Majeure 52. Territoires et communautés apprenantes

Mouans-Sartoux – Un territoire intelligent qui se met à l’open source

, , et

Partagez —> /

Ville d’un peu plus de 10 000 habitants nichée entre Grasse et Cannes, Mouans-Sartoux fait depuis plus de trente ans figure de village gaulois dans le département des Alpes-Maritimes, tant elle est spécifique et atypique et ne répond pas aux clichés de la Côte d’Azur.
Grâce à une cohérence et à un projet politique inscrit dans la durée – le maire est en place depuis près de trente ans –, la ville s’est bâtie autour d’une mission claire : mieux vivre ensemble dans un environnement sain et préservé. Les projets innovants ne manquent pas. Aujourd’hui comme hier, la ville innove par sa volonté de mettre à la disposition du plus grand nombre les savoirs et expériences accumulés au fil des ans, ainsi que par l’expérimentation sur son sol de projets innovants au croisement du libre et du durable. Partons à la découverte de cette ville intelligente qui se met à l’open source.

Pour comprendre Mouans-Sartoux, il ne faut pas seulement parcourir le territoire, mais s’intéresser à son histoire. Abandonnées vers 1350 pour des raisons d’insécurité et de peste, Mouans et Sartoux sont réunies et repeuplées avec soixante familles génoises en 1496. Les droits et les devoirs des nouveaux habitants et ceux du Seigneur Pierre de Grasse sont alors formalisés dans un acte d’habitation, qui fera l’objet de plusieurs refontes successives. Contrairement aux territoires voisins, administrés par la très rigide Seigneurie catholique de l’Abbaye de Lérins, les Seigneurs de Mouans-Sartoux, laïcs puis de confession protestante, se montrent plus ouverts à la renégociation de cet acte d’habitation avec le peuple. Même si nous sommes bien loin d’une gestion participative de la Cité, cette différence est néanmoins notable dans la région.
La singularité de Mouans-Sartoux ne s’arrête pas là. En 1592, Suzanne de Villeneuve, jeune veuve du seigneur Pompée de Grasse, résiste au siège du duc de Savoie. Pendant plusieurs jours, elle se bat pour faire accepter au Duc de préserver le château et les Mouansois. Le duc rase pourtant le château. C’est alors que Suzanne de Villeneuve interpelle personnellement le duc de Savoie : « comme le duc feignait de ne pas entendre, elle saisit la bride de son cheval, l’arrêta tout court et lui dit en le regardant fixement : «Prince, écoutez-moi s’il vous plaît. Dieu est plus grand que nous, nous écoute lorsque nous le prions. Il exauce nos prières quand elles sont justes. Vous connaissez la justice de la mienne, faites-y attention et considérez combien il importe à un grand prince d’être juste». Impressionné par l’attitude de la Dame, le duc quitte le village et laisse les Mouansois en paix. »

Le temps du parfum

Du xixe siècle à la fin des années 1950, Mouans-Sartoux est un petit village rural agricole du moyen pays provençal. Les oliviers, les vignes mais aussi les pois chiches et le blé cultivés entre les oliviers ainsi que la magnanerie constituent les sources de l’économie locale. Les agriculteurs tirent aussi quelques revenus des vaches laitières et moutons de leurs exploitations.
À la fin du xixe siècle, Grasse, la capitale mondiale du parfum, est en plein essor. La culture des plantes à parfum se développe alors dans tout le pays grassois dont Mouans-Sartoux fait partie (on cultive la rose centifolia, le jasmin, les tubéreuses, le narcisse, la jonquille, le géranium rosa, etc.). Les oliviers sont même arrachés au profit de la plantation des plantes à parfum. Des travailleurs piémontais viennent alors prêter main-forte pour la cueillette des fleurs. C’est au cours de cette période que la famille Aschieri, originaire d’un village de Ligurie, s’installe à Mouans-Sartoux. Sur le territoire de Mouans-Sartoux, le jasmin devient la culture majoritaire à tel point qu’on l’appelle alors « la fleur ». Dans le courant du xixe et au début xxe siècle, les habitants de Mouans-Sartoux déambulent dans un territoire olfactif, l’odeur de jasmin baignant toute la commune.

