Mineure 51. Musiques-f(r)ictions

Pour une musique de résistance Théorie du Stone

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« They are no refreshments or merchandise at The Stone. Only music. All ages are welcome.
The Stone is a project of hips road
Support freedom of expression by supporting The Stone »

La musique est impure. La musique est mêlée. Pour l’entendre, on doit entendre autre chose, sinon on n’entend rien. Ou presque rien. Une mélodie. Des harmonies. Des instruments. Une voix. On peut écouter Dave Brubeck tout une vie sans avoir jamais réfléchi et entendu parler du blues. Alors on n’entend pas la musique de Dave Brubeck. On entend de la musique qui flotte dans l’air. On entend des sons désenchantés. C’est joli. Ce n’est pas de la musique. C’est de la mélodie idiote semblable à celle qui est jouée à l’unisson dans la seconde partie de Bells des frères Ayler. Mieux vaut une voix qu’on accompagne à la hache ou au marteau. Mais la hache et le marteau ne peuvent qu’accompagner une musique située, située là où on travaille au moyen d’une hache et d’un marteau – justement. La musique est toujours située. La musique est une situation. Davantage, la musique est une position. La musique est une position dans les villes, dans les campagnes, dans les champs, dans la rue. Une position et une prise de position. Là encore, le modèle est le blues. Loin, loin, dans le temps, avant l’invention d’un phonographe et plus tard au moment de l’invention de la New thing : le Free Jazz. De grands penseurs du blues – LeRoi Jones, Paul Oliver – ont pensé avant, et en même temps que ces musiciens du Free, une musique noire qui est une musique de position qui est aussi une musique de résistance, c’est-à-dire une musique qui transforme une situation imposée par l’histoire et la politique des dominants en position de guerre.
Le saxophone en plastique d’Ornette Coleman pète toujours. Il pète en direction de Ground zero et de Fukushima. À New York, les sons sont en résistance. Seulement ce n’est plus au Vanguard. Le Vanguard, c’est fini. On n’y verra plus Cecil Taylor enlever ses lunettes « pour partir à l’assaut du piano ». Plus rien non plus au Living room situé anciennement à Paris, 25, rue du Colisée, soirée de 22h à 4h du matin. À Paris, aucun club de jazz ne tient position. À New York, si. Au coin de l’avenue C et de la 2e Rue, une ancienne épicerie transformée en scène musicale s’appelle The Stone et ce nom est un programme, aussi bien une théorie. Norfolk street n’est pas loin du Stone. Norfolk street était la rue du Tonic, un grand club de musique avant-gardiste qui faisait vivre en le renouvelant l’esprit du saxophone en plastique d’Ornette. Le Tonic s’est transformé en position touchée-coulée dans la conquête du lower east side par les promoteurs de la gentrification. Le Stone est une relève théorique du Tonic : une scène musicale absolue, quand le Tonic était seulement un lieu d’acclimatation pour la musique nouvelle.

Si nous sommes passés par le blues pour introduire la musique de résistance, nous passons aussi avec le Stone d’une théorisation de la musique en soi, d’une singularité musicale élevée au rang de monument dans l’histoire – comme l’invention du Free Jazz – à la musique comme situation seule. Ce qui compte, c’est la position du Stone. De cette position naît la résistance dans la musique. Une position qui se lit tout entière dans son nom – The Stone. Le Stone a vocation d’être immuable, perpétuel, comme n’est aucun des bâtiments, des buildings, des monuments, des tours dans la ville : tout s’effondre, se détruit et se déconstruit à New York, sous l’action des promoteurs (ou d’un seul mais gigantesque attentat). Le Stone a pour programme fou et affiché l’immobilité. L’immobilité bloque inexorablement le mouvement d’expropriation vers Brooklyn. Aujourd’hui, le Tonic évacué de ceux qui le faisaient vivre est toujours fermé : le club, dont les murs sont toujours en place, n’a pas réouvert, ni été remplacé, ni été détruit. Preuve que le nouveau ne remplace pas l’ancien. En face, la Berner Pharmacy, corner longtemps abandonné, s’est, lui, transformé en très beau bar dont les lumières, les sièges, l’architecture, la musique ont pour seule vocation de dire qu’il existait là avant vous dans la rue, vous qui vous vous promeniez pourtant dans la rue quand il n’existait pas encore.

