Réflexions sur le pouvoir messianique du monstre

Critique de la faculté de juger, § 75). Nous ne chercherons pas ici à perpétuer cette fixation sur le prétendu mystère du vivant et son intériorité qui se dérobe aux regards et aux instruments de la science moderne, mais plutôt à attirer l’attention sur sa nature aléatoire, dont le monstre est l’ambassadeur, la quintessence. Cette dimension à la fois fugitive et «hasardeuse» du monstre est l’objet d’une autre fascination, symétriquement inverse : au lieu de sacraliser le vivant, elle attribue au monstre dans sa négativité un pouvoir messianique. Les réflexions qui suivent visent à décrire la manière dont un simple amas de matière (vivante, certes) peut engendrer de telles «transfigurations», et à évaluer leur pouvoir. La question qui se pose n’est pas de savoir si l’univers est le fruit du hasard ou s’il a «un» ou «du» sens, mais plutôt de savoir si le hasard a du sens ou non[2].

1. Pourquoi les monstres ont-ils fasciné, non seulement les traditions occidentales ou orientales dans leur ensemble, mais la pensée matérialiste en particulier ? Le monstre est d’abord un signe, un présage, comme une comète ou toutes sortes de phénomènes météorologiques violents, tels la foudre ou les tremblements de terre. Une naissance monstrueuse n’est pas un effet du hasard, dénué de sens, mais au contraire un événement annonciateur – qui possède curieusement une portée politique, par exemple dans l’ancienne Rome, car l’événement prodigieux «suppose un destinateur : les dieux eux-mêmes, et un destinataire : la cité», et le recensement des prodiges faisait l’objet «d’un rapport annuel de la part des Consuls auprès du Sénat» (leur conjuration étant principalement l’affaire des pontifes et des haruspices étrusques)[3].

Nous retrouvons ici l’ancienne expression française «le monstre est ce qui montre», qui exprime l’étymologie du mot «monstre», du latin monstrare. Depuis Saint Augustin, monstrum est un synonyme de prodigium (événement miraculeux, prodigieux) puisqu’il montre (montrat) la volonté divine. En 1924 encore, le Larousse médical illustré définit ainsi le monstre : «être qu’on montre» (p. 757). Émile Benveniste suggère que monstrum contient l’idée d’un événement qui nous «montre la voie»[4].

Ce monstre annonciateur est celui que nous connaissons le mieux : c’est lui qu’on exhibera dans les foires, passant du cirque de Rome à celui de Barnum, lui qu’on montrera du doigt dans la rue. Mais c’est aussi lui qu’on «humanise», quand Pierre le Grand célèbre en 1710 un mariage de nains, auquel il convie toute sa cour, imposant également la présence de tous les nains vivant à 300 km autour de Saint-Pétersbourg[5.

Or, le monstre-signe n’est pas réservé à une pensée animiste, mythique, superstitieuse, car il peut tout aussi bien être le révélateur d’un ordre naturel sous-jacent que le savant rationaliste viendra dévoiler. Ainsi Fontenelle, le Secrétaire de l’Académie Royale des Sciences, déclare en 1703 qu’on regarde communément les monstres comme des jeux de la nature, mais les philosophes sont très persuadés que la nature ne se joue point, qu’elle suit toujours invariablement les mêmes règles, et que tous ses rouages sont pour ainsi dire également sérieux. Il peut y en avoir d’extraordinaires, mais non pas d’irréguliers[6].

En 1620 déjà, Francis Bacon expliquait que l’étude des erreurs de la nature et autres «instances déviantes», «fortifie l’intellect» parce que leur variété révèle en fait les «formes communes»[7]. L’anarchie apparente des hommes-singes, garçons à têtes d’éléphant et femmes dont les désirs durant leur grossesse imprimeront un «devenir-homard» au visage de leur enfant, se résorbe dans une Nature réglée et sérieuse. L’approche matérialiste du monstre s’appropriera cette dimension «démystifiée» du monstre mais refusera d’y voir le signe d’un ordre. Au contraire, elle appliquera la figure du monstre à la Nature tout entière qui deviendra ainsi un chaos plutôt qu’un cosmos : c’est notamment la vision de Lucrèce et de Diderot.

