78. Multitudes 78. Printemps 2020
Icônes 78. Nicolas Frize

Partitions
« Impressions… d’être »

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Partitions originales pour
instruments, objets sonores, voix et bandes parfois,
extraites de plusieurs oeuvres (nomenclature non indiquée)

Partitions intégrées à l’intérieur de photographies
extraites de la résidence « Impressions… d’être » effectuée dans
les imprimeries d’Île‑de‑France : Idn, Pop, Newsprint, Stipa, Dila
(travail graphique particulier)

Transcriptions graphiques d’états musicaux,
additionnant des contextes sonores rencontrés en imprimeries
(résidence « Impressions… d’être ») et des sources instrumentales,
vocales ou électro-acoustiques
Quelques unes de ces partitions comportent des sons enregistrés : ont été retirés
de ces pages les informations de diffusion, à savoir les déroulements temporels
et les modes de spatialisation (répartitions spatiales)
Montage des photographies et des partitions : Margot Menez

Mes processus d’écriture musicale débutent lentement et de façon organique. Cette fois-ci je me suis installé dans des imprimeries : j’y consacre des jours et des jours, j’enregistre, je fais des photos de petites choses, je fais des entretiens avec les personnels et j’attends de ressentir en moi l’évidence.

Je me remplis peu à peu d’empreintes. Je cherche en réalité à doucement et lentement m’impressionner, à me surprendre en train de voir ce qui n’est pas immédiatement visible, à être attentif à ce qui serait resté insensible, à contourner le vu ou l’entendu pour le faire entrer dans le petit trou du ressenti – et donc du sens. Ce ressenti n’est pas romantique ou contemplatif, il est en réalité un réel travaillé, recadré, refocalisé, qui dit presque d’où il vient (ou pas) mais ouvre des possibles de là où il va (dans l’interprétation des autres). C’est une recherche au cours de laquelle la perception n’est pas uniquement sensorielle et cognitive, elle produit de l’impression, au sens physique du terme.

Être « un glaneur des trésors existants », un passionné de l’invisible, un cueilleur quotidien de l’ordinaire enfoui, surpris de la lassitude des autres qui dans l’indifférence, foulent l’ordinaire « je ne m’en rends plus compte », disent-ils, disent-elles… Mais si, vous vous en rendez compte, mais vous êtes devenus trop familiers et vous ne remarquez plus que les évènements, alors voilà, vous avez développé des petites anosmies, cécités ou surdités ordinaires, une désaffection pour le quotidien.

J’ai besoin d’écrire, des mots sur les choses, des sons et des images dans l’espace… Des partitions sur presque tout. Ces partitions donnent à entendre des situations phénoménologiques, des actions sonores bien sûr mais aussi d’autres choses, discrètes dans le temps, entre les gens, dans l’histoire des lieux, dans la vie des relations, dans les bruits de fond et les petites variations ou accentuations qui n’ont l’air de rien. Signifier des choses intimes et politiques, dessiner l’inaudible, le musical qu’on n’a pas encore entendu. Trouver des gestes au crayon, avec l’encre ou la peinture, qui disent les grains et les formes, les timbres et les couleurs, le piqué et la fraîcheur… Une écriture de paysage naît, avec des sons qui s’emmêlent et d’autres qui fuient. Doucement inventer une courbe pour là, une trame pour ici, représenter le lointain et s’appliquer tout près… C’est un début, j’en suis au début – presque toujours au début. Parce que je sais que cela va être sans fin et que chaque début qui survient est en réalité le début d’une autre chose…

Un début qui dure en quelque sorte…

1er mouvement

Pastel, je rêve de notes pastels, d’enveloppes pianissimo qui ne dérangent pas les oiseaux, de compositions en rythmes fous qui s’échappent des arbres et défient les ombres : voilà, je suis allé donner le premier mouvement de cette recherche dans une forêt près de Vaujours en Seine-Saint-Denis, au cœur d’une clairière protégée, sublimement bordée d’arbres anciens. Je m’approche, je frôle, j’effleure, je sens, ça vibre, je balbutie. J’y suis presque. Les arbres affirment et se taisent, ils se montrent et se cachent, ils bougent sans bouger, ils attendent sans cesser d’agir, les arbres sont ensemble dans un mouvement de sens dont je ne sonde pas encore l’essence. Autrefois les hommes écrivaient sur l’écorce, plus tard, ils ont abattu les arbres pour écrire sur le papier. Écrire pourquoi ? Pour jouer ? Pour être ? Pour penser ?

