De Lacan à l’objet “a” de la subjectivité révolutionnaire
Guattari est demeuré fidèle, tout au long de ses travaux, au concept de « subjectivité ». Si le désir et la subjectivité produisent la réalité pour les raisons que Kant énonce dans la Critique de la faculté de juger – parce qu’ils ont « pouvoir d’être par [leurs] représentations cause de la réalité de ces objets »[1]–, est-ce que cette « productivité » du désir constitue pour autant un aspect proprement « subjectif » du désir, ou est-ce que le désir (quels que soient sa nature ou son caractère illusoire) produit des effets (ou « introduit une différence ») dans le champ social ? Dans ses tout premiers articles, Guattari insistait sur les facteurs subjectifs pour se démarquer des approches structuralistes qui avaient cours dans ce que l’on appelait alors les « sciences humaines ». Mais cette défense de l’idée de subjectivité n’était pas simplement pragmatique, elle trouvait explicitement sa source dans la théorie lacanienne du désir. Le Guattari des années 1960 s’appuyait en effet sur Lacan et ses analyses de l’objet « a » pour construire une théorie de la subjectivité, affirmant que, sans cet objet spécifique, rien n’interdirait aux êtres humains de devenir les jouets d’un ordre symbolique autoreproducteur. Le sujet du « premier » Guattari est ainsi constitué par le désir, et il engage un type de rapport particulier à un type d’objet singulier : l’objet « a ».
La théorie lacanienne du désir
Pour Lacan, le désir n’a rien à voir avec une relation originaire à l’autre, il est le produit d’une dialectique complexe qui se joue dans l’enfance. Le « désir » à proprement parler, affirme Lacan, n’émerge qu’après la traversée de deux relations, plus élémentaires, à l’altérité : le besoin et la demande. Les besoins de l’enfant sont placés dans un rapport ontogénétique avec l’Autre primitif, dont il est physiquement dépendant. Pour que ses besoins spécifiques soient satisfaits, l’enfant est en position de demander la présence de l’Autre, lequel Autre est à son tour disposé à se produire ou à se retirer. Mais rien n’interdit à cette demande de progresser jusqu’au point où elle « annule (aufhebt) la particularité de tout ce qui peut être accordé en le transmuant en preuve d’amour, et les satisfactions même qu’elle obtient pour le besoin se ravalent (sich erniedrigt) »[2]. L’inconditionnalité de la demande d’amour tend dialectiquement à néantiser tout particularisme, de la même façon que, chez Hegel, le désir de reconnaissance tend à surpasser tous les besoins biologiques, au point que l’individu y risque sa vie.
La conception lacanienne du désir se comprend peut-être plus facilement si l’on se rapporte à ses premières analyses de l’amour sexuel, dans son premier séminaire : « Dans le vécu de l’amour (…) [n]ous voulons devenir pour l’autre un objet qui ait pour lui-même la valeur de limite qu’a, par rapport à sa liberté, son propre corps. (…) Ainsi, devenir par notre contingence, par notre expérience particulière dans ce qu’elle a de plus charnel, (…) la limite consentie, la forme d’abdication de la liberté de l’autre[3]. » Ce que l’enfant tente d’accomplir, c’est aussi d’incarner effectivement un objet particulier dont la mère exprimerait le désir inconditionnel. L’enfant tente alors, usant de toutes les ressources de l’« imaginaire », de s’identifier à l’objet de ce désir. Lacan décrit cette tentative comme étant le « phallus imaginaire » pour la mère (dont l’enfant cherche à combler le manque).
La castration symbolique engagera précisément la perte de ce fantasme imaginaire, et la répression du désir dans l’inconscient. Le père n’apparaît plus comme rival en tant que détenteur du phallus imaginaire (l’objet du désir) de la mère dès lors seulement qu’il est institué comme père symbolique. Il incarne ainsi un manque proprement symbolique, simplement en tant qu’il tient la place de la fonction « père ». L’enfant doit comprendre que le père ne vient pas en complément de l’identité de la mère, mais plutôt que la possession du désir de la mère par le père n’est garantie qu’au niveau symbolique. Le « phallus maternel » se révèle ainsi dans son statut purement symbolique, et l’ordre symbolique permet à quiconque soit de posséder, soit de jouer le rôle d’être tout ce qui peut symboliquement compter comme tel. La différentiation sexuelle prend place sur les bases de cette division fondamentale[4].
Dans ses travaux plus tardifs, notamment dans le Séminaire XI, Lacan complexifie sa conception de la castration du désir en analysant la schématique corporelle sur laquelle elle repose : c’est ce qu’il appelle objet « a ». Il soutient que le processus ontogénétique initial de la castration symbolique se décompose en deux phases : d’abord la dialectique de l’aliénation, puis celle de la séparation. L’aliénation consiste en l’entrée de l’ordre imaginaire dans l’ordre symbolique. La séparation implique une coïncidence plus élevée de deux « manques » : en tant que l’ordre symbolique est par lui-même vide et sans fondement en un signifiant-maître, il y a un manque dans l’ordre symbolique qui peut dès lors être appliqué à l’objet perdu de l’ordre imaginaire. La forme fantasmatique de l’objet perdu peut maintenant trouver une fonction légitime en tant qu’image du vide symbolique que Lacan nomme la fonction paternelle (le Nom du Père). L’objet « a » « peut tenter de symboliser le manque central exprimé dans le phénomène de castration »[5]. « L’objet ‘a’ est quelque chose dont le sujet, pour se constituer, s’est séparé comme organe. Ça vaut comme symbole du manque, c’est-à-dire du phallus, non pas en tant que tel, mais en tant qu’il fait manque[6]. »
Lacan entend ainsi le « désir » en un sens très précis et spécifique. C’est le concept qui permet d’expliquer la construction ontogénétique de l’incarnation matérielle d’un vide. Le terminal, ou plutôt le précipité, l’objet « a », implique une fondation de la séparation du sujet et de l’objet du désir. La séparation de l’enfant et des parents par la réalisation d’objets de désir phénoménaux est effectivement une forme de se parere, un auto-engendrement (ainsi que Lacan l’énonce dans « Position de l’inconscient »). Elle passe par la réalisation de ce qui pourrait être qualifié de nouveau « plan de consistance », fondé sur une synthèse spéculative de l’objet fantasmatique et de l’inconsistance symbolique. L’objet « a » ne peut fonder la séparation du sujet qu’au moyen de cette consistance interne et spéculative.