Une scène musicale s’est installée dans une ancienne épicerie, misérable, un lieu aux cloisons de papier qui ne peut intéresser personne, qui n’affiche aucune enseigne mais dont la simplicité et le dénuement s’affichent en manifeste de résistance. Ce qui se joue là, c’est le refus du décentrement de la musique hors de son berceau historique : le quartier noir, le quartier juif, le ghetto. The Stone joue une musique consciente de son historicité – le blues, le klezmer, le free jazz – et la brandit comme enseigne inamovible de la rue. Chaque pet de saxophone au sein du club joue la partition de la grande ville qu’est NYC à hauteur de tous les autres sons, et c’est le recul, le retrait, son opacité, son anonymat, son assimilation au dérisoire dans la ville au cent mille clubs qui fait cela. Le Stone est un promontoire musical audacieux qui s’est emparé des forces qui le réduisaient à n’être que lui pour devenir bien davantage que lui-même : à commencer par la minceur des cloisons qui isolent sans l’isoler la musique de scène de celle de la rue.
Plus d’une fois, j’ai eu le sentiment que les musiciens qui improvisaient au Stone le faisaient en harmonie avec les bruits de la rue qui, loin de les traverser comme des nuisances, étaient eux-mêmes traversés par la musique jouée au Stone. Comme la série de concerts donnés au printemps dernier par Ryuichi Sakamoto au moyen d’un piano préparé successivement travaillé avec papiers ajoutés, clefs tournées, le musicien s’emparant des cordes du piano à pleines mains pour les froisser. Un tombeau bruitiste pour la ville. Pour la chute du WTC. Pour Fukushima. Pour les villes qui ne sont plus, qu’on déserte mais qu’il faut habiter quand même. Tombeau orné le dernier soir par la guitare préparée d’Otomo Yoshihide. Pour le suivre, Sakamato avait installé un paquet de glands en bois qu’il faisait glisser sur les cordes de piano pour donner un bruit de clavecin mouillé hors du commun. Un bruit qui a culminé avec l’arrivée d’Arto Lindsay armé d’une guitare Dean Elektra menthe à l’eau de laquelle est sorti un son extraordinaire, des sortes de cataractes de tonnerre, un bruit très beau, feuilleté, à plusieurs étages, qui a conclu le concert. Cette musique qu’on entend parfaitement de la rue, notamment quand on fait la queue le long du bloc en attente du second set – car aucun billet, jamais, n’est vendu en avance au Stone – et que cette attente se fait dans la musique qui se joue de l’autre côté de la cloison, d’un des murs de la ville, on se dit que la ville est réinventée. Contraint et forcé de quitter le marché pour survivre, le Stone s’est aussi affranchi du circuit des marchandises musicales : aucun bar dans le club, des produits dérivés absents (exceptés les cds vendus au profit du club), la scène est tenue à tour de rôle par des ouvreurs bénévoles différents chaque soir (et dont les initiales apparaissent à côté du nom des artistes) et l’argent collecté à l’entrée est entièrement reversé aux artistes qui jouent le soir même. Les artistes programmés sont choisis par un curateur laissé libre entièrement dans sa programmation. Le curateur change tous les mois. Le curateur est toujours un musicien.

New music observatory
La musique de position qui se joue au Stone n’est pas un berceau pour une communauté ou une couleur : son unique principe poétique et politique est l’avant-garde et l’expérimentation elles-mêmes. L’une et l’autre sont grandies au rang de points de ralliements pour les musiciens qui font d’elles une pratique d’invention. John Zorn, le directeur artistique du club, dit que l’avant-garde est un style, une école en soi qui traverse toutes les musiques, tous les instruments : une scène qui transcende les prises de positions anciennes. Sans doute la fascination de John Zorn pour la musique japonaise offre une clef pour expliquer les sorties possibles de l’identité juive ou afro-américaine qui sont opérées au Stone – même si les musiques qui les définissent y sont toujours jouées avec ferveur. Le Japon, à New York, c’est le nouvel Autre.