Le risque urbain

À la deuxième moitié du xxe siècle, le tourisme littoral se développe et l’agriculture décline. Le parfum est désormais produit à base d’ingrédients de synthèse. À Mouans-Sartoux, les restanques sont détruites au profit de la mise en place d’une activité de maraîchage. Les cultivateurs Mouansois ont de plus en plus de mal à vivre de leur métier. Conscients de cette faiblesse, des promoteurs immobiliers, à l’affût de terrains pour combler les besoins croissants en logements, leur font des propositions de rachat attrayantes. La construction rend la terre stérile, change le paysage Mouansois et favorise l’émission de gaz à effet de serre. Le patrimoine paysager est fortement altéré par l’habitat pavillonnaire.
De retour de la guerre d’Algérie en 1962, André Aschieri, fils d’agriculteur et professeur de mathématiques au collège, essaie de convaincre les propriétaires de terrains qu’il est possible de survivre, sans céder les terres à l’urbanisation. Le tournant de l’histoire a lieu en 1965, lorsqu’un projet de construction de HLM d’une capacité de 10 000 personnes se profile à Mouans-Sartoux. À cette date la commune ne compte pourtant que 1 500 habitants. André Aschieri se présente aux élections municipales. Celui qui deviendra plus tard le maire de la ville est alors élu conseiller et contribue à l’avortement du projet. Son but et celui des autres élus est d’éviter une urbanisation démesurée ainsi qu’un destin tragique de banlieue-dortoir à Mouans-Sartoux – destin que connaîtront d’autres villes du département.

Une ville en forme de papillon

La ville de Mouans-Sartoux est entourée par l’agglomération tripolaire de Cannes, Grasse et Antibes. Cette agglomération, bloquée en périphérie par la mer et les montagnes, ne peut se développer que vers son centre : Mouans-Sartoux. Cette situation géographique particulière de ville enclavée confère à Mouans-Sartoux un statut particulier. La commune se trouve en effet au centre d’un bassin de vie, et devient par conséquent un pôle d’attraction et un lieu de passage obligé.
La forme du territoire de Mouans-Sartoux, resserrée en son centre, au niveau du centre-ville ressemble, vue du ciel, à un papillon. Cette forme, héritée de l’histoire, met les communes limitrophes (Mougins au Sud et Plan de Grasse au Nord) en contact direct avec le centre-ville de Mouans-Sartoux. Tout projet de développement en périphérie de ces villes peut donc impacter directement la qualité de vie des Mouansois.

La préciosité de la terre

Depuis ses débuts, André Aschieri gère le territoire avec la même philosophie : la terre mouansoise est précieuse ; il faut en rester propriétaire. Mouans-Sartoux est composé d’un patrimoine naturel d’une grande richesse fait de grands espaces boisés, de terres agricoles et de quelques restanques qui témoignent de l’activité agricole typique du moyen pays grassois qui s’est développée à Mouans-Sartoux jusque dans les années 1950.
Dès que l’occasion se présente, la commune achète les terrains en vente. À la fin des années 1970, elle acquiert un vaste terrain au sud-ouest de la ville. Le maire décide d’y construire une zone d’activités afin d’ancrer une activité économique sur le territoire. Grâce à une dynamique collaborative, soixante entreprises acceptent de s’installer dans ce nouveau cadre agréable, plutôt qu’à Sophia Antipolis pourtant très attractive. Ceci est une vraie victoire pour Mouans-Sartoux. C’est ainsi que naît la zone d’activités de l’Argile. En 1980, le parc génère près de 2000 emplois, ainsi que d’importantes taxes professionnelles, donnant à la ville de nouveaux moyens d’action. Les recettes sont ainsi réinvesties dans l’achat d’autres terrains stratégiques et dans la mise en place d’infrastructures, notamment sportives ou culturelles. La commune se réapproprie ainsi le centre-ville et saisit la chance d’y construire des équipements collectifs clés, tels qu’une école, un gymnase, un centre culturel ou une gendarmerie. Les citoyens bénéficient donc d’un lieu de vie où les services essentiels sont regroupés et accessibles à pied. C’est le début d’une nouvelle ère de prospérité pour Mouans-Sartoux.

