Majeure 34. L'effet-Guattari

Guattari et l’anthropologie : aborigènes et territoires existentiels

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« Les Palestiniens, les Arméniens, les Basques, les Irlandais, les Corses, les Lithuaniens, les Ouïgours, les Tziganes, les Indiens, les Aborigènes d’Australie… chacun à leur façon, et dans des contextes bien différents, apparaissent comme autant de laissés-pour-compte de l’histoire. (…) En fait cette nébuleuse aux contours indéfinissables est appelée à jouer un rôle grandissant au sein des relations internationales qu’elle « parasite » déjà notablement. Et nous considérons pour notre part, que le rôle du cinquième monde nationalitaire ne sera plus, à l’avenir, uniquement passif et défensif, mais qu’il apportera un renouvellement décisif aux valeurs culturelles, aux pratiques sociales et aux modèles de société de notre époque ». Félix Guattari, Les Années d’Hiver, 1986[1].

Au début des années 1980 que Guattari a appelé Les Années d’hiver (1986), il était parfois difficile de comprendre ce qui se passait dans son garage intellectuel plein de pièces détachées et de cambouis lorsque au cours de son séminaire il testait les concepts, les graphes et les machines de ses Cartographies schizoanalytiques. Mais régulièrement émergeait un flux, très tangible, comme une illumination qui dessinait un chemin où chacun greffait à sa façon certaines de ses propres questions. On avait l’impression que le cerveau, le cœur, le corps avec ou sans organes, à travers diverses cristallisations de subjectivité nous déconnectaient de notre identité individuelle, tout en renforçant l’assise existentielle dans un flux de désir collectif. C’était une subjectivation passionnée, partagée avec Guattari à travers une multitude de singularités : vocalisation des idées comme disait Deleuze.

J’aimerais souligner ici ma dette à l’égard de la pensée de Guattari en traquant quelques étapes des échanges que nous avons eus autour de mes recherches de terrain auprès des Aborigènes d’Australie, notamment à l’occasion de deux séminaires publiés dans le premier numéro de Chimères[2]. Guattari est souvent cité avec Deleuze par les anthropologues de langue anglaise (particulièrement en Océanie) et ignoré voire rejeté par une génération d’anthropologues français. Il semble que la plupart ont raté le potentiel anthropologique de ses écrits, que ce soit par ignorance ou incompréhension de l’évolution de ses concepts : comme celui des « agencements collectifs d’énonciation » dans les débats sur le sujet, l’agencéité (agency) et les modes de subjectivation, ou le nouage des trois écologies (environnementale, sociale et mentale) par rapport au systémisme de l’écologie de l’esprit de Gregory Bateson : « dans mon propre système de modélisation, j’essaie d’avancer la notion d’un objet écosophique qui irait plus loin que l’objet écosystémique. Je conçois l’objet écosophique comme articulé selon quatre dimensions : celles de flux, de machine, de valeur et de territoire existentiel (…) il s’agit bien de faire la jonction entre les machines des écosystèmes de flux matériels et des écosystèmes de flux sémiotiques. J’essaie donc d’élargir la notion d’autopoïèse, sans la réserver comme Varela au seul système vivant et je considère qu’il y a des proto-autopoïèses dans tous les autres systèmes : ethnologiques, sociaux, etc. »[3]. L’articulation de territoires existentiels avec différents systèmes de valorisation et d’auto-affirmation ontologique est à mon avis une clef essentielle pour analyser de manière anthropologique n’importe quel processus de resingularisation du rapport aux lieux dans un univers contemporain d’interactions globalisées.

Anthropologie, parenté et politique

Lorsque Robert Jaulin essayait de mobiliser l’opinion contre l’ethnocide des Indiens d’Amazonie, George Balandier lui répondit dans une discussion filmée en 1967[4] que de telles sociétés sont condamnées à disparaître car leurs cultures n’ont pas d’« images » qui, comme dans le cas du Japon, leur permettraient de s’adapter aux évolutions de la modernité. Les dernières cinquante années nous ont montré au contraire que malgré les tueries, les dépossessions et destructions de leur environnement, les peuples autochtones de la forêt amazonienne – comme d’autres en Australie ou dans le Pacifique – avaient justement investi les « images » : que ce soit dans leurs visions chamanistiques ou leur usage politique de l’art et des médias[5]. Guattari était convaincu par les arguments de Jaulin et le modèle alternatif offert par les Amérindiens, tel que décrit par un autre de ses amis anthropologues, Pierre Clastres, dont l’essai La Société contre l’État avait provoqué une sorte de scandale dans l’arène de l’anthropologie française en remettant, entre autres en question le postulat de Lévi-Strauss sur la guerre comme effet d’échanges ratés. Le conflit s’envenima au point que Clastres et Jaulin quittèrent le Laboratoire d’anthropologie sociale fondé par Lévi-Strauss. Au département d’ethnologie que Jaulin dirigeait à Paris-VII Jussieu dans les années 1970, on nous disait de tourner le dos au structuralisme : l’urgence était plutôt dans l’analyse de la remise en question des ordres passés opérée par le féminisme, les pays en voie de décolonisation et les peuples autochtones. À côté de Certeau et Desanti, nous avions la chance d’entendre des Amérindiens venir expliquer leur résistance.