Guattari et l’objet « a »
Les développements que Guattari apporte à l’objet « a » s’inscrivent dans le contexte d’une critique de l’appropriation structuraliste de Lacan par Althusser. Pour Guattari, le groupe des Cahiers pour l’analyse, qui avait tenté de marier althussérisme et lacanisme au cours de la période 1966-68, avait aussi sapé les bases de la relation qu’il avait entretenue avec Lacan, aux côtés d’Oury, au début des années 1960[7]. Selon Guattari toujours, cette approche interdisait de rendre compte des aspects historiques de la subjectivité ; en réalité, soutenait-il, les lacaniens eux-mêmes n’ont pas encore saisi la relation intrinsèque entre la théorie lacanienne de la subjectivité et l’histoire. Au début de son séminaire de 1966-67 au FGERI, Guattari cite « La science et la vérité » de Lacan, la séance d’ouverture à son séminaire de 1965-66 sur les « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse ». « Dans la psychanalyse, l’histoire est une autre dimension que celle du développement – et c’est aberration que d’essayer de l’y résoudre. L’histoire ne se poursuit qu’en contretemps du développement. Point dont l’histoire comme science a peut-être à faire son profit, si elle veut échapper à l’emprise toujours présente d’une conception providentielle de son cours[8]. » Pour Lacan, le développement humain ne constitue pas un processus automatique, mais un processus médiatisé par des rencontres avec des « signifiants »[9] : « Toute fixation à un prétendu stade instinctuel est avant tout stigmate historique : page de honte qu’on oublie ou qu’on annule, ou page de gloire qui oblige (…). Les stades instinctuels sont déjà quand ils sont vécus, organisés en subjectivité[10]. » De fait, il est surprenant que Guattari ouvre son commentaire dans « Causalité, subjectivité et histoire » comme suit : « Ce que pour ma part j’appelle l’histoire, c’est ce que Lacan appelle développement. L’histoire dont il parle, c’est l’histoire qui ne prend même pas la peine d’être dialectique, c’est l’histoire prise au niveau de la subjectivité dans la coupure de l’énonciation. Ainsi considéré, le signifiant n’a pas d’histoire, il n’est pas dans le temps, il appartient à l’ordre de la structure en tant qu’à un certain niveau on n’a plus rien à en dire ; c’est un matériau anhistorique de non-sens constitutif de significations historiques : pur effet de coupure ou de résonance, accident contingent qui ne se proclamera qu’après coup comme ayant été le premier terme d’une série[11]. »
Il apparaît ici nécessaire de replacer la critique de Guattari dans la relation qu’elle entretient avec Althusser – sa lecture structuraliste de l’histoire et son appropriation de Lacan. Dans son article de 1964 sur « Freud et Lacan », Althusser suggère que la manière dont Lacan théorise l’entrée de l’enfant dans l’ordre symbolique aboutit à un sujet humain « décentré », « constitué par une structure qui elle aussi n’a de “centre” que dans la méconnaissance imaginaire du “moi”, c’est-à-dire dans les formations idéologiques où il se reconnaît »[12]. Guattari nourrit une vive critique de l’approche structuraliste du décentrement du sujet mise en avant par Althusser, dans laquelle il perçoit l’abolition, en une même opération, des conditions d’émergence de l’histoire et de la subjectivité. Dans « L’opération Althusser » (1974), le « sujet » est réduit au statut de jouet, sujet à des forces répétitives, et les caractéristiques d’ordinaire réservées à la subjectivité – imagination, désir et reconnaissance sociale – n’y sont guère plus que des épiphénomènes idéologiques.
