Face au scénario global de progression d’une extrême droite aux noms et aux visages divers, un autre imaginaire s’impose. Ce n’est pas un hasard si un passionnant débat public a vu le jour entre deux grands historiens de l’art et de la culture, Georges Didi-Huberman et Enzo Traverso, à partir d’une image, la photographie de Gilles Caron sur la couverture du catalogue de l’exposition « Soulèvements » organisée par le premier. Le débat ne peut évidemment pas être réduit à une simple opposition entre soulèvement et révolution. Ou entre « vie » et « institution », selon les termes de Roberto Esposito dans sa généalogie de l’institution. Pour l’analyser, celui-ci visite ces rapports dans la pensée de Machiavel, Spinoza et Hegel, et puis dans celle de Merleau-Ponty, Lefort et Castoriadis. Il déplore le rejet de l’institution par opposition à la dynamique des mouvements par toute une culture de gauche du XXe siècle jusqu’aux anarchismes contemporains. Il voit, dans cette opposition, le verrouillage du potentiel créatif du processus instituant et de toute l’innovation sociale dont il est porteur. En effet, si les images de l’histoire culturelle de la révolution (la barricade, le drapeau rouge et le poing serré parmi d’autres) nous rassurent quant à leurs significations et voies d’action, pour saisir et stimuler ce potentiel créatif du processus instituant, ne serait-il pas temps d’expérimenter d’autres images, mises en espace pour ouvrir d’autres imaginaires ? Ne vaut-il pas mieux courir le risque d’autres assemblages ou formes d’assemblées ?

Soulèvements de la Terre d’ici et d’ailleurs 

L’exposition « Soulèvements » est un grand atlas d’images, ouvert à différentes significations et variations selon les villes où elle s’est donnée à voir. Didi-Huberman emprunte à Aby Warburg la figure d’un titan, Atlas, pour en faire la figure emblématique d’un atlas d’images à partir de gestes de soulèvements. Puni, Atlas, le titan, soutient une voûte céleste qui ressemble à un globe terrestre. En plaçant côte à côte deux dessins de Francisco de Goya (1746-1828)1, Didi-Huberman montre que celui qui supporte et souffre peut se transformer en celui qui se lève et se soulève. Il commente que Warburg avait bien compris que les gestes sont doués d’une remarquable capacité de renversements entre signes et significations. Avec ce diptyque sous les yeux, nous percevons une inversion complète du sens exprimée par une toute petite différence dans le geste.

Cet essai rapproche des mondes très éloignés dans le temps et dans l’espace − de la Grèce antique à la forêt amazonienne − par la similitude d’un geste et d’une attitude, par son sens et par le renversement de celui-ci. Il prend des risques. En pleine pandémie, un jeune indigène de 24 ans, Tawy Zó’é, a porté son père Wahu Zó’é, âgé de 67 ans, sur son dos et sur plusieurs kilomètres à travers la forêt jusqu’à une base de santé locale pour qu’il puisse être vacciné contre le Covid19. Pour former notre diptyque, plaçons cette photographie du jeune qui soutient son père à côté de la photographie qui montre le chaman Davi Kopenawa soulevé par des jeunes hommes du village de Xihopi dans l’État d’Amazonas, à l’occasion des célébrations de l’anniversaire de 30 ans de la démarcation de la terre indigène Yanomami2. Soulevé dans les airs, Kopenawa semble tenir le ciel suspendu.

La figure emblématique de Didi-Huberman est celle un titan, la mienne est celle d’un chaman : tous deux soutiennent à leur manière la voûte céleste. Selon David Kopenawa, les chamans sont essentiels pour éviter la « chute du ciel », c’est-à-dire, pour écarter les désastres socio-environnementaux créés par une partie de l’humanité. Face à cela, les chamans se soulèvent dans leurs territoires. Kopenawa se soulève aussi sur son compte X (Twitter). En juin 2021, en pleine pandémie, environ 45 groupes ethniques se sont mobilisés dans un « Soulèvement pour la Terre » (Levante pela Terra) contre le gouvernement qui mettait leur vie en péril et portait atteinte à leurs droits.