2. Le matérialisme explique alors les naissances monstrueuses par un «accidentalisme»[8] (l’œuf a été secoué au cours du développement, contrairement à la thèse des «œufs originairement monstrueux»[9]) qui repose seulement sur les causes efficientes, et refuse ainsi la thèse «judéo-chrétienne» classique selon laquelle c’est la mère qui est coupable, plus précisément son imagination. Selon la thèse dite «imaginationniste», la mère convoite un objet, a un désir de fruit, ou est effrayée par un animal, voire un étranger, durant sa grossesse : l’enfant en portera la marque, transmise selon un mécanisme purement naturel par l’imagination[10]  Le matérialisme remplace la causalité «satanique» qui mène du Diable à un enfant difforme via l’imagination maternelle, par l’anatomie et les accidents. On le voit négativement quand Pierre Boaistuau, auteur du premier best-seller sur les monstres et les prodiges en 1560, s’interrompt alors qu’il critiquait les médecins «qui se sont souvent trompés en la dissection de la fabrique du corps humain» et rappelle que «parce que notre sujet est les prodiges, nous ferons fin de cette matière»[11]. L’approche matérialiste est une «laïcisation» et une naturalisation des naissances monstrueuses qui justement s’attachera à la «fabrique du corps humain» et de l’embryon afin d’en évacuer la dimension prodigieuse. (Il contribue directement ainsi à l’émancipation de la femme, mais c’est une autre histoire.)

Cette naturalisation, cette démystification, en tant qu’elle insiste sur le primat de l’accident, est en fait une affirmation de l’indécidabilité, de l’imprévisibilité du vivant eu égard aux modèles mécaniques. Contrairement aux craintes anti-naturalistes courantes selon lesquelles la naturalisation d’un phénomène impliquerait son inscription dans un schéma quantitatif, mesurable et contrôlable, il nous faut au contraire comprendre cette «biophilosophie des monstres» comme un matérialisme aléatoire, selon l’expression d’Althusser : un matérialisme pour lequel il n’y pas de commencement absolu, ni des choses, ni des valeurs (aucun fondement normatif, donc). L’apparition imprévisible de monstres signifie non seulement que le monde n’est pas rationnel et stable à son fondement, mais qu’il est littéralement dénué de toute essence, comme l’exprime la résonance «parfois “tératologique”»[12] du terme allemand das Unwesen[13], Wesen signifiant «essence». Mais si le vivant tel que le révèlent les monstres n’est pas un ensemble déterminé et déterministe d’horlogerie et d’automates, sa nature aléatoire rencontre tout de suite une autre objection : «Le hasard et la structure sont les deux plus grands ennemis de la liberté», écrit Félix Guattari[14]. Contrairement à cette opposition entre le hasard et la liberté, nous aimerions souligner ici que le monstre en tant que figure de l’aléatoire est une source de résistance ou de nouveauté… tout en pointant une difficulté importante au sein de cette affirmation.

3. Le monstre ou «l’anomalie», comme on dit depuis la naissance de la tératologie «scientifique» avec Isidore Geoffroy Saint-Hilaire au XIXe siècle[15, recèle un potentiel transformatif, un capax mutationum normatif ou anti-normatif, que ce soit sous sa forme purement «naturelle» (un veau à deux têtes ou, mieux, un veau à tête de moine comme le Monchkalb décrit par Luther) ou sous sa forme dérivée, «morale» (un libertin sadien… ou un(e) hermaphrodite, dont les médecins diront au moins jusqu’à la fin du XIXe siècle que ses défauts physiques peuvent être aggravés par des défauts moraux, par exemple quand un hermaphrodite officiellement «mâle» s’obstine à former des couples avec d’autres hommes[16]). Bien sûr, il n’existe aucune coupure réelle entre le naturel et le moral. Les traités des monstres de la Renaissance peuvent passer presque sans transition des serpents géants ou des propriétés inconnues de certaines pierres précieuses aux «histoires prodigieuses des Juifs»[17] (ce n’est pas un compliment) ; ou pour prendre un autre exemple linguistique, en russe, le monstre se dit urod / urodina : ce qui s’écarte de rodina, la patrie[18]. Si la nature est traditionnellement normative, ce qui s’écarte de la nature est alors une abomination par laquelle «les œuvres de la nature [sont] renversées, mutilées et tronquées»[19] ; avec les monstres, suggère Ronsil, un chirurgien du XVIIIe siècle, la nature sépare ce qui devrait être uni : elle unit ce qui devrait être séparé : de là naissent ces difformités dans les traits manqués ou mal conformés, ces membres contrefaits ou bien mal articulés, ces déplacements, ces imperfections d’organes, et les combinaisons si monstrueuses, que ce n’est qu’à peine que l’on reconnaît la nature dans la nature même[20].

