Ça se lève de partout

Prendre place au delà de la répartition des places

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Lin Chalozin-Dorat, linguiste, est membre de la Coordination nationale du mouvement des campements, mouvement israélien pour la justice sociale). Elle a débuté comme militante dans le mouvement Taayush (« Coexistence ») regroupant des citoyennes israéliennes et palestiniennes militant en faveur de la paix.
L’entretien (réalisé entre octobre 2011 et juin 2012) revient sur les conditions d’émergence et le bilan du mouvement « des tentes » en Israël qui a été marqué par une grande vague d’occupations, de campements et de manifestations en 2011. Il aura fallu attendre effet cinq décennies pour que naisse un véritable mouvement démocratique israélien J.14, le nom du mouvement «indigné » israélien (en référence au 14 juillet français) appelé aussi « mouvement des tentes », qui a pris de court le gouvernement israélien, le corps militaire, les religieux et avant tout les partis de gauche.
Il évoque les mouvements d’Indignés européens, américains dont il a toutes les apparences. Comme Occupy Wall Street ou les Indignados espagnols, le collectif dénonce la corruption et les oligarchies financières (1 % contre 99 %), la marchandisation de l’humain, la spéculation ou encore la crise de l’État-providence. On retrouve également le même rejet des formes politiques, des partis, de l’État, la même résignation face au déterminisme du marché et aux injustices qui en résultent. Enfin J14 se réfère ostensiblement aux révolutions arabes, auxquelles il emprunte des répertoires d’action et des dispositifs : l’occupation des espaces publics, le recours aux réseaux sociaux, la stylistique de l’émeute populaire, conférant au mouvement une force de démultiplication.
Mais J.14 a des particularités qui tiennent au contexte israélien, où les ordres symboliques impriment la vie sociale : que ce soit la place de la religion et des minorités, du sionisme qui a façonné l’État juif et avant tout l’arrière-plan sécuritaire de la nation qui dessine l’idée maîtresse d’une communauté humaine unie par son destin et ordonnée autour d’un État protecteur. Aujourd’hui le mouvement se prolonge à travers les Assemblées locales et de très nombreuses manifestations hebdomadaires.

