Fragments pour un chantier de traductions des discours africains sur l’art
Depuis la fin des années 1980, un mouvement d’internationalisation des échanges culturels a dessiné les contours d’une nouvelle géographie culturelle mondiale. Sous la forme de ce qui a été appelé un nouvel internationalisme (tel que ces débats ont été formulés à la Biennale de Venise en 1990), la prise en compte par les grandes institutions muséales occidentales des scènes artistiques extra-occidentales, longtemps négligées, est allée de pair avec une révision de leurs récits historiographiques et muséographiques. Ce chantier de réécriture de l’histoire de l’art, qui s’impose encore comme un défi pour les années à venir, est le fait d’un mouvement de décentrement culturel qui a été autant la conséquence des travaux des historiens de l’art spécialisés dans les arts non occidentaux et des théoriciens des études postcoloniales et subalternes, que de phénomènes comme la biennalisation de l’art et le développement de nouveaux marchés de l’art sur ces scènes artistiques autrefois considérées comme périphériques.
Un paradigme anthropologique hexagonal pour penser l’internationalisation de l’art
L’internationalisation du champ artistique a longtemps été pensée, en France, depuis un paradigme anthropologique, autant dans le champ académique que dans les domaines curatoriaux et muséographiques. Pour comprendre les coordonnées du débat hexagonal, il n’est en effet pas inutile de remonter à 1989, lorsque l’exposition Les Magiciens de la Terre au Musée National d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette provoquait une déflagration telle que cette exposition constitue aujourd’hui encore une référence, souvent décriée pour son primitivisme latent. Avec pour projet d’envisager la production artistique contemporaine à une échelle planétaire, son commissaire, Jean-Hubert Martin, y convoquait une centaine d’artistes et « non-artistes » issus de scènes asiatiques, africaines, latino-américaines. Coup de force, cette inclusion s’articulait autour d’une pensée du rite et de la magie et s’opérait au prisme (et au prix) d’une approche anthropologique. Postulant la déroute des histoires de l’art occidentales pour se saisir de ces scènes, Martin faisait appel aux discours ethnographiques et anthropologiques comme outils heuristiques, qui se substituaient tout autant aux histoires de l’art endogènes. Les paradoxes de cette exposition innervent aujourd’hui encore une large part – que ce soit pour s’inscrire dans sa filiation ou opérer aujourd’hui encore un démontage critique de ses présupposés – des réflexions qui sous-tendent les débats muséologiques en France sur l’internationalisation de l’art, réflexion qui aura été longtemps insulaire, alors que la même année, en 1989, l’artiste et théoricien Rasheed Araeen, après avoir fondé en 1987 la revue Third text, proposait l’exposition The Other Story à la Hayward Gallery, à Londres, qui posait les prémisses conceptuelles d’une relecture de l’histoire de l’art, depuis un décentrement postcolonial et une volonté de « dés-impérialisation de l’esprit institutionnel ».
Africa Remix
En 2005, Africa Remix (curatée par Simon Njami, David Elliott et Marie-Laure Bernadac) au Centre Pompidou, a constitué une autre date importante, présentée comme la plus grande exposition d’art contemporain africain en Europe. Africa remix a eu le non négligeable mérite d’ouvrir les portes d’une grande institution française prescriptrice aux artistes contemporains africains, pensés à partir de catégories dynamiques telles que la ville ou la migration. Si son commissaire Simon Njami, fondateur de Revue noire, y plaidait pour une désexotisation de l’art africain, le catalogue de l’exposition, pourtant riche de textes de Clémentine Deliss, Manthia Diawara ou John Picton et d’un dictionnaire critique, continuait cependant d’employer, à certains égards, un lexique de « l’exploration », tel qu’a pu le montrer l’historienne de l’art Maureen Murphy, et de l’approche d’une scène africaine contemporaine « nouvelle, méconnue », comme continent à découvrir. La scénographie d’Africa remix aura plus largement été critiquée pour son absence de discursivité, son refus des outils de la théorie postcoloniale et le « silence » dans lequel elle laissait les œuvres.