Le monstre biologique est déjà le monstre moral, comme par exemple l’hermaphrodite ; il témoigne dans son être même des devenirs qui sommeillent en nous tous, l’homme n’étant alors «qu’une gangue pour des formes et des substances non humaines»[21]. Parce que le monstre normatif ou anti-normatif est comme un condensé des transformations de la matière, qu’il est vivant et subversif précisément en tant qu’il est vivant (même s’il ne survit que peu de temps), puisqu’il a tendance à nier l’existence d’une finalité dans l’univers, ou l’image d’une Nature douce et pastorale, on a pu le décrire comme étant «le cerveau biopolitique»[22]. Cette subversion est ou a été réelle : la métaphysique dans son ensemble est soit hantée par la figure du monstre qu’elle doit exorciser (Aristote), soit fascinée par les limites de l’espèce (Leibniz, Locke).

Mais la notion du monstre contre nature, Unwesen, subversif, en mutation permanente et donc révolutionnaire, malgré sa part de vérité, amène avec elle le danger d’une re-transfiguration du monstre, qui redevient une «merveille» après avoir été naturalisé et laïcisé : le monstre devient une figure messianique qui détient le «pouvoir qui sauve». C’est une transposition tératologique de la foi en une force rédemptrice venue d’en bas, un Angelus Novus qui serait le marginal, le refoulé, émergeant du bestiarium[23], la galerie de monstres cachée «sous» la société, cet «en bas» renfermant la productivité absolue. Le monstre-«cerveau biopolitique» se rapproche du monstre-merveille parce qu’il est présenté comme singulier, rare, prestigieux, comme un génie ou un artiste nietzschéen[24], «doué de goûts singuliers» (Sade), une chimère, un passe-partout.

4. En fait, ce que les monstres nous montrent, c’est d’abord (i) l’absence radicale de toute finalité, et le caractère non statique du vivant (ainsi Canguilhem affirme, dans une des formules lapidaires dont il a le secret, qu’«il n’y a pas de machine monstre»[25]), mais ensuite (ii), contrairement à la vision du monstre qui dans sa «démesure» pourrait nous sauver, que l’univers se fait et se défait sans cesse, sans que nous puissions y avoir accès intellectuellement. Sans forcément souscrire au scepticisme radical qu’il exprime, il me semble qu’un passage de Nietzsche dit mieux cet «empêchement» du naturalisme à tout comprendre, cet obstacle dans son parcours, que nul autre texte :

Mise en garde. — Gardons-nous de penser que le monde serait un être vivant. Vers où devrait-il prendre de l’extension ? De quoi devrait-il se nourrir ? Comment pourrait-il croître et se multiplier ? Nous savons d’ailleurs à peu près ce qu’est l’organique : et ce que nous percevons d’infiniment dérivé, de tardif, de rare, de fortuit sur la croûte de la terre, nous irions jusqu’à l’interpréter en tant que l’essentiel, l’universel, l’éternel comme le font ceux qui nomment le tout un organisme ? Voilà qui me dégoûte. Gardons-nous de prime abord de croire que le tout serait une machine : il n’est certainement pas construit dans le sens d’un but, et nous lui faisons beaucoup trop d’honneur à lui donner le nom de «machine». […] Le caractère de l’ensemble du monde est de toute éternité celui du chaos, en raison non pas de l’absence de nécessité, mais de l’absence d’ordre, d’articulation, de forme, de beauté, de sagesse et quelles que soient nos catégories humaines esthétiques. Du point de vue de notre raison, les coups malheureux constituent de loin la règle, les exceptions n’obéissent point à un but secret, et la totalité de l’horlogerie répète éternellement son mode qui jamais ne saurait mériter le nom de mélodie. […] Gardons-nous de déclarer qu’il y a des lois dans la nature. Il n’y a que des nécessités : là nul ne commande, nul n’obéit, nul ne transgresse. Dès lors que vous savez qu’il n’y a point de but, vous savez aussi qu’il n’y a point de hasard. Car ce n’est qu’au regard d’un monde de buts que le mot hasard a un sens. Gardons-nous de dire que la mort serait opposée à la vie. Le vivant n’est qu’un genre de ce qui est mort, et un genre fort rare. […] Quand aurons-nous totalement dédivinisé la nature ? Quand nous sera-t-il permis de nous naturaliser, nous autres hommes, avec la nature pure, nouvellement découverte, nouvellement libérée ?[26]

