réalité concrète permettant d’estomper l’approche utopique qualifiant souvent l’idée du revenu de base. Proches des Indignados et du mouvement 15 M qui en découle, le mouvement Marea Basica collabore aussi étroitement avec les mouvements de lutte contre la pauvreté et les inégalités, prônant avant tout la convergence des luttes.

Les organisations politiques-universitaires

D’autres organisations sont composées essentiellement de militant·e·s investi·e·s politiquement ou d’intellectuel·le·s issu·e·s du milieu universitaire, fournissant des travaux d’expertise qui permettent d’alimenter le travail de plaidoyer auprès des responsables politiques. C’est le cas notamment des pays scandinaves, desquels sont issus certains universitaires de renom dans le monde du revenu de base, tels que l’universitaire Jurgen De Wispelaere, qui a intégré le groupe de travail en charge de l’expérimentation finlandaise, ou encore du philosophe Otto Lehto, ancien président du mouvement finlandais pour le revenu de base et membre du parti des Verts en Finlande.

Certain·es militant·es ont en outre opté pour l’implication active dans le débat politique par la création de partis politiques dédiés au revenu de base, comme c’est le cas en Allemagne (Bündnis Grundeinkommen) et en Suède (Basinkomstpartiet), par ailleurs porté par l’ancienne vice-présidente de UBIE.

L’articulation entre plaidoyer politique et éducation populaire

La plupart des mouvements citoyens européens sont en réalité constitués de militant·e·s dont les actions combinent les initiatives de terrain et le travail d’influence auprès des responsables politiques.

Cette stratégie, adoptée notamment par le MFRB et UBIE, vise à promouvoir le changement sur deux niveaux : depuis la base, par des actions de sensibilisation, de débat et d’information, afin de faire émerger les propositions de revenu de base les plus populaires auprès du grand public, et par des actions de plaidoyer inspirées des recommandations ayant émergé sur le terrain, afin de les porter auprès des responsables politiques.

Dans ces contextes, l’articulation entre l’expertise fournie par le monde de la recherche, en particulier par des économistes hétérodoxes portant des discours sortant des sentiers battus de la pensée économique dominante, avec l’implication militante et le monde politique, est indispensable pour obtenir des leviers de changement effectifs. Or, les échanges entre ces différents milieux ne sont pas toujours réalisés de façon optimale. C’est ce que le mouvement européen UBIE, qui travaille actuellement à resserrer les liens entre universitaires et militant·e·s, a mis en lumière.

Vers un pilier social de l’Union européenne ?

Outre les expérimentations se qualifiant de « revenu de base » qui ont fleuri sur le continent européen ces dernières années, différentes propositions sont portées, notamment par le réseau UBIE pour faire avancer l’idée à l’échelle européenne.

L’eurodividende

Cette proposition de revenu de base européen a été formulée initialement par Philippe Van Parijs. Elle constituerait une sorte de plancher social partagé par les États-membres de l’UE, financé par une TVA de 20 % pour financer un revenu de base d’un montant de 200 euros à l’ensemble des habitant·e·s de l’UE. Ce projet pourrait revenir à un budget d’environ 10 % du budget européen6.

La mise en place d’un revenu de base à l’échelle européenne se heurte toutefois à deux obstacles majeurs. D’une part, la diversité des modèles de protection sociale dans chaque pays de l’Union rend complexe l’idée d’une harmonisation de ces systèmes vers un modèle unique. D’autre part, l’absence, à ce jour, de véritables compétences de l’UE en matière sociale et fiscale. Sur ce plan de la construction de l’Europe sociale, en chantier depuis plusieurs années, le traité de Lisbonne (2009) a notamment introduit la notion de « clause sociale horizontale » qui prévoit une prise en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques communes des « exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine » (art. 9 TFUE). Le texte s’appuie ainsi surtout sur l’accès à l’emploi et n’envisage pas de lutter contre la pauvreté via l’allocation de revenu de l’activité professionnelle.

En proposant la mise en place d’un socle commun, l’eurodividende7 pourrait justement ouvrir la voie vers une véritable politique sociale européenne, qui représente encore aujourd’hui un défi de taille, mais également une nécessité pour le renforcement de l’Union européenne, qui se trouve fragilisée dans sa cohésion inter-étatique depuis le Brexit. Ce système transparent et facile à mettre en place pourrait ainsi accroître le sentiment de confiance envers les politiques européennes rendues alors plus visibles.

Cette idée, qualifiée de « revenu de base partiel » car son montant serait insuffisant pour vivre décemment dans la majorité des pays européens, constituerait toutefois un socle commun, une première base à l’échelle de l’UE permettant de réduire les inégalités entre les États de la zone euro, voire de l’ensemble de l’Union européenne. À ce socle commun viendraient ensuite s’ajouter des revenus de base nationaux, qui permettraient d’aboutir à un montant véritablement adapté au niveau de vie des pays.

