Ce que nous devons à André Gorz est bien plus qu’une leçon de vie, d’honnêteté et d’exigence, c’est une conception politique de l’écologie qui nous relie à l’histoire et touche à la vérité de l’existence dans sa contingence même, mais c’est aussi la proposition d’une véritable alternative écologiste au service de l’autonomie individuelle. Avec une trop grande discrétion sans doute, ce fut l’indispensable passeur entre la philosophie et l’écologie politique, un penseur de l’avenir qui nous relie au passé dans ce qu’il a de meilleur : ses luttes d’émancipation, l’anticapitalisme et la volonté d’authenticité. On peut dire que c’est lui qui nous a passé le témoin de la tradition révolutionnaire, même atténuée en « réformisme radical », une conception qui reste révolutionnaire de l’écologie, une écologie qui change la vie vraiment et nous rend plus libres, plus vrais, un peu plus nous-mêmes !
André Gorz a été l’un des premiers à parler d’« écologie politique », mais au-delà de sa vision politique de l’écologie, d’une écologie du vivre-ensemble, il occupe une place singulière parmi les fondateurs de l’écologie, de se situer à la fois en continuité et en rupture avec le marxisme, fidèle au projet d’émancipation tout en rejetant ses illusions et en tirant les leçons de l’histoire. C’est sans doute ce chemin hésitant qu’il trace pour l’écologie entre aveuglement et renoncement qui fait sa réelle importance. S’il a pu ancrer l’écologie politique dans l’histoire des luttes ouvrières, c’est par le détour d’une lecture philosophique de Marx, héritée de l’École de Francfort et des théories de l’aliénation centrées sur la critique de la forme marchandise et la recherche d’une authenticité de l’existence. Il ne faut pas oublier que c’est à partir d’un « existentialisme athée » qu’il fait une lecture écologiste de Marx, introduisant une philosophie sans transcendance dans une écologie dont le sens est trop souvent brouillé par les références religieuses (Ellul, Illich, Jonas, etc.). On peut même dire que c’est une philosophie engagée dans la sortie de la religion, dès lors qu’elle rejette toute hétéronomie au profit de l’autonomie de l’individu…
Ce n’est pas encore l’heure de dresser le bilan d’une œuvre qu’il faudrait étudier plus longuement, seulement de témoigner de ce qu’elle pouvait avoir de fondatrice pour l’écologie, d’indispensable pour la sauvegarde de notre avenir, d’encourageante enfin, préservant jusqu’au bout toute la richesse du possible qui ne dépend que de nous !
Fidélité et trahisons
Ce qui frappe en premier lieu dans la vie d’André Gorz, c’est qu’elle est faite à la fois de grandes fidélités (jusque dans la mort !) et de grandes ruptures (jusqu’au suicide !) Seulement, si l’auteur du Traître a semblé plus d’une fois trahir son camp, c’était à chaque fois pour y être plus fidèle encore ! On peut dire que c’est le devoir de l’intellectuel, mais bien peu d’intellectuels ont pu illustrer à ce point le caractère dialectique de la pensée, des retournements historiques où il faut renoncer à ses illusions, admettre ses erreurs et dépasser ses positions antérieures au nom même de leur inspiration première, sans passer à l’ennemi pour autant ! Ainsi, malgré ses « adieux au prolétariat », un peu trop en avance sur leur temps, l’important est qu’il soit resté fidèle à la tradition émancipatrice du mouvement ouvrier. L’ancrage dans l’histoire est d’autant plus important qu’il oblige à admettre le caractère historique de nos représentations, de la vérité comme processus, plutôt que de se livrer aveuglément à la naïveté de bons sentiments et de certitudes immédiates qui peuvent être dévastateurs. Le simple fait de s’inscrire dans une tradition pleine de rebondissements nous aura vite appris comme toute fidélité se paye de trahisons !