Le monstre nous empêche de pleinement rationaliser l’univers, et exprime ainsi une certaine positivité, mais inversement dans son «aléa» même, il témoigne aussi de l’absence radicale du sens, contrairement à la croyance médiévale selon laquelle «toute créature est porteuse de sens»[27]. Le monstre naît, vit, et meurt, plus rapidement qu’un individu «normal», mais c’est une différence de degré plutôt que de genre : comme le dit Diderot, «L’homme n’est qu’un effet commun, le monstre qu’un effet rare» ; «Le monstre naît et meurt ; l’individu est exterminé en moins de cent ans. Pourquoi la nature n’exterminerait-elle pas l’espèce dans une plus longue suite de temps ?»[28] On croit que la «molécularisation» du vivant le réduit à un ordre contrôlé par des savants (ou capitalistes) fous ; mais en réalité elle ne fait que nous ramener vers Empédocle et sa gigantesque combinatoire des organes et des corps, dans laquelle le taureau donne naissance à un taurillon au visage d’homme. L’univers est un «vaste tripot», «une gigantesque partie de dés [… ] où les dés eux-mêmes changent de forme au cours du jeu»[29]. Autrement dit, cette combinatoire ne se résout pas en une rationalité des possibles, mais demeure un jeu de hasard.

L’univers se fait et se défait sur un coup de dés, mais la stabilité de certains effets tient à une détermination de ces «dés», pour employer l’image de d’Holbach : «Les molécules de la matière peuvent être comparées à des dés pipés, c’est-à-dire produisant toujours certains effets déterminés ; ces molécules étant essentiellement variées par elles-mêmes et par leurs combinaisons, elles sont pipées […] d’une infinité de façons différentes»[30]. Mais alors l’univers, vaste tripot, n’est qu’une scène, un theatrum mundi sur lequel passent des formes, des masques. Le monstre était censé perturber l’ordre, introduire de la turbulence, mais dans un univers fait d’atomes et de hasard, de coups de dés, qu’est devenu le nouveau ?

L’Abbé Galiani, sans savoir que le Système de la nature était de d’Holbach, lui écrit : «J’ai vu le Système […]. Il n’y a rien de mieux que de se persuader que les dés sont pipés. Cette idée en enfante mille autres, et un nouveau monde se régénère»[31]. Comment le nouveau (le monstre) peut-il apparaître s’il suit des «pointillés» combinatoriques ou moléculaires ? Il faut distinguer entre une combinatoire qui produit de l’ordre et des régularités, et l’idée des potentialités infinies de la matière qui peuvent se «déplier» dans toutes les directions. À l’origine du monstre, il y a les mêmes lois de la génération (ou «développement») que celles qui produisent les êtres familiers. Mais le résultat de la mise en marche, de l’actualisation de ce réseau de composantes matérielles, est tout autre que le point de départ. Les atomes en interaction produisent des résultats inattendus. L’être composé, cerveau ou monstre produit par un lancer de dés, a la propriété d’être émergent. Bien loin d’être une «essence» du vivant, le monstre en est le «principe d’anarchie», pour reprendre une formule de Reiner Schürmann[32]  : il en est l’absence de principe.