Guattari ouvre une piste similaire à celle que Slavoj Žižek reprendra dans The Sublime Object of Ideology (1989) et d’autres travaux postérieurs. Guattari insiste comme Žižek sur le fait que la version althussérienne du lacanisme néglige ce qui revient en propre à la subjectivité et au désir : la relation complexe entre subjectivité désirante et objet « a ». En 1966-67, Guattari relie sujet et signifiant d’une façon plus élaborée, à l’aide du concept d’objet « a » :
« Lacan, au contraire, a toujours insisté sur la dissymétrie profonde qui marque le sujet dans son rapport au signifiant (…). Le sujet est tributaire de son rapport à la résidualité, de l’objet ‘a’ pour assurer son statut, et de ce fait il reste marqué, barré d’un trait qui le déclasse comme pur signifiant, et aliéné à la condition désirante sous l’espèce des objets partiels qui le dissymétrisent en le lestant d’un poids de réalité. Ainsi, il est retenu de basculer tout entier dans sa passion mortifère d’abolition en une pure et idéale structure[13]. »
Pour Guattari, le problème de l’extension extrême et transcendante du structuralisme pratiquée par Althusser consiste en ce que « la subjectivité et le signifiant sont passés en position de réversibilité ; la praxis humaine n’a plus rien à faire avec cette pure subjectivité ; elle est renvoyée en sous-main à un ordre strict de détermination causale, sournoisement réhabilité sous le masque de la structure »[14]. La « tentation structuraliste » de faire de l’histoire humaine un « cercle fermé », d’endosser le fait que « le réel et l’histoire sont devenus tributaires d’un ordre symbolique éternel »[15] est, si elle se réalise, destructrice de la subjectivité, et annule toute possibilité de « coupure » dans l’ordre signifiant, tout en annihilant notre capacité à rendre compte de telles « coupures » sur un plan historique. Mais du point de vue (sophistiqué) de Lacan, si l’on suit Guattari, le désir ne se réalise jamais dans un premier temps selon une entrée dans les structures répétitives de l’ordre symbolique, mais au contraire par ce qu’il nomme précisément une « coupure signifiante ». Le désir – au sens propre et complexe de Lacan – ne se réalise qu’en tension et en conflit avec les structures de la « répétition ». La « répétition », pour Guattari, « c’est la mort, c’est du signifiant gelé, ce n’est plus du signifiant »[16]. Guattari conçoit un désir inconscient qui ne coïncide pas avec l’ordre de la structure, qui ne concerne que des « positions du sujet ». « Le sujet de la structure, considéré dans son rapport d’aliénation à un système de totalisation détotalisée, sera plutôt à rapporter à un phénomène de ‘moïté’, le moi étant opposé ici au sujet de l’inconscient en tant qu’il répond au principe énoncé par Lacan : un signifiant le représente pour un autre signifiant[17]. » « Au fond, on sortirait de l’impasse structuraliste à partir du moment où l’on considérerait qu’un effet de sens n’a de retentissement au niveau du signifié que dans la mesure où des potentialités subjectives sont libérées, dès qu’il y a une rupture dans le signifiant »[18]. Le désir n’émerge en tant que tel qu’entre le moment de l’effondrement d’une structure signifiante et son remplacement par une autre. C’est précisément la rupture révolutionnaire qui nous permet de renouer avec le sujet social en son pouvoir d’énonciation. Le désir demeure inconscient jusqu’à cette coupure, qui ouvre l’espace de sa réapparition dans la société. Différents conflits et tensions fondamentaux demeurent inconscients jusqu’au moment de leur coupure, d’un « renversement de la donne ». Les moments historiques à proprement parler sont toujours d’une façon ou d’une autre en décalage avec les généalogies officielles de l’ordre symbolique, qui s’effondre en ruines autour d’eux.
Du côté de Žižek, l’objet « a » fournit les moyens de dépasser ce qu’il nomme « l’éthique althussérienne de l’aliénation », et d’aller vers une éthique lacanienne de la « séparation »[19], qu’exprime au mieux « le fameux précepte lacanien : ne pas céder sur son désir »[20]. Si le vide qui se trouve au cœur de l’objet fantasmatique est révélé, alors l’ordre symbolique, qui repose sur l’attribution d’objets de fantasme, peut être renversé et remis en question. Guattari aperçoit cependant un moyen de développer pour l’objet « a » un rôle plus positif au sein d’une conscience sociale et historique. En se fondant sur une analyse technico-marxiste de la relation du travailleur moderne à la machine, Guattari suggère que l’objet « a » détient son propre corrélat social, et qu’il existe un aspect spécifiquement « machinique » du désir qui peut être développé par une subjectivité révolutionnaire.
Il y a pour Guattari une opposition radicale entre l’objet « a » d’une subjectivité désirante « finie » et l’ordre symbolique en tant que tel, dans sa dimension structurelle. Le désir, la recherche de la réalisation matérielle d’un vide « redoublé », d’une réalisation pliée du noumène, implique un engagement avec le « fardeau de la réalité », et avec des objets partiels qui détruisent la « symétrie » du mouvement de structures répétitives purement symboliques. Dans un article-clé de 1969, « Machine et structure », il caractérise le processus du désir par le fait que « le sujet se trouve débouté de lui-même »[21]. L’objet « a » est perçu comme venant du dehors, bien qu’il s’adresse au désir le plus profond du sujet, au-delà même de ses propres conceptions égotiques. « L’objet ‘a’, décrit par Lacan comme racine du désir, ombilic du rêve, lui aussi fait irruption au sein de l’équilibre structural de l’individu à la façon d’une machine infernale[22]. » Il n’y a pas de subjectivité au sens strict sans désir (qu’il soit accepté ou refoulé), même si le véritable « objet » du désir, l’objet « a », est par nature évanescent, et obéit à un mécanisme inconscient « infernal ».
14L’existence de cet objet-machine « a », irréductible, inassimilable aux références structurales, ce « même pour soi-même » qui ne se rapporte aux éléments de la structure que sur le mode de la coupure et de la métonymie, aboutit à ce que la représentation de soi-même par le moyen des grilles du langage ne conduit qu’à une impasse, à un point de rupture et d’appel d’une altérité répétée. L’objet du désir décentre l’individu au bord de lui-même, à la limite de l’autre ; il incarne l’impossibilité d’un refuge absolu de soi-même en soi-même et également l’impossibilité d’un passage radical à l’autre[23].
