Cal est un homme au foyer, visiblement très heureux de l’être. Lorsqu’il apparaît dans le premier épisode de la série Watchmen (fin 2019), il est accroupi, dehors, avec la plus jeune de ses filles. Il l’aide à tenir un tuyau d’arrosage pour nettoyer le parvis de leur maison après une pluie de calamars acides. Souriant, il accueille son épouse, la virulente Angela Abar. Trois ans après la « Nuit blanche » des suprémacistes blancs où elle a failli passer de vie à trépas, Angela est officiellement pâtissière, en retraite de la police car « je me suis dit que les gâteaux et les cookies, c’était mieux que de se faire tirer dessus », dit-elle à une classe de gamins.
Mais une fois masquée comme tous les défenseurs de l’ordre depuis cette nuit de meurtres, elle oublie le rouleau à pâtisserie et devient la terrible Sœur noire aux armes affutées et à la gymnastique guerrière. À Tulsa dans l’Oklahoma, ville victime d’un génocide raciste presque un siècle auparavant, Angela et Cal sont des Afro-américains qui ont adopté trois enfants blancs, le plus âgé et seul garçon ayant un air métissé, une touche asiatique et des cheveux longs guère masculins. Ils forment tous les cinq une famille utopique dans cette uchronie aux airs de dystopie, au sein de ce monde parallèle au nôtre, avec juste des super héros, des flics aux masques jaunes (noir pour elle) et une situation politique différente même si toujours compliquée pour les gens de couleur malgré la volonté de rédemption du Président écolo et progressiste, l’ex acteur Robert Redford. Vers la fin du premier épisode, Cal, Angela et les enfants dînent dans la bonne humeur avec le chef de la police et son épouse. Sans évidemment deviner que le boss d’Angela, alias « tonton Judd », va être assassiné dans quelques heures, Cal a préparé le repas. Second rôle d’homme au foyer, apparemment sans histoire, il est l’indéfectible soutien de la combattante dans la tourmente. Il se tient à ses côtés, non tel un héros surplombant, mais grâce à son empathie, par exemple, quand elle découvre que c’est son grand-père inconnu, en fauteuil roulant, qui a incité à « s’auto-lyncher » via ses dons d’hypnose son chef, grand flic et vieil ami qui partageait leur dîner… et dont elle ne se doutait pas qu’il était un ancien du Ku Klux Klan.
Cal semble un îlot de stabilité, voire de bonheur. Sauf qu’au huitième et avant-dernier épisode est révélée son identité cachée, qu’il avait fait en sorte d’oublier lui-même sous sa peau noire d’emprunt, et que seule Angela pouvait « réveiller » en cas de crise : il est le Dr Manhattan, maître de la matière, de l’énergie et du temps, personnage omnipotent et omniscient, sorte de réincarnation toute bleue du Surfeur d’argent des Marvel comics. Pendant dix ans, le super héros d’entre tous les supers héros, grâce auquel les États-Unis ont gagné la guerre du Viêt-Nam, a réalisé son rêve ici sur Terre : élever trois enfants adoptés, faire la cuisine pour sa famille, s’occuper de la maison et vivre pleinement son amour sans la moindre conscience de la puissance quasi divine qu’il détenait jusque-là. La multimilliardaire et scientifique Lady Trieu tout comme les Suprémacistes blancs portant le masque du super héros psychotique Rorschach, veulent dérober son infini pouvoir, la première pour accomplir le Bien telle qu’elle le conçoit, les seconds pour rétablir la race blanche dans ses droits de domination. Mais lui, vénéré par les humains qui le croyaient sur une zone de la planète Mars qu’il aurait terraformée, ne cherche à l’inverse qu’à disparaître avec ses satanés pouvoirs… Image symbolique du tout début du huitième épisode : pour rester incognito, se moquant ainsi d’un merchandising qu’il semble désormais vomir après les horreurs du Viêt-Nam où il se trouve encore, le Dr Manhattan enfile sur son visage bleu… un masque de lui-même. Et il part ainsi, dans un café, séduire Angela dont il sait qu’ils deviendront amants.