Défendre la qualité de vie de son territoire

L’héritage de Suzanne de Villeneuve en matière de résistance pour protéger Mouans-Sartoux ne se dément pas. Les Mouansois ne comptent plus les nombreux combats menés par l’équipe municipale pour défendre la qualité de vie au sein de la commune : refus de l’implantation d’un Ikea en périphérie de la ville qui aurait asphyxié un réseau routier impropre à accueillir de tels flux ; lutte contre le projet d’incinérateur des déchets à Grasse s’inscrivant dans une gestion des déchets jugée peu propice et dont les nuisances auraient fortement affecté les Mouansois ; négociation pendant de longues années du retour du train à Mouans-Sartoux permettant la réouverture en 2005 de la ligne Cannes-Grasse ; rejet massif du projet de grande intercommunalité qui pourrait priver Mouans-Sartoux de sa capacité d’action pour défendre ses spécificités ; abandon des délégations de services publics au secteur privé en reprenant ou organisant en régie municipale la gestion de l’eau, des pompes funèbres, des cantines scolaires, du transport scolaire et des ordures ménagères, et qui permet à la commune non seulement d’améliorer le niveau de services offerts mais aussi de réinvestir les gains au profit de la collectivité. Ce souci de transparence, d’équité, de non-marchandisation des biens et des services a conduit la ville en 2004 à se déclarer « collectivité hors AGCS » (Accords Général sur le Commerce des Services mis en œuvre par l’Organisation Mondiale du Commerce et par les Directives services de l’Union européenne). Grâce à ces diverses victoires, la population se rend compte qu’en dépit de la petite taille de leur commune, il est possible d’agir et de tenir tête à des projets d’urbanisme pharaoniques tel que celui de l’A8bis.

De l’engagement personnel à la direction municipale

Véritable citoyen-acteur, André Aschieri est présent depuis 1965 dans l’équipe municipale tout en enseignant les mathématiques. En 1974, le Maire Joseph Cauvin est invalidé suite à des problèmes fiscaux. Pour le remplacer, la population se tourne vers André Aschieri. Depuis, il se représente à chaque fin de mandat et gagne sa réélection avec au moins 72 % des voix ! Le renouvellement constant de la confiance que les citoyens ont accordée aux élus de Mouans-Sartoux a permis de créer une cohérence dans les actions menées. Avec les élus et l’administration qui partagent ce projet, la ville a semé les graines d’une participation citoyenne dans tous les domaines.
La gestion responsable du territoire est d’abord fortement liée à la culture associative de la ville. De cet ADN associatif découle également l’habitude de consulter la population sur les sujets importants de la vie de la ville. Le bureau du maire est d’ailleurs ouvert à tous.
Passionné de sport, André Aschieri a créé notamment en 1966 le premier club de handball de la région. Il s’agit du club de la MJC de Cannes. Il s’engage en tant que président-joueur-entraîneur aussi longtemps que ses responsabilités municipales le lui permettent.
En tant que Maire de Mouans-Sartoux, André Aschieri donne volontiers aux associations une aide au démarrage. À elles ensuite de faire en sorte de pérenniser leurs activités. Par exemple, le Maire met une salle brute de décoffrage à disposition de l’association de judo. Plutôt que d’assister l’association financièrement, le Maire se retrousse les manches pour prendre part aux travaux d’aménagement de la salle.
Le premier adjoint en charge de la vie associative, est garant d’une relation performante et durable entre citoyens et élus. Au fil du temps, Mouans-Sartoux développe un tissu associatif hors du commun. En 2010, la commune de 10 000 habitants compte plus de 11 000 adhérents dans les associations.