Mais en quel sens le désir peut-il être qualifié de « machinique » ? D’un point de vue phénoménologique, la créativité du désir infantile et adulte n’est machinique que d’une manière étrange : le sujet désirant est créatif lorsqu’il tente de faire marcher les choses ensemble, comme s’il assemblait une machine censée produire des choses extraordinaires. Mais dans « Machine et structure » — le texte qui a été le catalyseur de son alliance intellectuelle avec Deleuze —, Guattari affirme avec davantage de vigueur qu’il faut commencer par distinguer « machine » et « structure », « pour éclairer le repérage des positions particulières de la subjectivité dans son rapport à l’événement et à l’histoire »[24]. Le « sujet inconscient » est à chercher « du côté de la machine, disons à côté de la machine »[25].
Les machines chez Lacan et Marx
Au cours d’une séance du Séminaire II (1954-55) consacrée à « Freud, Hegel et la machine », Lacan montre que la machine s’est imposée comme un modèle pour la subjectivité à l’âge de l’énergétique. La machine à vapeur de Watt et le développement de la thermodynamique ont introduit une nouvelle conception de l’énergie dans la science et l’opinion publique. « Il y a dans Freud une chose dont on parle et dont on ne parle pas dans Hegel, c’est l’énergie[26]. » Dans son second séminaire, Lacan affirme que Freud est proprement à la recherche d’une « métaphore »[27], au sein des théories énergétiques contemporaines de la machine, qui lui permettrait de « manipul[er] de symboles en vue de résoudre des questions énergétiques »[28] particulières aux êtres humains. Le corps vivant pourrait être compris comme un homéostat, avec des seuils différentiels et des points d’effondrement. L’organisme n’est pas une machine pour autant ; seuls le sont les processus primaires de l’esprit inconscient. Ce qui s’est produit entre-temps, affirme Lacan, c’est que Freud « vient alors buter, il achoppe, sur le rêve »[29] :
Il s’aperçoit que le cerveau est une machine à rêver. Et c’est dans la machine à rêver qu’il retrouve ce qui y était déjà depuis toujours et dont on ne s’était pas aperçu, à savoir que c’est au niveau du plus organique et du plus simple, du plus immédiat et du moins maniable, au niveau du plus inconscient que le sens et la parole se révèlent et se développent dans leur entier. (…) On dit qu’il abandonne une perspective physiologisante pour une perspective psychologisante. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il découvre le fonctionnement du symbole comme tel, la manifestation du symbole ; l’état dialectique, à l’état sémantique, dans ses déplacements, les calembours, les jeux de mots, rigolades fonctionnant toutes seules dans la machine à rêver[30].
Pour les êtres humains, le cerveau n’est plus un organe d’adaptation : dans la mesure où c’est lui qui héberge la division interne entre conscience et inconscient, il doit être défini avant tout comme une machine à rêver.
Cette machine n’est pas ce qu’un vain peuple pense. Ce n’est pas purement et simplement le contraire du vivant, le simulacre du vivant. Qu’elle ait été faite pour incarner quelque chose qui s’appelle le temps et qui est le mystère des mystères, doit nous mettre sur la voie. Qu’est-ce qui est en jeu dans la machine ? Qu’à la même époque un nommé Pascal se soit employé à construire une machine, encore toute modeste, à faire des additions, nous indique que la machine est liée à des fonctions radicalement humaines. Ce n’est pas un simple artifice, comme on pourrait le dire des chaises, des tables, et des autres objets plus ou moins symboliques (…). Les machines, c’est autre chose. Ça va beaucoup plus loin du côté de ce que nous sommes réellement que ne le soupçonnent ceux-là même qui les construisent[31] [31] Ibid. , p. 94. …
suite.
20 Pourquoi les machines vont-elles « beaucoup plus loin du côté de ce que nous sommes réellement » ? Parce qu’elles sont des vecteurs de différentiation de l’énergie, qui agit elle-même selon des lois d’équilibre[32] [32] Ibid. , p. 96. …
suite et qui est capable de déplacements, de substitutions et de condensations – qui agit en somme, ainsi que le percevait Freud, selon le même fonctionnement que les processus primaires de l’esprit humain. La machine est la concrétisation de la validité dans le réel, le produit externalisé d’un sujet destiné à assister la réalisation d’une activité subjective d’intensité supérieure – c’est le seul modèle ou symbole du jeu « différentiel » pur de la signification inconsciente. L’alliance Deleuze-Guattari qui a abouti à la production de l’immense « manuel » Capitalisme et Schizophrénie semble reposer sur l’accord qu’une approche « machinique » de l’inconscient n’a non seulement rien d’« aliénant », mais qu’elle est aussi, bien comprise, ontologiquement adéquate à l’inconscient, tout en inscrivant, de façon décisive et pressante, les sujets modernes en position de reprise du mouvement réel du processus historique, ainsi écarté du nihilisme rampant entretenu par le capitalisme.
