Entretien réalisé par Yann Moulier Boutang et Olivier SurelDans cet entretien à trois voix avec Gilles Chatenay, Eric Laurent, et Jacques-Alain Miller, Yann Moulier-Boutang et Olivier Surel engagent un questionnement sur la saisie informatisée des données personnelles des citoyens, et de leur interconnexion. Consécutivement à ce déferlement technologique et au discours étatique qui le soutient en termes de protection et de gestion maximale du risque, les interlocuteurs identifient dans ce processus à long terme une résurgence utilitariste et, en son essence numérique même, un danger considérable pour la vie privée des individus. Face à cette volonté de totalisation raisonnée des identités et de l’humain, ils appellent à une observation citoyenne constante et à un débat public maintenu sur la question.
In this polyphonic dialogue, Gilles Châtenay, Eric Laurent, and Jacques-Alain Miller, responding to questions by Yann Moulier Boutang and Olivier Surel, ponder the consequences of the newest waves of digital processing of data related to the personal life, and of their increasing interconnection. In this “numerical tsunami” and in the political rhetoric that supports it by promoting maximal security and risk management, they identify a resurgence of utilitarianism, and, due to the technological power thus unleashed, a considerable danger for privacy. Against this trend of rationalized totalization of data related to identities, they call for citizens’ resistance and for a sustained public debate on the issue.
Éric Laurent : Pourquoi ne pas commencer cet entretien par le dossier médical, longtemps qualifié de partagé ? Il a été présenté comme un instrument essentiel à la médecine du XXIe siècle, au point qu’on a parlé d’équivalent de la révolution pasteurienne : on allait pouvoir constituer des bases de données considérables sur chaque patient, recueillir l’ensemble de leur histoire médicale, accessible à tout moment par tous les acteurs du système de santé – médecins, hôpitaux, consultants ponctuels et le patient lui-même. Résultat : 60 millions de patients intégrés en France à ces bases de données connectées à 350 hôpitaux et institutions médicales et à 20 000 médecins. En Allemagne : 80 millions ; au Royaume-Uni, autant qu’en France. Face à cet enthousiasme, des objections ont été émises par les organismes chargés de surveiller les banques de données, la CNIL en particulier. On a signalé le danger : si des personnes non-autorisées en théorie à le faire, avaient accès à ces données, l’intimité la plus profonde de chacun se trouverait ainsi ouverte à un regard étranger, celui par exemple des institutions puissantes comme les assurances ou de tous les pouvoirs d’État. Actuellement, vous ne pouvez obtenir un prêt si vous avez une maladie de type cancer, il vous sera à l’avenir impossible d’avoir un prêt quel que soit votre âge… Donc l’accès à la propriété, voire même des crédits permettant de poursuivre des études, etc., tout ça vous est supprimé, bien qu’en théorie, ces assurances n’aient pas le droit d’obtenir ces informations !
Pour la santé, certains médecins sont enthousiastes : consultable en temps réel le dossier permettra d’éviter gaspillages et contre-indications de médicaments (le patient lui-même peut ignorer la compatibilité de médicaments qu’il prend…). Mais en même temps, du point de vue psychiatrique, la moindre indication qui figure sous la rubrique « hospitalisation », comme le type de médicaments que prend le sujet, donne l’équivalent d’un diagnostic, ce qui va stigmatiser les gens.
On nous assure que toutes les précautions ont été prises, mais deux objections se présentent immédiatement : 1) actuellement déjà, ceux qui devraient être aveugles (les assurances et autres organismes bancaires) obtiennent de leurs clients ces informations… La pénalisation légale de la communication des données personnelles existe en théorie, mais les assurances ou les mutuelles accentuent fortement leur pression au moment où l’État leur demande une prise en charge toujours plus grande des risques sanitaires. 2) Bien que l’on nous assure que toutes les précautions sont prises, on apprend au détour d’une émission de télévision de grande écoute le piratage du système informatique qui devait normalement être le plus protégé en France, CHEOPS [Circulation Hiérarchisée des Enregistrements Opérationnels de la Police Sécurisés, NDLR : ce fichier a été consulté pour la fourniture de données personnelles à la requête d’individus (enquêtes privées), mais surtout d’institutions comme des assurances. La seule chose qui pourrait protéger, c’est un regard constant et un débat public maintenu ; mais en France, on a le sentiment que cela n’intéresse pas.
On a à travers le monde, aux États-Unis notamment, des investisseurs privés qui sont en train de mettre au point des systèmes de traitement de l’information et de constitution de bases de données pour pouvoir, ensuite, les coupler à des bases biologiques à proprement parler. Et c’est là que nous entrons vraiment dans la constitution d’une biopolitique. L’Islande sert actuellement de laboratoire pour le monde entier : ce pays isolé a sous-traité l’ensemble des données sur ses citoyens à une société californienne, qui a un projet d’intégration complète de dossier médical, de fichier génétique, et de maladies actuelles sur l’ensemble de la population, de façon à pouvoir aller plus vite dans les identifications des profils génétiques.
