Archives par mot-clé : kant

Domestiquer le travail, par

Cet article cherche à approfondir les possibilités offertes par l’instrument théorique de la «domestication du travail », en tant qu’il constitue une proposition conceptuelle utile pour repenser les diverses activités du care, ainsi que leur valeur sociale, et pour incorporer, en plus des aspects matériels, la dimension émotionnelle et morale. Pour cela, on réfléchit, en premier lieu, sur certaines limitations du concept de travail pour l’analyse du care. En second lieu, on révise la notion de care en tant qu’elle permet d’incorporer les trois dimensions antérieurement signalées (matérielle, émotionnelle, morale). Enfin, on propose une réflexion politique sur la valeur du care (reconnaissance).

Domestication of Work
This article proposes a reflection on the potentialities of a theoretical prism, the “domestication of work”, whereas it constitutes a useful conceptual proposal to rethink the different types of work, as well as their social value when incorporating, beside the material aspects, the emotional and moral dimensions. First, an analysis on the limitations of the concept of “work” will help us grasp the complexity and specificity of care Second, the notion of care will be explored, as regards to its including the three dimensions previously mentioned (material, moral and emotional). Finally, the model of social care is proposed as a way of reflection on the moral responsibility of care and its social value (recognition). Care allows to extend the concept of “work”, and contributes to its “domestication”.

La mutation androïde de Google : radiographie d’un imaginaire en actes, par

Au-delà de sa technique et de ses usages, qui se veulent modestes, Google a pour carburant un imaginaire démentiel, héritier de l’intelligence artificielle forte de la fin des années 1950. Son symbole pourrait en être la « Singularity University », université d’été qu’il finance à partir de juin 2009 et qui tourne autour du concept de « singularité », développé par le techno-prophète et « transhumaniste » Ray Kurzweil. Selon ce dogme, la vie tient non à la matière mais à son organisation, donc à l’information. L’imaginaire de Google, tel que porté également par sa plate-forme open-source Android pour terminaux mobiles, aboutit à la vision, d’ici une ou deux générations, d’agents personnels d’information de l’ère « Post PC ». Ou encore à une IA Google qui « vivrait » en quelque sorte au travers de personnes robotiques, anges gardiens qui connaitraient tout de nous et pourraient devenir (sans rire) nos « meilleurs amis »…

The mutation of Google android
In addition to its technology and its uses, which are claimed to be modest, Google’s fuel is an insane imagination, heir to the artificial intelligence of the late 1950s. Its symbol could be the «Singularity University», a summer school it funds since June 2009 and which revolves around the concept of «singularity», developed by the techno-prophet and «transhumanist» Ray Kurzweil. According to this dogma, life is not about matter but about its organization, which is information. The imaginary world of Google, and also of its open-source platform for mobile devices called Android, leads to the vision of a post-PC era of personal information agents in one or two generations. Or even to an AI era where Google will « live » in some way through robotic persons, guardian angels who know all of us and could be (no pun intended) our “best friends” …

Philosophie et philosophie des normes chez Kant, par

Luc Vincenti part de la question de l’applicabilité qui, en matière de comportement humain, spécifie la normativité dans le champ plus large de la régularité. La philosophie pratique de Kant permet d’enraciner cette applicabilité, au-delà d’un simple sentiment de soi, dans la connaissance de sa liberté. Mais que devient ce fondement de l’obligation hors du champ moral, dans le champ juridique, où Kant se rapproche du positivisme kelsénien ? La philosophie politique kantienne est en fait à double face : mettant en question la fondation contractualiste dans le champ propre du droit, Kant retrouve la légitimité dans le rapport, finalisé, du droit à la morale : dans la capacité du droit à produire la paix en préservant la liberté. La notion kantienne d’usage public de la raison est alors tout à la fois ce qui manifeste cette fin du droit, par la liberté d’expression, et ce qui apparaît comme déploiement public d’une connaissance de la liberté par elle-même.

Luc Vincenti starts from the question of applicability which, as regards human behaviour, specifies normativity within the wider field of regularity. Kant’s practical philosophy enables this applicability to be located, beyond the mere feeling of self, in the knowledge of one’s freedom. But what happens to this foundation of obligation outside of the moral realm, in the legal realm, where Kant is closer to Kelsenian positivism ? In fact, Kant’s political philosophy is two-sided : while he questions the contractualist foundation within the properly legal realm, he returns to the idea of legitimacy in the purposive relation law has to morals, i.e., in the capacity of the law to produce peace by preserving peace. Kant’s notion of the public usage of reason then exhibits this purpose of law, through freedom of expression, and is also the public display of freedom’s knowledge of itself.