Sur la naissance du mouvement des tentes et ses composantes

Les premiers campements établis mi-juillet 2011 à Tel-Aviv et à Jérusalem étaient montés par de jeunes étudiants ou activistes qui devaient faire face à des problèmes immobiliers et qui sont considérés aujourd’hui comme faisant partie du leadership ou à l’origine du mouvement. Mais les protestations étaient déjà lancées avant cette date sur les réseaux sociaux avec des manifestations importantes contre le coût de vie. Il y a parmi les militants et au sein de la population une lucidité quant au libéralisme sans cesse réinventé de l’É État, l’emprise des oligarchies économiques dans l’économie politique du pays. Ces réflexions sont très présentes dans les sphères intellectuelles ou associatives, qui d’une certaine façon ont préparé l’irruption du mouvement. L’installation des premiers campements de Tel-Aviv a coïncidé avec une série de mesures de restriction des politiques sociales.
On peut dire qu’il y a une conscience de plus en plus aigüe depuis dix ans de la fragilisation des institutions publiques et de solidarité (que ce soit l’éducation, la santé, la culture) qui ont fondé l’État juif et la politique sioniste. Plusieurs événements de la dernière décennie ont été des marqueurs : comme la guerre du Liban en 2006 qui a donné l’impression d’une improvisation militaire. Non seulement il s’agissait d’une décision prise du jour au lendemain sans que les motifs réels en soient clarifiés. Mais les citoyens ont eu le sentiment d’un manque de préparation et d’organisation des autorités politiques et militaires, sur les conséquences internes de la guerre, comme la sécurité des citoyens. Ce sentiment d’improvisation des autorités a laissé planer une incertitude quant à la solidité de l’institution militaire et des forces de sécurité. On pourrait prendre le seul exemple de la désorganisation et absence d’information des citoyens sur la localisation des abris publics anti-missiles. Les habitants du nord du pays par exemple subissaient jour et nuit les attaque des missiles, et leur question était : « Où est l’État ?»
Quand la guerre a été terminée, l’armée a été fortement critiquée. Dans le même sens, les mouvements des refuzniks de gauche (soldats refusant de servir dans les territoires occupés) et refuzniks de droite (soldats refusant d’évacuer les colonies) ont indiqué que le statut républicain de l’institution militaire était en perte d’autorité. À cet égard, le succès de la campagne publique pour la libération du soldat Shalit (succès qui a dépassé les divisions politiques) traduit bien une volonté de renforcer le rôle protecteur de l’État qui a été fortement fragilisé. Enfin, il existe également une crise de confiance qui concerne la gauche traditionnelle gouvernementale. On assiste depuis quelques années à une dé-légitimation de la gauche nationale sioniste qui ne semble plus en mesure de s’opposer aux mesures anti-démocratiques, ni de fournir une alternative crédible à la gouvernance néo-libérale.
Le mouvement a pris forme le 14 juillet auquel il a donné son nom. Cette dénomination faisait référence au mouvement espagnol (du 15 Mai). On peut dire qu’il appartient à la mouvance des Indignés au sens où les « Indignés » sont des Israéliens radicalement critiques sur les impasses du système israélien politique et économique. Ils demandent la reprise en main du système néo-libéral du gouvernement, la fin des profits immobiliers (qui sont au cœur de la crise du logement), de la privatisation des services d’intérêt général. Mais plus fondamentalement il demande la souveraineté du peuple dans les affaires de la cité. Il s’agit bien d’un mouvement populaire ou authentique tenant à réinstaurer la légitimité du peuple sur le pouvoir et sur la démocratie. L’ensemble du mouvement vise une transformation radicale de la politique israélienne actuelle. D’où l’incompréhension des politiques et de Bibi Natanayaou, s’adressant aux leaders (qualifiés de jeunesse dorée) : « De quoi vous plaigniez vous ? Vous vivez la démocratie dans un pays de plein emploi et de forte croissance ». Les risques de voir émerger « l’ennemi intérieur » et le « complot contre l’État » ont été très vite saisis par le Premier Ministre qui dès la troisième semaine de septembre 2011 s’est empressé de nommer une commission d’experts pour « répondre aux aspirations de la population ».
Les campements se sont installés dans tout le pays, du nord au sud. Contrairement à ce qu’a affirmé le gouvernement dans ses tentatives de decrédibilisation, il ne s’agit pas d’un mouvement d’intellectuels artistes de Tel-Aviv. Au contraire, ce sont les périphéries, les citoyens périphériques (Dimona, Beersheva, Jaffa, les quartiers Hatikva et Levinsky à Tel-Aviv, Afula, Beit Shean) qui se sont emparés du mouvement et lui ont donné sa puissance. On peut donc parler d’une force des marges et des périphéries. On a compté jusqu’à 90 campements aujourd’hui en voie de disparition puisque les campements exprimaient surtout une forme de contestation et que celle-ci a pris ensuite d’autres formes : notamment le travail au sein de l’assemblée constituante avec actuellement des centaines de participants. On compte encore environ dix campements de personnes ayant été expulsées de leurs logements et pour lesquelles l’assemblée cherche des solutions.
Plusieurs types de public composent le mouvement des tentes et sont même à son origine. Il y a les citoyens qui ont rejoint l’appel du J.14 et son assemblée. Il s’agit d’un public extrêmement mixte avec des citoyens de la classe ouvrière et moyenne, des Juifs, des Arabes, des gens de droite, de la gauche, du centre. Ensuite s’est joint au mouvement la coordination des étudiants (Hita’akhdut Ha’Studentim), très présente dans les campements et les manifestations de l’été 2011. Il s’agit d’une coordination nationale sans affiliation officielle politique. La troisième force sociale est celle des mouvements de jeunesse « bleus », une force traditionnelle du sionisme socialiste, et en particulier de Dror-Israel qui a aidé à la collecte de fonds pour J.14.

