Mineure 39. L'espace public oppositionnel

L’espace public oppositionnel

et

Partagez —> /

Le mot d’espace public oppositionnel vient d’émerger sur la toile francophone, avec environ trente mille liens signalés par les moteurs de recherche habituels, qui mènent à des articles parus dans des quotidiens français ou suisses, à des maquettes de Master, des émissions de radio et des sites de débat politiques. Qu’est-ce donc ?  Il s’agit de la traduction contemporaine du mot allemand Gegenöffentlichkeit, un concept de la Théorie critique, proposée par Alexander Neumann en titre d’une anthologie inédite des écrits d’Oskar Negt : L’espace public oppositionnel, Payot, coll. Critique de la Politique, 2007. Les textes vont d’un essai politique issu de l’expérience de Mai 68 jusqu’à une postface appropriée de l’auteur, rédigée en 2007, en passant par un choix des chapitres les plus étonnants de l’œuvre de Negt, disciple d’Adorno, dont certains ont été co-écrits avec le cinéaste Alexander Kluge. Les deux penseurs y abordent la question irrésolue d’une forme démocratique qui serait propre au mouvement social.

Multitudes présente une interprétation encore plus récente de ce concept critique, avec la retranscription d’une intervention d’Oskar Negt à l’Université de Rouen, tenue dans une faculté de sociologie à moitié occupée, en plein mouvement contestataire, à la veille de la journée de grève générale qui a associé environ trois millions de personnes, à la mi-mars 2009. L´espace politique hexagonal garde à peine la trace de cette interruption de la routine, ce qui souligne l’importance de la revisiter à la lumière du concept qui est ici en jeu. La conférence rouennaise en hommage à Negt[1], qui vient de fêter son 75e anniversaire, fut bien entendu boycottée par les sociologues de droite. Outre le texte de Negt, ce dossier propose une contribution d’Aldo Haesler et Michelle Dobré. Deux autres femmes sont également venues montrer que le concept ne se décline pas au masculin, malgré son article. Lucia Sagradini, inspirée par Negt, cherche à considérer la politique des « petits ». Anne Querrien, pour sa part, lie le concept à l’histoire française des mouvements sociaux, selon une démarche typiquement negtienne.