Indigéniser, femmeniser et jaguariser

Les soulèvements indigènes viennent de très loin. En effet, déjà à l’Assemblée Constituante de 1987, habillé d’un costume blanc impeccable, Ailton Krenak s’exprimait à la tribune en faveur de la démarcation des terres indigènes par une performance au cours de laquelle il se peignait le visage avec le pigment noir du jenipapo, fruit amazonien.3 Aujourd’hui les mobilisations indigènes prennent encore d’autres formes, tantôt par des révoltes tantôt par des voies plus réformistes, mais toujours par des expressions assez inattendues : en avril 2023, par exemple, les peuples indigènes réunis au Campement Terre Libre (Acampamento Terra Livre) à Brasilia lancent de nouveaux mots − indigenisar, mulherizar, oncificar4 − pour exprimer leurs mouvements et soulèvements. Ce nouveau vocabulaire s’accompagne de nombreuses pratiques d’image : manifestations, performances, projections et peintures, entre autres.

Indigéniser : marquer les corps, démarquer les territoires. Les territoires indigènes subissent différentes formes d’extractivisme. L’orpaillage figure parmi les plus nocives en raison de la contamination des rivières et donc des riverains par le mercure, ainsi qu’à cause de toute la violence qu’il apporte aux territoires indigènes : déforestation, activités illégales, violences sexuelles, meurtre d’environnementalistes et de journalistes, entre autres. En novembre 2019, des indigènes Yanomani et Ye’kwana se sont soulevés contre l’invasion de leurs territoires par des orpailleurs. Réunis, ils ont utilisé leurs corps pour former le mot d’ordre « Orpaillage, dehors ! » (Fora Garimpo5!) dans l’urgence de suspendre leur ciel.

Toutefois ces soulèvements ne se limitent pas aux territoires indigènes (appelés TI lorsqu’ils sont démarqués), au contraire, ils se rendent souvent à Brasilia pour faire pression sur les pouvoirs constitués. Devant la Place des Trois Pouvoirs à Brasilia, en 2021, une installation a été réalisée avec des lampes à diodes formant l’expression « Brésil Terre Indigène6 ». Cette affirmation veut faire face aux pressions des représentants de l’agribusiness entre autres secteurs sur le pouvoir législatif pour ne reconnaître comme terres indigènes que celles qui étaient occupées par ces populations avant le 5 octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution Brésilienne. Cette thèse est connue sous le nom de Cadre Temporel (Marco Temporal 7). À chaque tentative de faire passer le Marco Temporal comme loi, l’expression « Brésil Terre Indigène » est reprise : par la fixation de lampes au sol, par des projections sur des monuments ou murs, par divers types d’inscriptions sur différents types de supports.

Indigéniser indique alors différents usages et marquages de corps et sols pour démarquer des territoires. Ces images sont constituées par la présence immédiate de corps individuels et collectifs, mais dont les signes peints et les gestes partagés troublent toute séparation. Il s’agit d’autres esthétiques, d’autres langages et pratiques qui, au-delà de toute représentation du monde, apportent une présentification des mondes dans les corps, individuels et territoriaux.

Femmeniser : lait, larmes et luttes. Si, dans ce mouvement d’« indigénisation », une puissante esthétique relie corps et territoires, comment ce lien opère-t-il dans le cas des femmes ? Au Campement Terre Libre, un nouveau mot a été créé : en portugais, mulher signifie femme. Le mot « mulherizar » semble avoir été créé pour exprimer la singularité des mouvements de femmes indigènes parmi tant d’autres féminismes ou vivre-en-femme sur Terre. Sa traduction ne peut donc pas être « féminiser » mais plutôt « femmeniser ». Comment celui-ci s’exprime-t-il ? De quoi a-t-il l’air ?

Quelques images sont emblématiques. Parmi elles, les portraits de Leusa Munduruku, femme leader de l’ethnie Munduruku8. Il n’est pas facile de surmonter les tensions entre vie dite reproductive, vie productive et vie politique. Mais non seulement Leuza a persisté dans sa lutte contre mineurs et bûcherons − y compris contre des indigènes cooptés par ces activités − comme elle a également formé d’autres femmes sur cette voie. En 2019, sa détermination a conduit ses ennemis à mettre sa tête à prix : 100 grammes d’or. La leader Munduruku se montre en public avec son bébé au sein, mais ne voit pas de contradiction entre son image maternelle et sa détermination à couper des têtes, si nécessaire, car le mercure ne contamine pas seulement les rivières mais aussi les femmes et leur lait. Une photographie n’est jamais un simple enregistrement de la part d’un photographe, mais aussi une mise en image de la part du sujet enregistré. Dans ses portraits, Leusa exprime qu’elle est faite de lait et de luttes, au-delà de toute « nature féminine ».