Lacan lui-même finit par manquer l’occasion de relier le concept d’objet « a » aux analyses marxistes de la production, la reproduction et la consommation dans l’économie politique, et scotomise ainsi les formes possibles de l’« énonciation sociale »[33] qui seraient susceptibles d’agir comme vecteurs de l’action [agency] politique, au cours précisément de périodes de bouleversement technologique. Le capitalisme industriel, une fois mis en marche, génère des sujets déterritorialisés, et à travers une alternative constante entre déqualification et requalification professionnelle, engendre de nouvelles formes machiniques (en principe universelles) de subjectivité. Lacan avait découvert le mécanisme mais il n’avait pas su déployer ses conditions historiques et ses implications politiques. En s’appuyant sur des principes marxistes, Guattari suggère que l’orientation générale des institutions sociales s’est radicalement transformée avec l’expropriation capitaliste des bénéfices de la révolution industrielle. Auparavant, l’acquisition de compétences était supervisée par les corporations. Mais de nos jours, « l’initiation au métier, la cooptation au corps de métier ne passe plus par des médiations institutionnelles »[34]. S’il demeure des institutions, elles sont aujourd’hui dans un régime parasitaire par rapport au Capital. « La révolution industrielle (…) tend à faire que la machine de production précède l’institution ; la machine est devenue le support par excellence du sujet institutionnel. La révolution industrielle tend à exproprier les institutions, à les vider de leur substance métaphysique[35]. » Les objets institutionnels des institutions capitalistes sont « vidés » progressivement et « réseau de parole vide »[36] ; plus encore, ils sont devenus des forces d’« anti-production », selon l’expression de Guattari pour désigner l’action de « signifiants qui sont là pour colmater et interdire l’émergence de tout processus subjectif de groupe »[37]. Le conflit entre la technologie et l’économie capitaliste détermine désormais l’orientation et l’activité des institutions humaines. Mais alors que le capitalisme s’efforce par tous les moyens de maintenir l’illusion que la liberté du marché est essentielle au développement de la technologie, c’est bien en réalité l’industrie, la technologie même, et non simplement le capitalisme, qui est le moteur de la « déterritorialisation » dont les collectivités humaines font l’expérience.
L’individu dans son rapport à la machine a été décrit par les sociologues à la Friedmann dans un rapport fondamental d’aliénation. Cela est sans doute exact si l’on considère l’individu comme structure de totalisation imaginaire. Mais la dialectique du maître d’œuvre et de l’apprenti (…) a perdu tout sens au regard du machinisme moderne qui, à chaque étape technologique, requiert de ses spécialistes qu’ils repartent de zéro. Mais justement, ce retour à zéro n’est-il pas à situer au principe même de la coupure essentielle qui marque le sujet inconscient[38] ?
Les migrations sont les instances d’un mouvement plus étendu, inhérent au développement du capitalisme. Guattari suggère que la perpétuelle « remise à zéro » de la déterritorialisation capitaliste, exemplifiée dans les bouleversements compulsifs de la déqualification et de la requalification qui anéantit les communautés avec une fréquence grandissante, produit un nouveau type de subjectivité. L’exigence de déqualification et de requalification affecte le travailleur au niveau le plus profond de sa subjectivité.
L’aliénation du travailleur à la machine l’expulse hors de tout équilibre structural, le transfère dans une proximité maximale à un système radical de coupure, disons de castration, qui lui retire tout répit, toute sécurité « moïsante », qui lui dénie la légitimité d’un « sentiment d’appartenance » à un corps de métier. Les ordres professionnels qui subsistent encore comme ceux des médecins, des pharmaciens, des avocats, etc., ne sont que les résidus des rapports de production antérieurs au capitalisme. Il est vrai que cette coupure est insupportable ; aussi la production institutionnelle s’emploie-t-elle à masquer ses effets par la mise en place de systèmes d’équivalents, d’ersatz, dont le répondant idéologique n’est pas uniquement à repérer du côté paternaliste fascisant, avec ses devises sur le travail, la famille et la patrie, mais aussi bien au sein des différentes moutures de socialisme (y compris de celles qui ont pu sembler les plus libérales, comme à Cuba par exemple), avec leur apologie oppressante du travailleur modèle, leur exaltation de la machine dont la culte fonctionne comme celui du héros antique[39].
« Le signifiant dans l’histoire intervient au moment où l’histoire ne marche plus. À la limite, l’histoire n’a rien à voir avec le signifiant C’est quand elle bascule dans le non-sens que se pose le problème du sujet, c’est-à-dire d’une production et d’une représentation de la coupure subjective, à partir d’un déploiement ‘supplémentaire’ de l’ordre signifiant »[40]. Dans la conception énergétiste de l’être humain qui prend place après l’apothéose du sujet hégélien, la notion de « sujet » semble vouée au rang d’anomalie, voire d’anachronisme. C’est pourtant à ce moment précis, en ce point de conjonction dirait Guattari, entre énergétique et capitalisme, qu’une nouvelle relation entre désir, subjectivité et machines devient néanmoins possible. Ceci précisément à cause de la convergence tendancielle entre énergétique, technologie et capitalisme selon un scénario « idéal » de « machines-consommatrices-de-machines-productives »[41] [41] Guattari, « La transversalité », in Psychanalyse…
suite, qui libère une forme de subjectivité « machinique » impliquant, contre toute attente, les sujets désirants modernes dans une tendance profonde à la transformation future de la société.