Le revenu de base agricole

Alors même que la France a été interpellée par la Cour des comptes européenne quant aux inégalités que suscite son utilisation des fonds alloués par la Politique Agricole Commune (PAC)8, le revenu de base propose une approche également sectorielle visant à réfléchir à l’impact potentiel d’un revenu de base au sein de la communauté agricole. Cette proposition s’appuie sur une meilleure distribution des crédits de la PAC, relatifs au développement régional (second pilier). Elle viserait notamment à répondre aux problématiques de pauvreté et d’inégalités touchant la communauté agricole. Un constat particulièrement notable en France par exemple, où près d’un tiers des agriculteurs·trices touchent moins de 350 euros par mois.

À l’échelle européenne, la population paysanne est vieillissante : plus de 50 % est âgée de plus de 55 ans tandis que seulement 7,5 % est âgée de moins de 35 ans. Cela est dû entre autres aux inégalités criantes dans le secteur, réduisant les possibilités pour les jeunes non-issus de ce milieu de l’intégrer, faute de moyens à leur disposition.

La proposition sur laquelle ont travaillé le MFRB, UBIE et le think-tank Sauvons l’Europe notamment, consiste à repenser le budget de la Politique Agricole Commune (PAC), qui représente actuellement 40 % du budget européen, soit 58 milliards d’euros par an9.

À titre d’exemple, en 2011, 1,5 % des agriculteurs·trices recevaient 76 % des subventions de la PAC et contrôlaient plus de 20 % des terres cultivables. Dans le même temps, entre 2003 et 2013, un quart des exploitations familiales ont disparu (rapport Mundubat, 2016). Une meilleure redistribution de ce budget au sein des agriculteurs·trices permettrait par conséquent de favoriser un mode d’agriculture plus local et davantage centré sur des enjeux écologiques et humains, et moins sur l’exploitation intensive.

Le revenu de base enfant

Un rapport de la Commission européenne datant de 2012 indiquait que 50 euros par enfant distribué chaque mois jusqu’à l’âge de 6 ans, permettraient de sortir près de 800 000 enfants de la pauvreté en Europe, pour un montant équivalant à 13 % du budget européen10.

Cette mesure, envisagée par la Commission européenne, refait surface dans le cadre des élections européennes de 2019, portée par le réseau UBIE. Elle pourrait de fait permettre d’amorcer une politique sociale ambitieuse.

Vers un changement de paradigme

Une étude menée par le European Social Survey, un programme de sondages européen qui réalise chaque année un état des lieux de l’opinion publique sur un certain nombre de sujets sociaux, a révélé en 2016 que 64 % des Européen·ne·s seraient favorables à l’idée du revenu de base universel.

Réalisée auprès de 50 000 citoyen·ne·s européen·ne·s dans 18 pays différents, cette étude a permis d’obtenir à un instant précis un état des lieux de l’opinion publique européenne sur ce sujet, les pays les plus favorables étant l’Espagne (71 %) et l’Italie (69 %), la France se situant à 48,8 % d’opinion favorable. Les plus défavorables étant la Suisse et la Norvège.

Sur la population interrogée, seuls 4 % ont admis vouloir arrêter de travailler avec un revenu universel, et 14 % pensent réduire leur temps de travail ou chercher un autre emploi.

Par conséquent, le travail de sensibilisation mené par les mouvements sociaux à travers l’Europe semble faire son chemin progressivement. En continuant d’allier la parole, l’expérience et l’action, par les échanges et les réflexions autour d’alternatives concrètes, les militant·e·s du revenu de base œuvrent pour un changement de paradigme et la construction de la protection sociale du XXIe siècle.

1 Initiative citoyenne européenne, consultable via le registre officiel des initiatives citoyennes européennes sur le site de la commission européenne : http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/obsolete/details/2013/000001

2 Liverpool could be the first city in the UK to get a Universal Basic Income – Liverpool Echo.

3 B-MINCOME – Combining guaranteed minimum income and active social policies in deprived urban areas – Urban Innovative Actions voir le focus sur le projet Barcelonais page 85.

4 Revenu de base : la ville de Grande-Synthe assurera 855 euros par mois à chaque habitant – La Gazette des Communes.

5 Le prix des loyers est plus élevé que pendant la crise à Barcelone, Equinox magazine, 19/01/2018, Leslie SINGLA www.equinoxmagazine.fr/2018/01/19/barcelone-prix-loyers-crise

6 Pour un revenu de base universel – Vers une société du choix (MFRB – Détour, 2017).

7 Redéfinir et combattre la pauvreté. Droits humains, démocratie et biens communs dans l’Europe contemporaine (Conseil de l’Europe, 2012).

8 Source : référé de la Cour des comptes adressé au ministre de l’agriculture français datant du 18 octobre 2018.

9 Considering basic income through the lens of agriculture. An innovative food policy measure to support fairer and more sustainable food systems (MFRB, UBIE).

10 Basé sur un mode de calcul par micro-simulation effectué par l’organisme européen Euromod