Archives par mot-clé : capitalisme cognitif

Peut-on faire l’économie de Google ?, par et

Google ne nous est pas indispensable comme le frigidaire et l’eau courante. Impossible de le ramener à ce statut commode d’objet de consommation ou de service quotidien, et ainsi de le tenir à distance. Comme les réseaux sociaux, ce réseau des réseaux cognitifs s’immisce dans notre perception, dans notre ordonnancement des mots, des concepts, dans la visibilité de tout, dans notre mesure de toutes choses. Au-delà de son discours missionnaire, le meilleur allié de Google est la formation d’un nouveau type de travailleur de la connaissance, de cyber-sentant, de cyber-patient ou de cyber-réseaunnant (comme raison, réseau et résonnance). La force hégémonique de Google ne relève pas de la coercition (de son monopole ou de sa position dominante), mais de la captation de ce mode de constitution de nos subjectivités dont le moteur de recherche devient certes, le medium, puis en deuxième temps la matrice de média.

Can we do without Google ?
Google is not as essential as a refrigerator or running water. Yet, we are unable to downsize it to that convenient status of object of consumption or everyday service, and thus keep it at a safe distance. Same as social networks, this network of knowledge networks interferes in our perception, our arranging of words and concepts, in the visibility of eveyting, in our measure of all things. Besides its missionary discourse, the best ally of Google is the formation of a new type of knwledge worker, of cyber-feeling, cyber-patient or cyber-réseaunnant (from « reseau » -network- and resonance). The hegemonic power of Google is not the coercion (its monopoly or dominant position), but its coopting of our subjectivities, for which the search engine is indeed the medium, and in a second phase the matrix of media.

Le rapport capital/travail dans le capitalisme cognitif, par et

L’article propose une grille de lecture synthétique de la mutation du rapport capital-travail qui, à partir de la crise sociale du fordisme, a conduit à la montée en puissance de la dimension cognitive et immatérielle du travail. L’accent est mis plus particulièrement sur l’autonomie croissante du travail et sur le rôle clé des productions de l’homme par l’homme, assurées traditionnellement par les institutions du Welfare, dans la constitution du commun et dans l’essor d’une économie fondée sur le rôle moteur du savoir et de sa diffusion. Il en résulte une transformation majeure du rapport salarial qui déstabilise les termes traditionnels, fordistes, de l’échange capital/travail. En même temps, ce qui est mis en évidence, c’est la manière dont la mutation du travail et la crise de la loi de la valeur-temps de travail se traduisent par une modification radicale des mécanismes de captation de la plus-value. C’est dans ce cadre que les auteurs identifient, à plusieurs niveaux, le processus qui a conduit à un retour en force de la rente et à une crise de la formule trinitaire permettant de séparer clairement les catégories du salaire, de la rente et du profit. Ils indiquent aussi certaines lignes d’un processus de recomposition de classe susceptible de trouver dans la réappropriation des institutions du Welfare et la lutte pour un revenu social garanti l’un de ses vecteurs principaux.

This essay proposes a synthetic matrix for reading the transformations in the relation between capital and labor which, since the social crisis of Fordism, have led to a rise in strength of the cognitive and immaterial dimensions of labor. The emphasis is placed particularly on the growing autonomy of labor and on the key role played by the production of Man by man – traditionally assured by the institutions of welfare – in the constitution of the Common and in the rise of an economy based on the driving force of knowledge and its diffusion. A major transformation in salary relations has progressively destabilized traditional, Fordist, terms of capital/labor, revealing, at the same time, the manner in which the transformation of labor and the crisis in the laws of the value-time of labor translate into a radical modification of the mechanisms of capture of surplus value. It is within this framework that the authors identify, on several levels, the process which leads to a return in force of annuity and a crisis in the categorical formula permitting clear separation amongst the trinity of salary, annuity, and profit. They also indicate the outlines of a process of class recomposition that would appear likely to find one of its principal vectors in the reappropriation of the institutions of welfare and the struggle for a guaranteed social income.