Traductions des pensées historiographiques africaines
La mise en lumière croissante d’artistes contemporains d’origine africaine – sud-africains, camerounais, maliens, nigérians, sénégalais, angolais, etc. (El Anatsui, Barthélémy Toguo, Moshekwa Langa, Jane Alexander, Yinka Shonibare, Malick Sidibé, Chéri Samba, Seydou Keïta, Marlène Dumas, Kendell Geers, Pascale Marthine Tayou, William Kentridge, pour ne citer que certains des plus en vue) – sur la scène globale et particulièrement occidentale de l’art (musées, institutions publiques, biennales, galeries, fondations et collections privées) s’est d’ailleurs plus largement et communément accompagnée d’une rhétorique multiculturaliste et d’une exaltation d’un art globalisé, dissolvant toute appréhension des hiérarchies géopolitiques. Avec la croissance de grandes expositions panoramiques régionalistes, l’art africain devenait un label, une marque. Si celles-ci ont accru la représentativité de ces scènes artistiques, nombre d’entre elles ont continué de prolonger en Occident une vision de l’Afrique comme catégorie indifférenciée et allochronique, pensée à partir des motifs de tradition et d’authenticité. Cette « vague » de l’art africain a été également concomitante de la diffusion sur le continent africain, comme de manière plus globale à l’échelle mondiale, du phénomène de la biennalisation (des plus historiques – Dakar, Bamako, Johannesburg, Le Caire, Marrakech – aux plus récentes – Cape Town, Louanda, Douala, Cotonou, etc.). Plus caractéristique, la réception du travail des artistes africains est allée de pair, et en France tout particulièrement, avec des lacunes majeures dans la traduction de ressources discursives et pensées théoriques sur l’art, venues d’Afrique, escamotage qui s’inscrit certainement dans une impasse française plus générale sur les pensées historiographiques extra-occidentales de l’art. Dans l’engouement récent du marché de l’art (foires telles que Paris Art Fair, Paris Photo, etc.) ou des musées français pour les artistes africains, ces derniers continuent largement soit d’être coupés de toute discursivité, soit d’« être parlés » par les discours historiographiques occidentaux sur l’art. Si des revues déjà citées, comme Revue Noire, défendent activement en France depuis le début des années 1990 l’art contemporain africain, ou encore Africultures, Cahiers d’Études Africaines ou Gradhiva, il n’est peut-être pas anodin que ces deux dernières s’ancrent, encore une fois, dans un héritage anthropologique et que la première se soit surtout intéressée au potentiel avant tout iconique de ces scènes.
Dans son texte The Stakes of Art Criticism in Africa, le philosophe et commissaire d’expositions ivoirien Yacouba Konaté rappelait pourtant bien la nécessité d’une critique d’art africaine indépendante, et d’un discours historiographique et curatorial endogène. « Tant que le script de l’art africain continuera d’être conçu à partir de l’extérieur, l’art africain apparaîtra comme “l’autre” de l’art occidental. […] Les professionnels et amateurs de la critique d’art africaine ne doivent pas seulement parler des artistes africains et des expositions. Ils doivent aussi orchestrer, à partir de leurs points de vue internes à l’Afrique, leur syntaxe personnelle des cultures matérielles africaines », écrivait-il en 1999.
Vers un nouveau discours africain
Il apparaissait urgent, dans le contexte de la revue Multitudes, riche d’une tradition de traduction des pensées postcoloniales, de participer à un chantier de traductions, en invitant des contributeurs – historiens de l’art, théoriciens, critiques, commissaires d’origine africaine (dans le cadre de ce numéro, principalement d’expression anglophone) – particulièrement saillants dans la production actuelle des discours sur l’histoire de l’art moderne et contemporain. À travers cette fenêtre critique sur les historiographies africaines de l’art, il ne s’agirait évidemment pas de reconduire une lecture qui l’envisagerait de manière totalisante mais bien au contraire de tenter d’en restituer, de manière forcément fragmentaire et lacunaire, différentes généalogies.