Mais si le Stone est japonais, il l’est d’un Japon musical et idéal, un Japon du blues, du klezmer et du Free, un Japon noir et juif dont le territoire plastique, lointain et proche, croise le lower east side et la communauté virtuelle des Japonais du monde qui suivent sa programmation. Les minorités américaines sont japonaises au Stone en ce sens qu’elles se réduisent au lieu même de la scène immobile comme position dans cette guerre perpétuelle menée contre l’évacuation des pauvres et des artistes. La loyauté envers l’histoire politique des formes musicales demeure mais elle s’est déplacée des idéaux d’émancipation anciens et déçus (le joueur de blues Archie Shepp affirme aujourd’hui qu’ils sont totalement morts) en une situation de résistance en apparence presque abstraite : tenir son corner pour délivrer sa came poétique en dépit de toutes les fluctuations urbaines intenses, fréquentes, qui caractérisent la ville. Le legs du Free Jazz en guerre contre les modèles musicaux figés du jazz qui sont 1/ la recherche de la mélodie, 2/ la broderie ou encore la reprise d’un thème, 3/ l’improvisation longue – devenu une situation en soi – se définit désormais comme une position musicale. Au Stone, on parle sans nostalgie un langage en résistance contre les invariants monumentaux, jazzistiques et autres, dont les bâtiments gentrifiés incarnent l’architecture manifeste : irrespect de la crête des brownstones, démesure du façadisme en verre, fermeture des lieux de vie, autant de formalisations de la ville auxquelles la musique du Stone, non seulement refuse de faire écho mais construit une réponse appropriée, radicale, qui les pulvérise.
Située en retrait du marché musical, en deçà de l’identité communautaire, soumise à un extrême localisme – les musiciens qui jouent régulièrement au Stone forment volontairement un groupe très réduit au sein duquel s’agrègent les nouveaux arrivants au compte-gouttes – la musique du Stone n’échappe pas à l’explosion de l’auto-media, au développement du commerce direct du disque des labels aux consommateurs, et aux réseaux sociaux. La dissémination sur le net, la dématérialisation de la scène concomitantes, favorisent au Stone le communautarisme virtuel dans le champ musical tout en offrant sur une scène concrète, incarnée, un lieu réel de rencontres et de découvertes. Parce que le travail des sons bruts propres à la hache, au marteau, ou au saxophone en plastique et autres, intéresse, certes, le plus petit nombre de mélomanes et musiciens possibles, mais que ceux-ci habitent aussi au sein du plus grand nombre de pays ou de traditions musicales possibles, le net est devenu une extension obligée du club. Le Tonic est devenu un festival de musiques qui se tient tous les ans dans le bas de la ville et dont la publicité est relayée par un groupe facebook I was at Tonic when… dont l’ambition n’est pas moins de réaliser l’histoire à plusieurs voix, l’histoire par les anonymes de le vie météoritique de ce club. Tout le monde ou presque est musicien sur la liste, ou apparaît comme tel, et raconte une bribe, un fragment de ce que fut la vie musicale au Tonic. Je fais confiance aux promoteurs du festival Tonic ou à Marc Ribot, autrefois curateur au Poisson rouge, et en charge de la liste de diffusion Tonic qui existe parallèlement au réseau Facebook, pour s’être emparé tout à fait utilitairement des mânes du Tonic ainsi dématérialisées sur le net ; mais ça marche aussi poétiquement, il y a bien, réellement, un monde possible rassemblé autour de ce souvenir de musique depuis réengagé de façon radicale au Stone. Et ceux qui exploitent le filon aujourd’hui sont aussi ceux qui – dans le cadre de la dernière manifestation de soutien au Tonic, l’ultime jour de son existence – ont joué à la guitare Cold cold heart au nez et à la barbe de la flicaille avant de se faire embarqués illico par cette dernière. Mais le flirt télématico-nostalgique du Tonic sur le net ne sera jamais qu’une vapeur sentimentale comparé au New music observatory qui se joue au Stone tous les lundis soirs. Semaine après semaine, les mêmes morceaux sont joués devant le public : on vient une fois, deux fois, dix fois… et on avance en profondeur dans les morceaux à mesure que les musiciens voient plus clair dans ce qu’ils jouent.
