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D’autres monstres possibles, par

Sao Paulo a connu ces dernières années, de forts mouvements d’occupation d’immeubles au centre-ville. Fortement atteinte par la désindustrialisation, la ville connaît à la fois des problèmes de chômage et de logement. Au mouvement des Sem Teto, sans toit, se sont joints des collectifs d’artistes et graphistes qui ont développé une véritable guérilla médiatique dont la multiplicité de pratiques esthétiques atteint une dimension monstrueuse. Cette analyse nous permet de réfléchir à la dimension constituante de la multitude productive, à travers ses créations esthétiques, contre les politiques de gentrification dans la métropole. La lutte contre le Léviathan pauliste entraîne la création d’autres monstres possibles.

Sao Paulo has in recent years been acquainted with large movements of occupation of buildings in downtown area. Strongly affected by the reduction of the industrialization, the city experiences regularly problems of unemployment and housing. Collective of artists and graphists have joined the movement of”Sem Teto”, the Homeless, in order to develop a real media guerrilla whose multiplicity of aesthetic practices have reached a monstruous dimension. This analysis allows us to reflect on the constituent dimension of the productive multitude, through their aesthetic creations against the policies of gentrification in the metropolis. The fight against the Léviathan in the city of São Paulo entails the creation of other possible monsters.

The Many-Headed Hydra, par et

Cet article est la traduction de l’Introduction du livre, L’hydre aux mille têtes. L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire, à paraître aux Éd. Amsterdam en 2008. Il s’agit de l’exploration historique de la classe multi-ethnique qui forma la main-d’œuvre bon marché ayant permis l’avènement du capitalisme et de l’économie moderne transatlantique, puis mondialisée, à partir du début du XVIIe siècle. Une «foule bigarrée» (motley crowd) constituée de marchands, d’esclaves, de pirates, de travailleurs, de femmes, de soldats, de criminels déportés, de radicaux religieux, etc., développa des formes de résistance et de coopération afin de se soustraire à une exploitation forcenée (exploitation d’une main-d’œuvre dans une configuration productive qui est déjà mondialisée). Les auteurs racontent l’histoire du rôle de ces dépossédés du monde moderne, et de leur lutte pour la liberté.

This article is the introduction of the volume The Many-Headed Hydra. The Hidden History of the Revolutionary Atlantic, to be published by Amsterdam, a historical investigation of the multi-ethnique class which formed the cheap workforce which made possible the rising of capitalism and of modern transatlantic (and eventually global) economy, since the beginning of 17th century. A motley crowd made by merchants, pirates, workers, women, soldiers, convicted criminals, religious radicals, etc. developed forms of resistence and mutual cooperations, in order to escape the deep exploitation of the workforce, taking place in an economy already globalised. The authors tell the story of the role played by these wretched of modern world and of their fight for liberty.

Propos sur le Camp : les « Tribus criminelles » Inde ( ), par et

L’ancrage du camp dans l’épistémique moderne se trouve dans une certaine nécessité et difficulté qu’ont rencontré les métropoles européennes à partir du XIXe siècle à gérer des populations qu’elles conçoivent comme un surplus inutile et potentiellement dangereux. Faire une place à l’inutile allait poser inévitablement le problème conjoint de l’élimination ou de la mise à l’écart radicale qui parcourra également tout le XXe siècle. C’est en ces termes que vont notamment se formuler les difficultés rencontrées par le colonisateur britannique en Inde dans l’appréhension de certaines castes et tribus nomades perçues comme criminelles mais, surtout, à l’aune du système social des castes, comme criminelles de naissance et en cela irréformables. Le dispositif réflexif mis en place aboutit alors à une synthèse originale entre le système autochtone et la criminologie métropolitaine en instituant une nouvelle catégorie de délits et de criminels : la criminalité de naissance. La criminalité de naissance allait ainsi trouver sa forme répressive dans la création d’une loi concernant les « tribus criminelles », et l’instauration de Settlements, véritable camp où des générations de groupes ainsi qualifiés allaient se perpétuer.

If European metropolises witnessed the development, throughout the 19th century, of various forms of concentrationary assistance and radical isolation through penal colonies, colonial space was the site of an even more explicit formulation and experimentation with the creation and the exclusion of of an undesirable human surplus, notably in South Asia, where the social system of castes could provide powerful ideological foundations for the colonial thinking on exclusion. This article seeks to illustrate this by examining the creation of the category of « criminal tribes » in India, during the last third of the 19th century.