5. Le vivant n’est qu’une anomalie, une erreur. Ce n’est pas le monstre qui est une exception (un génie, un mutant, un pervers) mais le vivant qui est foncièrement monstrueux ; loin de reposer sur un principe de raison, «la vie n’est pas un argument : parmi ses conditions pourrait figurer l’erreur»[33]. Non seulement il n’y a pas de coupure véritable entre le naturel et le moral (donc l’immoral), mais l’artifice, le passage des formes, des masques, est la vie même : «la vie, à ses débuts, doit mimer la matière pour être seulement possible»[34]. Que nous choisissions d’y voir une puissance radicale de transformation (puisque après tout «nous sommes tous des hermaphrodites dans un sens ou un autre», «les noces contre nature sont la vraie Nature»[35], et vivre «sans principes» serait donc la vraie libération), ou au contraire la confirmation de l’absence de sens au sein d’un univers qui ne fait que déplacer des quantités d’énergie, dépend de nous. Car sous l’espèce de l’éternité, «ces créatures ne sont ni bonnes, ni belles, ni précieuses, ni créées : elles sont l’écume, le résultat des lois aveugles de la nature» ; «il n’y a point de monstres relativement au tout»[36].

Notes

[ 1] Denis Diderot, «Fragment sans date», Lettres à Sophie Volland, éd. A. Babelon, Paris, Gallimard, 1930, III, p. 276.Retour

[ 2] Ce texte prend la suite de travaux précédents dans lesquels j’ai cherché à décrire comment la philosophie matérialiste classique comprend le vivant à travers le cas des monstres : «Matérialisme et monstres», Chimères, n° 31, 1997 ; «I mostri e il lancio dei dadi», dans Ubaldo Fadini, Antonio Negri, Charles Wolfe (dir.), Il Desiderio del Mostro, Rome, Manifestolibri, 2001, et «The Materialist Denial of Monsters», in Charles Wolfe (dir.), Monsters and Philosophy, Londres, Kings College Publications, 2005.Retour

[ 3] Raymond Bloch, Les Prodiges dans l’antiquité classique, Paris, PUF, 1963, p. 84-85 ; Alain Gigandet, «Le monstre aux limites. Tératologie biologique et imaginaire chez Lucrèce», exposé au Collège international de philosophie (mars 2005).Retour

[ 4] Katharine Park & Lorraine Daston, «Unnatural Conceptions, The Study of Monsters in 16th and 17th-Century France and England», Past and Present, n° 92, 1981, p. 25 & n. 13, renvoyant à Augustin, Cité de Dieu, XXI, 8, puis à Isidore de Séville, Etymologiae, XI, 3. Sur le contexte romain, Émile Benveniste, Vocabulaire des institutions européennes, Paris, Minuit, 1969, «Vocabulaire latin des signes et prodiges».Retour

[ 5] Cette anecdote est longuement commentée dans le traité d’histoire naturelle d’Oliver Goldsmith, History of the Earth and Animated Nature (1774), dont le chapitre sur les monstres traite principalement des nains et des géants (forment-ils une race ou non ?).Retour

[ 6] Bernard de Fontenelle, Histoire de l’Académie des Sciences de Paris, 1703, p. 28.Retour

[ 7] Francis Bacon, Novum Organum, 1620, II, § 29.Retour

[ 8] L’étude classique sur les débats anatomico-métaphysiques au sujet des naissances monstrueuses à l’Académie des Sciences est celle de Patrick Tort, L’Ordre et les Monstres. Le débat sur l’origine des déviations anatomiques au XVIIIe siècle, Paris, Le Sycomore, 1980 (réédité aux Éditions Syllepse en 1998).Retour

[ 9] Shaftesbury déclare en 1711 que les «formes monstrueuses» apparaissent seulement si les organes reproducteurs ou «de génération» subissent un «choc externe» ou une «blessure interne provenant d’une matière hostile» (The Moralists, in Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times, New York, Bobbs-Merrill, 1964, II, p. 23).Retour

[ 10] Pierre Boaistuau, Histoires prodigieuses (1560), ch. V (citant comme autorités Hippocrate, Empédocle, Galien et Pline) ; Ambroise Paré, Des monstres et prodiges (1573), § XVI ; Nicolas Malebranche, Recherche de la Vérité (1674), II-1. La source dans les Écritures étant l’histoire de Jacob et ses moutons (Genèse 30: 31-42).Retour

[ 11] Boaistuau, Histoires prodigieuses (1560), ch. XXIX, Genève, Slatkine, 1996, p. 320.Retour

[ 12] Henri Birault, Heidegger et l’expérience de la pensée, Paris, Gallimard, 1978, p. 500.Retour