En Australie, je fus témoin de l’impressionnante créativité des Aborigènes d’Australie centrale qui, au nom de leurs systèmes de valeur ancestraux, avaient réussi après des décennies de luttes à obtenir une loi (NT Land Rights Act 1976) leur permettant de revendiquer en justice la restitution partielle de leurs terres traditionnelles dont ils avaient été dépossédés par la sédentarisation forcée en réserve dans les années 1950 où ils avaient dû abandonner leur vie de chasseurs-cueilleurs semi-nomades. Dans les années 1980, les Aborigènes du désert se réappropriaient leurs terres en voiture en établissant des « outstations », campements rudimentaires à éoliennes et énergie solaire. Hommes et femmes étaient impliqués dans des rituels sacrés, peignant leurs corps avec des motifs symbolisant les parcours géographiques de leurs ancêtres totémiques appelés dans les langues d’Australie centrale Jukurrpa Dreamings, « Rêves ». Nuit après nuit, pour initier les jeunes générations, ils célébraient ces pistes de Rêve en dansant et en chantant leurs liens aux sites sacrés marqués des traces des Êtres des Rêves Pluie, Lézard ou Igname. Dans certaines communautés, hommes et femmes commencèrent à peindre leurs cartes totémiques sur des toiles à exposer pour faire reconnaître leurs droits fonciers fondés sur ces liens spirituels avec des lieux. Le succès serait fulgurant, la peinture devint un outil de revendication politique et une ressource économique. En vingt ans, la profusion des artistes, de leurs œuvres et leur popularité croissante chez les collectionneurs aux quatre coins du monde allaient bouleverser les catégories de l’histoire de l’art, en faisant sortir cet art aborigène du primitivisme pour l’intégrer sur le marché mondial de l’art contemporain[6].

Le message que je ramenais d’Australie après mes premiers séjours en 1979 et 1980 concernait les connexions ancestrales à la terre vécue comme un réseau mouvant : une véritable ontologie où l’homme, les animaux, les plantes, l’eau et toute la vie sociale sont pensés comme l’actualisation de virtualités constamment en feedback avec l’espace-temps des Jukurrpa, les Dreamings, les itinéraires de ces voyageurs ancestraux appelés Rêves Kangourou, Prune, ou Bâton à fouir. Ces êtres et leurs pistes de voyage sont en effet définis comme étant en devenir : dormant dans des centaines de lieux, sources, rochers, et interagissant avec les humains dans leurs propres rêves et rituels qui visent à renforcer les liens entre toutes les choses vivantes : rêver était pratiqué comme un moyen de ressourcer la vie. Ma thèse de 1981 sur Le Rapport au temps et à l’espace des Aborigènes d’Australie visait à montrer ce processus dynamique intrinsèque à la vision du monde traditionnelle qui avait été décrite à tort par la plupart des anthropologues comme « hors du temps ». Je montrais aussi le rôle actif des femmes de ces sociétés dont le pouvoir avait été dénié (et continue d’ailleurs souvent de l’être). J’utilisais le concept de flux de désirs de Guattari pour rendre compte des réseaux mythiques, analyser les nombreux rituels, y compris la circulation entre alliés de cordes de cheveux comme possessions non aliénables des femmes ou encore un culte secret qui, rêvé en 1912 suite au naufrage d’un bateau déportant des Aborigènes, avait voyagé de groupe en groupe de langues différentes comme une forme symbolique de transformation économique fabriquant une double loi, incluant celle des Blancs[7]. Deux ans après la soutenance, j’eus la surprise d’un coup de fil de Félix Guattari que je n’avais encore jamais rencontré : il m’invitait à son séminaire pour discuter de ma thèse que lui avait passée son ami le vidéaste François Pain et qu’il venait de lire d’une traite[8].

L’enthousiasme de Guattari pour les chemins totémiques et l’usage du rêve chez les Warlpiri était stimulé entre autres par le fait que le système de parenté – qui s’étend à tous les totems et leurs lieux associés – semble favoriser des stratégies sociales pour éviter des structures de domination centralisées : une situation faisant écho à la « société contre l’État » de Clastres. Pour ce dernier, chez les Amazoniens, c’était le recours à la guerre qui semblait maintenir la dispersion et l’autonomie de chaque groupe pour éviter un pouvoir centralisé, et la prise de pouvoir de certains sur d’autres[9]. Bien des spécialistes de l’Amazonie ont critiqué cette position extrême de Clastres, mais ils reconnaissent la structure non hiérarchique basée sur la parenté de la reproduction sociale de ces groupes[10]. Une certaine résistance des Warlpiri (et d’autres Aborigènes vivant dans le désert ou le nord) à l’accumulation de biens et à la gestion de type occidental plaide en faveur du fait qu’ils refusent de diverses manières la logique de l’État imposée par la colonisation et la bureaucratie actuelle[11]. Le refus d’un pouvoir centralisé semble être fondé non pas sur la guerre mais sur une manière particulière d’étendre la parenté (sous forme de filiation et d’alliances symboliques) à la gestion de la terre, de ses ressources et des savoirs associés. Hommes et femmes utilisent les termes anglais « boss » et « worker » (mais aussi « manager », « lawyer ») pour traduire des rôles rituels et des devoirs selon lesquels chacun est « boss » (kirda en warlpiri) pour la terre de son père et « worker » (kurdungurlu) pour la terre de sa mère et celle de son ou ses conjoints.

