Les drogues, ce n’est pas compliqué, pour peu que l’on ne s’intéresse qu’aux drogues. Le problème gagne en épaisseur et la question devient plus complexe dès lors que l’on se rappelle que ce n’est pas l’objet qui fait le sujet mais l’inverse. En effet, ce n’est pas la drogue qui fait le drogué mais c’est l’homme. C’est l’homme qui, de par sa consommation et dans certaines situations, fait le drogué. Encore faut-il s’entendre sur le sens des mots « drogue » et « drogué ».
S’il peut sembler fondamental de mettre au cœur du problème le sujet, force nous est de constater que cela ne va pas de soi. Très récemment, l’une des brochures, éditée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, à des fins de prévention et sous couvert d’énoncer le vrai sur les drogues, affirmait que « déclarer que les drogues aident à la créativité est une contre vérité », car l’INPES, nous le dit « les drogues n’aident pas à la créativité ». L’INPES n’a ni tort, ni raison. En effet, si cela est peut-être vrai pour certains, cela ne saurait être vrai pour tous. En ce sens, comment ne pas avoir une lecture manichéenne ou tautologique de l’usage des drogues, comment en parler sans tomber dans un excès ou un autre, comment en révéler les multiples facettes au point de se contredire parfois ?
Les drogues en tant que telles, au sens anglais de drugs, c’est-à-dire en tant que plante, produit ou substance, sont connues sur l’ensemble des plans technique ou scientifique, de la botanique à la pharmacologie en passant par la chimie de synthèse. De leur structure chimique à leur articulation au vivant, en passant par leur production, extraction, purification, synthèse ou hémisynthèse, leur mode d’entrée et de circulation dans un organisme vivant, ou leurs modalités d’ancrage à leurs cibles dans un tissu précis du cerveau, tout est connu, se complète et s’enrichit progressivement pour donner une vision assez précise, pragmatique de ce qu’est l’objet drogue en tant que tel. En résumé, le monde des drogues est un monde ordonné. Son référentiel est parfois soumis à discussion, mais le monde des drogues, comme tout objet, demeure ordonné.
Partant de là, si l’on considère le monde des drogues comme ordonné et que l’on s’intéresse aux usages et fonctions attribués aux drogues – que ces derniers soient attendus et recherchés ou inattendus et, partant de là, parfois aversifs – alors nous abordons le domaine de la diversité. Et si l’on s’intéresse aux rapports et relations qu’ils et elles tissent avec et autour du produit, si, de plus, l’on constate la diversité des effets d’une même drogue selon le contexte et la personne, la contradiction est au rendez-vous. Bref, tout se complique dès lors que l’on quitte l’objet drogue pour observer le sujet et son rapport à la drogue puis pour observer ce sujet en tant qu’acteur de son choix au sein d’une communauté ou en tant que membre d’une société. Et au-delà et en retour, les regards que leurs proches, communautés ou sociétés posent sur celles et ceux qui consomment ainsi que les politiques des drogues qu’ils génèrent – sciemment ou non – et leurs conséquences sur les individus qu’ils soient ou non consommateurs.
Au-delà du monde ordonné des drogues, dans son rapport aux drogues, l’humanité offre à nouveau sa diversité, ses errements et ses avancées. Et si à cela, nous ajoutons, l’évolution récente de nos représentations et des concepts, si nous ajoutons qu’il n’y a pas de société sans drogue et que l’on ne sait pas, par ailleurs, ce qu’aurait été l’histoire des civilisations sans drogue, vous comprendrez que les articles ici réunis, n’ont pour seul et unique objectif que d’illustrer une faible part de nos multitudes à ce propos.
Pour vous accompagner dans ces multitudes, nous vous conseillons l’emploi d’une boussole ou l’usage d’une grille de lecture. Quelle que soit votre opinion à ce sujet, gardez le cap sur trois horizons : le produit, le contexte et la personne. Ainsi, nous l’espérons, vous découvrirez des facettes inconnues ou des prismes de lecture nouveaux pour un voyage riche en rebonds. Nous vous souhaitons, bon voyage…
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