Quand Steve Bernstein conduisait le New music observatory, c’était aussi un spectacle. Trompettiste, chef d’orchestre, cabarettiste, Bernstein donnait chaque semaine un show unique: blagues juives impromptues (« I don’t believe in the god you don’t believe in »), récits de concerts mémorables, apostrophes aux musiciens, commentaires musicologiques, histoire des morceaux, des rythmes interprétés sous nos yeux. Dans un mouchoir de poche, tout le monde tient, les dix musiciens, les vingt auditeurs. Accessoirement, les musiciens du New music observatory sont payés pendant les répétitions. À l’entracte, on traverse la rue, sur le trottoire d’en face, une épicerie – véritable, elle – dans laquelle on achète de quoi tenir avant le concert qui vient. Sur la droite, Houston street dans la nuit et au delà le bas de la ville deviné dans le noir, China town, Ground zero, l’océan, le débarcadère vers les îles ; soudain, l’espace se renverse depuis ce point de vue aveugle offert par le Stone, le territoire cadré en bloc bascule. Écouter, voir ou sentir, c’est contourner la monumentalisation perpétuelle propre à la ville, fausse lutte contre les désastres et s’accrocher à de petites prises invisibles disséminées, des stone, qui bloquent le regard et font oublier.

Fukushima !
Pas étonnant qu’au Stone, en contournant un certain répertoire monumentalisé de la musique, on ne fabrique pas seulement de la musique actuelle, du temps présent en musique, mais qu’on réfléchisse aussi au temps politique présent : et autrement que sous la forme de la commémoration, dans cette seconde partie de la ville affectée par la chute du WTC et au sein de laquelle un gouffre, un cratère désastre, Ground zero, s’est comme « naturellement » monumentalisé en lieu commémoratif. Dans ce paysage en hauteur, paysage-monument, entièrement centré sur la catastrophe, les vivants n’ont plus à leur disposition d’espace public suffisant disponible pour exercer leurs droits politiques. Occupy Wall Street n’a pas été en mesure de tenir sa position dans l’ex-Liberty park, rebaptisé Zucotti-Park, du nom du P. D. G de la compagnie en charge de cet espace public, puisqu’à la faveur du 11 septembre, le parc, très abîmé par les tonnes de gravats déversés, a tout simplement été privatisé. À cette maîtrise de l’espace simultanément édifiante et soumise au profit, objet d’un banditisme légal par les autorités publiques opéré à la faveur d’une catastrophe, le Stone oppose une situation légèrement en surplomb de ce parc naturel de monuments qui trie ses vivants et ses morts en excluant les premiers au profit apparent des seconds : c’est l’ensemble des projects coordonnés autour du festival Fuskuhima ! au sein duquel une théorie de la scène démultipliée et dématérialisée a pour ambition de troquer la commémoration contre une occupation des lieux désastrés.
La catastrophe de Fukushima, en entraînant la désertification nécessaire d’une région entière, a engagé de la part des autorités publiques un tri fonctionnel singulier des vivants et des morts : en faisant simultanément de tous les vivants des morts potentiels s’ils ne quittaient pas la zone et en refusant de reconnaître les morts effectives et à venir de ceux qui l’ont quittée. Dans ce chassé-croisé des espaces et de leurs lectures opposantes on peut reconnaître une bataille d’occupation symbolique de l’espace public au sein de laquelle le Stone n’est pas le moins bien placé pour tenir position. La musique de résistance jouée contre la désertification, l’expropriation et la manie commémorative à New York peut aussi jouer contre l’évacuation à Fukushima : puisque celle-ci, simultanément aux critères éthiques ou de santé publique, a mené une pure pratique d’expulsion massive en laquelle il est difficile de ne pas reconnaître comme radicalisées, amplifiées, massifiées, étendues sur une très grande échelle, des pratiques d’expropriation et d’expulsion érigées en principe de fonctionnement naturel dans les grandes métropoles : partout dans le monde où l’espace se transforme en pure marchandise, où il acquiert une valeur singulière liée à un désastre, où il est le prétexte d’un compte faussé des vivants et des morts.