Ces luttes engagent également des femmes non indigènes. L’artiste Gabriela Carneiro da Cunha s’est mise à l’écoute des riverains touchés par la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte. Parmi eux, João Pereira da Silva, les larmes aux yeux, lui dit : « Le fleuve lui-même, s’il pouvait parler, pleurerait avant de parler ». Et dans un rêve, Gabriela a entendu le fleuve Xingu lui dire : « Retire ton histoire de mon lit ». C’est ainsi qu’est née la performance techno-chamanique Altamira 2045 9. Sur scène, l’artiste entre avec des haut-parleurs qui amplifient les voix humaines et non humaines et des projecteurs d’images qui multiplient les visages et l’environnement du Xingu. Elle se met à accoucher. À la fin de la performance qui mêle technologies modernes et chamaniques, le barrage est rompu. Belo Monte meurt et naît Boiuna, le serpent géant de l’Amazonie. Gabriela considère la performance comme un dispositif artiste-chamanique de suspension du ciel. Le Xingu lui-même s’est soulevé et a brisé le barrage10.

Déjà dans les conclusions de son livre Désirer, désobéir − ce qui nous soulève, 1, Didi-Huberman écrit sur la difficulté à « réveiller ses rêves et d’inventer une vie meilleure, désassujettie et resubjectivée. Mais produire de libres images pour figurer soi-même, sa mémoire, son désir, son destin − au lieu d’être assujetti au point de vue des maîtres, qui sont aussi les maîtres des images − voilà qui constitue déjà une avancée considérable sur le plan même de l’imagination politique ». Avec le lait de Leusa et le lit du Xingu, nous rencontrons quelques pistes pour continuer à produire des images libres pour une « femmenisation » politique.

Jaguariser ou devenir jaguar. Suivons maintenant les traces du jaguar… La projection des mots « indigéniser », « femmeniser » et « jaguariser » sur les bâtiments du Congrès National (2023) rappellent celles réalisées par l’artiste Denilson Baniwa au Monument des « Bandeirantes11 » à São Paulo (2020) qui visaient critiquer la colonisation sous tous ses aspects. En effet, les projections ont fui Brasília et se sont répandues dans d’autres capitales. Les monuments coloniaux, les palais modernistes et les ruines urbanistes sont des peaux urbaines à marquer. Denilson parmi d’autres artistes indigènes le fait avec des jaguars, des serpents et des poissons.

La pratique artistique de Denilson va bien au-delà de la critique décoloniale. Depuis quelque temps, il produit des affiches-jaguar. Il s’agit alors d’afficher des jaguars partout, de s’approprier et de transformer ainsi les murs, les immeubles et les panneaux publicitaires. Pour cela, il a mis gratuitement son œuvre « Terra Indígena » à disposition des internautes sur son profil dans les médias sociaux12 afin que tout le monde puisse reproduire l’image du jaguar. Le jaguar s’est ainsi multiplié partout dans les villes, du Nord au Sud du Brésil : Brasilia Terre Indigène, Salvador Terre Indigène, Rio de Janeiro Terre Indigène, Porto Alegre Terre Indigène… Ces images dévorent tout support urbain : l’art dit naïf ou primitif devient street art anthropophage…

Mais après tout, pourquoi des jaguars ? Avec le jaguar, nous passons d’une ontologie basée sur l’être à une ontologie basée sur les devenirs, les désirs de transformation. Le jaguar n’est pas seulement un ancêtre qui nous vient du passé, il est aussi et surtout une relation dans le présent, entre nous, les humains et d’autres aussi humains que nous, les animaux. Si l’on considère le perspectivisme amérindien, nous partageons avec eux la même culture humaine, mais avec des corps différents. Le jaguar n’est pas seulement ce que nous avons été avant la spéciation, mais aussi ce que nous pouvons devenir, et pas nécessairement dans le futur, mais dans la relation à l’autre dans le présent.

« Indigénisation », « femminisation » et « jaguarisation » expriment des expériences radicales de subjectivation et de formation de sujets politiques. Ces différentes formes de soulèvements ont lieu aussi bien dans les forêts que dans les villes, dans les rues que dans les institutions. Que font-elles aux institutions ?

