69. Multitudes 69. Hiver 2017

Savoir = pouvoir

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Au commencement d’Act Up, il y a la colère, la révolte et la volonté de remettre en cause le pouvoir, les pouvoirs établis. Le pouvoir médical d’abord, parce que notre maladie nous relègue dans un rapport de dépendance à notre médecin. Le pouvoir scientifique ensuite, parce que les règles de la recherche scientifique ne répondent pas à notre urgence : obtenir des traitements. Les pouvoirs publics et les institutions enfin, parce que l’État a fait la preuve de son refus et de son incapacité à traiter cette épidémie. Cette remise en cause s’est faite à l’aide de méthodes propres à Act Up, qui allient l’activisme et le lobbying. Mais elle repose surtout sur une nouvelle manière d’envisager ce combat, en rupture avec la compassion et l’assistanat : nous revendiquons notre condition politique de malade du sida, nous agissons ainsi parce que nous sommes malades et notre seul but est de faire entendre par tous les moyens la voix des malades. La maîtrise des données, du « savoir » relatif au sida a été immédiatement conçue comme une arme indispensable et essentielle : c’est le coeur de notre stratégie politique. Pour être crédible et efficace, nous n’avons d’autres choix que de disposer de cette connaissance, au même titre que les experts reconnus. Nous sommes déjà des experts de la maladie, parce que nous sommes des malades, usagers des structures médicales, sociales et scientifiques. Mais nous devons le devenir aussi pour nos interlocuteurs, quel qu’ils soient : médias, ministères, politiciens, institutions ou membres de la société civile, en imposant l’idée que nous devons être écoutés parce que nous sommes finalement les seuls de fait notre condition de malade à connaître la réalité de la maladie.

Nous sommes tous des « séropos »

Pour Act Up, il s’agit avant toute chose d’oeuvrer pour rééquilibrer les rapports de force et imposer le discours du malade face à celui du « spécialiste reconnu », de l’expert institutionnel (privé ou public) à qui, d’ordinaire, est délégué toute légitimité d’expression, d’interprétation et de décision. Certes, l’un comme l’autre, disposent d’un savoir et d’une expertise sur la maladie, mais de nature sensiblement différente : l’un vit la maladie et en tire une expertise pragmatique, l’autre dispose d’une « connaissance » et d’une expérience théorique qu’il applique. À la nuance près que dans le traitement du sida, les médecins comme leurs patients, ont dû apprendre de manière totalement empirique, au cas par cas, comment on pouvait combattre cette maladie. Que ce soit du côté du malade ou du médecin, il s’agit dans ce cas précis de deux lieux d’emprise empirique du savoir, mais avec un déséquilibre de reconnaissance sociale largement en défaveur du malade. Parce qu’à la création d’Act Up, l’urgence est de se donner les moyens pour trouver des traitements efficaces pour reculer l’échéance de notre mort, mais aussi de garantir des droits et de mettre fin à toutes les formes de discriminations dont nous étions victimes, c’est à l’occasion de notre travail au sein des commissions « Traitement Recherche » et « Accès aux soins – Droits des Malades » que nous avons développé une forme d’expertise. Un apprentissage qui s’est fait sur le terrain et de façon peu ordonnée. En effet, c’est au fil des dossiers pratiques et concrets que nous avons ouverts, ou qui sont venus à nous, que nous avons peu à peu structuré un savoir propre à Act Up. Peu d’entre nous disposaient d’emblée de connaissances médicales, sociales ou juridiques. Les membres de la commission « Traitement Recherche » ont appris par eux-mêmes comment comprendre le VIH, comment comprendre les processus de recherche scientifique, et se sont peu à peu imposés auprès de différentes structures face à des médecins ou des chercheurs spécialisés. Nous avons réussi à nous faire reconnaître comme « experts « des traitements et des protocoles. Cela s’est fait progressivement, avec des étapes importantes comme l’entrée d’un représentant d’Act Up au sein de l’Ac5 – l’Action coordonnée 5, cellule de l’Agence nationale de recherche contre le sida, chargée de la recherche clinique – alors qu’elle n’était jusqu’alors constituée que de médecins et de chercheurs. La création en 1993 du groupe TRT-S (réunissant Action Traitement, Act Up-Paris, Aides, Arcat-Sida, Vaincre le sida, rejoint par la suite par Sol En Si, Sida Info Service, Nova Dona), qui est devenu aujourd’hui l’interlocuteur de l’industrie pharmaceutique pour la mise en place et le suivi d’essais cliniques, n’a fait qu’amplifier cette reconnaissance et nous conforter dans ce rôle d’expert associatif de la maladie. Le point culminant de cette évolution est la création du programme « Information = Pouvoir » qui est la consécration de cette méthode particulière de militantisme.

