Comment regarder vers le bas sans regarder de haut ? Tel pourrait être le défi qu’explore la photographe Maryvonne Arnaud au fil des terrains qu’elle parcourt depuis trois décennies.
Co-fondatrice avec Philippe Mouillon du LABORATOIRE1, elle réalise des interventions artistiques d’échelle urbaine qui ambitionnent de renouveler l’espace public en le scénarisant et le représentant autrement, depuis des mégapoles multiraciales et multiculturelles comme Rio de Janeiro, Johannesburg, des milieux ébranlés comme Sarajevo ou Tchernobyl, ou des villes françaises et européennes comme Lyon, Marseille, Cologne. Dans le cadre de sa co-animation de la revue local.contemporain, qui a publié une dizaine de numéros au cours des vingt dernières années, et de son travail de conception des quatre saisons du programme paysage>paysages déployé en Isère et en Rhône-Alpes, Maryvonne Arnaud est d’abord une plasticienne photographe, qui arpente aussi bien des espaces ordinaires (travaux sur les dimanches, les foules, les collections, la précarité) que des lieux traumatisés (Tchétchénie, Lesbos, Eubée).
Son Journal des sols se penche sur ce que nous piétinons sans y penser ni y regarder à deux fois. Toute une philosophie allemande nous a sensibilisé·es à ce que nous avons « sous la main » (vorhand/zuhand), mais il fallait une photographe pour donner sa mesure historique, planétaire, ontologique, à ce que nous avons sous les pieds.
Journal de voyages
Commençons par écouter ce qu’écrit de son travail l’artiste Philippe Mouillon, son compagnon de création et de vie :
« Pas à pas, Maryvonne photographie frontalement le sol à ses pieds, évitant toute ligne de fuite, tout effet de perspective. Un corps à corps s’installe, dans une longue solitude, entre le site et elle. Cette vue courte et plate lui semble condenser derrière sa banalité apparente des indices plus virulents qu’une vue générale, inconsciemment organisée et codée au fil des méandres esthétiques qui ont structuré notre culture visuelle jusqu’à aujourd’hui, et qui sature désormais nos capacités de perception et de partage du sensible.
« Ici, chaque fragment photographique correspond à une enjambée. C’est une mesure du monde à l’échelle du corps. Un journal : ce mot fut d’abord employé pour qualifier une mesure de surface de terre et de temps, plus précisément ce qu’un homme et son attelage pouvaient labourer ou faucher en une journée. Ce fragment est ensuite reproduit à son échelle réelle, puis juxtaposé aux autres, côte à côte, jusqu’à reconstituer le parcellaire du sol d’origine. Mais une reconstitution pour partie maladroite, car elle conserve souvent les traces des erreurs, des remords, des doutes, de l’épuisement qui assaille le corps au fil du processus.
« L’arpentage lui permet d’accueillir pourtant ce qui émerge spécifiquement ici. Et chaque image condense une totalité. Ce n’est jamais un simple coin du monde, mais le monde entier qui est là, dans ses dynamiques enchevêtrées, luxuriantes et toxiques : école maternelle ou bibliothèque publique désertées de Prypriat à quelques pas de Tchernobyl ; villages de Croatie après « l’épuration ethnique » menée par l’armée serbe ; rivages des îles de Lesbos et de Chios où viennent échouer par vagues toutes et tous les contraints à l’exil ; frontières désespérément infranchissables, forêts calcinées et silencieuses de l’ile d’Eubée.
« Une intimité paradoxale semble en résulter pour l’observateur : nous ne sommes plus spectateurs d’une représentation plus ou moins exotique et qui ne nous concernerait que distraitement, mais impliqués dans un espace dont les indices ressemblent à ceux de notre quotidien – une poupée, une chaussure de femme, une photo d’identité, quelques tasses à café – mais un quotidien à vif, ébranlé, lourd de menaces. »
Sollicitudes des sols
Le sol est ce qui soutient nos existences : nous tenons debout, sur lui, du fait des couches de sédimentations qui se sont accumulées en lui. C’est parce que ces couches sont écrasées, compactées, qu’il est assez solide et ferme pour que nous tenions dessus. Il faut des archéologues pour révéler ce que les strates inférieures pouvaient contenir de signes et de formes de vie. C’est parce que les drames et les joies du passés sont aplaties, sédimentées et effacées sous nos pieds, que nous pouvons marcher dans le présent, sans risquer de sombrer dans les abîmes du passé.
