Majeure : Justice Transformative
Dans le sillage des luttes anti-racistes des dernières décennies et du mouvement Black Lives Matter, la circulation virale du slogan #DefundThePolice offre une occasion unique pour repenser le bien-fondé et les alternatives aux systèmes judiciaires punitifs-carcéraux. S’il s’agit de « désarmer/définancer la police », de quelles alternatives au bâton de police et aux écrous de la prison pouvons-nous nous munir pour survivre à nos conflits ? Comment agir en vue d’interrompre le cycle des violences plutôt que de le perpétuer par la punition et l’exclusion ? Refusant de considérer la police/la justice carcérale comme seules réponses possibles aux agressions, certains activismes féministes, queer, anti-racistes (où les personnes qui les composent sont souvent elles-mêmes victimes des violences policières) pensent depuis plusieurs décennies des manières concrètes de médier les conflits et de réparer les violences en dehors de ces systèmes qui ne font que les reproduire. Elles se demandent : comment dépasser les logiques binaires de la victime (innocente) et de l’agresseur (diabolisé) ? comment considérer les crimes, les violences et les conflits comme des faits sociaux à saisir non pas seulement au niveau des individus isolés et de leur prétendue responsabilité individuelle, mais aussi au niveau des collectifs auxquels ils appartiennent ? La Justice Restauratrice est celle de ces alternatives qui a connu le plus grand succès, en développant notamment des pratiques de médiation entre victimes et agresseurs et des propositions de réparation ajustées aux besoins des victimes. Le mouvement pour la Justice Transformatrice s’inscrit dans le sillage de ces “pratiques restauratrices”, mais plutôt que de proposer (comme le terme le suggère) de “réparer/restaurer” la situation à ce qu’elle était avant que la violence ne s’y produise, la Justice Transformative propose de transformer la société et les relations humaines qui ont permis à la violence de se produire. Le mouvement pour la Justice Transformatrice est ainsi une spéculation abolitionniste. Il propose non seulement d’abolir la police, d’abolir les prisons, mais plus profondément d’abolir le système (capitaliste-carcéral) qui les a rendues possibles. Aux côtés de cette spéculation, le mouvement pour la Justice Transformatrice est aussi un ensemble de propositions et d’actions concrètes (et précaires), d’outils (imparfaits) pour prévenir, médier et traverser les conflits, un manuel pratique pour survivre aux différends et donner à chacune les conditions les moins mauvaises pour vivre ensemble.
Contact : Emma Bigé <emmarose.bige@gmail.com>
Mineure : Guattari : révolutions moléculaires
En 2019 est arrivé du Chili et de Colombie, un écho policier aux thèses développées par Félix Guattari en 1977 dans La révolution moléculaire. Depuis 1968 en France, et un peu partout dans le monde, beaucoup de militants ont la conviction que « la révolution » ne se passera plus de manière centralisée, par la conquête de l’État, et l’installation des leaders de la classe ouvrière à ses commandes. Trop de compromissions ont marqué les avancées démocratiques récentes auxquelles ont participé les partis de gauche. Ils ont continué d’exclure les marginaux et les minorités de la pleine citoyenneté. Le désir collectif d’un monde meilleur passe maintenant par d’autres voies, par d’autres communautés de naissance, de sexe, de race, de classe d’âge. Il ne s’agit plus seulement de lutter contre les inégalités ; de nouveaux modes de vie, de nouvelles relations au corps sont expérimentées, et trouvent dans le défi écologique et climatique matière à s’épandre et à se dissiper sur la planète. Dans cette « révolution moléculaire », les relations sont horizontales et se tissent de proche en proche. Elle n’a pas de leaders idéologiques mais une réalité concrète.
Les policiers reprennent à leur manière les idées de Guattari en qualifiant de « révolution moléculaire dissipée » les mouvements de ces dernières années en Amérique latine ou en France. Ils justifient ainsi les interventions policières brutales contre les manifestations de rue, contre les squats, et les autres moyens utilisés contre cette révolution. Trente ans après le décès de Félix Guattari, qu’en est-il de cette annonce de nouvelles manières de faire la révolution ?
Contact : Anne Querrien <querrien.anne@wanadoo.fr
Icône : Warren Neidich
Hors-Champ : à déterminer