Soulever et… soutenir les institutions

Lors de la 33e Biennale de São Paulo en 2018, Denilson a revêtu la peau du jaguar et s’est promené dans les espaces du palais moderniste qui abrite cet événement. Le chaman-jaguar surgit avec le livre Breve História da Arte (Brève Histoire de l’Art) à la main et annonce qu’il s’agit d’une histoire « si brève, mais si brève, que je ne vois pas d’art indigène, ni dans le livre ni à la Biennale.

Avec ce geste, Denilson souleva l’institution artistique, et il n’était pas seul. Jaider Esbell, de l’ethnie Macuxi, promouvait depuis un certain temps une production artistique collective dans sa galerie d’art de Boa Vista, dans le lointain État de Roraima, près de la grande réserve Raposa Terra do Sol. Ce n’était pas évident car l’art n’est pas forcément une pratique indigène. Et pourtant, Jaider s’est associé à d’autres jeunes indigènes qui se reconnaissaient dans cette pratique et ont participé à des expositions comme Re-Antropofagia (2019). Comme son nom l’indique, cette exposition proposait de ré-anthropophagiser, c’est-à-dire de faire une critique du mouvement anthropophage brésilien né de la Semaine d’Art Moderne de 1922 d’une part et, d’autre part, de réaliser une reprise des institutions d’art et de culture au Brésil contemporain. Plutôt que de les dédaigner ou de les dénoncer, pour ces artistes, il s’agit aujourd’hui de les défier et les dévorer.

« Art Indigène Contemporain » peut être une niche au sein de l’art contemporain globalisé, avec ses acteurs, ses pratiques et ses institutions, mais dans son processus artistique, Jaider a commencé à signaler que l’acronyme AIC signifierait « Art Indigène Cosmopolitique ». Jaider s’est suicidé ou plutôt, si l’on considère sa cosmogonie, il a suivi le chemin du mythe Makunaimã qui, déçu par les humains, a abandonné la Terre et est monté au Ciel, cherchant à réaliser une communication complète entre nature, spiritualité et culture. Quelles institutions cosmopolitiques ces pratiques peuvent-elles instituer ? Ici sur Terre, son œuvre a été présentée à la dernière 34e Biennale de São Paulo en 2021 et à la dernière Biennale de Venise en 2022. En cette année 2024, le pavillon brésilien de la Biennale de Venise 2024 a été renommé Pavillon Hãhãwpuá − du mot utilisé par les Pataxó pour désigner le territoire connu sous le nom de Brésil. Peut-être ne réalisons-nous pas encore les conséquences politiques de ces actes artistiques. Des artistes indigènes ont osé se soulever pour s’approprier les institutions artistiques du Brésil et du monde. Qu’en est-il des institutions politiques ?

La performance d’Ailton Krenak à l’Assemblée Constituante de 1987 a marqué les mouvements indigènes et inspiré de nombreux autres soulèvements. À l’occasion de la réunion des nations indigènes du Xingu en 1989, Tuíra Kayapó a touché avec sa machette le visage du directeur de l’entreprise Eletronorte pour protester contre la construction de la centrale hydroélectrique de Belo Monte. Dans un tout autre style, Mario Juruna a été le premier indigène à se faire élire au Parlement fédéral du Brésil où il a siégé de 1982 à 1986 (et donc avant même l’acte de Krenak). Raoni Metuktire, quant à lui, n’a pas suivi la voie institutionnelle et encore aujourd’hui, à 92 ans, continue à inspirer des luttes indigènes pour la préservation de la forêt amazonienne. La lutte politique se poursuit à l’extérieur et à l’intérieur des institutions.

En 2022, Celia Xakriabá a été élue députée parmi d’autres indigènes. Très médiatique, elle affirme qu’avant le Brésil de la Couronne, existait le Brésil du panache pour signaler avec humour que les peuples indigènes étaient déjà là bien avant l’arrivée des colonisateurs portugais. Un groupe parlementaire indigène s’est effectivement formé au Congrès brésilien, très actif même si encore restreint en nombre. Sonia Guajajara a également été nommée Ministre des Peuples Indigènes. Joenia Wapichana a été nommée présidente de la Fondation Nationale pour les Peuples Indigènes (FUNAI). Il est clair que les femmes indigènes ont gagné du terrain au niveau des mouvements sociaux, des institutions et à tous les échelons de la représentation politique.