Tout cela relève d’une idéologie scientiste pernicieuse et d’un eugénisme, présent en Europe il n’y a pas si longtemps… En 1936 encore, même ce grand démocrate qu’était Roosevelt avait parmi ses conseillers au Ministère de la Santé des gens qui considéraient que pour le bien de l’Amérique il fallait penser aux moyens de pouvoir stériliser les malades mentaux…
Multitudes : Ce ne serait qu’un rideau de fumée hygiéniste de plus, s’il n’y avait derrière la numérisation, les NTIC, et le NIR, ce numéro d’identification INSEE qui sert à la sécurité sociale. C’est une vieille histoire qui remonte au régime de Vichy. Elle va de pair avec la carte d’identité. De ce côté, grande continuité. Mais il y a une différence : un fichier manuel, ça se perd, on l’oublie – pas un fichier numérique dans un ordinateur ! On voit bien qu’il s’agit d’une volonté formidable de contrôler à travers le numérique, qui dépasse Orwell de cent coudées. C’est la question de l’interconnexion des fichiers et de leur croisement. Ne faut-il pas distinguer entre l’accès à des données anonymisées par des chercheurs et l’accès des administrations ou des entreprises privées à but lucratif ? Sur cette question spécifique, vous avez souligné qu’avec le numérique, on peut toujours renverser les choses ; ce qu’un programme informatique a créé, un autre peut le défaire. D’autre part, vous avez appelé à un débat public créant les conditions d’une autorégulation de ce vrai risque, de cet énorme potentiel, mais aussi de ce formidable danger. Comment le voyez-vous concrètement ? Vous parlez du biopolitique, du biocontrôle, mais, au fond, quelle politique, à la fois démocratique, responsable et non totalitaire, croyez-vous possible de mettre en place ?
Eric Laurent : Nous en sommes au passage à l’effectivité de cette technique, qui a une portée considérable, dans une assourdissante absence de réaction. La première chose serait de tout faire pour que le débat public commence à prendre forme sur son enjeu crucial : la protection par les nouvelles techniques de construction du sujet, du secret, de l’intimité, de la privacy, le concept fondamental qui est lié aux libertés. Et aux États-Unis en particulier, dans les milieux qui réfléchissent sur ces questions, on dit bien que l’avenir de la défense des libertés passe par le cryptage ; que le débat sur les techniques et les modalités de cryptage doit prendre forme. Cela implique la science, cela implique un peu de théorie mathématique à l’usage des populations, de façon à pouvoir faire saisir à quel point, entre privatisation et personnalisation, les modalités de constitution du sujet, et le débat sur les zones dans lesquelles se constituent les techniques d’individuation, sont liées au droit à l’anonymat.
Multitudes : Prenons l’exemple de l’accès aux banques de données personnelles par les Compagnies d’assurances au nom d’une meilleure gestion prudentielle du risque, inacceptable sur le plan juridique. Le problème est l’état de fait qui s’instaure sous la pression de l’impératif d’économies ou d’arguments de « bon sens », selon lesquels cela permettra une meilleure connaissance des maladies et administration de la médecine, ainsi qu’une plus grande incitation à un comportement prudent, même si les individus qualifiés de « populations à risque » à partir d’indicateurs très frustres doivent en pâtir quant à leur degré de liberté.
Eric Laurent : Les études, justement, montrent l’inanité des analyses en termes de stigmatisation des « populations » dites « à risques ». On a montré ainsi que 90% des accidents où l’alcool est en jeu ne sont pas le fait d’alcooliques répertoriés comme tels. Ce sont des sujets qui ont pris une mauvaise décision en conduisant et qui ont provoqué un accident. Au nom du « nous allons protéger », du « nous allons surveiller tous les alcooliques », on se retrouve avec des techniques de contrôle qui ne correspondent absolument pas à ce dont il s’agit. C’est là aussi qu’il faut ouvrir un grand débat ; d’autant que la technique assurancielle va être renouvelée par des techniques d’information et de communication et par le passage au privé de ce qui était jusqu’alors entièrement dans les mains de l’État.