Cette description de la métaparenté a tant fasciné Guattari qu’il m’a invitée à en parler aux patients de la clinique psychiatrique de La Borde où il travaillait. L’expérience fut extraordinaire car les résidents semblaient comprendre avec une intuition surprenante l’objectif et le fonctionnement de ces jeux sociaux et rituels. Les règles de la gestion rituelle de la terre et du savoir des récits, chants, danses et peintures inversent les rôles pour chaque homme et femme en fonction du lieu de l’action entreprise : la terre du père, celle de la mère ou du conjoint. Il ne s’agit pas seulement de parents biologiques ou de vrais alliés par mariage, mais aussi de parents classificatoires. Chacun dans le groupe ainsi que tout étranger qui travaille avec le groupe est automatiquement classés comme « frère ou sœur de peau » (skin brothers and sisters) de certains membres du groupe : ainsi toutes les relations sociales sont exprimées avec des termes de parenté comme une seule grande famille. Ce système a inspiré de nombreux anthropologues et mathématiciens, mais la littérature à ce sujet – y compris les parties consacrées aux Australiens dans Les Structures élémentaires de la parenté de Lévi-Strauss – est un peu sans chair et sans âme, un vrai problème de l’anthropologie qui à l’époque avait du mal à transposer dans les mêmes livres les spéculations théoriques et la performativité de la vie. Dans mon expérience, le système de parenté en « peau » est un jeu de rôle génial (qui correspond dans sa forme la plus simple à ce qu’on appelle en mathématiques un groupe diédrique combinant des cycles réversibles et irréversibles de relations entre huit pôles), or la plupart des anthropologues français refusaient à l’époque l’analogie avec le jeu pour expliquer les activités rituelles ou politiques[12]. Les patients de La Borde dirent immédiatement que le « jeu de famille » était essentiel pour la survie mentale, sociale et celle de l’environnement, autrement dit un moteur des trois écologies de Guattari.

Totémisme, structuralisme, onirisme et déterritorialisation

Comme tout ce qui est nommé dans la nature et la culture est associé dans le désert et le nord à des séries de toponymes se déployant en récits et faisant office de « totems », j’ai souligné qu’il n’y avait pas d’opposition entre nature et culture dans le totémisme (opposition à la base de l’interprétation nominaliste de Lévi-Strauss) à partir du moment où les concepts de langues différentes (plus de 200), comme Jukurrpa, traduisent à la fois l’identité totémique individuelle ou collective (animal, plante, feu ou bâton à fouir) et des pistes géographiques qui, nourries par des récits mythiques et des rites, peuvent être renouvelées en rêve sous forme de nouveaux épisodes racontés, chantés, dansés et peints. Les gardiens de la loi Warlpiri disent qu’ils n’inventent rien mais découvrent et révèlent ce qui est virtuellement déjà là dans la mémoire, matrice du Rêve ancrée dans des lieux associés à des êtres totémiques : cet usage dynamique de la notion d’espace-temps du Rêve qui identifie chaque humain avec des lieux habités de devenirs totémiques multiples offre une alternative au Totem et Tabou de Freud et au nominalisme du Totémisme aujourd’hui de Lévi-Strauss.

La survie créative et la diversité linguistique des Aborigènes, présents en Australie depuis au moins 60 000 ans, remet en question toute forme d’évolutionnisme, qu’il soit darwinien, marxiste ou deleuzo-guattarien selon le modèle sauvage/barbare/capitaliste de L’Anti-Œdipe. La déterritorialisation est certes une notion très commode pour parler du désastre mental, social et écologique provoqué par la violence coloniale du déplacement des Aborigènes en réserve et de la dépossession physique et ontologique qu’a constitué la sédentarisation forcée de ces anciens chasseurs semi-nomades. Contrairement à l’usage qu’en font certains, la déterritorialisation ici n’est pas une métaphore mais l’expression du devenir de l’inconscient contemporain comme déterritorialisation machinique du flux vivant. Celle-ci comme dit Anne Querrien « s’enroule autour de la déterritorialisation coloniale » et permet de survivre au désastre social, économique et environnemental que la colonisation a engendré. Car déterritorialiser au sens de L’Anti-Œdipe c’est la capacité humaine de fabriquer du territoire imaginaire, réel, symbolique pour reprendre les trois faces du désir chez Lacan, qui ne coïncide pas avec le territoire quotidien, le territoire de la reproduction animale, mais renvoie à la capacité à rêver le territoire, à le modifier et pas simplement à le subir, de passer outre à la pulsion de mort, à la pulsion de reterritorialisation maximale. Ce qui a frappé Félix dans mon travail avec les Warlpiri est de découvrir que cette capacité de déterritorialisation n’est pas réservée aux Occidentaux : même si le forçage de l’entrée dans la modernité avec le Welfare State, l’intégration, détruit encore davantage certains Aborigènes, d’autres résistent, notamment avec ce coup de force de leur production artistique qui métabolise les territoires de leurs Rêves totémiques. La création qui, par la machine désirante, réagence sans le triangle imaginaire/réél/symbolique de Lacan, est selon Guattari une position révolutionnaire à condition de sortir de la position psychiatrique où l’objet « a » serait comme une pathologie à résorber. L’absence apparente de prise en compte de la force d’agencement et d’agencéité du désir dans le structuralisme de Lacan ou Lévi-Strauss explique peut-être l’aspect figé d’une certaine analyse des mythes et de la parenté qui a justifié la poursuite de la déterritorialisation de l’anthropologie sans tenir compte de la possible déterritorialisation des peuples concernés.