Une terre culturelle

En 1970, Michel Gourdon et son épouse Marie-Louise, projettent de mettre en place une manifestation pour la promotion de la culture occitane. Michel Gourdon propose alors à son ancien entraîneur de handball André Aschieri, de créer une association et d’accueillir ce nouvel événement culturel à Mouans-Sartoux en 1977. La mairie qui vient tout juste d’acquérir la maison de la culture commence l’élaboration de sa politique culturelle grâce notamment aux revenus générés par la Zone d’activités de l’Argile et la Régie municipale de l’eau. Le projet est donc très vite adopté car il reflète les ambitions de la ville de préservation de sa culture et de son territoire.
Michel Gourdon rejoint l’équipe municipale et prend la responsabilité de la maison de la culture. Il crée l’association du centre d’activité culturelle occitane en 1977 et met en œuvre, avec son épouse, le festival occitan qui durera pendant dix ans.
Marie-Louise et Michel Gourdon sont à l’origine de nombreux autres projets culturels, parmi lesquels le célèbre Festival du livre de Mouans-Sartoux (créé en 1988) et la Médiathèque (créée en 2001). À Mouans-Sartoux, la politique culturelle est donc impulsée par des associations soutenues par la ville. Les projets proposés reçoivent des subventions de la mairie, mais aussi du département, de la région et peut-être bientôt de l’Europe !