La dimension implicite de la norme, par

Selon l’hypothèse interprétative proposée par I. Pariente-Butterlin, le niveau des lois explicites ne peut pas représenter le paradigme de la norme. Autrement dit, la construction de la normativité fait référence à une dimension implicite permettant de mettre en lumière ce qui fonctionne à un niveau explicite. Dans ce sens, on peut admettre que la conduite ne constitue pas une expression de la loi. Une telle perspective déplace ainsi entièrement la problématique relative à la détermination d’un sens possible dans la production de conduites. En effet, « comment se fait-il que nous obéissions à des règles de droit dont nous ignorons l’existence ? » Dans la plupart de nos actions, nous ne réglons pas nos conduites sur la valeur et l’injonction de la loi. Ce qui implique que même notre rapport aux lois passe par une référence implicite à la norme. De cette manière, il devient sans doute envisageable de penser les formes de résistance ou d’acceptation des lois comme de modalités d’action ou de conduite assignées à l’horizon implicite de la normativité.

According to Pariente-Butterlin’s interpretive hypothesis, the level of explicit laws cannot represent the paradigm of the norm. In other words, the construction of normativity refers to an implicit dimension which sheds light on its explicit workings. In this sense, one can grant that conduct is not an expression of the law. This point of view completely displaces the problematic pertaining to the determination of a possible meaning in the production of conducts, for « how is it that we obey legal rules whose existence we are unaware of ? » In most of our actions, we do not regulate our conduct according to the value and injunction of the law. This implies that even our relation to laws implies an implicit reference to norms. Hence it becomes conceivable that forms of resistance or acceptance of laws be understood as modalities of action or conduct falling under the implicit horizon of normativity.

Les machines désirantes de Félix Guattari, par

Lacan a manqué l’occasion de relier le concept d’objet « a » aux analyses marxistes de la production, de la reproduction et de la consommation dans l’économie politique, et scotomisé ainsi les formes possibles de l’« énonciation sociale » qui seraient susceptibles d’agir comme vecteurs de l’action politique, tout particulièrement dans les périodes de bouleversement technologique. Le capitalisme industriel, une fois mis en marche, génère des sujets déterritorialisés, et à travers une alternative constante entre déqualification et requalification professionnelle, engendre de nouvelles formes machiniques (en principe universelles) de subjectivité. Lacan avait découvert le mécanisme mais il n’avait pas su déployer ses conditions historiques et ses implications politiques. Guattari suggère que l’orientation générale des institutions sociales s’est radicalement transformée avec l’expropriation capitaliste des bénéfices de la révolution industrielle.

Lacan himself ends up missing the opportunity to relate his notion of the objet petit a to Marxist ideas about production, reproduction and consumption in political economy, and therefore scotomises the possible forms of « social enunciation » that could act as vehicles for political agency precisely during periods of technological revolution. Industrial capitalism, once set in motion, generates deterritorialised subjects, and through the very process of constant de-skilling and re-skilling, engenders new, in principle universal, machinic forms of subjectivity. Lacan had discovered the mechanism, but had not yet unfolded its historical conditions and political implications. Guattari suggests that the entire direction of social institutions has been radically transformed as a result of the capitalist expropriation of the results of the industrial revolution.

La démocratie contre la rente, par

Aujourd’hui, la démocratie ne se trouve plus seulement devant (et contre) la rente absolue, terrienne (foncière et immobilière) : elle doit surtout affronter la rente financière, le capital que l’argent mobilise de manière globale comme instrument fondamental de la governance des multitudes. La financiarisation est la forme actuelle du commandement capitaliste. Bien évidemment, celle-ci est encore liée à la rente, et elle en répète l’intentionnalité violente – tout comme elle reprend les ambiguïtés et les contradictions de n’importe quelle figure de l’exploitation capitaliste. Il serait donc stupide de penser que le capital financier ne représente pas en lui-même un moment antagoniste – car il comprend toujours en son sein cet élément nécessaire qu’est la force de travail, et qui est à la fois un producteur de capital et une menace pour celui-ci.

Today democracy is no longer faced with absolute, land-based rent (ground and real estate) ; it must above all confront financial rent, capital, which money mobilizes globally as a fundamental instrument in the control of the multitudes. « Financialization » is the present form of capitalist governance. Obviously, this is still tied to rent, and it repeats the latter’s violent intentionality – just as it takes over the ambiguities and contradictions of any figure of capitalist exploitation. It would thus be stupid to think that financial capital does not represent in itself an antagonistic moment, for it always includes within itself labor-force as a necessary elements, which is both a producer of capital and a threat to it.

Multitudes