Le confinement dans lequel a vécu près de la moitié de l’humanité au printemps 2020 sanctionne l’avènement de ce qu’on peut qualifier de société virale. Celle-ci se caractérise par la superposition de trois strates de viralité étroitement articulées entre elles : a) la viralité biologique d’un bout de code génétique qui s’infiltre dans une cellule ; b) la viralité informatique de logiciels malfaisants qui font crasher les circuits d’un ordinateur ou d’un serveur ; et c) la viralité médiatique qui assure la reproduction des images, des discours, des mèmes.
Quoique préexistante au Covid 19, cette coexistence de trois formes superposées de viralité s’est brusquement coagulée en une panique gouvernementale qui a poussé les dirigeants politiques à renier du jour au lendemain ce qu’ils avaient dogmatiquement professé et imposé depuis des années. Ce retournement panique peut s’expliquer par notre rapport schizophrénique à la viralité faisant d’elle, dans notre système actuel de communication mondialisée, à la fois la pire des choses (quand un virus génétique détruit nos poumons, quand un malware paralyse notre ordinateur) et la meilleure des choses (quand notre post, chanson, vidéo, tweet deviennent viraux). L’histoire du printemps 2020 se résume alors par une formule succincte : le Covid 19 est un virus (biologique) qui, en devenant (médiatiquement) viral, crashe (socialement) le logiciel capitaliste.
Le Covid 19 opère donc comme un révélateur de cette société virale, qui prévaut désormais parmi nous. Il invite à penser la continuité qui relie trois dynamiques corrélées. Premièrement, une agro-industrie plantationnaire, dont la monoculture et les manipulations génétiques (végétales et animales) nous exposent à des contagions plus virulentes que jamais. Deuxièmement, une gouvernance sécuritaire, qui nous piste par des moyens informatiques comme si nous étions toutes et tous des virus (ennemis dans un état de guerre permanent, proies dans une logique de compétition consumériste). Troisièmement, une médialité en réseaux, qui diffuse des affections à des vitesses et des échelles inédites selon d’incontrôlables contagions virales, capables de mettre en danger la reproduction capitaliste et d’entraver ses effets écocidaires.
[voir Démesure infectieuse]
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