Dès lors que sa pensée a connu des ruptures, épousant l’évolution historique, ce n’est pas une formulation isolée qui peut la résumer mais plutôt son trajet de vie, qu’on a pu accompagner pas à pas. Si on ne peut donc être d’accord avec l’ensemble de son œuvre sans distinctions, on peut du moins saluer son niveau de lucidité. L’honnêteté intellectuelle avec laquelle il a pu assumer ses changements de position n’est pas son moindre mérite. Ce pourquoi on ne peut le réduire à l’une ou l’autre époque, pas plus qu’à ses multiples identités (Gérard Horst, Michel Bosquet, André Gorz), c’est qu’il a maintenu jusqu’au bout son exigence de vérité et son esprit de recherche, ce qui fait étonnamment de ses derniers livres sans doute les meilleurs, en tout cas les plus actuels…
S’il nous a ouvert la voie et appris à penser hors de tout dogmatisme, contre nous-mêmes tout comme contre nos maîtres, ce n’est pas sans lien pourtant à toute l’histoire qui nous a précédés. Ce serait une illusion en effet de croire qu’on pourrait tirer un trait sur le marxisme ou même sur l’existentialisme, quand ce n’est pas sur toute l’histoire de la philosophie (le dépassement d’Aristote, de Marx ou même de Descartes par l’écologie, c’est une bonne blague !) On ne bâtit que sur ce qui nous précède. La bonne voie est donc d’essayer de penser un « Marx au-delà de Marx » (pour reprendre le titre du meilleur livre de Toni Negri). Il nous faut partir de la critique des échecs passés pour continuer la Révolution française, sous un autre mode bien sûr, mais continuer l’histoire, continuer à s’émanciper de l’obscurantisme et de la domination, continuer à montrer qui nous sommes, enfin !
La question fondamentale, posée à tous les hommes, reste de donner sens à notre existence, en l’absence d’un sens préalable et d’une vérité déjà donnée. Cet acte créateur de sens, ce sens en acte, exige de se manifester par l’opposition, un « dire non » qui fait rupture pour pouvoir continuer : jusqu’à réussir à faire de sa mort un acte qui donne sens à la vie, confirmant sa fidélité à tout ce qu’a été sa vie en la quittant ! C’est à ce niveau qu’on se situe, avec la mort en jeu. Rien de plus abject que la vie à tout prix, il faut y mettre des conditions : la liberté ou la mort ! Question de dignité humaine, toujours un peu délicate et source d’ennuis, certainement. Seulement, l’aventure de la pensée n’a rien à voir avec la bienséance ni avec la convivialité, hélas, la recherche de la vérité mène un jour ou l’autre à changer d’avis et trahir ses amitiés ! On le sait, la question de la vérité amène la division dans les familles, quand elle ne va pas jusqu’à faire des morts, mais c’est une question absolument vitale. En tout cas il a bien montré qu’il décidait de sa vie ; le sérieux et le sens de ses engagements nous survivent dans l’au-delà de la mort même…
La fin de l’aliénation
C’est certainement autour des notions d’authenticité et d’autonomie que tourne la philosophie d’André Gorz, où se rejoue avec le thème de l’aliénation une sorte de freudo-marxisme tel que promu par l’École de Francfort, et Marcuse en particulier. En fait de psychanalyse, elle est plutôt absente de sa réflexion et c’est peut-être ce qui lui a permis de garder une conception un peu trop idéalisée de l’autonomie, ainsi que d’une authenticité apparemment dépourvue de contradictions ! On ne peut s’empêcher de mettre en relation le sentiment d’absence dont il a si bien témoigné et le rêve inaccessible d’une présence pleine, mais la leçon que nous devons retenir de son parcours, c’est que, même à ne plus croire aux anciennes illusions, il faut redoubler le combat contre l’aliénation et pour un monde meilleur, avec plus d’intelligence encore !