Triple message du Dr Manhattan devenu Cal et préférant mourir plutôt qu’exercer sa puissance démiurgique ou permettre que d’autres ego malades ne s’en emparent : la posture de l’être supérieur venant sauver les pauvres hères de l’humanité est inepte ; le super héros n’est ni fort ni faible, juste imparfait et perdu comme tout un chacun ; le véritable courage consiste à abandonner le modèle qu’il incarne, celui du patriarcat, du mâle dominant d’une société de compétition.
Le super héros est un minable comme les autres
Ce message vient de loin. D’autres œuvres l’ont porté depuis longtemps, en tout ou plutôt en partie, avec leurs figures déchues ou déchirées, de Pier Paolo Pasoloni à Chris Marker en passant, du côté de la littérature de science-fiction, par Ursula K. Le Guin, Octavia E. Butler ou Philip K. Dick, pour ne citer qu’eux. Sauf que Watchmen et nombre d’autres séries TV, de Buffy contre les vampires à The Boys, dessinent désormais à traits incertains les contours de cette « autre société » jusqu’au cœur de la culture pop la plus contemporaine et la plus partagée dans les jeunes générations. Qu’il est dépassé Captain America, né au début de la Deuxième guerre mondiale, gringalet changé en super soldat pour défendre le drapeau de la nation états-unienne grâce à l’injection d’un produit miracle ! Qu’il en devient ringard Iron Man, version augmentée du dandy milliardaire, inventeur et vendeur d’armes Tony Stark, né en 1963 tel un guerrier anticommuniste contre les vilains Dynamo Pourpre ou Le Mandarin ! Peu à peu, à partir des années 1970, les super héros gagnent en humanité, à l’instar des déboires amoureux de Peter Parker, alias Spider-Man, incapable de mener de front sa vie de jeune homme et celle de vengeur masqué. Mais ils n’en restent pas moins les Bons contre les Méchants, encore avec un minimum d’états d’âme.
La véritable rupture, contaminant depuis les nombreuses séries TV mettant en scène des super héros, de l’avocat aveugle en costume de Daredevil (2015-2018) au déraciné et déshérité champion d’arts martiaux Iron Fist (2017-2018), pourrait justement être datée de 1986, lorsque sort l’incroyable roman graphique Watchmen de Dave Gibbons et de l’immense scénariste Alain Moore chez DC Comics – concurrent de Marvel, connu pour ses classiques Batman ou Superman. Rorschach y est un tueur psychotique et le Comédien un malfrat fasciste et alcoolique, révélant par l’absurde le leurre de la gentillesse patriote d’un Captain America. Ozymandias, « l’homme le plus intelligent du monde » – joué par Jeremy Irons dans la série qui se situe un tiers de siècle plus tard – est un spéculateur, un capitaliste de la pire espèce sous ses airs de seigneur charitable. Quant au Dr Manhattan de Gibbons et Moore, à l’opposé de la figure de Cal qu’il endosse en phase de rédemption fin 2019, il n’est qu’un monstre omnipotent par la grâce d’un accident nucléaire, misanthrope bleu capable de téléporter un gamin sur Mars au nom de la Science. D’autres, comme Le Hibou ou Laurie, alias le Spectre soyeux, sont tourmentés par les ambiguïtés assassines de leur rôle de justiciers, au point qu’une Laurie vieillie, dans la série de Damon Lindelof, est devenue l’enquêtrice d’un département de police dédié à la chasse aux super héros.