Il reste que pour de nombreux lecteurs de L’Anti-Œdipe la catégorie du nomade comme sans terre est problématique. Les Aborigènes dans le désert et ailleurs en Australie ont un attachement extrêmement fort à divers lieux tout en nomadisant. La particularité australienne est que la terre est perçue non pas comme une juxtaposition de parcelles bornées mais comme un réseau ouvert de lieux reliés par des récits et des chants sous forme de pistes virtuelles formant un réseau à la fois illimité et « boundless » : il est ouvert dans toutes les directions cardinales mais aussi selon le principe d’un infini intérieur. On peut toujours entre deux lieux ajouter un autre lieu à récit qui a son assise géographique, et un niveau historique souterrain comme une série de strates superposées ou couches d’événements dans lesquels on « fouille » (par les rituels et en rêve). Ces ajouts sont produits par l’interprétation des rêves qui semblent suivre certains patterns culturels pour légitimer telle ou telle vision comme authentique. On a besoin de l’agrément des autres pour qu’une vision en rêve soit certifiée « réelle », « elle doit être liée à des formes picturales et narratives transmises depuis des centaines de générations », expliqua le Warlpiri Maurice Luther Jupurulla invité à Paris avec onze autres hommes de loi de Lajamanu pour recréer une peinture rituelle de sable à l’ARC et danser au théâtre des Bouffes du Nord[13]. La démonstration de l’authenticité est ici un exercice de pistage comme pour un chasseur qui doit reconnaître une empreinte sur le sol : un rêve doit révéler un signe du principe ancestral qui est dit dormir activement en différents lieux sacrés d’un territoire. Ces lieux naturels pour nous – rochers, sources, ruisseaux à sec, arbres – sont des lieux culturels au sens où des événements leur sont attachés : épisodes mythiques, interprétations oniriques, et expériences quotidiennes et historiques réenactés. Tous ces événements sont constamment « re-stratifiés » par des rituels et l’expérience quotidienne des gens qui voyagent sur ces lieux, en y campant physiquement ou en les visitant mentalement dans les performances dansées ou en rêve.

Guattari, dans son combat intellectuel contre le réductionnisme de certaines applications de la psychanalyse et du structuralisme (chez Lévi-Strauss ou Lacan), fut très touché par cette pratique australienne des rêves et surtout par leur intégration dans des concepts autochtones plus complexes rendant compte de liens entre des productions de l’inconscient (chants, récits, danses) et la reterritorialisation de leurs référents dans des réseaux d’échanges étendus : « Les sociétés archaïques, en particulier les Aborigènes d’Australie, sont coutumières de ce que chaque performance onirique renvoie non seulement à une suite diachronique individuelle de rêves mais, de surcroît, à des rêves de référence collectifs, jouant un rôle fondamental dans l’établissement des rapports de filiations, des itinéraires rituels et de la fixation de prestations de toute nature. » (Cartographies schizoanalytiques, 1989, p. 240). Les Aborigènes offraient à Félix un exemple de ses « logiques d’intensités archaïques » (ibid., 1989, p.24), qui mettaient en évidence le rôle du rêve comme agencement cartographique : « les cartographies mythiques aborigènes qui s’efforcent de localiser les potentiels de transformation de leurs Univers réels et/ou incorporels » (ibid., p. 92). Il se référait encore aux Aborigènes en écrivant dans Chaosmose (1992, p. 30) : « Dans les sociétés archaïques, c’est à partir de rythmes, de chants, de danses, de masques, de marques sur le corps, sur le sol, sur des totems, à l’occasion de rituels et par des références mythiques, que sont circonscrits d‘autres sortes de Territoires existentiels collectifs ».