En parcourant quelques lieux très particuliers de notre planète, Maryvonne Arnaud nous fait découvrir ce passé en train de se faire – toujours visible, pas encore écrasé, pas encore compacté et enfoui. Les sols qu’elle déniche et qu’elle photographie sont encore à vif. Insolemment présents.
Son appareil les surprend dans une fixation encore fraîche, surprise et presque hésitante. Les céramiques brisées de Croatie gardent leurs angles aiguisés et leurs couleurs vivaces. Les cassures sont récentes. Les coussins et les poupées de Tchernobyl ont pâli, mais leur position au milieu de masques à gaz et de papiers abandonnés témoigne d’une suspension du temps. Leur immobilisation soudaine, du fait d’une évacuation inattendue, reproduit le geste photographique qui fige pour toujours un moment évanescent, défini par sa contingence – c’est-à-dire, étymologiquement, par la juxtaposition d’objets qui se trouvent le toucher à ce moment aléatoire.
Des sols, le journal de Maryvonne Arnaud saisit cette couche superficielle qui s’offre au regard dès lors qu’on détourne celui-ci de la tentation d’un horizon toujours leurrant, parce que toujours fuyant. Et si, au lieu de rêver à ce qui devrait ou pourrait être, on commençait par observer ce qui est là, entre les pieds ? Et si, au lieu de marcher dessus pour aller voir plus loin, on suspendait le pas pour éviter de l’écraser ?
Regarder plutôt qu’imaginer. Documenter plutôt que fictionner. Scruter le donné plutôt qu’halluciner le possible. La réalité des sols fait voir un monde de rejets, qu’occultent nos attentes de projets. Un monde de déchets, c’est-à-dire de choses déchues de leur statut d’instruments de pouvoir, de conquête ou de maîtrise. Ces choses déchues sont tombées, sur les sols, qui les accueillent et les recueillent sans avoir eu à les cueillir – sans discrimination.
Ces déchets et ces sols font ici l’objet d’une sollicitude proprement révélatrice. Il faut faire attention où l’on met les pieds. Non tant parce qu’un débris acéré pourrait nous entamer les chairs – on a de bonnes chaussures. Non parce que ces déchets auraient du prix – on est au plus loin ici du recyclage. Mais parce que cette surface figée du présent est fragile, éphémère, précaire dans sa fixité même. Et qu’elle mérite sollicitude. Elle n’a jamais été arrangée à dessein (elle résulte de chocs, de bris, de luttes et d’aléas multiples). Mais elle peut néanmoins être dérangée (écrasée, ensevelie, enterrée). Ces photographies incarnent cette sollicitude envers la fragilité d’un passé insolemment présent, que tout nous porte à ignorer (à piétiner), mais que la photographe nous invite à exhumer – en le faisant surgir hors de l’humus où le temps qui passe et les passants qui rêvent promettent de l’ensevelir.
Solitudes de tortues
En photographiant les choses qu’elle trouve entre ses pieds, dans des lieux traumatisés, Maryvonne Arnaud semble avoir choisi une aventure solitaire. Pas de figure humaine dans ce journal des sols. Personne n’y apparaît. Seulement des champs de ruines et des scènes de destructions. Il n’y reste que des traces figées de présences humaines suspendues, d’existences vivantes fossilisées. Des photographies : une jeune fille avec un crayon ou une mère tenant son enfant. Des traces de pas dans la boue, profondément empreintes, que la pluie remplit d’eau sale. Des ossements d’animaux calcinés par les terribles incendies de l’île d’Eubée.