Multitudes : Selon vous, on peut donc dire qu’au fur et à mesure que la puissance numérique crée un espace commun d’information, se fait jour la nécessité de reconstruire la privacy, la privauté. Car c’est au fond un droit au secret, un droit à du non-étatique ou à du non-contrôlé, idée intéressante parce qu’elle suppose une reconstruction des catégories politiques. La deuxième idée dans ce que vous nous proposez, ce sont les précautions – de même qu’entre 1890 et 1920, quand on a vu croître ce monstre qu’est la grande entreprise capitaliste et monopoliste, s’est édifiée une législation, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, qui visait à limiter ses pouvoirs. Sur la question du cryptage, la bataille fait rage. Les grandes sociétés commerciales ou industrielles, les États cherchent à se réserver un monopole ; le citoyen qui veut cacher quelque chose, lui, est suspect : pervers, voleur, spéculateur ! S’il existe aux États-Unis une forte tradition libertarienne ou libertaire de méfiance à l’égard de l’État, c’est beaucoup moins vrai dans la tradition européenne : l’État se présente toujours comme l’expression non questionnable de l’intérêt général ; et les gens qui s’inscrivent à part – évidemment je pense à vous, analystes, qui avez été sur la sellette avec l’amendement Accoyer – sont considérés comme suspects. Comment changer progressivement cette représentation ? On constate que les acteurs les plus impliqués dans le numérique, les hackers, ont une sensibilité extrême aux dangers redoutables de la loi dite de « confiance numérique » ou de l’extension des DRM (Digital Rights Management) dans le Trusted Computing ; mais c’est parce que ce sont des gens qui ont des connaissances informatiques, un peu mathématiques, qui voient l’étendue des enjeux, et surtout les limitations de leur liberté d’agir et de créer collectivement.
Gilles Chatenay: S’il n’y a pas de débat public sur ces questions, c’est peut-être parce l’on parlait technique ou juridique éventuellement, mais avant tout en termes de gestion. Une gestion qui se présente comme « apolitique ». Mais dans cet univers entièrement organisé par des discours de pure gestion, de pure technique, est intervenu le 11 septembre 2001, un acte politique, il faut bien le dire, qui a fait basculer les choses.
Multitudes : Oui, mais en même temps, cet « événement » politique nous a fait basculer dans un degré supplémentaire de la « mise en fiche ». Avec Echelon d’abord, projet de surveillance généralisé de toutes les communications de la planète. La conservation, pendant trente ans, de données à caractère personnel sur tous les passagers de toutes les compagnies aériennes se rendant aux États-Unis, a été un autre signal. Avant le 11 septembre, il y avait des limites à l’interconnexion des fichiers personnels, il n’était pas question que l’on communique certaines choses. Le verrou a sauté au nom de l’État d’exception, de la logique de la guerre (Lois Patriot I et II). On est ainsi passé à un contrôle biopolitique des populations, qui a des implications telles que ce qui est privé ne peut plus exister, car forcément suspect de terrorisme.
Jacques-Alain Miller : Faisons un peu de philosophie. Au fond, nous sommes à un moment où s’exacerbent les problèmes de l’enregistrement. Je prendrais comme référence l’analyse superbe que Foucault, dans Surveiller et punir, a donné de la naissance du dossier – naissance modeste, qui utilise encore les mêmes instruments que vous, en ce moment : papier, stylo, main. Il n’y a pas d’autres outils ; mais il y a le contexte d’une bureaucratie étatique qui s’installe et tend à uniformiser le territoire français. Nous devons à Marc Fumaroli le complément de l’analyse de Foucault. Celui-ci critique l’installation de la monarchie absolue, celui-là la célèbre, mais en faisant voir que si les Français se sont donnés à l’absolutisme, c’est pour que celui-ci fasse rempart aux luttes fratricides qui les avaient déchirés. Fumaroli a certes peu de sympathie pour l’œuvre de Foucault, et Foucault, on peut le supposer, en aurait eu peu pour Fumaroli : mais pour moi les œuvres de ces deux grands chercheurs convergent. Le dossier médical, c’est en quelque sorte « surveiller et guérir ». C’est avant tout sous l’oriflamme de la prévention que s’avancent ces initiatives. Sous l’égide de la maîtrise du temps, et spécialement du temps à venir. Une phrase fameuse de Pierre Mendès-France m’a toujours laissé perplexe : « Gouverner c’est prévoir ». Au fond c’est définir ce qu’il en est de gouverner par la science. Il est habituel de définir le scientifique par le prévisible. C’est le désir de mettre le savoir au poste de commandement. Et ce désir a ravi les capacités [les élites, NDLR, pour utiliser un terme de la tradition orléaniste. Je n’ai pas encore fait de recherche étymologique ou historique sur le terme de gouvernance ; mais cette notion exprime le désir de résorber le gouverner dans le gérer. De résorber le politique dans l’administratif. Et cette résorption s’impose comme idéal pour l’humanité. Lorsque enfin la politique aura dépéri, commencera le dimanche de la vie, si je puis dire. D’ailleurs, un esprit comme James Burnham l’avait déjà parfaitement perçu dans L’ère des managers, après la Deuxième Guerre mondiale. Le thème du dépérissement des idéologies n’a cessé de rouler, tout en étant contesté, comme un fil conducteur. On l’a cru rompu par les grands conflits idéologiques du XXe siècle, mais on s’aperçoit qu’il est fondamental pour se retrouver dans le labyrinthe des phénomènes que nous vivons. C’est la forme que prend le désir de la prévention et de l’anticipation par le savoir, qui a été très heureusement illustrée par Minority Report, le film de Spielberg inspiré du roman de Philip K. Dick datant des années 1950. À partir du moment où le savoir permet de prévoir ou peut anticiper et prévenir les phénomènes considérés comme non souhaitables, cela autorise un certain eugénisme des événements, si je puis dire. Cette idée est le support tout à fait remarquable de cette œuvre du XXe siècle qu’est Le cycle des fondations d’Isaac Asimov. Nous aurons de plus en plus le sentiment de vivre un roman de science-fiction.