La colonisation a sous-estimé le rapport aux lieux des Aborigènes ; sous prétexte qu’ils ne pratiquaient pas d’agriculture et ne construisaient pas de maisons (à l’exception des groupes installés le long de la rivière Murray dans le sud-est), l’Australie était censée être terra nullius « terre inhabitée ». C’est seulement en 1992 que cette notion coloniale occidentale fut remise en question par la revendication territoriale d’Eddie Mabo, un insulaire des îles Torres qui a changé la loi australienne. Jusque-là il était convenu que les Aborigènes ne sauraient être « propriétaires » de la terre puisqu’ils disent qu’ils « lui appartiennent », un raisonnement qui a même légitimé à l’époque coloniale que certains les relèguent dans la « non-humanité » avec un statut d’animaux. Or les Aborigènes (qui regroupent plus de 200 langues différentes et quinze familles), en revendiquant une continuité totémique entre les hommes, les animaux, les plantes, la pluie et la terre, insistent aussi sur le fait qu’ils ont toujours agi sur la terre : chanter, danser, peindre sont littéralement leurs moyens de « looking after the country » (entretenir la terre), au même titre que de brûler la brousse pour la “nettoyer” des mauvaises herbes ou encore pratiquer un semi-nomadisme pour gérer l’irrégularité du ressourcement des trous d’eau selon les saisons. Sans les activités rituelles et les pratiques saisonnières, disent les anciens Aborigènes, toutes les espèces de la faune et de la flore ne pourraient plus se reproduire, et l’équilibre climatique serait aussi perturbé : la sécheresse et les cyclones peuvent ainsi relever de la responsabilité humaine et menacer la reproduction des humains car tout est lié sur terre, dans la mer et au ciel. Du point de vue aborigène, toute action humaine est responsable de l’équilibre entre les forces de la nature et la santé des gens et de tous les êtres vivants. Ce n’est pas un holisme, mais une responsabilité singulière de chaque geste accompli individuellement ou collectivement, dans la vie quotidienne, lors d’événements spécifiques et aussi en rêve. Il s’agit au sens propre d’agencements collectifs d’énonciation tels que définis par Guattari : « collectif ne doit pas être entendu ici seulement dans le sens d’un groupement social : il implique aussi l’entrée de diverses collections d’objets techniques, de flux matériels et énergétiques, d’entités incorporelles, d’idéalités mathématiques, esthétiques, etc. » (Cf. Années d’Hiver, index).

Ontologies et topologies

Lorsque je suis retournée dans le désert en 1984, j’envoyais à Guattari des doubles sur papier carbone des traductions des transcriptions de récits que j’enregistrais en Warlpiri et que je tapais sur une petite machine à écrire. À mon retour, j’habitais chez Guattari, ce qui donna la chance extraordinaire de discuter au jour le jour les premiers brouillons de mon livre Les Rêveurs du désert (Plon, 1989). Parfois il recopiait dans un carnet des phrases qui lui plaisaient comme : « Qu’est-ce qu’un mot ? En Warlpiri c’est yirdi, qui sert aussi à désigner un nom propre et une ligne de chant. L’étymologie se réfère à yirdiyi qui condense les connexions indissociables entre les mots, les itinéraires, la chair et le rêve », « Le statut des mots est d’être un lieu ou un itinéraire. Comme les noms de lieux et des héros correspondent à des choses, il est essentiel de comprendre que ce ne sont pas des analogies poétiques, ni des métaphores », « En d’autres termes il n’y a pas de relation entre le signifié et le signifiant, entre un héros et son nom. Le héros n’est rien d’autre que le pouvoir de son nom », « Dire le nom d’un lieu, danser un lieu ou peindre un lieu, n’est pas nécessairement une identification avec ce lieu mais une manière d’être, simultanément dans les lieux de ce Dreaming ». Une autre remarque qui retint l’attention de Félix vient de mon amie warlpiri, Barbara Gibson[14] : « Tout comme la Voix des Nuits (Munga munga) peut nous rendre malades car elle nous montre trop de choses en rêve, de même nous sommes frappés par des “pierres” lorsque nous sommes trop faibles dans nos têtes ». Ces phrases ont toutes à voir avec la matérialité de la pensée : l’énonciation Warlpiri de procédures apparemment abstraites se pensant sous la forme de traces tangibles, semble échapper aux oppositions structurales et linguistiques. Nos conversations se poursuivirent en public à son séminaire du 18 février 1985, publié dans le premier numéro de Chimères avec notre discussion de 1983.

Étant sous l’emprise d’une plongée d’un an dans une expérience de terrain qui m’avait fait voyager avec les Warlpiri dans leurs sites sacrés, j’étais en mal de traduction de la complexité de leurs concepts. Je parlais de trous noirs et d’énergie pour tenter de dépeindre ces nœuds de reconnaissance des connexions secrètes localisées dans des sites sacrés qui ne peuvent être changés alors que tout autour peut changer. Félix me dit de remplacer la notion d’énergie par celle de singularité et d’a-signifiant : « Dans mes préoccupations actuelles, je traduirais ce que tu dis de la façon suivante : non seulement il ne s’agit pas d’une clé structurale d’interprétation de différentes composantes mythiques mais il s’agit d’un certain usage du matériau sémantique mis en jeu qui doit être activement rendu non signifiant. Ce n’est pas seulement le fait que, de façon contingente, il y a un fait de non-sens, ou de rupture de signification, mais que cela doit être activement rendu non signifiant pour fonctionner comme moyen de ce que j’appelle territorialisation existentielle. Et c’est précisément ces éléments pas signifiants qui vont constituer ce que j’appelle la transversalité des agencements, c’est eux qui vont traverser des modes d’expression hétérogènes du point de vue de leurs moyens d’expressions ou du point de vue de leur contenu par exemple mythique. Parce que, ce qui fonctionnera d’un registre à l’autre, ce n’est pas axiomatique, une structure d’articulation entre des pôles significatifs mais c’est ce que j’appellerai une logique ontologique, une façon de construire de l’existence en différents registres, ce que j’appelle avec Éric l’ordologie par opposition à une cardologie. »[15]