26 Au regard du travail de la machine, le travail humain n’est plus rien. Disons plutôt que le travail du « rien » comme spécifique du travail moderne, au moins tendanciellement, le travail du feed-back : appuyer sur un bouton rouge ou noir en fonction de telle ou telle occurrence programmée par ailleurs, le travail humain n’est plus que le résidu non encore intégré de celui de la machine. Le travail de l’ouvrier, du technicien, du scientifique sera repris, incorporé aux rouages de la machine de demain, le geste répété n’offre plus aujourd’hui de garantie rituelle. Il n’est plus possible d’identifier la répétition du geste humain – « le geste auguste du semeur » – avec celle de l’ordre naturel en tant que fondement de l’ordre moral des choses. La répétition du geste ne fonde plus un ‘être-pour-la-profession’. Le travail humain moderne n’est qu’un sous-ensemble résiduel du travail de la machine. Le geste humain résiduel n’est plus qu’un procès subjectif sécrété par l’ordre de la machine. En fait, la machine est passée au cœur du désir, le geste humain résiduel ne constitue plus que le lieu de marquage de la machine sur la totalité imaginaire de l’individu (Cf. fonction du (1 – a) de Lacan)[42].
Dans sa communication de 1964 au premier Congrès international de psychodrame intitulée « Transversalité », Guattari envisageait que les fantasmes relatifs à la machine constituent, dans les psychoses modernes, une réaction aux problèmes sociaux inhérents à un capitalisme parvenu au stade de la consommation. « Je considère qu’il y a lieu d’établir une sorte de grille de correspondance entre les phénomènes de glissement de sens chez les psychotiques, tout particulièrement chez les schizophrènes, et les mécanismes de discordance croissante qui s’instaurent à tous les étages de la société industrielle dans son accomplissement néo-capitaliste et socialiste bureaucratique, tels que l’individu tend à avoir à s’identifier à un idéal de ‘machines-consommatrices-de-machines-productives’[43]. » Le fantasme schizophrénique récurrent des machines qui contrôlent l’esprit est solidement documenté par la littérature sur la schizophrénie. L’article de 1918 de Victor Tausk intitulé « De la genèse de l’appareil à influencer dans la schizophrénie » analysait par exemple ce fantasme schizophrénique typique d’une machine qui contrôle l’esprit, guidée par des ennemis persécuteurs ; un autre aspect récurrent étant la communication par des appareils du quotidien (radio, télévision).
28 L’ordre structural du groupe, celui de la conscience, de la communication, est ainsi cerné de toutes parts par ces systèmes de machines sur lesquels il n’aura jamais de prise, qu’il s’agisse des objets « a », comme machine inconsciente du désir, ou des phénomènes de rupture rapportés aux machines de différents genres. L’essence de la machine, comme fait de rupture, comme fondation atopique de cet ordre du général, aboutit à ce que l’on ne puisse plus distinguer à terme le sujet inconscient du désir de l’ordre même de la machine. Au-delà ou en deçà de toutes déterminations structurales, le sujet de l’économie, le sujet de l’histoire, le sujet de la science rencontrent ce même objet « a » comme coupure fondatrice du désir[44].
La façon dont chacun expérimentera la machine dépendra non seulement d’un statut individuel d’ouvrier ou de capitaliste, mais également de ce que Guattari distingue comme sujet et groupe-sujet au sein des travailleurs. L’avancement de la technologie rend désormais possible la synthèse et la traversée de niveaux structurels hétérogènes, et la redécouverte de zones et de voies d’agencement machinique qui demeurent latents au sein d’institutions sociales contrôlées par le capitalisme. Une innovation technologique ou scientifique est en mesure de « couper » dans le champ structurel : « comme une machine de guerre, elle le bouleverse et le remanie jusqu’à le transformer radicalement »[45]. L’opération capitaliste de déqualification et de requalification engage l’universalisation d’une forme de subjectivité proprement machinique. « Avec le capitalisme industriel l’évolution spasmodique du machinisme coupe et recoupe l’ordre existant des métiers[46]. » Des machines sont sans cesse produites puis déclassées, laissant derrière elles des types de production spécifiques, qui rendent possibles de nouveaux types de déterritorialisation. La tâche révolutionnaire, selon Deleuze et Guattari, consiste à réaliser l’état machinique de notre subjectivité, et à le retourner contre le capitalisme en le mettant au service de nouvelles institutions, de nouveaux desseins[47]. Le capitalisme n’a pas le monopole de la machine, et l’on peut envisager des moyens permettant aux travailleurs de la reprendre des mains du capitalisme. Au cours de périodes de flux ou de devenir, des groupes-sujet émergent et parviennent à faire usage de la société comme de machines capables de porter et de transformer des forces multiples dans des milieux très différenciés[48].
Guattari et le fantasme collectif
Au-delà du fantasme individuel, il y a des types spécifiques de fantasme collectif. Ce sont des « fantasmes transitionnels », des formations collectives de l’imagination propres au changement social, au sein desquels les fondements sociaux sont altérés et « re-machinés ». « À telle ou telle étape de l’histoire apparaît une focalisation du désir dans l’ensemble des structures ; nous en proposons le repérage sous ce terme général de machine, qu’il s’agisse d’une arme nouvelle, d’une nouvelle technique de production, d’une nouvelle axiomatique religieuse, de grandes découvertes – la découverte des Indes, celle de la relativité, la Lune, la Chine, etc.[49]. » Guattari soutient qu’il y a deux approches générales et opposées, relatives aux fantasmes de groupe, qui correspondent fondamentalement à deux types de groupes sociaux : les groupes-sujet et les groupes assujettis. « Le groupe-sujet, ou qui a vocation de l’être, s’efforce d’avoir une prise sur sa conduite, il tente d’élucider son objet et, à cette occasion, sécrète les moyens de cette élucidation. (…) On pourrait dire du groupe-sujet qu’il énonce quelque chose, tandis que pour le groupe assujetti, ‘sa cause est entendue’. Entendue d’ailleurs on ne sait où, ni par qui[50]. » Le groupe dépendant est défini, et ne se définit de façon décisive, qu’en relation aux autres groupes. Intrinsèquement paranoïaque, il n’agit que de façon réactive.