Faisons de la psychanalyse appliquée à la civilisation. On note, surtout chez les capacités, une extraordinaire confiance dans le savoir qui ne saurait faire de mal. Idée qui suscite évidemment son contraire : qu’il peut faire du mal. Innocuité du savoir : comment cela pourrait-il faire du mal puisqu’il ne s’agit que de donner à ce qui est une représentation signifiante ? Vous avez un nom, il est compliqué, donc il y a de multiples occasions d’erreurs, dans le même pays et entre différents pays. Quel mal y aurait-il à uniformiser le mode de désignation de chacun afin d’obtenir ainsi un désignateur numérique ? C’est le numéro de sécurité sociale que vous évoquiez, qui permet au fond que vous soyez reconnu, que vous ne soyez pas pris pour un autre. Simplement, les progrès de la technique permettent aujourd’hui que cette représentation soit plus complète, qu’elle soit plus facilement stockable, transportable, et consultable. Dans cette optique, non seulement le savoir n’est pas dangereux, mais il est bénéfique : savoir c’est prévoir, savoir c’est prévenir. Faisons simplement un petit pas de plus : puisque savoir c’est prévoir, on peut donc à un instant T savoir ce qu’il en sera à T+1, et donc à partir de ce que doit être T+1, on peut, on doit modifier T, et même T-1. Autrement dit, la si belle idée « gouverner c’est prévoir » est au fond l’expression de la notion de gouverner par feedback. Et cela incarne aujourd’hui, si je puis dire, un idéal social homéostatique. Cela provoque corrélativement de l’inquiétude devant ce pouvoir qui peut paraître diabolique ; mais il peut être aussi la représentation de l’intervention angélique ! C’est ce qui est montré dans Minority Report. Si l’on peut caractériser l’état d’esprit du public, celui-ci est comme résigné devant un processus dont on sent qu’il n’est pas du tout le résultat d’une conspiration des puissants, d’un complot des classes dominantes. Et en même temps la confiance se nourrit des résultats sensibles et positifs de la mise en œuvre effective du savoir touchant ces domaines. Si j’essaye de soustraire le problème dont nous débattons à une problématique relevant d’un marxisme primitif, c’est parce qu’il me semble que nous sommes là aux prises avec un processus qu’Althusser aurait sans doute dit « sans Sujet », et que nous allons appeler, en utilisant le terme que vous avez mis en exergue, le « processus numérique ». Je ne l’appellerais pas processus sans sujet, parce qu’il me semble qu’Althusser n’utilisait pas du tout le terme de « sujet » au sens lacanien, mais entendait plutôt un processus sans conscience, dans un usage rabelaisien au sens de « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Lacan a d’ailleurs cité cette phrase en disant : mais oui, la science ruine l’âme, a ruiné l’âme du monde, et a même ruiné le concept d’âme qui paraît aujourd’hui pour les croyants, y compris certains catholiques, un concept tout à fait douteux – ils croient beaucoup plus à l’imagerie cérébrale ! Alors, pour le dire cette fois en termes lacaniens, je dirais que l’on a touché au rapport de l’homme au signifiant. Lorsque régnait l’« âme du monde », avant la révolution scientifique, avant le XVIIe siècle, le signifiant c’était le symbole. Bien sûr il y avait les mathématiques, mais, quand elles étaient mises en œuvre, elles étaient appliquées à la réalité du monde pour démontrer son harmonie, et qui dit harmonie dit qu’il y a finalement une âme dans les choses ! Une consonance. Évidemment, le signifiant numérique est tout à fait distinct du signifiant harmonique. C’est un signifiant désymbolisé, ça a d’abord été le signifiant de la mécanique, c’est un signifiant dévitalisé et en effet désubjectivé. Et on peut l’indexer, si on veut, du nom de Descartes plutôt que du nom de Galilée… Mais je voudrais le rappeler, c’est Bentham qui le premier a parlé de la nécessité de la carte d’identité. Ce qui était très sensible aux contemporains et que l’on a oublié, c’est le visage totalitaire de l’utilitarisme, qui a bien sûr des rejetons libéraux ! Mais l’utilitarisme de Bentham n’est pas un utilitarisme de marché, c’est un calcul du meilleur. Ce calcul du meilleur avait un visage dans la philosophie classique : Leibniz. Seulement Leibniz confiait le calcul du meilleur à Dieu ! C’était le calcul divin du meilleur. Et là, induction du nom de Bentham, hubris, qui a été de substituer au calcul divin du meilleur le calcul humain du meilleur. Et c’est ça qu’il y a aussi dans « gouverner c’est prévoir », dans la mise en œuvre du dossier