La conquête permanente de l’« expertise »

Cet apprentissage a été long, difficile et empirique, du fait même des méthodes de travail d’Act Up : le plus souvent c’est parce qu’à un moment donné, tel ou tel dossier s’impose à nous, que nous entreprenons d’y travailler et d’en sortir une analyse et un discours politique. En fait le discours intuitif préexiste à une véritable démarche d’analyse en profondeur de la question. En partant d’un cas particulier, qui met en lumière tel aspect scandaleux ou telle discrimination, nous construisons des revendications, alors même que nous ne sommes absolument pas au fait de la globalité du problème. Ce fut le cas, par exemple, sur l’AAH (l’Allocation adultes handicapés), un des « minima sociaux » – où nous avons assez rapidement revendiqué la garantie d’un revenu sans connaître parfaitement les conditions d’obtention de l’allocation, les moyens de recours, les barèmes utilisés pour calculer le taux du handicap et le montant de l’allocation, et sans même avoir véritablement réfléchi à la question du revenu. Il s’agit essentiellement de « bricolage » à partir de cas personnels que nous cherchons à résoudre et dont la « théorisation « en termes politiques n’est qu’ultérieure.

Le contexte particulier d’Act Up a aussi dirigé et encadré notre lutte : la mort quotidienne de militants, la souffrance morale et physique, le climat permanent d’urgence se retrouvent dans nos choix politiques. La colère, le tragique constituent l’origine et le moteur de notre combat : si nous exprimons nos revendications de manière si violente, c’est parce que nous vivons cette violence permanente.

La diffusion de ce travail d’expertise a entraîné un brouillage, voire une superposition d’images : nous ne sommes plus uniquement des « trublions » du sida, provocateurs et violents, mais aussi des experts. C’est d’ailleurs ainsi que nous nous définissons comme activistes : un mélange de maîtrise d’un savoir et de pratiques politiques. Imposer qu’Act Up, au-delà de modes d’action spécifiques, est une véritable force de proposition, tout aussi crédible que des spécialistes reconnus, s’est révélé difficile. Pendant longtemps nous avons surpris nos interlocuteurs (ministères, administrations, labos, et même d’autres associations de lutte contre le sida) par cette attitude, comme si les militants d’Act Up ne pouvaient allier cette double démarche, qui pour nous n’en constitue qu’une.

La construction de cette expertise constitue donc un axe essentiel du combat d’Act Up. Reste encore à transmettre sur le long terme ce savoir au sein même de l’association et au-delà de la population des malades. Souvent, une ou deux personnes disposent des connaissances parce qu’elles ont créé le dossier, d’où la fragilité de ce savoir. Le départ d’un militant est une perte immense, car nous perdons un militant – ce qui est grave et triste – mais nous perdons aussi son expertise. Ce fut notamment un problème récurrent en matière de toxicomanie, où nous avons mis plus de cinq ans à construire un discours sur les questions de substitution, la commission étant constamment reconstruite et dissoute. C’est justement pour tenter de résoudre ces difficultés et de former une relève, qu’il existe des « formations », qui ont pour but de transmettre un minimum de connaissances et de méthodes. Il ne faut pas se méprendre d’ailleurs sur ces termes de savoir ou de connaissances : il ne s’agit pas d’exposer uniquement les données d’un problème mais aussi de transmettre des méthodes propres à Act Up, d’inculquer des réflexes de lobby et d’activisme, une certaine manière d’instaurer des rapports de force qui constituent à part entière des éléments de ce savoir. Notre savoir est donc constitué à la fois d’une expertise et de méthodes activistes. Les deux sont étroitement liées et forment ce que l’on peut appeler le savoir propre d’Act Up. Cette difficulté de transmission du savoir au sein d’Act Up se retrouve naturellement à l’extérieur. À quoi sert ce savoir s’il n’est pas partagé, transmis, repris et réinvesti dans le réel. Comment transmettre aux « non-militants », n’appartenant pas au milieu associatif de la lutte contre le sida, cette masse de connaissances acquises mais aussi tout simplement les informations dont nous disposons au jour le jour.