Mais s’il y a quelque chose comme un désir de groupe, il nous faut saisir avec davantage de précision la manière dont il est lié au désir individuel. Y a-t-il un corps social ? « Vouloir dégager le sujet de l’hydre sociale, ce n’est pas en venir pour autant à des solutions individuelles[51]. » Au cours d’une intervention orale à La Borde en 1966, reprise dans « Le groupe et la personne », Guattari ajoute que « la fantasmatisation de groupe, de son côté, ne connaît pas de système de garde-fous similaires à ceux du système pulsionnel libidinal, elle est renvoyée à des équilibres homéostatiques provisoires et instables »[52].
Il apparaît ainsi qu’il n’y a pas d’objet partiel pour le désir de groupe, c’est le problème majeur :
Le fantasme de groupe superpose les plans, il les échange, les substitue. Il est condamné à tourner sur lui-même. Cet effet de circularité le conduit à déterminer des zones d’impasses, d’interdit, des vacuoles infranchissables et tout un « no man’s land » du sens. Pris dans le champ du groupe, le fantasme renvoie au fantasme à la façon d’une monnaie d’échange, mais d’une monnaie sans étalon corporéisé, sans point de consistance qui lui permette d’être rapportée, ne serait-ce que de façon partielle, à autre chose qu’à une topologie relevant uniquement de l’ordre du général. Le groupe – en tant que structure – fantasme l’événement à travers un perpétuel et irresponsable va-et-vient entre le général et le particulier. Tel leader, tel bouc émissaire, telle scission, telle menace imaginaire ressentie de l’autre groupe est l’équivalent de la subjectivité du groupe[53].
Une procédure spécifique d’« analyse institutionnelle » pourrait aider à produire des « agencements collectifs d’énonciation ». Guattari identifiait le « transfert et l’interprétation » comme un « moyen d’intervention symbolique »[54] propre aux agents collectifs des institutions sociales, mais il a également développé un certain nombre d’idées et de pratiques à partir d’une forme de thérapie connue sous le qualificatif de « psychodrame »[55]. Pour Guattari, l’analyse « transversale » de l’esprit dans ses interactions sociales, que ce soit dans le psychodrame, l’analyse de groupe ou le séminaire, doit permettre en principe l’identification et la réalisation d’un niveau proprement collectif d’agencement propice à la conservation d’une institution.
Un tel remaniement des idéaux du moi modifie les données d’accueil du surmoi et permet la mise en circuit d’un type de complexe de castration articulé avec des exigences sociales différentes de celles que les malades avaient connues précédemment dans leur relations familiales, professionnelles, etc. L’acceptation d’être « mis en cause », d’être mis à nu par la parole de l’autre, un certain style de contestation réciproque, d’humour, l’élimination des prérogatives de la hiérarchie, etc., tout cela tendra à fonder une loi nouvelle du groupe dont les effets « initiatiques » permettront la venue au jour, disons au demi-jour, d’un certain nombre de signes présentifiant des aspects transcendantaux de la folie qui, jusqu’alors, étaient restés refoulés[56].
Les premières tentatives de Guattari pour penser quelque chose comme un désir collectif, et sa persistance dans l’analyse et l’articulation des autodifférenciations produites par la conscience de groupe, ont porté la promesse d’un renversement radical de notre compréhension de la pratique collective. Une désaliénation guattarienne de l’esthétique et de la pratique sociale révèlerait ainsi l’essence proprement psychodramatique de la communication humaine, et ouvrirait peut-être l’espace d’une séparation des institutions culturelles et de l’ordre capitaliste.
Traduit de l’anglais par Kosumi Abgrall
Notes
[ 1] Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger [1790], Paris, Flammarion, 2000, note p. 156.
[ 2] Jacques Lacan, « La signification du phallus » [1958], Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 691.
[ 3] Jacques Lacan, Le Séminaire. Livre I. Les écrits techniques de Freud [1953-1954], Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1998, p. 334.
[ 4] Le garçon est mis en position posséder le symbole, et cesse alors de l’être, alors que la fille est mise en position d’en être privée, mais en exploitant les possibilités du travestissement et des apparences, elle peut agir comme si elle le détenait en elle. En d’autres termes l’enfant entre dans un monde binaire au sein duquel la sexualité est organisée autour de deux rôles : celui du droit au symbole (masculin), et celui de la détention factice du symbole dans une apparence attrayante (féminine).
[ 5] Jacques Lacan, Séminaire XI, Paris, Seuil, 1973, p. 73.
[ 6] Ibid., p. 95.
[ 7] « J’ai eu des coups de chance, j’ai fait des rencontres heureuses. Celle de Jean Oury (…) [et] celle de Lacan qui, durant les premières années où je l’ai connu, a eu avec moi un rapport attentif et même amical. Jusqu’au jour où ça s’est gâté, en particulier avec l’irruption de ce personnage que j’aime mieux ne pas qualifier, Jacques-Alain Miller, et de son groupe de la rue d’Ulm, qui ont établi une sorte de symbiose monstrueuse entre le maoïsme et le lacanisme ». Félix Guattari, « Institutional Practice and Politics » (entretien avec Jacques Pain) [1985], in Gary Genosko (dir.), The Guattari Reader, Oxford, Blackwell, 1996, p. 100.