L’objet principal de sa critique de l’aliénation aura été le travail salarié, travail aliéné dont il faut sortir d’une façon ou d’une autre. Dans un premier temps il prônera la réduction du temps de travail salarié au profit de la sphère de l’autonomie et du « temps libre », puis l’exode de la société salariale au profit du travail autonome et du revenu garanti, sans prendre toute la mesure peut-être de ce qui oppose les deux stratégies (réduire le travail ou le changer). L’insistance sur l’abolition du salariat aurait pu le rapprocher des syndicats d’antan mais ceux d’aujourd’hui plaident plutôt pour un salariat généralisé… Voilà qui illustre en quoi l’écologie prolonge un mouvement d’émancipation ouvrière délaissé par la gauche productiviste et les organisations salariales…
En tout cas, cette critique du travail salarié, de son hétéronomie, de la division du travail et de la séparation du travailleur avec son produit, renvoie à la critique du fétichisme de la marchandise telle qu’on la trouve dans Le Capital et chez Georg Lukács dans Histoire et conscience de classe, mais qui renvoie aussi à l’objectivation sartrienne (liberté qui se renie, existence subjective ramenée à un « être » objectif, sujets devenus objets, fins prises comme moyens). Il faut y ajouter L’Homme unidimensionnel de Marcuse où la rationalité marchande rabaisse la vie humaine à l’unique dimension instrumentale. Les bases de cette critique de l’aliénation à plusieurs entrées restent largement hégéliennes, ce qui en fait un marxien plus qu’un marxiste, mais pour déboucher sur l’écologie il devra rapprocher cette critique marxisante de celle qu’Ivan Illich avait faite de la mégamachine et de la contre-productivité économique, ce qui l’amènera à défendre la convivialité des outils, l’autosuffisance et l’auto-production contre la déshumanisation technique et marchande.
Je dois dire que, pour ma part, je ne vois pas bien l’intérêt de l’auto-production et n’en suis pas capable de toutes façons. L’idée d’un « homme total » me paraît assez étrange, l’idée qu’on pourrait se suffire à soi-même. La division du travail qui nous tient ensemble et nous permet de valoriser nos talents particuliers n’est pas une si mauvaise chose quand elle n’est pas poussée à l’absurde et la déshumanisation. Plutôt que vouloir savoir tout faire (mal), ne vaut-il pas mieux essayer de devenir excellent dans son domaine ? Bien sûr il y a aussi des excès de spécialisation mais par chaque bout on peut regarder l’univers tout entier… Plutôt que l’auto-production, on peut donc préférer le travail autonome, la coopération et l’échange de services. C’est, de plus, ce qu’exige l’économie de services et de la connaissance à l’ère de l’information. Il se peut que j’exagère un peu moi-même de l’autre côté mais je dois bien avouer notre différence de sensibilité sur le sujet du « travail virtuose », où mon expérience de programmeur compte pour beaucoup.
Il n’empêche qu’il faut rester attentif à l’aliénation dans le travail et qu’on peut lui être redevable d’avoir mis au cœur de l’écologie politique la sphère de l’autonomie, pas seulement la responsabilité collective. Il s’agit bien de continuer l’histoire de la liberté, d’une liberté qui intègre les contraintes écologiques et nous met en face de nos responsabilités. La question devient : comment continuer l’émancipation dans le cadre d’une autonomie limitée, contradictoire et de plus en plus souvent « subie » ? En tout cas, si la plus difficile liberté, c’est d’admettre ses erreurs et de se corriger, il en aura fait preuve tout au long de sa vie…
La libération du travail
La question de l’aliénation n’est qu’un aspect de la question écologique : le point de vue subjectif, individuel, humain, définissant une écologie politique centrée sur l’homme dans son milieu. Il convient d’y ajouter le point de vue plus objectif d’une critique du capitalisme comme productivisme, puisée elle aussi chez Marx. Contrairement aux idées reçues, il faut souligner à quel point les analyses de Marx ont été bien présentes dès les origines de l’écologie (Ellul, Gorz, Debord). L’écologie politique ne se réduit certes pas au rejet du marxisme qu’elle continue simplement par de tout autres moyens ! Cet anticapitalisme est absolument décisif. Les écologistes doivent comprendre qu’il n’y a pas de capitalisme sans croissance, sans augmentation de la productivité et de la consommation, et qu’il faut donc en sortir pour construire un autre système de production : soit destiné à cohabiter avec un capitalisme industriel en régression dans une économie plurielle (ce que je crois), soit à devenir hégémonique et remplacer l’économie marchande par le règne de la gratuité et du don (ce dont il rêvait).
Il faut souligner ici le souci pratique qui l’animait, le souci de proposer des alternatives concrètes, d’une pensée humble se coltinant le réel. Au point qu’on pourrait contester que ce soit un philosophe, tant sa pensée se fait concrète, de l’ordre du programme politique. C’est qu’elle est du côté d’une réalisation de la philosophie, effectivement, dans toute son « actualité ».
