– Quel est le degré d’intelligence d’une IA, Case ?
– Ça dépend. Certaines sont pas plus malignes que des clébards. Des animaux de compagnie. Coûtent quand même une fortune. Les plus futées, elles le sont autant que le veut bien leur permettre la flicaille de Turing.
– Écoute, t’es un cow-boy. Comment se fait-il que tu ne sois pas littéralement fasciné par ce genre de truc ?
– Eh bien, pour commencer, elles sont rares. La plupart sont militaires – les plus intelligentes – et on est incapable de craquer leur glace.
(…)
– Déjà essayé de craquer une IA ?
– Bien sûr. Je me suis fait rétamer. Électro plat. La première fois. Faut dire que je faisais le con, allumé à mort, à fouiner du côté du secteur chaud des affaires à Rio. Les grosses boîtes, des multinationales, le gouvernement du Brésil illuminé comme un sapin de Noël. Mais je faisais juste que fureter, tu vois… Et puis voilà que je commence à me brancher sur ce drôle de cube, peut être trois niveaux au-dessus. Je me connecte. J’y fais une passe.
– De quoi il avait l’air, de visu ?
– D’un cube blanc.
– Comment tu savais que c’était une IA ?
– Comment j’savais ? Bon Dieu ! C’était la glace la plus dense que j’aie jamais vue. Alors, quoi d’autre, sinon ? Les militaires, dans le coin, ils n’ont rien de semblable. En attendant, j’ai décroché vite fait et dit à mon ordinateur d’aller y jeter un œil.
– Et alors ?
– Il était sur l’Annuaire de Turing, classé IA. C’était une boîte française qui était propriétaire de l’unité centrale de Rio.
Case se mordilla la lèvre inférieure, laissant errer son regard au-delà du plateau de l’Électronucléaire de la Côte Est, pour se perdre dans l’infini du vide neuroélectronique de la matrice.
– La Tessier-Ashpool, Dixie ?
– Tessier, ouais ?
William Gibson, Neuromancien,
J’ai Lu / La Découverte, 1984, 1985
pour la traduction française, p. 115 et p. 136