[ 8] Jacques Lacan, « La science et la vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 875.
[ 9] Voir Peter Dews, la section « Language, Subjectivity and Historicity » dans son chapitre sur Lacan, in Logics of Disintegration. Post-Structuralist Thought and the Claims of Critical Theory, Londres, Verso, 1987, p. 60-69.
[ 10] Lacan, Écrits, op. cit., p. 262.
[ 11] Félix Guattari, « La causalité, la subjectivité et l’histoire » [1966-67], in Psychanalyse et Transversalité, Paris, 2003, p. 174.
[ 12] Louis Althusser, « Freud et Lacan », in Écrits sur la psychanalyse, Paris, Stock/IMEC, 1993, p. 36.
[ 13] Guattari, « La causalité, la subjectivité et l’histoire », in op. cit., p. 175-176.
[ 14] Ibid., p. 175.
[ 15] Ibidem.
[ 16] Ibid., p. 176. La conception deleuzienne de la répétition est plus complexe. Elle dérive de Kierkegaard, Nietzsche et Péguy, aussi bien que de Freud ou Lacan.
[ 17] Félix Guattari, « Machine et structure » [1969], in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 241.
[ 18] Félix Guattari, « La causalité, la subjectivité et l’histoire », in op. cit., p. 180 (je souligne).
[ 19] Slavoj Žižek, The Sublime Object of Ideology, Londres, Verso, 1989, p. 3.
[ 20] Ibid. ; cf. Séminaire VII.
[ 21] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 244.
[ 22] Ibidem.
[ 23] Ibid., p. 245.
[ 24] Ibid., p. 240.
[ 25] Ibid., p. 241.
[ 26] Jacques Lacan, Le Séminaire. Livre II. Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse [1954-1955], Paris, Seuil, 1978, p. 95 (je souligne).
[ 27] Ibid., p. 96.
[ 28] Ibidem.
[ 29] Ibidem.
[ 30] Ibid., p. 96-97.
[ 31] Ibid., p. 94.
[ 32] Ibid., p. 96.
[ 33] Guattari, « Introduction à la psychothérapie institutionnelle » [1962-63], in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 43
[ 34] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 242.
[ 35] Ibid., p. 245.
[ 36] Guattari, « La causalité, la subjectivité et l’histoire », in op. cit., p. 199.
[ 37] Guattari, « D’un signe à l’autre » [1966], in Psychanalyse et Transversalité, op. cit.
[ 38] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 241.
[ 39] Ibid., p. 242.
[ 40] Guattari, « La causalité, la subjectivité et l’histoire », in op. cit., p. 176.
[ 41] Guattari, « La transversalité », in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 75.
[ 42] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 242.
[ 43] Guattari, « La transversalité », in op. cit., p. 75.
[ 44] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 246.
[ 45] Ibid., p. 242.
[ 46] Ibidem.
[ 47] Si des nationalismes ont ré-émergé depuis le rêve d’internationalisme du XIXe siècle, c’est parce que l’internationalisme ne dispose pas « d’une expression structurale adéquate articulée aux machineries économiques et sociales qui le ‘travaillent’ » (Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 247). « La consistance subjective de la société, telle qu’elle s’articule à tous les niveaux économiques, sociaux, culturels, etc., n’est pas actuellement repérable et ne dispose que de traductions institutionnelles équivoques » (ibid., p. 248).
[ 48] La seconde partie de l’article « Causalité, subjectivité et histoire » est consacrée à l’analyse par Guattari de la « coupure léniniste », et du « psychodrame claustrophobe » dans lequel Lénine et Trotsky se sont retrouvés pris au cours de la période qui a précédé la Révolution d’Octobre. « Les bolcheviks ont interprété la débandade militaire, économique, sociale et politique comme une victoire des masses » (ibid., p. 183).
[ 49] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 246.
[ 50] Guattari, « La transversalité », in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 76.
[ 51] Guattari, « L’étudiant, le fou et le katangais » [1969], in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 237.
[ 52] Guattari, « Le groupe et la personne » [1966], in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 167.
[ 53] Guattari, « Machine et structure », in op. cit., p. 245.
[ 54] Guattari, « La transversalité », in Psychanalyse et Transversalité, op. cit., p. 79.
[ 55] Guattari a participé au premier et au troisième Congrès international de psychodrame. Le terme « psychodrame » renvoie à une forme de thérapie de groupe mise au point par Jacob Levy Moreno (1892-1974). Issu du théâtre expérimental viennois des années 1910-20, il poursuivait également une carrière dans la médecine et la psychiatrie. Dans les années 1940, il a développé une théorie et une pratique du « psychodrame », au cours de laquelle le patient joue le rôle du « protagoniste » d’un drame aux côtés d’autres participants qui prennent le rôle de l’« ego auxiliaire », soutenant le processus symbolique, ainsi que celui d’« auditeur » (représentant l’opinion publique), et celui de « moniteur » ou directeur. Voir Maurice-David Matisson, Le Psychodrame (et son développement en France), Paris, Psychothèque, 1973, p 27. Dans sa conception d’un « théâtre de la spontanéité », il reprend la notion aristotélicienne de catharsis selon deux orientations distinctes. « Selon Moreno, la catharsis est la libération de la spontanéité créatrice, notion qu’il a découverte en sociométrie (notamment en étudiant le jeu), et chez Bergson » (Matisson, ibid., p. 29).
[ 56] Guattari, « La transversalité », in op. cit., p. 83.
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