Multiplicité interstitielle, par

Les interstices représentent ce qui résiste encore dans les métropoles, ce qui résiste aux emprises réglementaires et à l’homogénéisation. Ils constituent en quelque sorte la réserve de « disponibilité » de la ville. Du fait de leur statut provisoire et incertain, les interstices laissent deviner ou entrevoir un autre processus de fabrication de la ville, ouvert et collaboratif, réactif et transversal. Ils nous rappellent que la société ne coïncide jamais parfaitement avec elle-même et que son développement laisse en arrière plan nombre d’hypothèses non encore investies. L’interstice constitue certainement un des espaces privilégiés où des questions refoulées continuent à se faire entendre, où certaines hypothèses récusées par le modèle dominant affirment leur actualité, où nombre de devenirs minoritaires entravés, bloqués, prouvent leur vitalité. À ce titre, l’expérience interstitielle représente la parfaite métaphore de ce que peut être le mouvement de l’antagonisme et de la contradiction dans la ville postfordiste : un mouvement qui s’affirme au fur et à mesure de ce qu’il expérimente, qui monte en intensité grâce aux modalités de vie et de désir qu’il libère, qui s’oppose à la hauteur de ce qu’il est susceptible d’inventer et de créer.

Interstices represent a still resistant element within the metropolis, that which resists the stranglehold of regulation and homogenisation. They are, in a sense, a reserve of the city’s « availability ». Because of their provisional and uncertain status, interstices are left open to imagination or provide a glimpse of another process of fabricating the city, open and collaborative, reactive and treansversal. They remind us that society never coincides exactly with itself and that its development leaves behind a number of possibilities not yet invested in. The interstice certainly constitutes one of the privileged spaces where repressed questions are made to be heard, where certain hypotheses rejected by the dominant model affirm their presence, where the numerous fates of minorities, disadvantaged, impeded, prove their vitality. In this way, the interstitial experience provides the perfect metaphor for what could be said to be the movement of antagonism and the contradiction within the post-Fordist city : a movement which affirms its own experimentation along the way, which grows in intensity thanks to the modalities / mood of life and of the desires that it liberates, which resists the haughtiness which it is susceptible to inventing and creating.

Un activisme informel ?, par

L’agir urbain est ici un agir ordinaire, comme celui d’un vieil homme qui persiste à habiter les Champs-Élysées. L’agir urbain se trouve en contradiction avec les politiques urbaines, ce que doit comprendre la gauche, alors qu’elle ne fait qu’organiser la résistance contre les expulsions, quand c’est trop tard. Qu’est-ce que cette ville qui résiste ? Une idée peut en être donnée dans la parenté entre les icônes de l’architecture moderne et les baraques turques informelles des années 1950, à propos desquelles s’est produit tout un théâtre à destination des classes moyennes, qui ont accueilli en leur sein les anciens squatters : le président Erdogan lui-même vit dans une de ces baraques ! Mais de nouveaux réfugiés arrivent d’autres pays qui n’ont pas cet espace périphérique pour construire leur vie.

Urban action is ordinary action, like the old man who persists in living on the Champs-Élysées. Urban action finds itself in contradiction with urban politics, as understood by the Left, which organises resistance against evictions, only when it is too late. What is this city that resists ? A sense of it can be given, parenthetically, between the icons of modern architecture and the informal Turkish shantytown huts of the 1950s, which inspired a whole theatre having as public the middle classes, who welcomed old squatters into their midst : President Erdogan himself lived in one of these huts ! But now there are new refugees arriving from other countries who do not have this peripepheral space in which to build their own lives.

De la frontière globale au quartier de frontière : pratiques d’empiètement, par

Malgré les images dramatiques diffusées à propos de la frontière États-Unis / Mexique, elle reste tout à fait poreuse. La migration illégale bat son plein vers le nord tandis que des tas de détritus passent dans l’autre sens pour se faire recycler ou participer à la construction d’un contre-urbanisme, sans compter les nombreux tunnels qui passent sous la frontière et participent de cet habitat illégal. Face à l’urbanisme de la ségrégation se développe un urbanisme de la transgression, avec ses entreprises spécialisées et ses prototypes. C’est ainsi que travaille Casa Familiar dans un quartier de frontière en Californie. Une zone d’habitat accessible a été créée, ainsi que des pièces à vivre la frontière qui sont autant des lieux de rencontre que des logements, de simples pièces équipées d’électricité, à usage temporaire. Sur la frontière se crée un nouveau programme d’habitat, accessible et durable.

In spite of the dramatic images broadcast from the US / Mexican frontier, the border still remains porous. Illegal migration continues northward while piles of waste moves in the other direction to be recycled, and to be re-used in the construction of a counter-urbanism that includes numerous tunnels that pass under this border and make up this illegal inhabitation. In reaction to urban segregation, an urbanism of transgression is developing via specialised enterprises and their alternative prototypes. It is in this context that the non-governmental organization Casa Familiar works in the border neighbourhood of San Ysidro, California. A zone of alternative affordable housing has been designed including a serie of « open air rooms » that contain electricity, serving as site for a variety of neighborhood activities. On the border a new housing programme is developing : affordable and socially sustainable.

Multitudes