Jouer avec l’écriture : imprimer de l’infini – du jour au lendemain, comme une conversation. Je me dis qu’il faut refaire de l’écriture l’agent du langage ; c’est ce que fait une partition. Faire que l’écriture génère du langage, des sons, du vivant !

Dans cette clairière, nommée le parc de la Poudrerie, j’ai proposé au public d’être partout, au centre, les interprètes chanteurs et instrumentistes étant répartis tout autour et puis, au milieu de tous, j’ai installé un « centre d’impression ». Sur 6 plans de travail, il accueille 12 dessinateurs qui interprètent graphiquement des intentions musicales (ils « dessinent » les partitions), d’après mes consignes écrites successives que je leur indique au centre de façon écrite. Ils les acheminent ensuite, dès leur dessin achevé, à 18 musiciens, répartis en 6 stations musicales sur un 1er cercle proche. L’interprétation de ces graphismes « libres » a été répétée, analysée, réfléchie… pour ne pas limiter la liberté d’expression des « dessinateurs sonores » (laisser le champ libre au rendu de l’intention) mais garantir une exigence d’impression, une réponse convenable à la commande, permettant l’interprétation souhaitée par le lecteur musicien. Pour ne pas trop contraindre cette liberté, la livraison s’accompagne si besoin d’un message oral de la part des dessinateurs à l’attention des musiciens au moment de donner la partition. L’oral a donc été utilisé ici comme subterfuge au secours de l’écrit pour l’expliciter (comme une nomenclature de partition ou une note en bas de page ou un suivi physique du chef, ici absent). Il y a donc plusieurs façons d’accompagner l’écrit (le signe), en utilisant d’autres signes, gestuels, paraphrasiques, oraux… L’écrit ne se limite pas ici à un ensemble de signes reconnaissables – comme l’est un poème, un récit théâtral, un répertoire d’horaires de train ou une démonstration mathématique… – il devient le vecteur d’une action, codifiée, qui lui est « extérieure » (changement de média).

J’ai l’impression d’avoir expérimenté avec ce 1er mouvement champêtre une nouvelle radiophonie musicale… Comme s’il s’était agi d’écouter une œuvre radiophonique de l’intérieur, en compactant en un seul geste, la prise de son, le montage, le mixage, la diffusion et l’écoute… collective… tandis que le vent et les oiseaux nous arrivaient par-dessus le ciel de toutes parts… De toutes parts, ce n’est pas de la spatialisation, c’est du paysage, du milieu (diraient les biologistes) : voilà ! le milieu c’est la somme des « de toutes parts », dans un seul temps ! Ce qui a accentué cette « impression », c’est la présence d’un texte qui courait de façon discontinue mais récurrent, dit par un comédien marcheur, ainsi que l’écoute détendue au sol des auditeurs, sans direction du regard, sans vision de la source (écoute acousmatique). Ici, est proposée une œuvre musicale, peu importe qu’elle soit « spontanée » ou « écrite », avec la proposition faite à l’auditeur d’être à l’intérieur et non plus à l’extérieur – non seulement à l’intérieur de la diffusion musicale mais à l’intérieur même de l’écriture. Même à la radio, une telle posture n’est pas possible. Le contexte, la forêt, le ciel, l’herbe, la présence éclatée des sources… jouent ensemble l’expérience, s’accordent pour créer une « impression » donnée à vivre.