Ce premier volet d’un chantier de longue haleine pourrait choisir de s’intéresser à l’émergence d’un « nouveau discours africain sur l’art » survenu dans les années 1990, qui a été jusqu’alors peu traduit en France, proposé par une génération d’historiens de l’art et de critiques d’art d’origine nigériane, sud-africaine, égyptienne, etc. (Okwui Enwezor, Salah Hassan, Olu Oguibe, Chika Okeke-Agulu, Sylvester Ogbechie, etc.) qui a développé des plateformes discursives à forte valeur critique (revues telles que NKA, Critical Interventions, forums tels que Forum for African Arts), aujourd’hui très influentes à l’échelle globale et qui ont profondément renouvelé les discours sur l’art africain. Cette génération, nourrie d’influences diverses, a développé une critique très armée des hiérarchies géoépistémiques déployées dans le monde de l’art et de la colonisation des représentations, notamment par le biais de la revue NKA (Journal of Contemporary African Art) fondée en 1994, et consacrée à l’art contemporain africain et des diasporas africaines. Cette revue a œuvré à défaire les discours scientifiques (anthropologique, néoprimitiviste, etc.) à l’œuvre sur l’art africain et proposé des outils pour refonder la discipline de l’histoire de l’art, posant notamment une critique du musée ethnographique, des catégories de tradition, d’authenticité utilisées pour penser l’art contemporain africain, et déployant une réflexion sur le phénomène des biennales globalisées, le post-black art, ou encore la photographie et le cinéma en tant que médiums documentaires.
Dans le contexte des grandes expositions régionalistes africaines des années 1980‑1990, cette génération d’historiens de l’art a conçu des expositions particulièrement intéressantes, autoréflexives et épistémocritiques. Ces expositions ont été ouvertement pensées comme alternatives aux expositions telles que Primitivism in 20th Art: Affinity of the Tribal and the Modern au Museum of Modern Art de New York en 1984, Africa Explores the 20th Century de Susan Vogel en 1991, à New York encore, Africa Hoy/Africa Now en 1991 aux Canaries, en Hollande et au Mexique, de la collection Jean Pigozzi, etc.
Avec d’autres historiens de l’art tels Sidney Kasfir, John Picton, Kamal Boulatta, Salwa Mikdadi, l’un des premiers chantiers auquel se sont attelés ces chercheurs, dans ce projet de décentrement des récits de l’art, aura été une relecture des modernités africaines. The Short Century: Independence and Liberation Movemements in Africa, 1945-1994, exposition organisée à Munich, Berlin, New York, Chicago, par une équipe de commissaires dirigée par Okwui Enwezor, en 2001-2002, s’intéressera à l’art moderne africain né dans le contexte des indépendances africaines. Plus tôt, Seven stories about Modern art in Africa, organisée à la Whitechapel Gallery par Clémentine Deliss, en 1995, était construite à partir d’une approche polyfocale proposant sept récits de l’art moderne de sept pays (chaque pays avait un curateur africain : Nigeria par Chika Okeke, Sénégal par El Hadji Sy, Soudan et Éthiopie par Salah Hassan, etc.). Unpacking Europe présentée à Rotterdam en 2001 proposait, quant à elle, un regard critique sur l’histoire de l’Europe. La Documenta XI de Kassel, dont Okwui Enwezor fut le commissaire, fera date, en présentant des plateformes de réflexion à Lagos, New Dehli, Sainte Lucie, préalables à la tenue de l’exposition elle-même à Kassel. Authentic/Ex-centric, Africa in and out of Africa par Salah Hassan et Olu Oguibe sera le nom de l’exposition du Pavillon africain de la Biennale de Venise de 2001.