médical partagé. Eric Laurent évoquait la nécessité du débat public, comme il a raison ! Au fond, c’est une aspiration à opposer, à freiner le processus du signifiant numérique par le signifiant rhétorique, si je puis dire. Car le signifiant numérique transporte un sujet du signifiant ; et une volonté anonyme est à l’œuvre dans ce processus, qui traverse l’humanité. Cette volonté, Lacan l’identifiait à la pulsion de mort freudienne. Cela, ce processus qui a commencé, si l’on veut prendre un repère commode, avec la Révolution scientifique, ce ne n’est pas en lançant des imprécations, ce n’est pas en faisant des crises de nerfs qu’on l’empêchera… Ce n’est pas le pour et ce n’est pas le contre qui vont l’arrêter. Tout le monde est pour et contre à la fois. Les humains sont des malheureux aux prises avec ce Réel-là. Et aujourd’hui cela se répercute à tout moment, par exemple avec la numérisation des œuvres. Le vivant est saisi par le numérique. Alors en effet, devant cette force anonyme qui traverse l’humanité et l’entraîne derrière elle, on voudrait dire « stop, discutons ! », mais on est un peu comme Buster Keaton sur la locomotive… Ça file ! L’aspiration au débat public, c’est un peu d’oxygène. Ah, comme on respirerait s’il y avait un conflit des volontés en face de l’insoutenable volonté de l’être, comme dirait l’autre.
Je proposerais tout d’abord, en étant un peu leibnizien, que dans le débat public ce ne soit pas l’hostilité qui soit prévalente. Bien sûr certains se font les servants enthousiastes du processus, et d’autres se font résistants. C’est normal, c’est inévitable, mais il y a un point de vue supérieur qui consiste à s’apercevoir que les uns et les autres sont la forme dialectiquement partagée de l’humanité. L’humanité est certainement une fiction ! Mais je considère qu’ici, c’est une fiction utile. Deuxièmement, je crois tout à fait utile de soutenir la fiction de la Cité, du citoyen. Bien sûr le citoyen a disparu depuis longtemps, la forme de la Cité est une nostalgie, elle l’est depuis très longtemps. Et c’est pourquoi Rousseau avait comme référence Sparte et savait très bien que ses propositions axiomatiques ne pouvaient valoir que sur des pays de faible étendue. D’où l’idée des petites communautés autonomes qui a hanté le XXe siècle, et qui hantera le XXIe, rêve rousseauiste mais rêve skinnerien aussi bien. Skinner : son Walden Two est l’utopie d’une petite communauté, et il affirme d’ailleurs qu’il est contre les grandes agglomérations urbaines, il pense que l’humanité devra se résoudre à dissoudre ses agglomérations, et c’est pourquoi, si Skinner a d’un côté été qualifié de néo-fasciste, il a d’un autre côté inspiré des libertaires. Troisièmement, pour nous Français spécialement, en ce qui concerne l’esprit jacobin – dont pourtant je suis personnellement marqué, mon premier repère politique était Maximilien Robespierre – je crois qu’il faut y renoncer. Parce qu’aujourd’hui il sert l’uniformité. C’est un esprit d’uniformisation, d’égalité, et cette uniformisation est la condition de possibilité du déchaînement du processus numérique. C’est pourquoi il faut être girondin : il faut valoriser tout ce qui relève des localités, il faut être différentialiste. Tout ce qui par la différence freine le processus numérique doit jouir d’un privilège, d’un préjugé favorable, sous réserve d’inventaire cas par cas. Il ne s’agit pas d’être communautariste à l’aveugle, mais tout ce qui complique l’espace public, tout ce qui complique la société est bon. Tout ce qui la simplifie est mauvais, pour être simplificateur moi-même ! Quatrièmement, une question pour moi décisive est celle du catholicisme. Je sais que les meilleurs esprits du catholicisme ont résisté à la modernité, à la Révolution française, à l’utilitarisme, se sont raidis contre la modernité… Je crois que s’est opéré un ralliement conscient et médité à la modernité, et aujourd’hui les catholiques parmi les meilleurs esprits sont en quelque sorte des ultras de la modernité. Notant un déséquilibre que je ne m’expliquais pas, je me suis aperçu que dans l’idéologie française était né un catholicisme scientiste qui considère que les cieux sont à Dieu et que la terre doit être livrée au calcul, au calcul du meilleur. Ils embrassent donc les techniques cognitivo-comportementales, ils s’indignent dès qu’on proteste au nom de l’éthique, de l’âme, du sujet et de l’individualité, c’est devenu pour eux illisible ! Or cela déséquilibre l’axe du monde, le déplace. The world is out of joint, pour détourner