C’est ce même sillage critique que creuse The Boys, série diffusée en juillet 2019 sur la plateforme Prime Video d’Amazon – une troisième saison étant en préparation. Dans un univers uchronique, une nouvelle fois miroir déformant de notre présent, les super héros y sont les créatures ultra « marketing » d’une société hyper capitaliste, Vought International. Version psychopathe, violente et narcissique de Superman, le Protecteur est la plus célèbre d’entre ces figures terriblement médiatisées, chef des Sept, équipe de vengeurs et produit phare de la multinationale. Détail signifiant : la série s’engage par un « dommage collatéral » en quelque sorte, le décès accidentel de la petite amie d’un jeune assez minable, Hughie, par la faute de l’un des Sept, A-Train, drogué qui circule plus vite qu’un TGV. Là s’opère le renversement : le moins-que-rien, timide et sans aucun don, devient le « héros » contre les soi-disant « héros ». Puis il se découvre par hasard une alter ego dans le camp adverse : Stella, de son patronyme de jeune super héroïne blonde, croyait concrétiser son rêve et celui de sa mère en entrant dans la bande des Sept, mais elle déchante dès la scène du droit de cuissage, pipe exigée par L’Homme-poisson – qui n’est pourtant pas le pire du gang de super héros starifiés et rentabilisés sous toutes les caméras et sur tous les réseaux.
Les anti-héros prennent leur temps pour sortir de la mouise
Les « héros » traditionnels des séries télévisuelles, James West dans Les Mystères de l’ouest ou Emma Peel et John Steed dans Chapeau melon et bottes de cuir pour ne citer que les plus savoureux, s’amusent des codes dominants. Mais ils ne doutent jamais d’eux-mêmes ou de leur mission. Esprits vifs et débrouillards, ils s’avèrent décalés… et intensément supérieurs. Ils n’ont rien des anti-héros de The Boys, qu’ils soient positifs ou négatifs, des bandits gitans de Peaky Blinders (2013-2019) à Birmingham ou du pater familias chauve et tarabiscoté de Breaking Bad (2008-2013), qui, se croyant condamné à mourir du cancer dans une société américaine pourrie par les inégalités sociales, devient fabricant et trafiquant de drogue pour ne pas laisser sa famille à la rue. Le héros classique se positionne par rapport à une société sûre de sa bonne morale, en l’occurrence bourgeoise, patriarcale, chrétienne, quitte à en rire voire s’en défaire, là où l’anti-héros d’aujourd’hui tente de naviguer dans des sociétés à l’éthique faisandée, dont les valeurs se sont effilochées au fil du temps. À l’instar du jeune téléspectateur du troisième millénaire, enfant de l’Anthropocène et du Nouveau Régime climatique, il ne croit plus aux bienfaits de la croissance, du travail, de la famille ou de la religion. Plutôt queer dans sa tête, il est perdu. Écartelé entre ses multiples identités, numériques ou non, il se cherche. Il n’est certain de rien, sauf de la nécessité de se sortir de la mouise.
Curieux constat : c’est dans notre époque trouble, insensée et sans filet de sécurité que les séries sont plus que jamais devenues le phénomène pop par excellence, tissant, comme la musique un demi-siècle auparavant, et les jeux vidéo une génération plus tard, un lien informel entre des jeunes du monde entier.
Cette vogue mondiale est-elle le signe d’un affadissement culturel ? Une plongée dans les myriades de genres et de géographies de 2021 sur des plateformes comme Netflix – du Mexique mafioso de Qui a tué Sara ? à la Corée mêlant le thriller le plus gore à la comédie la plus loufoque de Vincenzo – suffit à contredire ce constat de globalisation esthétique pour le pire, qui serait la répétition partout et à l’infini, des mêmes schèmes narratifs et philosophiques. Bien sûr, tout ne se vaut pas dans cette offre surabondante et chaotique. Et il n’y a pas que des anti-héros dans sa sarabande de personnages. Mais le reflet de notre moment de crise et de redéfinition sociale et politique s’impose à qui sait piocher sans a priori, et en évitant l’indigestion, dans cette gigantesque marmite de culture pop en quête d’altérité pour changer, autant que de connivences pour se rassurer.