Pensées diasporiques et afropolitaines
Cette génération de commissaires et historiens de l’art a souvent gagné en visibilité en passant notamment par des modalités de légitimation « diasporiques ». En effet, parfois contraints de s’exiler pour des raisons politiques, ces commissaires ont pu mener leurs projets par le biais de revues (c’est le cas de NKA basée à New York ou de Critical Interventions basée en Californie), d’expositions, souvent produites depuis l’Europe ou les États-Unis (même si elles ont pu être amenées à circuler en Afrique) ou en prenant la direction de biennales « globales » souvent situées hors du continent africain, de musées européens ou en enseignant dans de grandes universités américaines.
D’autre part, de manière plus théorique, leur discours sur l’art s’est ancré dans un refus du « nativisme » et un projet de désessentialisation de l’Afrique, manifestant une volonté de rupture autant avec les paradigmes africanistes forgés en Occident, qu’avec les discours afrocentristes. L’Afrique comme catégorie « géoesthétique » a été réévaluée, requalifiée, plutôt à partir de visions circulatoires, créoles, cosmopolites, de paradigmes d’itinérance, de mobilité et de déplacement, ceux des mouvements de population et de flux culturels. L’Afrique comme lieu de départ et de destination a été repensée via des mouvements de dispersion autant que d’immersion, que le penseur postcolonial camerounais Achille Mbembé a théorisés, plus récemment, à partir du terme d’« afropolitanisme », envisagé comme une stylistique, une esthétique et une certaine poétique du monde. « Aujourd’hui, nombre d’Africains vivent hors d’Afrique. D’autres ont librement choisi de vivre sur le Continent, et pas nécessairement dans les pays qui les ont vus naître. Davantage encore, beaucoup d’entre eux ont la chance d’avoir fait l’expérience de plusieurs mondes et n’ont guère cessé, en réalité, d’aller et de venir, développant, au détour de ces mouvements, une incalculable richesse du regard et de la sensibilité. […] Ils sont en train de développer, parfois à leur insu, une culture transnationale que j’appelle “afropolitaine” ».
Dis/locating africa/s
Mbembé propose le terme « Afropolis » pour désigner les grandes villes africaines comme Lagos, Le Caire et Johannesbourg, espaces cosmopolites façonnés par des flux mondiaux d’idées, de biens, de capitaux et de personnes.
L’historien de l’art John Peffer dans un article qui a fait date, « Africa’s Diasporas of Images », paru dans la revue Third Text en 2005, et pour la première fois traduit en français dans ce numéro de Multitudes, propose quant à lui d’étendre cette vision diasporique aux objets et d’envisager l’art africain sous le signe d’objets en mouvement. « Que se passerait-il si nous commencions à considérer les objets d’art d’Afrique comme eux-mêmes une diaspora, par opposition à la conception traditionnelle des diasporas africaines comme propagation des personnes, […] partout dans le monde ? […] Je propose un examen de tout l’art africain dans la perspective de la diaspora, comme des objets en mouvement » […] « d’articulation entre et avec des histoires culturelles disparates », écrit-il dans cet article.
Aujourd’hui, d’autres voix s’élèvent, notamment celle de l’historien de l’art sud-africain Mario Pissarra, dont l’éditorial du numéro Dis/locating Africa/s, paru dans Third Text Africa en 2010, a été l’occasion d’un retour critique sur la déconstruction anti-essentialiste de la catégorie Afrique, portée par ces théoriciens issus de la diaspora africaine que nous venons d’évoquer. Cette déconstruction qui s’est ancrée dans une volonté de dépasser les frontières physiques du continent africain, et a mis à l’honneur les capitales des diasporas africaines, entraîne pour Mario Pissarra, plus encore qu’une déconstruction, une véritable dislocation symbolique de l’Afrique, dont le cœur serait supposé battre davantage dans les grandes mégalopoles extra-africaines. On le voit, cette Majeure devrait ainsi permettre d’apercevoir combien les historiographies africaines de l’art, bien loin des stéréotypes d’immuabilité, sont traversées de forts antagonismes et débats polémiques.