Lorsqu’en 1988, Guattari lut ma thèse d’État intitulée Le Rêve et la Loi. Approche topologique de l’organisation sociale et des cosmologies aborigènes [16], où j’avais tenté de comparer différents systèmes de parenté (des Warlpiri et d’autres groupes aborigènes) en les déployant différemment sur un hypercube selon plusieurs niveaux de complexité relationnelle, il se fâcha : pourquoi utiliser la topologie ? Était-ce un retour au structuralisme de Lévi-Strauss et Lacan ? Certes Lévi-Strauss avait été ravi de ce travail qui articulait sur le continent australien ce qu’il avait proposé pour les mythes amérindiens avec la Bouteille de Klein dans La Potière jalouse (Plon, 1985). Mais mon inspiration venait surtout de la science-fiction qui spéculait sur la 4e dimension. Mes vrais juges étaient les Warlpiri : quand je leur ai montré l’hypercube comme outil pour rendre compte de la logique parentale de leurs Dreamings, les anciens gardiens de la culture trouvèrent que c’était un « bon jeu » ! Les fameuses toiles à l’acrylique que les Aborigènes du désert avaient commencé à peindre dans les années 1970 à Papunya (1985 à Lajamanu)[17], montrent des tendances structurales dans les compositions des réseaux des Dreamings, ainsi que les effets cinétiques des continuités entre dessus/dessous propres à leurs concepts cosmologiques et procédures rituelles consistant par exemple, selon les Warlpiri, à transformer kanunju (dessous/virtuel/êtres totémiques et esprits-enfants des Dreamings) en kankarlu (dessus/manifeste/humains et tout ce qui leur donne leur noms totémiques) et vice versa : c’est cette topologie indigène qui m’avait encouragée à proposer l’hypothèse selon laquelle il y a une « topologique » commune (illustrée par les propriétés de l’hypercube) à la parenté, aux tabous rituels et aux mythes.

J’ai continué mon investigation des réseaux aborigènes par le multimédia en fabriquant en 1995 une carte interactive pour articuler à partir de mes enregistrements audiovisuels, les relations entre des peintures, des récits, des chants et des rites warlpiri répartis entre un échantillon d’une centaine de lieux répartis en quatorze constellations totémiques. L’objectif du CD-ROM Pistes de Rêves. Art et savoir des Yapa du désert australien (Unesco 2000) réalisé en collaboration avec 50 artistes de Lajamanu était de montrer qu’en suivant un système de cartographie du savoir indigène, qui projette des informations dans des lieux géographiques et des liens narratifs entre ces lieux, on pouvait construire une carte mentale nous aidant aussi à comprendre le processus culturel de mise en lien des connaissances et de leur expression par des pratiques rituelles et leurs transpositions artistiques. Mon investissement dans l’expérimentation d’une machine numérique rejoignait à sa façon ce que Guattari avait compris des cartographies warlpiri et de leurs intensités. « This CD-ROM brings people to the mind » dit l’artiste warlpiri Jimmy Robertson Jampjinpa lorsqu’il fut invité à le présenter au colloque « Identités autochtones : Expressions orales, écrites et nouvelles technologies » que nous avons organisé à l’Unesco à Paris en 2001 avec des collègues australiens pour réfléchir à l’éthique de la restitution en multimédia avec les acteurs autochtones, les musées et les chercheurs[18]. Le design rhizomatique du CD-ROM Pistes de Rêve invite à la liberté de connexion parmi des milliers d’hyperliens entre des mots et des toponymes pour produire du sens culturellement pertinent pour les Warlpiri, au fur et à mesure que l’on explore plus de liens : c’est la base du processus d’apprentissage des Warlpiri, à condition bien sûr d’être accompagné de pratiques quotidiennes, chasse, rites, négociations, etc., ce que le multimédia n’offre pas. Le fait de comprendre comment une situation donne du sens à un lien – entre deux lieux ou deux choses associées dans un même lieu – est exactement ce que Guattari disait lorsqu’il opposait l’« a-signifiant » ou l’émergence d’un sens contextualisé par l’action.