Il n’est pas neutre, sous ce regard, de constater l’évolution des archétypes d’une série de science-fiction réputée progressiste comme Star Trek. L’emblématique Jean-Luc Piquard de Star Trek : Nouvelle génération est par exemple le « héros » du bien nommé Star Trek : Piquard (2020). Loin du capitaine consensuel d’hier, il apparaît à la fois comme un renégat à Starfleet, car défendant la cause des androïdes honnis, et comme un vieillard (presque) cacochyme qui cultive son vignoble sur Terre et meurt d’un cancer à la fin de la saison, après avoir tout de même sauvé de l’anéantissement un îlot d’êtres artificiels. Dans Star Trek Discovery (2020), le personnage essentiel est une jeune femme à la peau d’ébène, Michael Burnham, qui engage sa danse intergalactique par une désobéissance, une bourde qui la transforme en (presque) paria. Mieux, dans la deuxième saison, le vaisseau Discovery passe sous l’autorité du Kelpien Saru, extraterrestre hideux à nos yeux, avec un nez plat et des muscles saillants comme sur une planche d’anatomie. Créature en théorie aussi inférieure et aux ordres que les Hubots de Real Humans, il est dans Star Trek : Discovery le rare spécimen d’une espèce insuffisamment évoluée pour rejoindre la fédération, esclave des arachnoïdes Ba’uls sur sa planète d’origine Kaminar. Et voilà pourtant Saru, symbole d’altérité, plébiscité par l’équipage en majorité humain…
Les séries, que l’on devrait plutôt appeler des feuilletons dès lors que les épisodes se succèdent comme une seule et même histoire, donnent parfois le sentiment de « tirer à la ligne ». Mais ce temps laissé aux personnages leur permet d’évoluer mentalement puis, dans leurs actes, en fonction des événements, voire d’entrer en rédemption, de changer d’attitude à l’instar du vampire Spike, d’abord acide et virulent contre toutes les tueuses de démons avant de rejoindre la troupe de Buffy, dans le désormais classique adolescent puis post-adolescent Buffy contre les vampires (1997-2003). Il est en de même de bien des personnages, souvent les plus ambigus ou torturés, comme le frère, qui semble au démarrage assez crétin, du jeune psychopathe à la tête de la multinationale Babel dans la série coréenne Vincenzo (2021).
Les jours, les semaines, les mois voire les années qui passent au cœur de l’intrigue, bien plus importants qu’au cinéma, ainsi que la logique fantastique de l’uchronie, c’est-à-dire, du monde fictif proche mais divergent par rapport au nôtre, ont une autre fonction cruciale : signifier la possibilité de voies alternatives à la société telle que nous la vivons au quotidien, nous téléspectateurs. Cette double dimension de temps qui passe et d’uchronie donne une grande liberté d’action, d’imagination et de sens à la fiction, sans pour autant que soit nécessaire une projection de l’histoire dans un futur proche, dispositif qui aurait potentiellement le même type d’effet. La prise en compte du temps long, le monde parallèle ou l’anticipation proche, qui rendent les scénarios plus libres et ouverts, se marient tout naturellement à la qualité d’antihéros ou du moins, de « non-héros » des figures de nombre de séries, rendant leurs protagonistes plus imprévisibles que les figures plus classiques de l’intégralement Gentil ou de l’absolument Vilain, logiques et communes lorsque la morale de son temps ne fait guère l’objet de débats. Autrement dit : l’époque n’est plus à l’opposition, effaçant toutes les autres, du héros parfait James West et du méchant pervers Miguelito Loveless au sein des épisodes nettement séparés des Mystères de l’Ouest. Dans les meilleures séries contemporaines, l’infinie longueur de l’histoire en feuilleton, l’anticipation proche et l’événement fantastique – provoquant le dérèglement de réalité des intrigues – démultiplient les possibles et ouvrent les interprétations comme rarement auparavant…
Et si les séries d’aujourd’hui étaient « dickiennes » ?