La plupart des auditeurs, occupée à écouter en l’air et à accueillir un paysage musical éclaté dans l’espace, n’a même pas vu ce qui se jouait au centre, n’a pas senti qu’une écriture était en cours, ni l’absence de direction d’orchestre ! À bien y regarder pourtant, il y avait des « écrivains » qui s’agitaient avec des feuilles, en lien avec un texte et des sons partout, et du papier qui se mettait en scène parce que c’est de lui et du travail dont on causait, en convoquant la musique pour le dire… Tout concours à une dés-écriture, une écoute relâchée tendue au présent, à l’extrême présent, et entourée d’actions libres et perçues probablement aléatoires, ajoutant de l’éphémère, de l’événement, de l’atmosphère…

Y avait-il un centre qui diffuse ou une périphérie qui se rassemble et s’agite en son centre presqu’invisible (même s’il est voyant) – comme le soleil qui se consume de l’intérieur, animé de tous ses feux et jets de lumières brûlants sur sa circonférence ! ? Tout a changé d’interprétation : le moteur même de la performance a changé de face, il a retourné son sujet ! Dans quel sens va l’écriture finalement ? Est-ce les papiers/partitions qui vont susciter l’interprétation ou est-ce que les sources sonores et musicales excitent le noyau central qui les grave et les traduit, les relance, les imprime ?

Outre les consignes musicales transmises aux dessinateurs (écrivains de partitions), j’ai imaginé contourner la présence d’un chef d’orchestre, en mettant en œuvre un dispositif qui fasse « direction » pour les interprètes professionnels du second cercle, plus éloigné, au bord des arbres : ceux-ci disposent d’un répertoire de partitions dans lequel ils puisent de façon spontanée, à partir d’une consigne on ou off (avec une nuance possible dans l’intensité). Cette proposition en apparence binaire et donc anti-musicale à l’échelle de partitions écrites, prend son sens si l’on considère ce répertoire comme un langage, comme font les oiseaux qui interviennent de façon discontinue, avec des mots et des phrases qui peuvent être dites ou tues. Ainsi des mélodies s’essaiment dans l’espace de la clairière, au gré d’ouvertures et de fermetures de voix chantées ou d’instruments sollicités. Ces consignes de chanter ou non étaient visuelles : elles partaient de pupitres (accessoire musical) sur lequel se tenaient des livres (thématique de l’impression). Ces livres étaient visibles par les chanteurs ou occultés selon le déroulement de la performance. Ils disaient à leur tour des choses : un atlas de 1981 des routes du nord du continent américain (la recherche du chemin, se retrouver ou se perdre), le catalogue des Polytopes de Yannis Xenakis de 1975 (probabilité de rencontres entre des sons et des faisceaux lumineux), un portfolio du magazine Photografie consacré au photographe Robert Polidori (salles d’opéra, quartiers populaires de Cuba, villes abandonnées d’Inde, villages dans le désert du Yémen), l’édition originale de 1976 tirée sur papier parchemin d’un texte de François Bon, un tirage original d’un catalogue du sculpteur Calder, intitulé « Derrière le miroir », de 1976, une macro photographie extraite du recueil de Patrice Lanoy, « Invisibles », ou Images de l’inaccessible. Ce choix, allant de la carte ou de la musique mathématique à la photo, de la poésie et l’Art à la science, parcourait les questions d’échelle de perception, de techniques d’impression…

Un geste. Un geste grand parce que les interprètes sont à 40 mètres, que les arbres sont hauts, que la forêt est profonde – il faut une heure pour la parcourir – que la sensation d’y être appelle une sorte de distance, d’humilité, de nature sans fin, d’intemporalité (la nature évoque l’intemporalité, c’est pour ça qu’elle est toujours convoquée dans les pensées mystiques – on n’y voit pas le cycle de la mort et de la vie). Je jette des grandes feuilles de papier qui se froissent le plus haut possible, qui retombent parfois sur la table, parfois sur moi, parfois au sol… Affleurement de chorégraphie – bien involontaire : je me prends à vouloir jouer du papier qui enveloppe, du papier qui recouvre, du papier qui froisse le corps et le plie et le déplie, du papier sensuel, en mémoire avec les percussionnistes Yi-Ping et Ya-Hui qui se drapaient d’archives papier dans Silencieusement, ma pièce précédente donnée aux Archives nationales. Les chanteurs voient jaillir ce support blanc, immaculé, au beau milieu de leur silence ou de leur interprétation de Schubert ou de Monteverdi et se dirigent élégamment vers la partition graphique dont ils disposent en réserve, et dans laquelle je progresse doucement, à chaque envolée de papier. Elle est ludique et fabrique des trames, des paysages polyrythmiques, des grains de sons de voix, animaliers presque, des échos légers. C’est le papier blanc cette fois-ci, non écrit, qui dit ! Qui dit qu’on chante le non écrit, dans l’écoute de la composition spontanée et concrète.