[ 13] Cependant, l’expression n’est quasiment jamais employée, mis à part une formule intraduisible comme Er treibt sein Unwesen, «Il prépare un sombre projet» ; l’Unwesen serait la monstruosité naissante, dissimulée sous un geste incompréhensible et le terme qui conviendrait mieux ici serait Das Ungeheuer. On dit par exemple Das Ungeheuer von Loch Ness.Retour

[ 14] Félix Guattari, L’Inconscient machinique, Paris, Éditions Recherches, 1979, p. 11.Retour

[ 15] Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire générale et particulière des anomalies de l’organisation chez l’homme et les animaux… comprenant des recherches sur… les lois et les causes des monstruosités, des variétés et vices de conformation, ou Traité de tératologie, 4 vols., Paris, J.-B. Baillière, 1832.Retour

[ 16] L’ouvrage important d’Alice Domurat Dreger, Hermaphrodites and the Medical Invention of Sex, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1998, est une analyse détaillée et troublante de la médicalisation des hermaphrodites à l’époque «moderne» (XIXe-XXe siècles) ; pour une analyse plus historique, voir Patrick Graille, Les Hermaphrodites, Paris, Les Belles-Lettres, 2001.Retour

[ 17] Boaistuau, Histoires prodigieuses, ch. X.Retour

[ 18] Claude Lecouteux, Les Monstres dans la pensée médiévale européenne : essai de présentation, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1999, p. 11.Retour

[ 19] Boaistuau, Histoires prodigieuses ; Paré, Des monstres et des prodiges ; Cf. Aristote, De la génération des animaux, IV, 3-4.Retour

[ 20] George Arnaud de Ronsil, Les Hermaphrodites, Mémoires de chirurgie, Paris, Dessain, 1768, p. 246, cité par Andrew Curran et Patrick Graille, «The Faces of Eighteenth-Century Monstrosity», Eighteenth-Century Life, vol. 21, n° 2, 1997, p. 7 (c’est moi qui souligne).Retour

[ 21] Deleuze & Guattari, Mille Plateaux, p. 62.Retour

[ 22] Toni Negri (discussion).Retour

[ 23] Ferenc Fehér, «In the Bestiarium : A Contribution to the Cultural Anthropology of “Real Socialism”», Praxis International n° 11, 1982.Retour

[ 24] Cf. Nietzsche, Au-delà du bien et du mal, IX, § 268. Après tout, Nietzsche avait pour projet d’aller à Paris étudier la biologie !Retour

[ 25] Georges Canguilhem, «Machine et organisme», in La Connaissance de la vie, 2e édition, Paris, Vrin, 1992, p. 118.Retour

[ 26] Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, III, § 109.Retour

[ 27] Alain de Lille, in Migne, Patrologia latina, 210 col. 53, cité par Claude Lecouteux, Les Monstres dans la pensée médiévale européenne, p. 103.Retour

[ 28] Diderot, Rêve de D’Alembert, in Œuvres, vol. 1 : Philosophie, éd. L. Versini, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1994, p. 636 ; Éléments de physiologie, éd. J. Mayer, Paris, Didier, 1964, p. 42.Retour

[ 29] Diderot, Éléments de physiologie, p. 307 ; Jacques Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 3e édition 1993, p. 663.Retour

[ 30] Paul-Henri-Thiry, Baron d’Holbach, Système de la Nature ou des lois du monde physique et du monde moral, 2e éd. 1781 ; réimpr, éd. J. Boulad-Ayoub, Paris, Fayard, coll. «Corpus», 1990, II, v, p. 159, note 41.Retour

[ 31] Galiani à d’Holbach, lettre du 21 juillet 1770, citée par Pierre Naville, D’Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2e éd. 1967, p. 111.Retour

[ 32] Reiner Schürmann, Le Principe d’anarchie. Heidegger et la question de l’agir, Paris, Seuil, 1982.Retour

[ 33] Nietzsche, Gai savoir, III, § 121, Œuvres philosophiques complètes, p. 147.Retour

[ 34] Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1962, p. 5.Retour

[ 35] Alice Dreger, Hermaphrodites or the Medical Invention of Sex, p. 11 ; Gilles Deleuze & Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 295.Retour

[ 36] Sade, Histoire de Juliette, in Œuvres complètes, IX, Paris, Pauvert, 1967, p. 170-171 ; Diderot, Observations sur Hemsterhuis, in Œuvres, vol. 1, p. 725.Retour