Avec l’apparition d’une multitude de molécules et la complexification des traitements, la nécessité de s’approprier un tel savoir est devenue encore plus cruciale : pour pouvoir rester maître de son traitement, avoir la capacité de l’arrêter ou de le modifier parce qu’il ne répond pas ou plus aux exigences fixées (exigences pas nécessairement thérapeutiques mais aussi de confort de vie), il apparaît indispensable de créer un lieu où le malade peut s’approprier des éléments de compréhension de sa maladie, lui permettant de sauvegarder une autonomie par rapport à son médecin. Car l’essentiel réside dans cette autonomie : l’appropriation de ce savoir est une nécessité car nous refusons le savoir « officiel », partiel, idéologique et discriminatoire. Nous avons construit notre propre savoir (qui est lui aussi certainement connoté, partiel, voire péremptoire) pour conquérir cette autonomie par rapport aux « pouvoirs ». Pourtant, avec l’évolution de l’épidémie, cette autonomie ainsi que notre reconnaissance et crédibilité sont constamment remises en cause, et pointent nos propres limites.

Faire de la maladie une arme

C’est dans cette perspective que nous avons créé, en 1996, le programme « Information = Pouvoir », qui a pour but de transmettre aux séropositifs un maximum d’informations, techniques, savoirs sur les traitements et les droits. Cette transmission s’exerce dans le cadre des RéPI, réunions publiques d’information bimestrielles, où sont abordés au gré de l’actualité thérapeutique et sociale, les nouvelles molécules, leurs effets secondaires, comment établir une stratégie thérapeutique… Ces réunions ont permis par exemple d’expliquer à chaque séropo comment comprendre la charge virale, les résultats des examens cliniques, éléments déterminants pour le choix d’une thérapie ou d’un changement de combinaisons moléculaires. Nous avons aussi développé nos médias, en créant des brochures (la première portant sur les essais cliniques), un bulletin d’information spécifique, Action = Vie, sur les aspects sociaux de la maladie, et surtout Protocole, une revue bimestrielle dédiée aux essais cliniques en cours, qui est la consécration de dix ans d’expertise thérapeutique et d’activisme.

Nous pouvons dire aujourd’hui que nous sommes des experts dans notre domaine, même si le terme n’est pas le mieux choisi parce que trop réducteur : nous sommes des experts, et des activistes ; notre expertise inclut nos méthodes de lutte. Nous ne sommes pas devenus des spécialistes du sida, nous sommes des experts activistes de notre maladie, et nous restons quoiqu’il en soit des malades.

Là réside pourtant une difficulté : comment faire le lien entre ces deux attitudes, qui peuvent être contradictoires. Un exemple parmi d’autres : de nombreux activistes ont justifié le refus des firmes pharmaceutiques d’inclure des femmes ou toxicomanes dans les essais, les premières à cause des risques qu’elle tombent enceintes, les seconds parce qu’ils seraient incapables de se plier aux règles de suivi des essais. Cela explique d’ailleurs encore aujourd’hui le retard de la recherche sur les infections opportunistes spécifiques aux femmes ou sur les effets secondaires des trithérapies et leurs interactions avec les produits de substitution. Ainsi, au sein de notre groupe de malades, il a existé une fracture entre les militants, guidés par deux logiques différentes, incapables de s’entendre : la rigueur scientifique qui justifie ces exclusions des essais s’oppose à la position éthique de refus de quelconque discrimination. Dans ce cas, nous avons adopté une position purement politique et éthique.