Il y a eu plusieurs moments dans les stratégies envisagées pour cette libération du travail. D’abord le développement du « temps libre » comme espace de liberté, sphère de l’autonomie supposée détachée de la production et des échanges marchands. Cette position débouchait sur la revendication d’une réduction du temps de travail qui se justifiait dans le cadre du salariat industriel. Il se trouve qu’avec le passage au travail immatériel la nature même du travail change, ne pouvant plus se mesurer au temps passé. Alors que la plupart faisaient comme si rien n’avait changé depuis notre entrée dans l’ère de l’information, à partir des années 1990, la pensée d’André Gorz va évoluer en même temps que le travail évoluait, pour aboutir au livre le plus important à mes yeux : Misères du présent, richesse du possible (1997) et ce qui constitue son prolongement : L’Immatériel (2003).
C’est dans Misères du présent, richesse du possible qu’on trouve la réorientation nécessaire de l’écologie vers des alternatives locales à la globalisation marchande, l’exode de la société salariale grâce au revenu garanti vers les activités autonomes, l’auto-production et les « cercles de coopération ». On peut regretter le peu d’écho qu’a rencontré ce livre qui aurait pu aider les écologistes à sortir de l’impasse d’une écologie sans projet. Pour ma part, je n’ai fait depuis qu’en reprendre les propositions et les approfondir ! Il faut dire que la synthèse donnée par ce livre doit beaucoup au dialogue avec Transversales, et notamment avec Jacques Robin, cité page 17 pour son insistance sur la mutation informationnelle (« Jacques Robin a mis en évidence mieux que tout autre les dimensions multiples de cette mutation »). L’influence de Jacques Robin, qui vient à peine de nous quitter lui aussi, ne se limitait pas à cet aspect, pourtant, puisque André Gorz le rejoignait enfin dans la défense du revenu garanti et des monnaies plurielles, ce qui constituait une rupture majeure dans ses positions.
C’est sur le revenu garanti, en tout cas, que sa volte-face a été la plus spectaculaire, mais il faut dire qu’il n’a pas fait que se rallier, il a apporté un élément déterminant, la nécessité que ce revenu garanti soit « suffisant » pour l’opposer aux version libérales notoirement insuffisantes. Au lieu de réduire le travail salarié, il s’agissait désormais de changer le travail et de sortir de la société salariale ! Son aveu n’en reste pas moins un modèle d’honnêteté intellectuelle, comme il y en a peu, du fait qu’il avait combattu fermement cette idée de revenu garanti pendant des années auparavant !
Cette formule, que je préconisais à partir de 1983, était cohérente avec la perspective de l’extinction du salariat et de la « loi de la valeur » : le revenu social garanti n’était plus un salaire. Elle était cohérente avec l’appropriation et la maîtrise du temps. Mais elle n’était pas cohérente avec les perspectives ouvertes et les changements introduits par le postfordisme. Je l’abandonne donc pour un ensemble de quatre raisons que voici.
Les raisons qu’il donne sont, en résumé :
- Le fait que le travail ne se mesure plus avec le temps. Il est donc difficile d’attribuer un temps de travail à chacun.
- Le revenu garanti doit être inconditionnel, ce qui exclut d’exiger en contrepartie un travail contraint, d’ailleurs bien difficile aussi à répartir.
- L’importance de la formation et de tout le hors-travail, qui devient plus important que le travail immédiat lui-même dans l’économie immatérielle et justifie amplement une allocation universelle.
- Enfin, la déconnexion entre production de richesse et travail immédiat prive une partie des travailleurs (devenus inemployables) de toute ressource monétaire.