Quoi de plus solitaire que ces carapaces de tortues que les méga-feux laissent par centaines derrière leur passage ? Quoi de plus menaçant pour nos petits rêves de souveraineté individualiste ? Ces tortues, appartenant souvent à des espèces « protégées », portaient leur maison sur leur dos, elles croyaient pouvoir aller partout en sécurité. Il leur suffisait de se retirer à l’intérieur de leur forteresse, d’en fermer la porte à tout intrus, et de se croire à l’abri.
Cette carapace censée les protéger (mieux que nos lois), les sauver et les tirer de tout mauvais pas sont pour elles l’équivalent de nos passeports et de nos cartes de crédit d’Occidentaux solvables. En cas de gros ennui à l’étranger, on peut toujours les sortir de sa poche pour acheter une solution ou espérer un rapatriement. En tant que touristes, nous ne sommes jamais vraiment seuls, nos privilèges et nos lois nous entourent de sauveurs potentiels. Ils nous carapacent contre les aléas des terres étrangères.
D’où peut-être le saisissement ressenti à la vue de ces carapaces calcinées jonchant le sol des forêts noircies de l’Eubée. Rien ne sert de pouvoir se retirer « chez soi » en verrouillant la forteresse, dès lors que c’est tout notre environnement qui surchauffe, surchauffe, surchauffe, au point de prendre feu. Et si ces ossements gris sur fonds noircis traçaient à la surface des sols de notre présent les traumatismes de nos drames à venir, plutôt que les traces de nos vies passées ?
Solidarités d’envies
Ces sols cautérisés par des méga-feux et des accidents nucléaires montrent cependant tout autre chose que la perspective désespérante de nos effondrements à venir. La notion même d’effondrement nierait la persistance obstinée avec laquelle les sols photographiés par Maryvonne Arnaud font surface : loin de s’abîmer dans des affaissements sans fond, ils résistent à l’écroulement. Ils affirment une force qui n’a rien ni d’obscur ni de souterrain puisqu’elle porte à la lumière ce dont elle retient la chute, même lorsqu’il s’agit de déchets.
La solitude de ces mondes traumatisés témoigne en réalité d’un inlassable pullulement des multitudes. Les milliers de gilets de sauvetage qui s’accumulent sur les plages de Lesbos, entre autres appareils de flottaison, ressemblent superficiellement aux carapaces des tortues calcinées. Ils ont servi d’appendices extérieurs et de protections à des corps en difficultés. Mais l’immense majorité de leurs habitants s’en sont sortis en vie. Et, contrairement aux clichés misérabilistes où l’on enferme trop souvent les « migrants », ils y sont souvent entrés par envie – autant que par misère et désespoir.
Tandis qu’à l’intérieur de la forteresse Europe, les gilets jaunes bloquent les ronds-points, à ses frontières méditerranéennes, les gilets orange défient les check-points. Ce qui jonche ici les sols en quantité si impressionnante, ce ne sont pas des ossements de morts, mais des aspirations de vie. Ces déchets empilés sont la trace inerte de mouvements irrépressibles, qui désirent le meilleur au moins autant qu’ils fuient le pire. Maryvonne Arnaud photographie ce qui reste sur les sols quand les mouvements et les mouveur·es sont déjà parti·es ailleurs.