Mais c’est aussi par l’utilisation de ce type de « raisonnement scientifique » que nous avons pu parfois contrecarrer les propres raisonnements de ces institutions. Les règles scientifiques classiques justifiaient le maintien du principe du placebo qui permettrait une lecture plus fiable des résultats obtenus. Pourtant, comment peut-on justifier l’utilisation du placebo, alors que les personnes suivies dans ces essais ne disposaient pas de toute façon de molécules hormis celles testées ? Surtout, nous avons montré que le maintien de cette règle est catastrophique pour la réussite même de l’essai. Un essai est efficace si les patients le suivent correctement. Le maintien du placebo a pour conséquence un manque de suivi des patients à long terme et donc des résultats illisibles : pourquoi suivre des règles draconiennes si on n’est même pas assuré de prendre des molécules qui ont un potentiel effet sur son virus ? C’est donc par une formulation scientifique et éthique que nous avons pu mettre en échec la fiabilité de cette rigueur scientifique. Cette reconnaissance en tant qu’expert a aussi eu des conséquences que nous n’avons pas toujours maîtrisées. L’engouement pour les trithérapies et le « retour à l’espoir », de la part des médias, des médecins et des patients eux-mêmes a pris le dessus sur notre discours très prudent sur l’arrivée de ces nouvelles thérapies. Même si nous nous sommes battus pour l’obtention de ces molécules, nous avons pointé assez rapidement les dysfonctionnements de ce « retour à la vie » : si la majorité des personnes en tirent un bénéfice indéniable, certaines se trouvent en impasse thérapeutique après avoir essayé toutes les molécules existantes. La structure même du virus et des traitements utilisés laissent supposer à plus ou moins long terme, le développement de résistances aux traitements.

Le « faux » comme moment du « vrai »

Détenir une expertise sur ces patients est essentiel, car seules des données scientifiques peuvent forcer les laboratoires et l’État à continuer leurs recherches et ne pas se contenter de la situation actuelle. La grande difficulté a été d’estimer le nombre de personnes en impasse thérapeutique, aucune étude ou analyse n’étant menée à une échelle nationale. Le TRT-S, puis Act Up-Paris à plusieurs reprises, ont annoncé en 1997 le chiffre de huit mille personnes en impasse thérapeutique (annonce reprise par le quotidien Le Monde). Ce chiffre avait été calculé de manière empirique en croisant des données relatives à l’efficacité des antiprotéases sur des personnes étant traitées depuis longtemps. Objectivement, et même si nous le réfutions à l’époque, ce chiffre n’avait aucune crédibilité scientifique sérieuse, mais reposait plutôt sur des impressions. Pourtant c’est ce même chiffre qui a été par la suite repris, par les associations, les institutions (ministère, DGS et Division Sida y compris) et les médecins. Il a été même utilisé lors de communications à la douzième Conférence internationale sur le sida à Genève en juillet 1998.

Cette reprise n’est pas étonnante : tout un chacun cherchait ce chiffre. Il constitue un argument très efficace face aux labos pour les pousser à entreprendre de nouvelles recherches sur d’autres molécules. Il remet en question tout ce discours récurrent sur la gestion thérapeutique de l’épidémie. Nous l’avons d’ailleurs beaucoup utilisé et avons été suivi sur cette question parce notre crédibilité dans ce domaine était établie. Sauf que nous-mêmes en avons soulevé les limites. Quel sens donner à cette revendication alors qu’elle exprime une impression déguisée en hypothèse scientifique. Ce n’est que récemment, à l’occasion d’un travail en profondeur sur les « chiffres du sida », que nous avons réfuté cette donnée, et remis en cause toutes ces approximations épidémiologiques.

Même si politiquement, cet exemple est intéressant, il montre aussi les limites de ce savoir et de cette expertise. Nous sommes écoutés et repris sur ces questions notamment parce que nous sommes légitimes et crédibles, ce qui renforce les rapports de force que nous avons institués. Mais cela montre aussi la dangerosité de cette utilisation puisque nous avons diffusé une information déformée, inexacte et pourtant peu décriée. Certes, nous avons toujours fait de l’épidémiologie un problème politique.