Ce dernier point, justifiant une « monnaie de consommation », est peut-être le plus contestable, lié à la phase dépressive (terminée depuis peu) du cycle de Kondratieff, plutôt qu’à une « fin du travail » définitive qui nous condamnerait à un accroissement continuel du chômage… Reste que le système génère assez d’exclusion pour que l’argument garde toute sa pertinence. Au lieu d’une monnaie de consommation, on aurait plutôt besoin d’une monnaie locale pour relocaliser l’économie, ce qui est tout autre chose. Mais s’il soutenait ces deux versions relativement incompatibles de monnaies complémentaires, il considérait cependant monnaie et revenu comme une phase transitoire avant le règne de la gratuité commune et de la reconnaissance universelle, visant une disparition de l’économie et des rapports marchands plutôt qu’une économie plurielle ne constituant qu’un moment passager avant la réappropriation de nos vies, au-delà de la valeur et du fétichisme des marchandises qui nous transforment en objets…
C’est d’ailleurs le modèle de la gratuité des logiciels libres et des biens communs numériques qui sera l’objet principal du livre suivant sur « l’immatériel », consacré en grande partie, dans des analyses très proches de celles de Yann Moulier Boutang, au capitalisme cognitif. Savez-vous que, dans sa tentative de défendre ses droits numériques exorbitants, Bill Gates a fait référence à L’Immatériel d’André Gorz et sa revendication d’une gratuité numérique comme étant une résurgence du communisme ? Il y a pourtant là une erreur, car la gratuité numérique n’a rien à voir avec le communisme : c’est un fait technique plus que social, et qui ne s’applique qu’à cette qualité particulière de l’information d’être reproductible sans perte, surtout quand les nouvelles technologies ne sont faites que pour ça ! Peut-être qu’André Gorz était victime lui aussi de cette confusion lorsqu’il se réjouissait un peu vite de voir la propriété expropriée de la sphère immatérielle et, s’il avait sans doute raison d’affirmer que « la sortie du capitalisme a déjà commencé », ce n’est pas forcément pour faire mieux pour l’instant, sauf bien sûr à suivre la voie qu’il avait tracée d’une véritable alternative, dont il faut rappeler qu’elle ne se réduit pas au revenu garanti mais doit assurer production sociale et valorisation individuelle :
Concrètement, l’alternative passe donc par des « cercles de coopération » (les SEL), par les Centers for New Work de Frithjof Bergmann (Ann Arbor, Michigan), par ce que j’ai appelé, en m’inspirant de Murray Bookchin, des « coopératives municipales ». Pour refaire société, il faut partir des petites communautés, du local, des rapports de face à face. C’est ce qui paraît dérisoire à la plupart, mais il n’y aura que des alternatives locales à la globalisation marchande, une nécessaire relocalisation de l’économie qui ne peut venir d’en haut, associant revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales. C’est peu de dire que ce projet d’alternative écologiste n’a pas rencontré jusqu’à présent l’écho qu’il mérite, les écologistes eux-mêmes ne prenant pas au sérieux le local ni les transformations du travail à l’ère de l’information et préférant regarder en arrière, bloqués sur la réduction du temps de travail par exemple, voire sur un tiers-secteur qui n’a plus rien d’alternatif ! Il faut noter d’ailleurs qu’André Gorz ne mettait pas en opposition revenu garanti et réduction du temps de travail, qui sont pourtant antinomiques. Il avait raison en ce que l’économie n’est pas homogène et que certains secteurs pourraient encore réduire leurs horaires mais c’est une stratégie qu’il faudrait abandonner, pour l’instant au moins, et s’occuper plutôt de changer le travail pour changer la vie, véritable libération de nouvelles forces productives immatérielles en même temps qu’accès à un travail épanouissant et sortie du productivisme salarial.
Il faudra bien que les écologistes en viennent à cette alternative, les normes et les taxes n’y suffiront pas, ni la décroissance du temps de travail et des consommations (outre qu’on observe plutôt le contraire). Il ne suffit pas d’appeler à une révolution écologiste, il faut lui donner un contenu, contenu qu’André Gorz a déjà élaboré patiemment à partir d’expériences effectives, mais aussi des tendances historiques et des évolutions techniques, en restant trop discret sans aucun doute, lui le grand absent ! On s’apercevra bien un de ces jours pourtant qu’il n’y a pas d’autre alternative qui tienne la route, ou du moins que c’est dans cette direction qu’il faut aller, direction qu’il montrait toujours un peu à l’avance des autres, un peu trop à l’avance sur son temps ! Mais c’est l’esprit du temps qui est retardataire et ne l’a pas encore rattrapé…
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