Relectures stratégiques des modernités
On l’a dit, le projet de ces historiens aura été de construire un discours critique contre une vision de l’art africain, qui, quand il n’était pas qualifié de « prémoderne », était perçu comme influencé et dérivé de la modernité occidentale. Comme l’indique l’historien de l’art et commissaire d’origine nigériane Chika Okeke, actuel éditeur de NKA, dans un article que nous traduisons ici, « L’Art Society et la fabrique du modernisme postcolonial au Nigeria », cette modernité doit en fait être plutôt envisagée comme avant tout postcoloniale.
Cependant, aujourd’hui, d’autres historiens de l’art viennent réévaluer ce projet. C’est le cas de Sandy Prita Meier, enseignante au Centre for African Studies de l’Université de l’Illinois, qui dans son article intitulé « Malaise dans l’authenticité : écrire les histoires “africaines” et “moyen-orientales” de l’art moderniste », fait un détour par les pensées décoloniales latino-américaines (notamment Walter Mignolo) et leur critique du paradigme moderne/colonial. Sandy Prita Meier s’interroge : pourquoi utiliser la catégorie de modernité pour contrer des visions ethnocentriques, alors que la modernité comme appareil conceptuel a été créée par une culture impérialiste, qui a rendu possible la colonisation ?
Les paradoxes d’« un espace discursif africain »
On voit bien qu’entre des discours très mobiles (portés par des revues, plateformes discursives et curatoriales nomades, basées dans les métropoles de la diaspora, ou implantées sur le continent le temps d’une biennale), des revues, institutions académiques, centres d’art, musées continentaux plus enracinés, plusieurs spatialités se superposent qui offrent une géographie paradoxale à ces discours.
Il peut alors sembler contradictoire de reconduire le terme de « discours africains », comme nous l’aurons fait dans cette introduction, qui pourrait laisser supposer la persistance d’une identification englobante, par laquelle l’hétérogénéité des historiographies et discours africains sur l’art continuerait d’être subsumée sous une formation discursive homogène. Si nous persistons néanmoins à utiliser ce vocable, c’est qu’à l’instar des principaux locuteurs de ces discours, nous sommes confrontés à un paradoxe. On l’a vu, géolocaliser ces discours est problématique, puisqu’ils sont autant continentaux que diasporiques et que l’Afrique, en tant que continent, relève elle-même d’une « fiction géoesthétique ». On se rappellera, pour s’en convaincre, les beaux textes du philosophe Valentin Mudimbe sur « l’invention » coloniale de l’Afrique, notamment dans The Invention of Africa (1988) et The Idea of Africa (1994), formidables archéologies des discours scientifiques sur l’Afrique. En même temps, dénier une localisation et une positionnalité à ces discours – qui émergent bien depuis un lieu d’énonciation singulier et qui réitèrent fermement la nécessité d’être entendus comme tels –, ce serait lisser les rapports de force géoépistémiques qui leur donnent naissance, autant que continuer d’oblitérer leurs existences en tant que discours politiquement situés et constitués.