Discutant récemment la question que posent Deleuze et Guattari dans Rhizome (1976), « N’y a-t-il pas en Orient, notamment en Océanie, comme un modèle rhizomatique qui s’oppose à tous égards au modèle occidental de l’arbre ? », l’anthropologue australien Alan Rumsey[19] se réfère au dessin « Le corps de l’Australie », publié dans le livre Yorro Yorro (Magabala Books, 1993) de David Mowaljarlai. Cet initié visionnaire de père Ngarrinyin et mère Worora est venu à Paris en 1996 pour appeler la communauté scientifique à protéger les peintures rupestres de son peuple, menacées de destruction par l’extraction de diamants[20]. Son dessin montre une carte de l‘Australie et ses eaux environnantes entièrement couvertes par un réseau de lignes entrecroisées connectant des lieux disposés aux intersections de manière régulière comme un filet maillé. Rumsey, qui a travaillé pendant des années avec les Ngarinyin, reconnaît la nature « rhizomatique » des cartographies des Dreamings aborigènes, mais il y oppose des exemples océaniens plus ambigus où le modèle du rhizome cohabite avec des modèles arborescents, notamment en Papouasie Nouvelle Guinée et sur l’île de Tanna au Vanuatu (étudiés par le géographe Joël Bonnemaison). Comme l’a souligné Thomas Reuter[21], de très nombreux chercheurs ont montré que les métaphores botaniques en Océanie sont les plus courantes pour exprimer les relations sociales dans le monde austronésien : elles « suggèrent généralement un processus de segmentarisation de l’expansion spatiale dû aux poussées organiques de l’intérieur, mais peuvent et sont appliquées aussi dans des sociétés locales affichant une population aux origines multiples ». Les métaphores corporelles sont aussi présentes pour imager l’espace social mais la plus importante de toutes les métaphores du monde austronésien pour « conceptualiser les unités socio-territoriales est le chemin (path) ou le voyage (journey) ; une trajectoire du mouvement humain à travers l’espace et le temps »[22] . Rumsey comme d’autres conteste l’absence de systèmes arborescents en Océanie, mais admet que le rhizome est « bon à penser », à condition qu’il soit expérimenté par les gens d’Océanie comme « emplaced » (localisé, ancré) et non « nomade ».

Guattari, au contact de mes données aborigènes notamment, a reformulé dans les années 1980 sa compréhension du rhizome dans le contexte ethnographique de la production de territoires existentiels ancrés dans des lieux, l’espace-temps du mythe et du rêve, le corps et la parenté étendue à tous les devenirs humains ou non humains. Le Rêve des Ignames dont les rhizomes trament le désert et d’autres régions d’Australie est utilisé explicitement par les Aborigènes de ces régions non pas comme une simple métaphore mais comme un modèle à penser : les lianes où poussent les ignames courent de manière souterraine, ressortent à la surface (notamment quand elles sont stimulées par une petite vipère) et rampent à la surface du sol, s’enroulant autour des arbres en de multiples branchements, parfois rompus. Les lianes en surface mènent aux tubercules cachés, elles offrent aux Aborigènes une machine rhizomatique à penser des alliances et la circulation de biens d’échange tangibles et intangibles dont la propriété est inaliénable. J’ai comparé ailleurs ce paradoxe du « donner sans perdre » (le « keeping while giving » de Annette Weiner, Cf. note 7) avec le copyleft prôné par les créateurs de logiciels pour lesquels la propriété des auteurs serait mieux reconnue par la circulation que par des formes de copyright qui transforment les savoirs en commodités monopolisées[23]. Cette rencontre de pensée entre des traditions locales de mise en circulation de biens non aliénables à travers l’Australie et entre groupes du Pacifique, et la communauté des internautes qui prônent la common licence, est un parmi de nombreux autres exemples d’un attracteur transversal, ici transhistorique, qui semble donner raison au nouage des trois écologies, mentale, sociale et environnementale de l’objet écosophique de Guattari.

Notes

[ 1] Ce texte est tiré de la Conférence que Guattari a prononcée à Bilbao le 26 mars 1985 devant le Congrès International « Los derechos colectivos de las naciones minorizadas en Europa ». Il reprend les idées que nous avions développées ensemble avec Survival International France pour monter dans le cadre de la Fondation Transculturelle Internationale un projet de Rencontres du Cinquième Monde afin de promouvoir le statut juridique et les identités singulières des peuples autochtones, leurs luttes pour les droits à la terre et la reconnaissance de leurs savoirs, thérapies et gestion des ressources. Les Années d’hiver reprend aussi la préface de Félix à La Cité cataphile. Mission anthropologique dans les souterrains de Paris, B. Glowczewski et JF Matteudi avec V. Carrère et M. Viré (Les Méridiens, 1983, réédition 2008 par l’Association ACP).Retour

[ 2] Glowczewski & Guattari, « Les Warlpiri, I & II, séminaires 1983 et 1985 », Chimères n°1, 1986.Retour

[ 3] « Nouveau millénaire, Défis libertaires », entretien avec Félix Guattari, in « Qu’est ce que l écosophie », Terminal n°56, 1992.Retour

[ 4] Avec Max Pol Fouchet, Mort et Métamorphoses des Civilisations (de Julien Papée, INA, 1967).Retour

[ 5] Voir B. Glowczewski et A. Soucaille (dir.), « Majeure et Introduction. Réseaux autochtones: résonances anthropologiques », Multitudes n°30, automne 2007.Retour

[ 6] B. Glowczewski 2007 « Le paradigme des Aborigènes d’Australie : fantasmes anthropologiques, ontologie aborigène et pensée réticulaire » (en français et anglais) in Lucienne Strivay et Géraldine Le Roux (dir.), La Revanche des genres, Paris, Éditions Aïnu (catalogue d’exposition, Les Brasseurs à Liège, La Cité internationale des Arts, Paris) qui discute entre autres la matrice des quatre ontologies proposées par Philipe Descola dans Par delà nature et culture, Gallimard, 2007.Retour