l’expression de Hamlet, car le catholicisme qui était phénoménologique, humaniste, personnaliste, a plié bagage ; ou il est en tous cas actuellement dominé dans le débat public par le catholicisme scientiste. Il faut sauver le catholicisme ! Il faut sauver le catholicisme de Mauriac, celui de Pascal et de Péguy. Pour moi c’est la condition essentielle, non pas pour remporter la victoire sur le processus numérique, mais pour pouvoir le freiner. Cinquièmement, je ne sais pas si c’est une considération optimiste ou pessimiste : bien sûr que le processus numérique ne saurait aduler cette valeur étrange que Lacan a appelé l’objet a, qui ne peut être ramenée à zéro, et introduit dans le calcul du meilleur une quantité dont je dirais qu’elle est sans loi ; évidemment l’idée d’un réel sans loi est impensable pour l’idéologie du meilleur, et c’est pourtant celle que Lacan essaye de faire entendre dans Le Sinthome. Et précisément parce qu’il y a une quantité, cette quantité foncièrement rebelle au calcul, le processus numérique allant à l’extrême de ses possibilités ne peut que produire une exacerbation corrélative de cette valeur. Lacan parlait d’Ordre symbolique ; on peut aujourd’hui parler d’ordre numérique. Un ordre numérique se met en place sur la planète, et nous verrons des phénomènes par rapport auxquels le luddisme, la destruction des machines, n’aura été que la maladie infantile : nous avons commencé à voir ce qu’il va en être avec le 11 septembre. C’est-à-dire l’utilisation même du processus numérique pour contrer les servants du processus numérique. Et tout ce qui sera fait pour développer le processus numérique et contrôler ses adversaires servira inévitablement ses adversaires, tôt ou tard. Encore une fois, nous entrons dans le monde qui a été pressenti par les artistes, par les écrivains ; nous entrons dans le monde de Metropolis, dans le monde d’Orwell, dans le monde de Kafka. Au début du XXe siècle, dans cette Prague qui était dominée par la bureaucratie austro-hongroise, on a pressenti ça, tous les phénomènes étaient déjà là, et ce que Kafka savait c’est que derrière les chiffres, derrière le calcul du meilleur, il y a toujours la jouissance singulière de celui qui opère ce calcul, qui se présente comme l’agent impersonnel de « ça ». D’où la haine pour la psychanalyse qui habite les servants du processus numérique. Pour résumer et terminer : moi qui suis machiavélien, je pense qu’il faut raisonner dans les termes de l’avant-dernier chapitre du Prince, à savoir qu’il ne faut pas rêver de vaincre ce processus. Tant que le transfert de l’humanité à ce savoir numérique durera, il est vain de combattre frontalement. En revanche on peut et on doit construire ce que Machiavel appelle des digues, il faut une stratégie du bocage… Une stratégie vendéenne en face du tsunami numérique !
Gilles Chatenay: Juste un point sur la science et la clinique. Gouverner par feedback, oui. Mais parfois le feedback produit un effet larsen. Quand on sait que les cours en bourse vont chuter dans trois jours, et si tout le monde le sait, tout le monde va vendre au deuxième jour, et les actions vont chuter avec un jour d’avance. Galilée installe la science classique avec le présupposé que l’observateur, l’expérimentateur est séparé radicalement de ce qu’il observe. Ce que je pense sur la trajectoire des astres n’influe pas sur elle. C’est vrai jusqu’à Einstein. Par contre quand on rentre dans le domaine des sciences dites « sociales », ça ne marche plus, parce que les prévisions agissent sur l’objet observé.
Eric Laurent : Les prévisions agissent, et c’est toute la grandeur désespérante de la théorie des anticipations rationnelles (rational expectancies) utilisée pour démontrer que plus aucune politique monétaire n’est possible ! Il n’y a plus aucune politique possible, donc il faut laisser faire le réel !
Multitudes : En même temps ceux qui profèrent le dessaisissement de l’État comme volonté d’influencer le réel posent la création d’institutions indépendantes qui, elles, sont chargées de lire quelque chose de supérieur à la rationalité de l’État, qui est la rationalité de la totalité des agents. Les marchés, c’est l’expression de la compossibilité globale du système. Donc c’est Dieu ! Cette politique humaine, faillible, qui tentait de faire les choses sur un principe d’incomplétude est remplacée par un référent divin qui n’a plus aucune transcendance, qui est complètement immanent, et qui nécessite quand même ces météorologues que sont Greenspan et les ausculteurs du marché !