Il nous semble alors nécessaire d’éviter à la fois l’écueil du nativisme topographique, d’une vision dichotomique (discours du dedans vs discours du dehors (Paulin Hountondji)), ou même du seul essentialisme stratégique (Spivak). Nous envisagerons donc plutôt ces discours comme tissant, avant tout, un réseau discursif, dont chaque énoncé se présente comme un nœud dans la matière dense d’un espace interdiscursif plus large. Comme le rappelle bien le théoricien Kasereka Kavwahirehi, citant Elizabeth Mudimbe-Boyi, un discours critique, de représentation et de reconfiguration historique, géographique et culturelle sur et depuis l’Afrique, exige bien « un mouvement constant entre les deux positions du dedans et du dehors. Il ouvre à la possibilité de ce “tiers espace” (Homi Bhabha) dans lequel l’expérience et l’herméneutique travaillent en synergie. Il fait aussi prendre conscience du fait que la plupart d’entre nous qui travaillons sur l’Afrique ou dans d’autres champs de savoir, ne vivons pas dans des espaces fondés une fois pour toutes. Nous naviguons constamment dans le temps, l’espace et la culture, ou nous vivons dans l’entre-deux de l’inclusion et de l’exclusion, du dedans et du dehors ». (Mudimbe-Boyi 2000 : 176-177)
Ressources
Quelques revues consacrées à l’histoire de l’art
et la théorie de l’art africaine ou diasporique
Fondée en 1987 par le théoricien de l’art et artiste conceptuel anglais d’origine pakistanaise Rasheed Araeen, la revue Third Text s’est imposée comme une publication de référence qui a eu pour ambition de rendre compte de perspectives critiques sur l’art, dans le contexte de la globalisation culturelle. Analysant le champ théorique par lequel l’Occident légitime sa place prépondérante dans le jugement des œuvres, la revue a offert un forum critique pour l’estimation d’artistes jusque-là négligés ou marginalisés. Au nombre des auteurs de la revue se sont trouvés Zygmunt Bauman, James Clifford, Jimmie Durham, Jean Fisher, Stuart Hall, Edward Saïd, Gayatri Chakravorty Spivak. Créée en 2009, Third Text Afrique est une émanation de Third Text. L’objet du premier numéro de Third Text Afrique fut celui d’une critique du néo-primitivisme, dans les expositions actuelles consacrées aux artistes africains.
La publication bisannuelle en ligne Critical interventions, Journal of African art history, fondée en 2007 par Sylvester Okwunodu Ogbechie et éditée par Aachron (sous l’auspice de l’Université de Santa Barbara en Californie), est une revue de recherche qui met en avant l’historiographie de l’art africain et l’histoire de la modernité africaine. Le journal a inauguré un discours sur l’esthétique, la politique et l’économie du patrimoine culturel africain et l’appropriation africaine des droits de propriété intellectuelle de ses systèmes de connaissances indigènes et des formes de pratiques culturelles. D’autres revues culturelles ou consacrées à l’art sont basées en Afrique, citons Dak’art, la publication de la biennale de Dakar, la plateforme de ressources et revue sud-africaine Chimurenga fondée en 2002 par Ntone Edjabe, à Cape Town (Afrique du Sud), Glendora, revue culturelle et littéraire nigériane fondée en 1994, ou le trimestriel camerounais DIARTgonale.
Revues consacrées à l’art contemporain africain basées en France
Africultures est une revue trimestrielle et une plateforme internet dédiée aux expressions culturelles africaines contemporaines, dotée d’une rédaction en France et en Afrique qui allie analyses critiques et vocation d’agenda culturel. Plusieurs dossiers y ont été publiés sur l’art contemporain, tels Festivals et biennales d’Afrique : machine ou utopie ?, dossier coordonné par Cédric Vincent, Africultures no 73, mai 2008, Éd. L’Harmattan, ou Réinventer le musée, Africultures no 70, 2e trimestre 2007 Éd. L’Harmattan, dirigé par Malick Ndiaye.
Revue Noire est un trimestriel consacré aux expressions artistiques africaines, qui fut publié à Paris de 1991 à 2000, fondé par Jean Loup Pivin, Simon Njami, Pascal Martin Saint Leon et Bruno Tilliette. C’est aussi une maison d’édition et une galerie d’art située à Paris, La Maison Revue Noire, qui ont poursuivi leur activité après la fin du magazine. L’objectif de Revue Noire fut de montrer une Afrique moderne fabricant des cultures urbaines et de sortir du regard exotique et anhistorique. À travers de portfolios de plusieurs pages et volontairement proposée sans appareil critique, avec une simple contextualisation des artistes et de leur œuvre, Revue Noire s’est imposée surtout comme un label tout en publiant des ouvrages anthologiques d’importance.
Fondée en 2011 par Carole Diop et Pascale Obolo, la revue trimestrielle bilingue français-anglais, Afrikadaa est une revue d’art contemporain en ligne. Son dernier numéro était consacré à l’afrofuturisme. www.afrikadaa.com
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