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Mineure 101. Spéculation / Réaction

Des spéculations anti-néolibérales aux spéculations réactionnaires, par et

Des spéculations anti-néolibérales aux spéculations réactionnaires
Utopies solarpunk, fabulations féministes, afrofuturisme, etc. : les genres spéculatifs sont en vogue à gauche. Ils sont devenus l’un des instruments culturels de lutte contre le régime néolibéral : la place centrale qu’ils laissent à l’imagination est décrite comme une manière de contester le règne des experts et de remettre en cause la fermeture des alternatives politiques instaurées par le néolibéralisme. Problème : ces dernières années, les genres spéculatifs ont aussi été appropriés par l’internationale réactionnaire. Théories de la conspiration néonazies, utopies anarcho-capitalistes, science-fiction suprémaciste… L’extrême-droite spécule et ces spéculations jouent un rôle clé dans son développement. Que faire ? Faut-il distinguer entre spéculations réactionnaires et contre-spéculations critiques, comme le propose l’un de nos auteurs ? Faut-il inventer des dispositifs anti-spéculatifs, comme d’autres l’affirment ?

From Anti-Neoliberal Speculations to Reactionary Speculations
Solarpunk utopias, feminist fabulations, Afrofuturism… Speculative genres are in vogue on the left. They’ve become cultural tools in the struggle against the neoliberal order: their emphasis on imagination is seen as a way to challenge expert rule and reopen the space of political alternatives closed off by neoliberalism. However, in recent years, speculative genres have also been appropriated by reactionary forces. Neonazi conspiracy theories, anarcho-capitalist utopias, supremacist science fiction… The far right speculates too, and these reactionary speculations play a key role in its growth. What is to be done? Should we distinguish between reactionary speculations and critical counter-speculations, as one of our authors suggests? Should we invent anti-speculative devices, as others argue?

Spéculation
La deuxième page, par

Spéculation
La deuxième page
Dans sa Théorie de la spéculation de 1900, Louis Bachelier introduit un processus stochastique en temps continu pour le prix de l’action. Après lui, « spéculer en bourse » ne consistera plus à jouer la hausse ou la baisse, mais à spéculer sur la nature de ce processus : sa volatilité ne devrait-elle pas être plutôt stochastique, et la volatilité de cette dernière à son tour stochastique, ainsi de suite, jusqu’à l’infini ? L’avènement du modèle de Black-Scholes-Merton en 1973 introduit un paradigme différent, qui est celui du trading des options. Celles-ci deviendront assez liquides pour que des options soient écrites sur elles et échangées à leur tour, jusqu’à l’infini. La spéculation change ainsi de nature. Alors que la première, purement statistique, reniait l’objet du marché et ne pouvait étudier que les cours passés, la deuxième y replonge et crée une nouvelle forme d’écriture, qui sera celle – nous spéculons – du futur.

Speculation
The Second Page
In his 1900 Theory of Speculation, Louis Bachelier introduced a continuous-time stochastic process for stock prices. After him, “speculating on the stock market” no longer meant betting on a rise or fall of the stock price, but rather speculating on the nature of this process: shouldn’t its volatility itself be stochastic, and the volatility of that volatility stochastic in turn, and so on, ad infinitum? The emergence of the Black-Scholes-Merton model in 1973 introduced a different paradigm—that of options trading. Options became liquid enough for options to be written on them and traded in turn, ad infinitum. Speculation thus changes in nature. While the first, purely statistical, denied the market’s object and could only study past prices, the second dives back into the trading pit and creates a new form of writing. We speculate it is that of the future.

La Silicon Valley a-t-elle peur du genre ?, par

Contre-spéculations, par

Contre-
spéculations
Cet article soutient que l’émergence de homo speculans et son rapport à l’incertitude recèlent un potentiel politique encore peu exploré. Le fait que les communautés spéculatives habitent l’inconnu a rendu les individus à la fois plus attentifs à l’ici et maintenant et plus ouverts à l’imprévisibilité du futur. Ces évolutions ouvrent de nouvelles possibilités non seulement pour penser, mais aussi pour poursuivre des alternatives au capitalisme et continuer à mener une critique de la financiarisation. En s’écartant de l’accent persistant mis sur l’autoréflexivité et sur l’idée kantienne de liberté héritée de la modernité occidentale, l’article montre que les contre-spéculations renvoient à une imagination spéculative plus décentrée, qui rend compte de formes d’expérience sociale et politique de la financiarisation plus diverses.

Counter-
Speculations
This article argues that the emergence of homo speculans to the uncertain present contains underexplored political capital. The fact that speculative communities inhabit the unknown has made individuals both more attentive to the here and now and more open to the unpredictability of the future. These developments open new possibilities for contemplating as well as, importantly, for pursuing alternatives to capitalism and continuing to criticize financialization. Departing from the persisting emphasis on self-reflexivity and the Kantian idea of freedom inherited from Western modernity, the article shows that counter-speculations point to a more decentered speculative imagination at work, which accounts for more diverse social and political experiences of financialization.

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