Gilles Chatenay: Dans notre discours lacanien, Dieu c’est le sujet supposé savoir, et à un moment il faut un sujet supposé savoir interpréter le marché, Greenspan, qui calme le feedback, qui atténue l’effet larsen. Il n’y a plus de séparation entre l’ordre du langage et l’objet observé, dans toutes les sciences du vivant ou sociales. Il est quand même intéressant qu’à partir du moment où elles montent en puissance, apparaît l’utilisation réglée de la statistique. Et tout cela se répercute dans la clinique… Parce qu’en clinique, à partir du moment où l’on ne pense pas que c’est purement une affaire de gènes, on est obligé de penser l’interaction entre le clinicien et les signes cliniques qu’il observe. C’est-à-dire qu’il y a des phénomènes de transfert qui font que les signes cliniques dépendent des discours ambiants…
Jacques-Alain Miller : Disons qu’il y a différentes versions du calcul du meilleur. Il y a les ingénieurs qui pensent vraiment qu’ils font le calcul, et c’est donc la planification ; il y a ceux pour qui le calcul du meilleur se fait tout seul, le meilleur se calcule par le marché et il suffit qu’il y ait de temps en temps quelqu’un qui calme l’humeur en signalant l’exubérance des marchés, et il y a des nuances entre les deux. Tous partagent l’idée qu’il y a une connexion entre le savoir et le meilleur. Ce que Lacan avance c’est que de toutes façons il y a le pire ! Il y a un principe qui fait que le calcul du meilleur, par où qu’on le prenne, conduit au pire.
Gilles Chatenay: Il y a aussi l’angoisse, dont on parle étonnamment peu sauf en termes d’insécurité, terme largement utilisé par un certain nombre de politiques, ou de précarité, plutôt sur le mode économique. Angoisse, passage à l’acte, traumatisme et dépression sont, à mon sens, quatre points cliniques dont le fait qu’on en parle beaucoup à des titres divers signale qu’ils sont devenus des enjeux politiques.
Éric Laurent : C’est l’envers clinique de l’urgence de la question du bonheur. Chacun se gouverne, avec le démantèlement du welfare state, qui était une définition du bonheur-protection ; au moment où l’on enlève toutes les protections et que les sujets sont laissés tout seuls à des angoisses majeures, on opère le calcul du bonheur par sondage. Le projet développé par toute une aile marchante du Labour anglais, c’est la reconfiguration du welfare anglais au nom du bonheur calculé ! On vous enlève de la protection, mais vous avez des satisfactions ! Donc il y a du nouveau bonheur, tout n’est pas triste, on va calculer tout ça, au moment où on vous introduit à l’angoisse permanente de la société du risque. Et c’est un projet de société qui est maintenant endossé avec enthousiasme par tout un secteur progressiste.
Multitudes : Nous voudrions revenir sur les préconisations de Jacques-Alain Miller. On assiste par rapport au numérique à une position complètement binaire que Deleuze exécrait, et qui empêche tout repère. Dans cette double injonction contradictoire, on vous oblige en permanence à être à la fois totalement pour et en même temps totalement contre. Il me parait important de reconquérir une position propre, un barycentre qui ne se définit plus en allant d’un côté ou de l’autre mais par les virtualités de mon être, mesurées par rapport à l’espace qu’elle me créent et pas par rapport au champ dans lequel je suis ballotté en permanence. Sur la fiction de la Cité et des citoyens, le problème évoqué n’est-il pas plutôt celui de la gouvernance numérique ? De cette gouvernance par le numérique, au nom du numérique et pour le numérique ? Il me semble, à plaider pour une position qui n’est pas antithétique ou strictement non-numérique, qu’elle émerge de l’intérieur du numérique, et c’est ce qui est intéressant. Les positions de résistance ne sont pas cinétiques, ce sont des positions de résistance lumineuses. Sur le cryptage, les meilleurs théoriciens du numérique et les développeurs ont fait un coup d’État fantastique : alors que les grandes compagnies voulaient déposer des brevets sur le numérique et le cryptage, et en faire ainsi un instrument exclusivement réservé aux États, les développeurs des meilleurs logiciels les ont rendus publics 24 heures avant le dépôt du brevet à des milliers d’exemplaires dans le monde, de sorte que ces brevets n’ont pas pu être déposés. C’est là un exemple de Cité du numérique, qui au sein de ce projet de gouvernance du numérique crée des effets de nouvelle citoyenneté, d’une citoyenneté dont on est bien conscient qu’elle ne se réfère ni à la terre ni au sang : c’est un projet et un virtuel effectif. Il y a aujourd’hui un nouveau cosmopolitisme qui se met en place.
Jacques-Alain Miller : Je vais vous dire ce à quoi je crois : à cette fiction qu’on signale déjà dans les dernières années du XVe siècle – elle s’impose jusqu’à la fin du XVIe, et elle a roulé jusqu’à la Révolution française au moins : c’est la République des Lettres. Je crois qu’il faut croire à la République des Lettres, qu’il faut la faire exister ; j’en ai parlé un jour en public devant Sollers qui m’a dit : « votre erreur est de croire qu’elle existe ! » – je crois surtout qu’il faut la faire exister. Le numérique a besoin des hommes. Et le numérique n’est pas simplement la chose des administrateurs, il est la chose avant tout servie par des scientifiques – et eux appartiennent de plein titre et à part entière, sinon à la République des Lettres, à la République des « bâtons chiffres et lettres » pour parler comme Raymond Queneau.