Produire une alimentation scolaire de qualité

Le 1er janvier 2012, Gilles Perole, Adjoint au Maire à l’Éducation à Mouans-Sartoux annonçait non sans fierté que la restauration scolaire était désormais composée à 100 % d’aliments issus de l’agriculture biologique. Désireuse de garantir une alimentation non industrielle de qualité aux enfants de la commune, et contrairement au modèle de délégation de service public, la ville a constitué une régie municipale de restauration. Trois cuisines intégrées ont été installées dans les établissements scolaires de la commune, permettant un contrôle complet des pratiques et l’utilisation de produits frais et de qualité.
En 1999, en pleine crise de la vache folle, la ville décide d’introduire le bœuf bio, soit 4 % des produits cuisinés, afin de garantir la qualité sanitaire des produits. En 2005, la ville adhère au plan national nutrition de santé (PNNS) et s’engage à respecter les 9 engagements du plan. Cette adhésion renforce le choix de la commune à agir de manière responsable vis-à-vis de ses enfants en favorisant l’équilibre alimentaire et l’éducation au goût. Elle marque aussi un tournant vers des objectifs ambitieux : évoluer vers une alimentation 100 % d’origine biologique.
Pour ce faire, des jalons intermédiaires sont posés. En 2008, le pain et la farine passent au bio (9,6 %). En janvier 2009, les pommes, les salades et les laitages suivent (23 % de bio). Début 2010, la barre symbolique des 50 % de bio est franchie avec l’introduction des pommes de terre, des carottes, des pâtes, des céréales et des compotes. Un an plus tard, l’ensemble des légumes et une partie de l’épicerie sont désormais labélisés (73,6 %). La consécration arrive au 1er janvier 2012. Désormais, tout ce qui est consommé par les enfants vient de l’agriculture biologique.
Il a fallu trouver des solutions innovantes et créatives : optimisation de la gestion de l’économat, abandon pur et simple des emballages à la portion et chasse systématique au gaspillage. Des balances sont ainsi installées afin de peser les déchets en fin de service. Le choc est rude. Pas moins de 40 kg de nourriture sont jetés quotidiennement. S’en suit une refonte complète des pratiques, avec formation du personnel, l’engagement de personnes d’encadrement pour favoriser une sensibilisation des enfants, une cuisine à la demande pour ajuster les quantités préparées avec les quantités consommées, la proposition d’une petite ou d’une grande taille de ration servie en accord avec un enfant sensibilisé, le laitage et le dessert servis en salle et en quartier, etc. Tous ces efforts paient puisqu’ils ont permis une réduction de 75 % des quantités jetées. Conjointement, ces mesures permettent de faire passer de 1,90 € en 2009 à 1,70 € en 2011 le coût matière moyen annuel d’un repas, alors que la part du bio passait de 25 % à 73 %.
Mais l’initiative la plus spectaculaire est officiellement lancée en 2011, au terme d’une phase d’expérimentation prometteuse. Même si l’alimentation était alors d’origine biologique, les volumes demandés – 30 tonnes de légume par an par exemple – étaient tels que seuls les grands distributeurs avaient la capacité d’approvisionner les restaurants scolaires, avec des produits venant des quatre coins de la planète. Cela était évidemment incompatible avec le projet de la ville, et dès 2008, la ville étudie la possibilité de relocaliser une partie de la production. En septembre 2009, un projet expérimental vise à mobiliser du terrain municipal pour la production de légumes. En 2010, une production test est lancée et donne une tonne de pomme de terre et 300 kg de courges. Le terrain est également certifié Écocert. La première régie agricole municipale de France voit ainsi le jour et en mars 2011, une agricultrice est engagée pour exploiter le domaine et produit sur l’année 10 tonnes de légumes biologiques. En 2012, l’objectif fixé à 24 tonnes de légumes bio permet de subvenir à hauteur de 80 % des besoins de la restauration municipale. Et des arbres fruitiers ont désormais été plantés sur le domaine.
Ce vaste projet n’aurait pas pu voir le jour sans l’implication de toute l’équipe municipale et de toutes les parties prenantes du projet. Les équipes de cuisine ont ainsi dû revoir en profondeur leurs pratiques. Grâce à un accompagnement, elles ont pu se réapproprier avec enthousiasme leur métier et leur savoir-faire et proposer une cuisine de qualité appréciée des enfants et des parents, et donc source de fierté et de valorisation. Le projet a été dûment expliqué aux parents en associant les associations de parents des établissements scolaires, ce qui a permis l’introduction d’un tarif de cantine modulable en fonction du coefficient CAF du ménage. Finalement, les enfants ont été accompagnés par un véritable travail d’éducation à l’alimentation saine, au goût et à l’intérêt d’une alimentation locale. C’est ainsi qu’ils sont invités plusieurs fois dans l’année à visiter et à participer aux activités de la régie, afin de lier le champ à l’assiette et de mener un vrai travail de fond. Ce projet, pleinement inscrit dans l’histoire de Mouans-Sartoux, confère à la terre sa valeur symbolique d’antan auprès de la jeune génération.

Une ville du livre

Début octobre, la ville de Mouans-Sartoux met chaque année le livre et les écrivains à l’honneur avec la tenue du Festival du Livre. Pendant 3 jours, ce sont environ 50 000 personnes et 8 500 élèves qui déferlent sur la ville pour rencontrer plus de 400 auteurs, visiter plus de 200 exposants, déambuler dans les 8 500 m” de stands ou participer à plus de 130 rencontres (débats, entretiens, conférences…) et cafés littéraires ou à la projection de près de 30 films engagés.
Ce festival, comme beaucoup d’autres, est organisé avec des moyens limités et son succès s’explique largement par l’implication sans faille des huit membres de l’équipe organisatrice, orchestrée par Marie-Louise Gourdon, adjointe à la culture et commissaire du Festival et Vincent Corbier, directeur du Centre culturel de la ville, mais aussi et surtout par l’implication de plus de 250 bénévoles qui chaque année font preuve d’une fidélité sans faille pour l’événement.