2e mouvement

Et maintenant le suivant se prépare… L’écrit de l’oral et l’oral de l’écrit se jouent d’eux-mêmes, ils rebondissent. Le contexte fort à venir est une salle de façonnage dans une imprimerie du XVe arrondissement, emplie de plieuses, stacker, taqueuse, réempileur, massicot, assembleuse, pelliculeuse… Dans cet espace unique, je veux que les auditeurs soient libres, que les sources soient directes, dispersées et éphémères, que des actions agissent sur le déroulement de la musique tout en parlant du travail ! Ce travail se fait pendant que l’écoute est errante, il traduit la vie qui s’écoule mais ne fait pas sens pour l’écoute, il est juxtaposé, comme l’ambiance du lieu. Il faut maintenant imaginer une « machinerie » musicale, une imprimerie musicale, qui fabrique de la radiophonie et de l’impression, qui exprime le travail, la lenteur et la vitesse, produit de la trace graphique, de l’action plastique, tout en fixant l’attention du public sur l’audition exclusivement, comme si elle seule pouvait inviter à cet état d’écoute concentrée et tendue, naturelle et collective… au beau milieu d’une activité de production… Production de sens, de sensation, de traces, de stimuli, de suggestions, de liaisons (documents distribués ou visibles), de sons qui découlent et s’enroulent et se déplient et se posent dans l’espace entre tous…

Dans le circuit de l’imprimerie, il y a un fichier (une intention, du sens), une plaque (une marque qui va se déposer), un rouleau (un entraînement), une pression (une transmission), un circuit de séchage (une fixation), un pliage (une réduction physique), une coupe (un calibrage), un acheminement (un transport), un conditionnement (une adresse), et une livraison (une diffusion) – qui efface tout ce qui la précède.

Dans le circuit de la musique, tout va plus simplement – et plus improbablement : la structure musicale est au centre de l’œuvre, elle nous apporte un sujet, et court de récits en atmosphères. Certains évènements écrits sont perçus comme hasardeux. Il y a des surprises (altérité), du confort (abandon ou répétition), de l’unité (émotion du collectif), de l’hétérogénéité (non explicite), des artefacts de théâtralité (construction artificielle d’un sentiment d’exception), des espaces d’autonomie, d’écoute active, d’interférences, d’indistinction…

Le principe de composition, préalable à l’interprétation, fondateur et structurant, est susceptible, par de nouvelles écritures liées à l’impression (techniques de démultiplication ou de pliages / découpes / formats / couleurs / grammages) de générer d’autres expressions, voire d’intervenir dans le temps de l’exécution…

La somme des sources, sonores ou visuelles, des contextes, des références et des histoires peuvent-elle faire naître, dans leur traduction, des langages écrits et surtout des formes de proliférations d’écritures, qui s’imbriquent et se refondent sans cesse, défient le fini et le temps, générant de la recomposition ? Concert symphonique, avec journaux évoluant dans le ciel, plieuses aléatoires, chanteurs près du massicot, instruments éparpillés et journaux espiègles qui volent et se transmettent, pour participer de la musique. Ça danse, c’est sûr.

Il faut prendre son temps d’écrire et d’écouter ce qu’on écrit mais voilà, le désir d’entrer dans l’essentiel est trop fort et la pensée va plus vite que la main et la plume ! Le livre ne peut donner à lire aussi rapidement. Quand on se met à écrire, le débit n’est pas à la hauteur, la pensée va trop vite et l’écriture ne peut suivre, les idées s’accrochent mais les mots se perdent. La partition ne peut s’écrire aussi vite que la musique jaillit dans l’esprit de celui qui compose.

Je brûle, je cherche le sujet et plus je m’approche plus il recule ; parfois je le touche et pourtant il s’évapore. Il faudrait sans cesse prendre des notes, écouter ce qu’on dit : en se confiant, on s’inspire et on avance et puis plus loin, à force de dire, on se recouvre, comme un palimpseste de soi-même, une montagne d’idées qui se compactent comme un César… on se retourne c’est déjà enfoui.