Atlas d’images pour un imaginaire instituant

Les relations entre pouvoirs constituants et pouvoir constitué sont très complexes. À une époque comme la nôtre où de nombreux régimes démocratiques se voient menacés à droite comme à gauche, elles se complexifient encore plus. Les démocraties dites « libérales » ou « à l’occidentale » doivent certes être critiquées, mais pour les renforcer et non pas au point de les perdre et voir s’installer des régimes autocratiques. Avec des images, des mises en images et des mises en espace surprenantes, les mouvements indigènes au Brésil − sans vouloir réduire leurs singularités car les ethnies et les langues sont très nombreuses − soulèvent la Terre et suspendent le Ciel : ils défendent leurs territoires soumis à toute sorte d’expropriation et s’approprient les institutions, pour les transformer ou mieux, les métamorphoser.

Dans son texte publié dans le catalogue de l’exposition Soulèvements, Antonio Negri parle de l’haltérophile qui, dans un premier temps, soulève la barre du sol, et puis, après une pause, dans un deuxième temps, la soulève au-dessus de sa tête. Negri se concentre sur ces deux gestes séparés par une suspension du temps et un ultime effort. Nous pouvons souligner un troisième temps, car non seulement il se peut que l’haltérophile n’arrive pas à soulever la barre tout en haut, comme, s’il y arrive, la barre peut par la suite lui tomber sur les pieds. Au Brésil, en juin 2013, une barre répressive est tombée sur les pieds de ceux qui ont osé se soulever. Il ne suffit pas de soulever la Terre, il faut soutenir le Ciel − une belle métaphore pour l’imbrication entre la société et les institutions.

Revenons à notre atlas d’images13 et essayons un dernier diptyque. À côté de la photographie de l’artiste Denilson Baniwa soulevant le livre Brève Histoire de lArt, plaçons la photographie de Isabela Patté, matriarche des Xokleng soutenant le livre de la Constitution du Brésil. Elle fête le vote du juge Edson Fachin contre le Marco Temporal et donc pour les droits indigènes. Dans les deux images − composées par la performance des photographiés et l’enregistrement par le photographe − le geste est celui de lever un livre avec la main, mais le sens n’est pas tout à fait le même : le premier soulève l’institution, le deuxième soutient l’institué. C’est peut-être dans l’articulation entre ces deux gestes, pas forcément consensuels, que l’on peut saisir le potentiel créatif du processus instituant.

Cet article a été développé dans le cadre du Programa de Capacitação Docente (PROCAD) de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ).

1El Cargador (Francisco de Goya, c.1812-1823) et No harás nada com clamar (Francisco de Goya, c. 1814-1817) : https://fundaciongoyaenaragon.es/obra/no-haras-nada-con-clamar/1156

2www.socioambiental.org/noticias-socioambientais/o-futuro-e-indigena-na-terra-floresta-yanomami (photo de Christian Braga / ISA)

3www.youtube.com/watch?app=desktop&v=2_FkkMRilfk

4https://sumauma.com/mulherizar-indigenizar-oncificar-a-linguagem-que-expressa-a-forca-do-movimento-indigena

5https://site-antigo.socioambiental.org/pt-br/noticias-socioambientais/povos-yanomami-e-yekwana-se-unem-e-exigem-fora-garimpo (Photographie de Victor Moriyama / ISA).

6https://comin.org.br/2021/informes/indigenas-acendem-praca-dos-tres-poderes-com-led-em-apoio-ao-stf-e-contra-marco-temporal (Photographie de Ian Coelho).

7Le projet de loi 490/2007 retire à lexécutif (et donc à la FUNAI) et transfère au législatif le pouvoir de délimiter les terres indigènes, ainsi que détablir un « cadre temporel » qui subordonne la délimitation des terres traditionnelles à la présence physique des populations indigènes dans les zones respectives le 5/10/1988 : www.camara.leg.br/propostas-legislativas/345311

8https://encurtador.com.br/gnyK0

9www.youtube.com/watch?v=ICDJRMmbsUc

10Georges Didi-Huberman, Désirer, désobéir − ce qui nous soulève 1, Paris, Minuit, 2013.

11Bandeirantes est le nom donné aux explorateurs de lépoque coloniale qui, dès le XVIe siècle, ont pénétré à lintérieur de lAmérique du Sud à la recherche de richesses minérales, en particulier lor et largent ainsi que des populations à asservir ou à exterminer.

12www.behance.net/gallery/105803579/Brasil-Terra-Indigena

13https://drive.google.com/file/d/18FIhHzEPeOn03T2_BF6Iew6YwNGrIHhk/view?usp=sharing