Profondément inscrit dans la tradition et la culture Mouansoise, le festival du livre est non seulement une voie ouverte vers le partage de connaissance mais au-delà, il est devenu un bien commun communautaire dans un territoire différencié. Le livre n’est plus le seul moyen d’expression. Les débats, l’image, le cinéma et le produit des multiples rencontres sont aussi des écritures ouvertes vers le monde de la pensée, des idées et du partage de la connaissance. Ce dernier devient ainsi le lien tissé entre les différents participants, qu’ils soient auteur, éditeur, visiteur ou témoin engagé. L’âme du festival se transmet et pour créer un espace émotionnel ouvert vers tous les modes de communication et de partage qui entrent en résonance. L’évolution du festival témoigne de l’importance de la culture dans la création de l’interface identitaire entre la commune et sa politique citoyenne. En ce sens, le Festival du livre de Mouans-Sartoux est un véritable catalyseur d’intelligence collective. Le thème est questionnant, les débats foisonnants, les échanges invitent à la réflexion et permettent aux idées de se transformer… et à la culture de s’imaginer autrement.

L’expérimentation Movilab

Movilab est un dispositif de recherche-action visant à mettre en place « des incubateurs de modes de vie durable in vivo, en proximité des gens, dans les territoires », en branchant sur des expériences durables de terrain, des apprentissages des nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec l’intention de diffuser et échanger les bonnes pratiques. Le terme in vivo fait ici référence à une prise directe du dispositif avec le réel, sa richesse et sa complexité, dans une cité vivante, par contraste à toute étude hors sol qui ne s’ancrerait pas dans le réel. À cette fin, Movilab se déploie au sein de territoires pilotes d’expérimentation au sein desquels existe une tradition participative ; Mouans-Sartoux est depuis un an l’un de ces territoires pilotes.