Segmentation du travail cognitif et individualisation du salaire, par et

L’article traite de la transformation du travail et de la différenciation des salaires. Il montre la diffusion du travail cognitif à partir d’exemples empruntés au secteur de l’édition. Il définit tout d’abord le travail cognitif selon le rôle qu’y tiennent les activités relationnelles et les processus d’apprentissage. C’est le type travail qui permet d’exploiter les nouveaux types de rendements d’échelle croissants qui caractérisent l’accumulation dans le capitalisme cognitif. Les activités en réseau et l’apprentissage conduisent, par définition, à un accroissement du travail et à une fragmentation et individualisation du salaire, qui se traduisent le plus souvent par des conditions de vie précaires en termes de revenu et de protection sociale. La seconde partie de l’article est consacrée à l’organisation du travail dans le secteur de l’édition. Le travail cognitif y connaît une forte expansion en raison de l’introduction des technologies de l’information et de la communication. Des données empiriques montrent que cette dynamique, qui repose toujours davantage sur la nouvelle division cognitive du travail, conduit à un accroissement des inégalités salariales et à une forte précarisation,.

The paper deals with the transformation of labour and wages differentiation, providing some empirical examples in the diffusion of cognitive labour, especially in the publishing industry. The first part gives a definition of cognitive labour by focussing on the role played by relation activities and learning processes. It is the type of labour which is able, better than others, to exploit the new types of dynamic scale economies which affect the way of accumulation of cognitive capitalism. Network and learning activities, by definition, lead to an increasing of labour and wage individualisation and fragmentation, which in many cases imply a precarious condition in term of income and social security. In the second part of the paper, the labour organisation is analysed as far as publishing industry is concerned. In the publishing industry, cognitive labour is increasing in relevant way as a consequence of the introduction of Ict. Empirical data show that this dynamic leads to an increase of wages differentiation and precariousness, more and more based on the new cognitive division of labour.

Finance, instabilité et gouvernabilité des externalités, par

Après une mise en perspective historique du processus de financiarisation, l’article prête plus particulièrement attention au rôle de la finance dans le gouvernement des externalités, et cela à un double niveau. (1) Le premier a trait à la revanche des externalités négatives. La surexploitation de la planète résultant de deux siècles d’une croissance hyper-productiviste fait désormais peser sur l’économie mondiale une incertitude structurelle, qui pèse tant sur les prix des ressources non renouvelables que, plus fondamentalement, « sur le prix de l’avenir tout court ». Or c’est la finance qui, faute de mieux, va être « sollicitée pour donner un prix au futur ». Ce constat est d’autant plus fort que le développement des activités visant à solder les externalités négatives est destiné à jouer nécessairement un rôle majeur dans la dynamique du capitalisme. Après la convention boursière Internet et celle immobilière, il est ainsi fort probable que la prochaine convention boursière porte sur les énérgies alternatives et les activités liées à la réparation des dégâts de la croissance. (2) Le deuxième niveau concerne le rôle croissant des externalités positives liées au processus de production et de circulation des connaissances. Plus précisément, la révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC) et la montée de l’immatériel se traduisent par deux effets convergents et éminemment contradictoires, auxquelles la finance apporte une réponse. D’une part, les TIC permettent la numérisation et la codification de tout ce qui est répétitif dans l’activité mentale en dépréciant la valeur marchande de l’information. Or, et nous avons là une première contradiction, ces connaissances codifiées et numérisées (dites de niveau 1) présentent un problème majeur d’appropriation privative. Leur coût de production initial est certain. En revanche, leurs coûts marginaux sont très faibles ou nuls, ce qui rend de plus en plus difficile l’exécution des droits de propriété intellectuelle. D’autre part, ce même processus d’automatisation des activités mentales répétitives et de codification de la connaissance déplace le cœur de l’activité créatrice de valeur vers les connaissances tacites, difficilement codifiables : les connaissances dites de type 2, constituées par le triptyque créativité/intelligence/innovation. C’est le modèle paradigmatique du travail immatériel reposant « sur la coopération entre cerveaux travaillant sur ordinateur et reliés par le réseau (Internet)… » Or l’assujettissement de cette forme de la coopération productive en réseau ne peut être qu’indirecte et formelle. Dans ce cadre, la finance est alors destinée à remplir toujours davantage deux fonctions structurelles. Elle seule permet de subsumer le travail immatériel, tout en actualisant l’évaluation à la juste valeur (fair value) des actifs immatériels, dans un contexte d’incertitude structurelle où la « valeur des biens connaissances oscille de rien à des valeurs incommensurables et à des prix de monopole qui sont des prix politiques ».