Pris un à un, ces restes racontent chacun une histoire. On pense à celle de Kab Niang dans un récit à paraître sur sa trajectoire de sans-papier venu du Sénégal pour s’engager dans la solidarité du Secours Populaire de la Seine Saint Denis :
« Nous prenons le départ à 20h30 précises. Vers 1h du matin, nous marchons toujours sur le sol tunisien. Beaucoup d’objets jonchent le sol : des sacs, des habits, des chaussures, des bouteilles abandonnées. On voit des voitures militaires qui circulent. On s’accroupit. On rampe parfois pour se cacher dans les dunes de sable, pour éviter les lumières. À quelques centaines de mètres, on aperçoit des militaires rassemblés en cercles autour d’un feu avec des chiens. […] Nous sommes à cinq mètres des grilles. Mamadou réussit en premier, suivi par Brahim, moi, Salou, et enfin Hassane. Ce dernier coince son sac à dos. Lorsque nous voulons l’aider, les chiens commencent à aboyer. On entend des tirs de feu, nous sommes plaqués au sol. Il finit par réussir. Les militaires ont lâché les chiens derrière nous. Ils se mettent à tirer des coups de feu dans notre direction. Personne n’est blessé, sauf Hassane au niveau de son genou2. »
Les lambeaux d’habits retrouvés sur la plage de Lesbos portent autant de traces des violences policières que des tempêtes en mer. Mais ils portent surtout témoignage des envies solidaires qui ont permis aux exilés plus ou moins volontaires de tenir ensemble, face à des politiques migratoires qui insistent diaboliquement pour les individualiser. Dans une installation intitulée précisément En vie, Maryvonne Arnaud proposait des rafales de photographies de plages de Lesbos se succédant assez rapidement pour donner l’illusion d’un mouvement presque continu. Radeau après radeau, des dizaines de personnes débarquent, jettent leur gilet de sauvetage et exultent d’être arrivées à bon port. Elles se libèrent de leur carapace, elles se congratulent. À peine sont-elles parties que d’autres arrivent. Des multitudes en vie. Des multitudes d’envies. Qui laissent derrière elles des gilets abandonnés et des traces de pas.
Forces de l’en-sol
Pour regarder vers le bas sans regarder de haut, Maryvonne Arnaud développe un art de l’à-plomb qui esquive les pièges du surplomb. En une époque où nos « visions du monde » cartographient nos rues depuis la perspective verticale des satellites, le point de vue plongeant est fortement connoté d’arrogance technoscientiste et de rapacité extractiviste. Une large partie des caméras actuellement en fonction sur la planète Terre ne sont pas utilisées pour faire voir des images, mais pour capter des données. Une bonne partie des autres sert à prendre des selfies. Presque toutes fonctionnent en mode hors-sol.
On pourrait caractériser le parti-pris de Maryvonne Arnaud comme étant celui, inverse, de l’en-sol. Non pas au sens où il serait fermement enraciné dans un territoire familier, patrimonial, rassurant. Il s’agit bien ici, on l’a vu, d’un journal de voyage. On n’est pas chez soi. Ni home ni Heimat. On regarde un sol étranger avec un regard étranger. Mais on le regarde de près – à partir de nos pieds, entre nos pieds. On s’attache à sa proximité en s’interdisant de l’inscrire sous un horizon rassurant. Il n’est que ce qu’il est. Mais on lui donne la chance d’être tout ce qu’il est, dès lors qu’on lui fait la faveur de le considérer de près et pour lui-même – à pied d’œuvre.
Comme antidote aux tentations de l’hors-sol, cet à-plomb sans surplomb constitue une modeste leçon pratique de solidarité visuelle : il nous place, à hauteur de femme, au niveau des réalités concrètes des mouvements humains qui traversent nos territoires de vie (et de mort).
Mais ce positionnement spatial ne suffit pas à définir les forces de vie et d’envies dont participe le parti-pris de l’en-sol. La série que Maryvonne Arnaud a composée pour cette Icône de Multitudes travaille aussi, quoique plus discrètement, sur la dimension du temps. La photographe passe des semaines et des mois sur les sols qu’elle arpente. Elle revient vers eux à différentes périodes. Elle observe non seulement les façons dont leurs traces et leurs déchets figent et suspendent le temps passé. Elle relève aussi comment les forces de vie animent progressivement les surfaces du sol. Et c’est dans cette dimension indissociablement locale et temporelle que surgissent les propriétés les plus suggestives du Journal des sols.
Résurgences insolites
Les forêts de l’île d’Eubée ont subi des destructions sans précédent durant l’été 2021, probablement exacerbées par les effets d’un changement climatique qui est voué à multiplier ce genre de ravages. Lors de son premier voyage, la photographe découvre des sols et des paysages intégralement noircis. Tout n’est que charbon et cendre, aussi bien sur les sols que dans les moignons d’arbres calcinés qui se dressent encore ici ou là. Une désolation intégrale, spectaculaire, mais proprement désespérante.