Comment « donner la parole » au papier sur lequel on écrit, sinon en cessant d’écrire ? La meilleure façon de le laisser parler ne serait-elle pas de le laisser blanc, vierge ; de n’en rien dire ? La peau. Cette peau du papier. Le papier qui boit, qui se saoule, qui glisse, brille… J’aime bien les extrêmes, le carton plume et le papier pelure !

Dans l’espace de cette rotative, le ciel est au sol : grande nappe bleue emplissant tout l’espace au pied de la rotative, minusculement maculée de petites touches de couleur, et réfléchissant la lumière du plafond par halos épars. Lieu onirique… paisible le matin, fou et frénétique l’après-midi et la nuit. Toute cette architecture n’est pas anodine, elle suscite des vides et révèle des pleins, suggère des courses, s’expose entière et pourtant se cache tout le temps, entre les chemins de transport qui filent nulle part et reviennent de partout, entre le papier qui s’enroule de rouleaux en rouleaux et disparaît sans disparaître, entre les plaques qui sortent d’une boîte mystérieuse et ronronnante et viennent se ranger sur leur lit incliné en brillant autant qu’elles le peuvent, entre les postes de travail qui bougent sans cesse, et comme les journaux, avançant de proches en lointains, se regroupent une fois et s’évaporent ensuite, tout est en mouvement, inexorable, à toute vitesse distincte, selon le moment, dans un manège capricieux et savant. On peut y voir un seul et même organe, un poumon qui respire à grands bruits, avec un cœur qui rugit et des bras de pieuvre, empli de feuilles qui se balancent en l’air comme des branchies… – et des personnages qui s’activent et se parlent et se regardent et s’arrangent et se quittent et s’embrassent et s’écoutent en se bousculant un peu.

Voilà pourquoi je fais des photos, voilà pourquoi j’enregistre, pose mille questions aux personnels. Il en ressort des matières, des ambiances, des traits, des coupes, des suspensions, des arabesques, des tensions, des voiles. Si l’on regarde bien mes partitions, de l’intérieur, c’est tout cela qu’on y trouve, et c’est ainsi qu’on devient capable de les lire musicalement. L’intérieur de la musique, ce n’est pas les sons, ni les notes, c’est ce qui nous parvient en deçà. C’est ce que le geste de la plume sur le papier traduit au-delà de lui, dans l’intention de nous imprimer.

Finalement, qu’est-ce que l’écrit qui s’imprime nous apprend sur l’impression d’être ? Une capacité de nous émouvoir et de nous percevoir, nous sentir ressentant l’inimaginable (la vitesse d’impression par exemple). Dans la description de l’atmosphère, tout semble précisément se situer dans une « oralité », quelque chose d’éthéré, non pas de non dit, mais de pas dit « tel quel ». L’atmosphère dit autrement, parle sans parler, impressive, fait pression, fuit l’expression, fait état d’être sans trace ni laisser de trace.

Notre cerveau guette l’existence de particules de sens ! Nos sens alertent le corps et l’esprit d’un sens qui survient ! Relever le sensible, ou l’insensible, c’est relever ce qui impressionne nos sens d’une information qui fait sens pour nous !

Ma musique tient mon temps à bout de bras, elle retient mon sujet.

La réussite esthétique (sa perception équilibrée et préhensible) est liée à la justesse intérieure d’une œuvre : les choses sont à LEUR place !

Notre objectif final est une œuvre plastique (esthétique), pas un relevé documentaire : une traduction subliminale d’un espace vivant, à travers l’apposition de signes justes et justement apposés, si bien qu’ils forment un équilibre (comme s’ils étaient fonctionnels).

On ne dévisage pas ce que l’on fait, on n’entend pas ce qu’on compose, on ne contemple pas ce qu’on écrit, on n’apprécie pas, on pense/agit ! On est aveugles, muets et sourds, on traverse le sens avec la nécessité de son écriture.

La justesse, c’est la place exacte des choses, là où il semble qu’elles doivent être pour servir à leur nécessité d’être.

Sans toucher au support, sans jet d’encre, sans lumière, sans dépôt, sans froissement ni déchirure, ni tâche ni empreinte… Imprimer… sa présence !

Se tenir la main. Dessiner le présent. S’imprégner d’être là.