Les concerts organisés dans le cas de Fukushima ! auront lieu à Fukushima et ailleurs : « Nous organiserons des événements avant le festival et après le festival et nous supporterons des projets à Fukushima mais aussi en dehors de Fukushima sous le nom de Fukushima ! sous le signe d’une continuité de l’action à long terme. » Désormais libéré des contraintes spatiales et temporelles, irréductible à un lieu et à un moment, Fukuhima !, plus qu’un festival, conçoit la musique de résistance étrangement ancrée dans le sol puisqu’il défend le retour sur les terres de Fukushima mêmes, c’est à dire dans un lieu où plus personne n’a le droit d’aller ou de se rassembler, le lieu le moins propice à l’organisation d’un concert, disons, tout en se donnant les armes pour penser, décentrer, délocaliser ce lieu partout où il y aura des Stone pour l’accueillir. Un décentrement impossible à concevoir sans sa dématérialisation sur le net qui l’accompagne : ici, la publication de ce que l’on peut appeler le Manifeste de Fukushima ! . La musique de résistance tient position dans les espaces interdits, barrés, qu’il soit d’un gouffre ou d’un autre. « Nous n’avons en aucunes manières renoncé à Fukushima. Même si des lieux sont réputés inhabitables à Fukushima, nous voulons croire à la renaissance de Fukushima. C’est pourquoi nous avons besoin d’un festival. Nous avons besoin de musique. Nous avons besoin d’un endroit où les gens peuvent se rassembler et discuter. Nous avons besoins d’espoir, d’une motivation pour vivre, pour que Fukushima ne soit pas oublié et demeure relié au monde, nous voulons faire du festival l’occasion de poser une première pierre (stone) pour construire l’avenir. »
The Stone est un lieu préparé comme on dit d’un piano ou d’un autre instrument qu’il est préparé, c’est-à-dire trafiqué, installé, retourné, inversé sur lui-même ou encore utilisé de façon oblique pour réinventer le son qui avait défini autrefois son propre. Le nouveau propre de la musique de résistance s’exerce ici en puissance d’une urbanité pensée en réaction aux lois du marché, aux gestions patrimoniales ou seulement opaques des catastrophes. Qu’avec le net Fukushima se globalise jusqu’à s’incarner au Stone à la faveur de la puissance déclarative d’une déclaration manifestaire, est un des effets possibles de la pauvreté des moyens engagés dans Fukushima ! en raison de la pauvreté des acteurs : de simples musiciens dépourvus de soutien financier public et d’un art susceptible d’attirer une très grande audience mais dotés néanmoins d’une position susceptible de les accueillir, le Stone. Ornette Coleman avait adopté son saxophone en plastique en raison de son prix modique et de la quantité d’air importante qui transitait dans l’instrument quand il soufflait et qu’il avait appris à apprécier car unique au monde dans le champ du jazz.
Fukushima ! dématérialise une région entière transformée en cendre en un lieu bien réel au nom bien porté, The Stone, et cette dématérialisation prélude à une dématérialisation plus grande puisque Fukushima ! est voué à ne connaître de fin que la fin de la catastrophe elle-même – habiter à nouveau dans Fukushima – ce qui n’est pas pour demain. « Nous ne céderons pas sur Fukushima. La lumière de Fukushima, les nuages de Tohoku, l’histoire, les vies, la bienveillance, la rivière Abukuma, le scintillement des étoiles, les sourires des enfants… Nous croyons à tous ces Fukushima. » C’est dans ce sens qu’il faut entendre l’affirmation We are Fukushima écrite par ces musiciens : mais il n’y aurait là aucune profondeur, seulement un effet de surface médiatique – si la musique n’était pas jouée.