[ 7] Je fus inspirée par Annette Weiner qui dans un séminaire de Maurice Godelier en 1980 décrivit la circulation des nattes aux Trobriands comme un bien inaliénable des femmes qui affirmaient ainsi leur pouvoir. Elle allait développer par la suite cette notion d’inaliénabilité dans son livre Inalienable Possessions. The Paradox “Keeping while giving” (1992, Berkeley, University of California Press) en l’étendant à d’autres régions d’Océanie.Retour

[ 8] Le Rêve et la terre : rapport au temps et à l’espace des Warlpiri de Lajamanu, Paris-VII, 1981 ; B. Glowczewski, « Les Warlpiri » discussion avec Félix Guattari (1983 et 1985), Chimères n°1 p. 4-37.Retour

[ 9] Guillaume Sibertin-Blanc, « État et généalogie de la guerre: l’hypothèse de la “machine de guerre” de Gilles Deleuze et Félix Guattari », Astérion n°3, septembre 2005.Retour

[ 10] « Devoir de parole des chefs » p. 129, 131, 134 : Catherine Ales, Yanomami l’ire et le désir, Editions Karthala, 2006 ; Eduardo Viveiros de Castro, « Les pronoms cosmologiques et le perspectivisme amérindien », p. 429-462, in É. Alliez (dir.), Gilles Deleuze : une vie philosophique, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo, 1998.Retour

[ 11] Voir B. Glowczewski, « Survivre au désastre », in Multitudes n°30 et Guerriers pour la Paix, 2008, Indigène Éditions (avec la contribution de Lex Wotton).Retour

[ 12] Les théories de Garfinkel ou Giddens n’étaient guère populaires en France sauf pour les initiés, comme Yves Lecerf qui était venu présenter la théorie des jeux et l’ethnométhodologie au séminaire de Félix.Retour

[ 13] B. Glowczewski, Les Rêveurs du désert, Plon, 1989 (Actes Sud 1996).Retour

[ 14] B. Glowczewski, B. Nakamarra Gibson, 2002, « Rêver pour chanter : Apprentissage et création onirique dans le désert australien », CLO 51, p. 153-168. ; voir aussi Rêves en colère, Plon 2004.Retour

[ 15] Glowczewski & Guattari, Chimères n°1, 1986. Sur l’opposition ordinal/cardinal, Eduardo Viveiros de Castro a remarqué récemment : « Alors que les prix décrivent des relations cardinales de valeur entre des objets dans les transactions, les termes de parenté décrivent le rang ordinal entre les partenaires d’échange », in « Le don et le donné : trois nano-essais sur la parenté et la magie », ethnographiques.org, n°6, novembre 2004 [en ligne].
hh http://w www.ethnographiques. org/ 2004/ Viveiros-de-Castro. htmlRetour

[ 16] Publié en 1991 sous le titre Du Rêve à la Loi. Mythes, rites et organisation sociale chez les Aborigènes d’Australie, PUF.Retour

[ 17] B. Glowczewski et J. De Largy Healy, avec les artistes de Galiwin’ku et Lajamanu, Pistes de rêves. Voyage en terres aborigènes, Éditions du Chêne 2005.Retour

[ 18] Glowczewski 2004, Rêves en colère. Voir aussi le CD-ROM « Cultural Diversity and Indigenous People », Unesco 2004 (issu du colloque de 2001).Retour

[ 19] « Tracks, Traces, and Links to Land in Aboriginal Australia, New Guinea, and Beyond », in A. Rumsey et J.E. Weiner (dir.), 2001, Emplaced Places (Space, Narrative, and Knowledge in Aboriginal Australia and Papua New Guinea).Retour

[ 20] Voir conversations avec Mowajarlai in B. Glowczewski, Rêves en colère, Plon 2004.Retour

[ 21] Chap. 13 (“The ways of the land tree”), in Thomas Reuter, Sharing the Earth, Dividing the Land. Territorial Categories and Institutions in the Austronesian World, hh http://epress. anu. edu. au/ austronesians/ sharing/ mobile_devices/ index. html.Retour

[ 22] « In Palau the metaphor of the turmeric rhizome is used to explicate relations between kin and between villages. Traditionally people of Palau, the westernmost and largest of the Caroline Islands, made sense of kin relations through matrilineal descent. To explain these relations they used what has been termed “turmeric metaphor” » (Parmentier, 1987, p. 177, cité par Paul Rainbird, « Deleuze, Turmeric and Palau : rhizome thining and rhizome used in the Caroline Islands », Journal de la société des Océanistes n°112, 2001, « Micronésie plurielle »).Retour

[ 23] Voir B. Glowczewski, 2002, « Culture Cult. The ritual circulation of inalienable objects and appropriation of cultural knowledge (North-West Australia) », in M. Jeudy Ballini et B. Juillerat (dir.), People and things – Social Mediation in Oceania, Durham, Carolina Academic Press ; et Glowczewski, 2004, Rêves en colère. Avec les Aborigènes australiens, Paris, Plon, Terre Humaine, (version Plon Pocket, 2005).Retour