Multitudes : Revenons à cette politique différentialiste , opposée à l’uniformisme ou à l’identitarisme, qui font partie d’un discours qu’on entend beaucoup en ce moment : « vous manquez d’identité, on va vous en donner », à commencer par l’identité numérique, qui permettra de savoir qui et où vous êtes. Dans le processus même du numérique opposé à la gouvernance, dans le biopolitique opposé au biocontrôle ou à la biogouvernance, on voit bien justement qu’en ce moment ses frontières, c’est justement la décentralisation. La clé n’a pas été les grands ordinateurs Unix, mais plutôt le fait que Von Neumann s’oppose, en 1945, à J.P. Eckert et J. Mauchly qui voulaient breveter l’ordinateur comme n’importe quelle autre machine (cf. P. Aigrain, Cause commune, Fayard, 2005, pp. 73 -75), au nom d’une conception d’un bien public ou commun. Et finalement, de la même façon, le passage clé avant l’Internet, ça a été le passage à l’ordinateur personnel, décentralisé, qui n’est pas passif, qui peut se transformer en actif et interagir de façon multiple. Les politiques différentialistes débouchent sur ces appareils du numérique – mais pas n’importe lequel : quand c’est Oracle et Sun qui veulent transformer tout le monde en terminal d’ordinateur relié à un central qui envoie les impulsions, on est dans le panopticon, le « panopticalcul »… Justement, la révolution du numérique, c’est l’inverse ! C’est que la décentralisation a créé une multitude face à ce peuple sérialisé des masses. Pour conclure, je voudrais qu’on parle de ce qui résiste à une quantité sans Loi. Il me semble que dans les pratiques et les usages du numérique, on la voit apparaître sous la forme de ce que le numérique, qui nous a quand même débarrassé d’un certain nombre de choses très ennuyeuses comme la répétition purement sérielle, nous permet de répéter dans ce qu’il y a de plus intéressant, c’est-à-dire la mémoire, le travail sur le Zuruch ou le travail sur le futur, parce qu’au fond entre le travail de la mémoire et le travail du prévoir, il y a des passages transversaux… Et qui permettent de travailler sur l’intelligence, c’est-à-dire sur la capacité de produire des nouvelles réponses à des questions non posées ; et je pense que, par rapport à la question de Mendès-France, ce qui est de l’ordre de la politique, c’est probablement ce qui est de l’ordre de l’intelligence entendue non pas comme prévision et répétition de ce qui est déjà entièrement vu, mais comme capacité de faire face et d’apporter une réponse à une question qui n’a jamais été posée, l’histoire n’étant pas une science.
Jacques-Alain Miller : Je veux bien qu’on me taxe de décisionniste, mais gouverner, c’est décider. Et la décision n’est jamais déductible ; si c’est déductible, c’est une conséquence, ce n’est pas une décision.
Multitudes : Bien sûr, c’est l’élément qui n’est pas dans le logiciel, c’est le non-programmable, ce qu’on ne peut pas mettre dans une équation. C’est d’ailleurs la grande leçon de la crise de 1997 : des modèles automatiques lançaient des ordres de vente des titres avec des calculs de formules mathématiques, on venait de donner à Scholtz le prix Nobel pour ça, tous les Hedge Funds avaient fait de beaux modèles mathématiques, et donc la bourse de Hong Kong se déclenchait automatiquement, et ça a failli conduire à la grande crise financière – si bien qu’on est revenu à des modèles dans lesquels la décision ne peut jamais être prise par l’ordinateur et le programme, car il y a un moment où la contextualisation et la décision singulière, alors là on rejoint Machiavel, est absolument inéliminable et c’est ça, justement l’essence du politique.
Eric Laurent : Pour revenir sur ce que le numérique provoque dans la clinique : avec la conception de soi-même comme stockage de mémoire, et l’engendrement d’une clinique réduite à l’utilisation de cette mémoire, les distinctions entre mémoires déclarative et procédurale, et ensuite une clinique ramenée à des processus cognitifs qui peuvent être évalués et effectués, remplacent tout ce qui faisait le savoir clinique traditionnel. Ce qui donne un cognitivisme appliqué au champ de la psychiatrie, et le remplacement total de la clinique. Et tout cela est appuyé sur cette soi-disant expérience de totalisation de soi.
Les interventions de Jacques-Alain Miller n’ayant pu être relues à temps par leur auteur, nous remercions Gilles Chatenay de l’avoir fait pour lui à sa demande.
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