After putting the process of the financialization of capital into historical perspective, this essay focuses attention on the role of finance capital in the governance of externalities on two levels : (1) the first has to do with the revenge of negative externalities. The overexploitation of the planet resulting from two centuries of super-productivist growth has henceforth introduced a structural uncertainty into the global economy that weighs as much upon the price of non-renewable resources as, more fundamentally, the « price of the future as a whole ». For better or for worse, it is now finance capital that is going to be « asked to put a price on the future ». This state of affairs is all the more marked given that the development of activities designed to counter negative externalities is necessarily destined to play a major role in the dynamic of capitalism. Following the stock exchange protocols realized around dot.coms and then housing, it is extremely likely that the next stock exchange protocol will be directed at alternative energy sources and activities related to growth-related damage control. (2) The second level concerns the growing role of positive externalities linked to the process of production and the circulation of knowledge. More precisely, the revolution in information and communication technologies (ICT) and the rise of the immaterial translate into two convergent and eminently contradictory effects, to which finance capital brings a particular response. On the one hand, ICTs allow for the digitalization and codification of all that is repetitive in mental activity by depreciating the market value of information. However – and this is where we find our first contradiction – these codified and (re-) digitalized knowledges present a major problem to private appropriation. Although the cost of their initial production is definite, their marginal costs are by contrast very slight or even non-existent – a fact that makes the execution of intellectual property rights that much more difficult. On the other hand, this same automation of repetitive mental activities and the concomitant codification of knowledge displaces the heart of value-creative activity towards implicit knowledge that is codifiable only with difficulty : this is knowledge of the so-called second type, constituted by the triptych of creativity/intelligence/innovation. This is the paradigmatic model of immaterial labor that relies « upon the cooperation between minds working on computer and connected by the net (internet) ». The subjection of this form of productive network cooperation can only be indirect and formal. Within this framework, finance capital is thus forever destined to fulfill two structural functions. Only finance capital is capable of allowing the subsumption of immaterial labor while realizing the evaluation at fair value of immaterial assets, in a context of structural uncertainty where the « value of knowledge goods oscillates between nothing and incommensurable values and the price of monopoly, which is ultimately political ».

Rente salariale et production de subjectivité, par

Au cœur de cet article : l’émergence de la figure du « salarié rentier ». Cette figure n’a rien de nouveau en soi si l’on songe aux différentiels de salaire liés aux hiérarchies socialement déterminées des métiers. Ou bien, si l’on songe aux rentes salariales obtenues par des pans du salariat aux dépens du salariat féminin, précaire, immigré. Ce qui est nouveau, c’est qu’aujourd’hui la rente salariale ressort d’un processus double, d’individualisation du salaire et de « socialisation du capital ». Elle est donc d’une nature nouvelle, par ailleurs, son émergence rend encore plus floues les frontières qui séparent les grandes catégories des revenus : salaire, rente et profit. Dans cet article, il s’agit moins de rendre compte de la figure du salarié rentier d’un point de vue strictement économique que de saisir dans le processus double qui lui donne naissance le fonctionnement propre d’une machine de production de subjectivité qui soude la liaison dangereuse entre capitalisme cognitif et néolibéralisme.

The central concern of this essay : the emergence of the figure of the « wage shareholder ». There is nothing new about this figure in and of itself if one thinks of wage differentials linked to social hierarchies determined by the professions. Or again if one thinks of wage-earning shares obtained by sections of the wage-earning system at the expense of feminine, precarious, and immigrant wage earners. What is new is that today the wage share results from a double process of wage individualization and « socialization of capital ». It is thus of a new nature, and its emergence therefore renders more indistinct the boundaries that separate the main categories of revenue : wage, annuity and profit. In this article, it is less a question of accounting for the figure of the wage-earning shareholder from a strictly economic point of view as to see it in terms of a double process that gives to it the functions proper to a machine producing subjectivity that unite the dangerous link between cognitive capitalism and neoliberalism.

Multitudes