Annoncer 350 000 séropositifs là ou le gouvernement en avance 150 000, cela veut traduire un discours et une revendication précis. Mais dans ce cas particulier, cette estimation non-démontrée aurait pu être dangereuse, parce qu’elle aurait pu nous décrédibiliser dans un domaine sur lequel nous avons fondé notre force et légitimité. D’ailleurs, la reprise dans Le Monde des positions du TRT-S, a incité certains séropositifs à ne pas prendre de traitements ou à retarder la prise d’un traitement, de peur de ces résistances, alors que ces traitements s’imposaient certainement à eux et auraient pu empêcher la survenue ultérieure d’infections opportunistes. Il ne faut pas se méprendre : nous n’estimons pas avoir commis d’erreur. À ce moment précis, même si ce chiffre était erroné, il fallait communiquer ces données, qui d’ailleurs ne l’auraient pas été si nous ne l’avions pas fait. Notre erreur a été de s’en contenter et de maintenir notre communication sur ce chiffre, sans chercher à l’affiner et le rendre plus pertinent.

Au-delà d’une certaine ambivalence de l’expertise activiste

Cette volonté première qui a été de remettre en cause le discours, le savoir officiel sur le sida, nous a permis d’être aujourd’hui, après dix ans d’existence, des interlocuteurs obligés et sollicités. Pourtant, nous ne disposons de peu, voire d’aucun acquis : notre « place » est toujours de manière permanente remise en cause par les institutions, les associations, les malades et nous-mêmes. En effet, notre discours et notre expertise sont-ils toujours fiables quand nous avons de moins en moins de séropos parmi nous ? Ne sommes-nous pas trop éloignés des préoccupations premières des malades ? Sommes nous toujours dans la réalité du sida, des malades du sida ?

Notre combat ne garde son sens que si nous arrivons à toucher l’ensemble des malades et à leur transmettre notre savoir : ainsi le développement de « services activistes », comme nous aimons à les appeler, en ce qui concerne des problèmes spécifiques aux prisonniers, toxicomanes, femmes, étrangers en situation irrégulière, personnes précarisées, reste encore à faire. La conséquence de cette manière de travailler et de faire de la politique est que nous nous retrouvons dans des logiques d’experts qui dominent des logiques de pur militantisme. La cohésion du groupe en est atteinte, tout simplement parce qu’une démarche d’expertise est plus difficilement partageable. De plus, notre statut d’experts reconnus a modifié notre rôle. Act Up est devenue une sorte d’instance intermédiaire entre la logique de représentation des malades et celle de la transmission du savoir. Ainsi la réussite du programme « Information = Pouvoir » a essentiellement reposé sur son succès auprès des malades : nous avons aujourd’hui un public conséquent qui suivent les RéPI, Protocole, Action = Vie. Cette diversification du « public » d’Act Up ne s’est par contre pas traduite par un développement militant, mais au contraire la constitution d’un groupe d’usagers d’Act Up, qui utilise justement Act Up pour son savoir, son expertise, son travail. Malgré tout, aujourd’hui encore, être séropositif et faire la démarche d’aller à une RéPI, de s’abonner à Protocole, et de ne pas se contenter d’une passivité face à son médecin, constitue une indéniable conquête de l’activisme d’Act Up et un embryon de démarche de prise en charge par soi-même. Il s’agit là encore de disposer d’une autonomie par rapport à son médecin, aux institutions sociales, à toutes les structures auxquelles est confronté un malade, et de faire front à toute dépossession potentielle de cette autonomie. Même si nous avons pu être désespérés des limites du développement quantitatif de notre association – parce que naïvement, nous n’imaginions pas qu’on puisse être uniquement usager d’Act Up – nous sommes aujourd’hui fiers de cette réussite dans la transmission d’un savoir propre aux malades, et nous voyons là, justement, la confirmation de la nécessité d’étendre de telles pratiques à d’autres populations et d’autres problématiques.