Sous-jacente dans Watchmen ou The Boys, tangible dans Star Trek : Discovery où l’action se déroule dans certains épisodes au sein d’un monde parallèle où les humains de Starfleet sont les tyrans impériaux de l’univers, la pluralité des voies ainsi envisageables pour les personnages n’est nulle part aussi forte que dans Le Maître du Haut Château (2015-2019), série en quatre saisons tirée du roman éponyme (1962) de l’écrivain de science-fiction Philip K. Dick. L’uchronie d’États-Unis partagés entre une côte ouest sous domination nippone, une fine zone neutre et les deux tiers du pays entre les mains du Reich, y fonctionne d’autant mieux que les scénaristes se sont inspirés de l’esprit et des personnages du roman sans chercher à en respecter strictement la lettre. Illustration : la clef d’un monde parallèle où les Alliés auraient gagné la guerre n’est pas un livre, Le Poids de la sauterelle, mais un film du mystérieux Maître du Haut Château. Les images remplacent ainsi les mots pour signifier la multiplicité infinie des passés auxquels nous avons échappé, tels des miroirs des multitudes de futurs que nous pourrions encore dessiner par nos actes. Aucun des personnages n’est tout blanc ou tout noir, tout pur ou tout impur. Ils hésitent, font les mauvais choix, se posent des questions éthiques. Dans une zone grise, si humaine, naviguent le vendeur d’antiquités obséquieux Robert Childan, le fabricant d’objets ayant raté sa vie Frank Frink et même, Monsieur Tagomi, ponte du pouvoir nippon et sage au Yi King, qui ne voudrait plus céder à l’horreur nazie. Surtout, la série crée en son cœur un personnage fortement symbolique : John Smith, étatsunien pur jus, ancien combattant de l’armée américaine et pourtant SS-Obergruppenführer du bloc d’États ayant intégré le Reich. Toutes les intrigues se construisent grâce à la prise de conscience par des antihéros, ambigus et pleins de doutes, que d’autres vies auraient été possibles pour eux… John Smith découvre par exemple, dans l’univers parallèle où les Alliés ont remporté la victoire, la vie du double de lui-même. Il s’y voit à la pêche avec son fils, que lui n’a jamais eu la chance de connaître aussi âgé, car dans le monde dont il est devenu un haut dignitaire nazi, lorsqu’a été découverte la maladie génétique du jeune adolescent, celui-ci s’est rendu aux autorités pour être euthanasié selon l’idéal des jeunesses hitlériennes… Dans une réalité, son fils est mort, se sacrifiant sur l’autel eugéniste, alors même que Smith et sa femme tentaient de l’envoyer en Amérique du Sud pour qu’il survive, tandis que dans l’autre, il a vécu sa vie malgré son handicap…
À la façon des mots de Philip K. Dick, mais grâce au ressort bien différent des images, l’impossible se perçoit et se concrétise dans les imaginaires et représentations de mondes parallèles crédibles et parfois tangibles. Dans Star Trek : Discovery ou Le Maître du Haut Château, d’un univers plus ou moins probable à l’autre, la route a juste dévié par tels ou tels détails, infimes, mais suffisants pour de grandes bifurcations dans l’histoire, autant des individus qu’au final, des civilisations. C’est dans cet interstice de tant de potentialités manquées ou encore possibles à concrétiser que se joue l’actualité des séries d’aujourd’hui les plus signifiantes. Les uchronies, les mondes parallèles, les rêves ou les cauchemars de personnages du commun, tels ceux de The Leftovers, devant se souvenir et tenter de revivre après la disparition brutale et inexplicable de 2 % de la population de la planète, font réfléchir le téléspectateur à nos capacités de mémoire et d’oubli, à la crise, au deuil et aux renaissances, aux chemins et aux horizons que nous ne voyons guère, trop enferrés dans notre quotidien.
Les mondes parallèles, les réalités truquées et les personnages falots de Philip K. Dick, humains perdus, artisans déconsidérés, bricoleurs empathiques ou handicapés aux dons insoupçonnés, sont devenus le commun des séries les plus décapantes d’aujourd’hui. Comme si les graines folles et parfois subversives, semées il y a deux tiers de siècle par l’écrivain de science-fiction, avaient poussé dans le jardin pop des séries du troisième millénaire. Le symbole de ce devenir « dickien », aboutissant à la transformation du plus absolu des super héros en homme au foyer, pourrait être un détail de la série et phénomène populaire Lost : Les disparus, dont l’un des « showrunners » était Damon Lindelof, scénariste de The Leftovers et de Watchmen. Au cours de la saison 4 apparaît discrètement à l’écran la couverture de Valis (Siva en français), classique de Dick. Ça y est. Les séries TV sont entrées dans le monde des incertitudes et de l’empathie dickiennes.
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