Elle décide pourtant d’y retourner en février suivant, pour donner aux sols le temps de répondre au catastrophisme – et d’en corroder le fantasme paralysant. Le noir et le gris trônent toujours dans les hauteurs – avec la même beauté de ruine en majesté. Mais l’à-plomb pointé vers le sol raconte une toute autre histoire : celle d’une insolite résurgence. Alors qu’on est encore en hiver, des pousses de verdure commencent déjà à pointer à travers les cendres. Les ossements de mammifères et les carapaces de tortues voient des mousses et des fougères redonner des couleurs à leurs restes désolés.
Lorsqu’elle retourne sur les lieux au mois de mai, une verdure fleurie recouvre déjà complètement certains pans de l’ancien sol des forêts. Bien entendu, les arbres mettront des décennies à recomposer une forêt comparable à celle qui s’est embrasée. Mais quelque chose de surhumain émane du sol, une force de vie que les plus cruelles et totales destructions ne parviennent à annihiler, effacer, étouffer que très provisoirement. Ce quelque chose de surhumain est précisément ce que l’anthropologue Anna Tsing appelle résurgence :
« Les perturbations, qu’elles soient d’origine humaine ou autre, éradiquent les assemblages multi-espèces, mais les écologies vivables reviennent, résurgent. Après un feu de forêt, les semis germent dans les cendres et, avec le temps, une autre forêt peut pousser dans le sol brûlé. La forêt qui repousse est un exemple de ce que j’appelle résurgence. Une forêt qui repousse signifie et suppose le renouvellement des relations inter-espèces qui rendent possibles l’existence et l’équilibre des forêts. La résurgence est l’œuvre de nombreux organismes qui négocient leurs différences pour forger des assemblages de viabilité multi-espèces au milieu des perturbations3. »
Le vieux mot de « nature » désigne étymologiquement une promesse de résurgence, et c’est en quoi il sera toujours infiniment plus puissant et évocateur que sa traduction technocratique en « écosystème ». La natura désigne « les choses qui sont appelées à naître (et renaître et renaître encore) », par une force intérieure aux environnements multi-espèces qui nous entourent, nous conditionnent et nous dépassent si largement par leurs forces de vie.
Cette force, qui voit des animaux et des plantes trouver aujourd’hui « refuge » à Tchernobyl, peut-elle en décontaminer les sols ? À quelle échelle de temps ? Avec combien de victimes en cours de route ? Combien de mutations et de malformations ? Si quelque chose finit bien par renaître, de nombreuses espèces meurent sans retour…
Il est suggestif que, dans son article, Anna Tsing pose la notion de « soutenabilité » en parallèle à celle de résurgence : seul ce qui sait naître et renaître par soi-même peut « se soutenir » dans l’existence au sein d’environnements affectés de perturbations. Mais, on l’a vu, contre tout imaginaire de l’effondrement, la caractéristique principale des sols que photographie Maryvonne Arnaud est qu’ils tiennent bon, qu’ils « soutiennent » nos pas, qu’ils offrent une surface ferme sur laquelle les traces et déchets du passé prennent visibilité et fixité. Un sol fait office de sol – il démontre sa solidité – dans la mesure où il se soutient dans la surface qu’il offre aux pas des passants et au regard des observatrices de l’en-sol.
En même temps qu’il résulte d’un geste de sollicitude pour ce que nous trouvons entre nos pieds, le Journal des sols révèle les multiples formes de résurgences, souvent insolites, qui animent aussi bien les insurgences de migrants que les forêts reverdies. Et malgré la toujours humble discrétion qui caractérise le travail de Maryvonne Arnaud – humilis vient de cet humus qui fait la fertilité des sols – cette Icône ne se contente pas de documenter les résurgences dont vivent tous les espoirs de notre monde : la photographe invite aussi à les solliciter activement.
1 Voir le site <www.lelaboratoire.net>.
2 Kab Niang, Comment faire d’un récit personnel un outil littéraire, Mémoire de master 2, Université Paris 8, 2022, p. 28.
3Anna Tsing, « Résurgence holocénique contre plantation anthropocénique », Multitudes no 72, 2018, p. 78.