Movilab est original à plusieurs titres et y associer Mouans-Sartoux comme territoire pilote d’expérimentation est pertinent pour plusieurs raisons :
— Ce dispositif cherche d’abord à hybrider la culture du libre (au sens de l’open source et de la libre diffusion des savoirs) avec le développement durable, en mobilisant les nouveaux usages et pratiques numériques du web collaboratif, pour donner à voir les projets innovants. À cet égard, si Mouans-Sartoux cultive les projets remarquables depuis plus de 30 ans, ils ne sont pas forcément connus en dehors de la ville ou du département. Movilab entend faire savoir les savoir-faire de la ville en documentant ces projets afin de les rendre disponibles au plus grand nombre dans une logique d’open source. À titre d’exemple, Loos en Gohelle, autre territoire pilote Movilab, entend à l’avenir développer une régie agricole et pourrait bénéficier de l’expérience de Mouans-Sartoux. Plus largement, le projet de restauration collective et de régie agricole ayant eu un important écho dans la presse régionale et nationale, de plus en plus de villes demandent à accéder à cette expérience pour mener leur propre projet et répondre à l’exigence du Grenelle de l’Environnement qui impose désormais d’offrir une part d’alimentation certifiée bio dans ses établissements scolaires. Sur cette base, il a été décidé de bâtir à Mouans-Sartoux un observatoire de l’alimentation durable qui va poursuivre un double objectif : 1) documenter l’expérience de la ville et la rendre accessible en open source dans une logique de base apprenante, chaque nouvelle expérience pouvant nourrir et améliorer le dispositif en profitant ainsi à tous ; et 2) appréhender les effets internes et externes induits par une restauration scolaire de qualité sur les comportements alimentaires des jeunes et de leurs familles, afin de définir de nouveaux objectifs en lien avec l’éducation à la santé et assurer ainsi un développement ultérieur du projet.
— La documentation des projets innovants est au cœur de Movilab. L’écriture des codes sources, c’est-à-dire la formalisation des clés de compréhension des projets à documenter, repose sur une méthodologie particulière qui maximise les chances de « pollinisation » réussie des expériences vers d’autres territoires. Ce travail démarre systématiquement par une interrogation sur l’histoire du territoire et sa mise en récit (storytelling). Ainsi, l’attachement à la terre et le bon sens terrien, la volonté farouche de garder une capacité d’actions et d’être maître de son destin pour défendre et faire progresser ses spécificités, la résistance aux projets petits ou grands qui peuvent remettre en question le projet de la ville, sont profondément inscrits dans le passé de Mouans-Sartoux. Lire le passé et le mettre en récit, c’est offrir un moyen de comprendre le présent et de bâtir le futur. Le choix des régies municipales pour l’eau, la restauration collective, la collecte des déchets, les pompes funèbres, la régie agricole et le lien à la terre, l’inventaire de la biodiversité de la forêt, l’éducation à l’alimentation saine, au goût et la reconnexion de l’assiette et du champ, le Festival du Livre et ses thèmes à contre-courant, etc. se comprennent mieux et affichent leur cohérence lorsqu’ils s’inscrivent dans le storytelling de la ville. La rédaction du storytelling d’un territoire permet donc de comprendre ses trajectoires de développement et d’y inscrire ses projets futurs. Ce travail, loin d’être anecdotique – l’anthropologie ayant mis en évidence le rôle de la mise en récit et de la construction de mythes sur la diffusion et le partage des savoirs – est au cœur des projets de « pollinisation » des savoirs et des bonnes pratiques de Movilab.
— La seconde spécificité méthodologique de Movilab dans l’écriture des codes sources, c’est l’accent mis sur les communautés d’acteurs qui portent les projets, y participent, y mettent de l’énergie et les font vivre au quotidien. Un projet, aussi magnifique et prometteur soit-il, n’a aucune chance de réussir s’il ne parvient pas à mobiliser une communauté d’acteurs qui se l’approprient, le portent et le développent. Or il est rare de trouver des documentations cartographiant les acteurs impliqués et interrogeant les modalités d’appropriation, la plupart se cantonnant à offrir des données « techniques » sur le projet. À cet égard, une communauté citoyenne active et participative facilite l’ancrage de projets innovants. Or, comme évoqué précédemment, la participation citoyenne est au cœur du projet de ville de Mouans-Sartoux. Le Festival du Livre décrit ci-dessus en est une illustration manifeste.
— La troisième spécificité de Movilab est liée à l’expérimentation de projets nouveaux dans les territoires pilotes, avec une écriture des codes sources en prise directe avec le développement des projets. Ceci permet d’affiner les méthodologies de documentation en travaillant non seulement sur la description de projets existants sur le territoire, mais aussi en y incubant des projets innovants venus d’ailleurs et en décryptant comment la « greffe » prend ou est rejetée. C’est en cela que Movilab s’apparente à un incubateur, un peu particulier certes, puisque cherchant à produire du mode de vie durable. Comme développé au point précédent, un accent tout particulier est mis sur les acteurs qui peuvent porter ces innovations, mais aussi sur les lieux qui peuvent héberger ces projets. Mouans-Sartoux compte à ce jour un nombre important de lieux de rencontre, de partage ou d’expression citoyenne. Médiathèque, centre culturel, Château de Mouans-Sartoux et Espace d’art concret, tissu associatif très dense, infrastructures sportives, Espace Régional d’Internet Citoyen (ERIC), jardins collectifs, sont autant de tiers-lieux qui peuvent permettre aux citoyens de se réunir pour coproduire des modes de vie durables. Movilab peut ainsi enrichir la finalité de ces lieux et orienter par là même leur développement pour rendre des services élargis et offrir des ressources nouvelles à leurs visiteurs. Un projet en cours vise ainsi à évaluer les trajectoires de développement des ERIC vers des tiers-lieux façon Movilab pour concourir plus directement à la promotion de modes de vie durables.

Pour plus d’information, voir www.movilab.eu

Dans l’univers des logiciels libres, le code source fait référence aux lignes de codes du logiciel que l’utilisateur peut librement consulter, s’approprier et modifier. Il n’y a donc pas de boîte noire lorsque le code source est ouvert. Par analogie, le code source Movilab fait référence à l’ensemble des clés de compréhension d’un projet, mis en forme via des didacticiels, vidéos d’illustration, données techniques, constitution de communautés d’entraide, forum, etc. Une fois mis librement à disposition d’usagers potentiels, ce code source peut être approprié et adapté à de nouveaux contextes, favorisant de fait la réplication et la pollinisation.