Sur la place de la religion, la question ethnique et sociale

D’abord le mouvement est celui des Israéliens, non des juifs. Nous sommes « Israéliens maintenant » avant d’être juifs. Mais le paysage israélien, l’histoire nationale revient à poser la question des inégalités internes liées à la culture d’origine, ou dans une moindre mesure celle de la religion (comme identité sociale). Par exemple, dans les campements de Tel-Aviv, les Palestiniens de l’intérieur ou encore les Miszrahim (Juifs orientaux) ont très vite perçu la nécessité de pointer le problème des inégalités sociales entre communautés culturelles.
On peut prendre le cas de la « tente 48 » où les Palestiniens de l’intérieur (citoyens israéliens) ont réalisé toute un travail de sensibilisation à la question arabe et autour de la citoyenneté politique et sociale. La tente n’est ici que la manifestation d’un travail politique accompli dans les associations depuis de longues années. Mais le mouvement a permis que les conditions de la citoyenneté sociale de certaines composantes de la société soient perçues comme une part entière de la demande de justice sociale et comme un problème public interrogeant la démocratie israélienne. Dans le même ordre d’idée, on a d’ailleurs pu voir que les religieux nationalistes (liés au mouvement de Gush Emunim) sont venus s’installer à la suite de la présence des Arabes (et non loin de « la tente 48 ») en installant leur propre tente.
Au-delà de ces manifestions, la question religieuse (et sa dimension sociale) est une composante plus ou moins visible, et en tout cas mineure et non polémique du mouvement. Des personnalités religieuses haredim ont pris leur place dans l’assemblée qui est pourtant majoritairement laïque, séculaire. Par exemple, Adina Bar Shalom (fille du grand rabin Ovadia Youssef de la communauté sépharade et responsable de Chass, parti pro-gouvernemental ultraorthodoxe) a pris place dans l’assemblée. Car elle souhaite promouvoir une vision sociale au sein de sa communauté, et d’autre part, elle considère, à juste titre, qu’il y a un travail de sensibilisation à faire auprès de la population laïque. Bar Shalom, qui est au centre du pouvoir ultra-orthodoxe, a une vision sociale et éthique et voit l’assemblée constituante de J.14 comme le lieu potentiel pour retisser les liens dans la communauté nationale. Elle a un rôle important dans la commission des experts du mouvement. Elle s’appuie sur le collège orthodoxe qu’elle a fondé où elle forme des jeunes haredim, hommes et femmes aux matières de psychologie, management, informatique et travail social par exemple. Un des étudiants du collège, jeune travailleur social, joue d’ailleurs un rôle important dans l’assemblée populaire. Nous travaillons ensemble sur le logement et notamment la question des sans domicile fixe. Ce type de coopération fait partie de la recherche d’un espace commun politique, démocratique et pluriel. La pluralité des participants est acceptée par les parties du mouvement, y compris par les citoyens laïques ou arabes. Car le propre du mouvement est de contribuer à démarginaliser les minorités ou les composantes spécifiques de la société israélienne, qu’il s’agisse des religieux ou des Arabes.
Donc contrairement à ce qui est prétendu ou au contraire méconnu, le problème ethnique et des minorités est central, parce qu’il concerne les conditions de citoyenneté sociale et politique, et donc de la démocratie. D’où la puissance des forces locales car celles-ci partent de la réalité vécue. L’assemblée apparaît à bien des égards comme le seul cadre démocratique actuel, pour des citoyens et les citadins, les plus pauvres, marginalisés ou encore pour les migrants (soutenus par des associations d’aide aux travailleurs) ou pour des individus qui apparaissent comme moins favorisés en raison de leur origine culturelle et sociale (Arabes, mizrahim). En fin de compte, ce qui était encore impensable, il y a un an, est arrivé : une convergence des forces actives et passives, hétérogènes jusque dans le rapport tendu entre Arabes, Juifs, mizrahim et azkhenazim, séculaires et religieux.

Sur le rôle de l’Assemblée constituante

Le mouvement des tentes a été présenté dans un premier temps comme une émeute radicale au caractère spectaculaire, avec une esthétique révolutionnaire. Mais l’assemblée se préoccupe des enjeux de justice immédiate. Comme en témoigne le slogan Le peuple veut la justice sociale. D’abord il s’agit d’un mouvement hétérogène et populaire avec une somme d’individualités politiques cherchant à définir un nouvel espace démocratique. L’assemblée (comme l’étaient les campements) est composée de jeunes, souvent sans passé politique, achevant leur service, d’étudiants, des pères et mères de famille, de travailleurs. De même qu’il existe une hétérogénéité culturelle avec des membres arabes, ou juifs, anarchistes ou centristes, voire des membres du Likoud (parti gouvernemental de droite dirigé par Netanyahu) et de Kadima (centre droit) ou de Meretz (gauche sioniste).
Avant que l’assemblée constituante ne s’organise, il y avait sans doute une disjonction ou un écart entre le leadership national des campements et les campements locaux, autrement dit les multitudes qui composent le mouvement. Pour certains, J.14 était le reflet de la pensée mainstream israélienne, un mouvement érigé à l’image de la classe moyenne juive, sans que la « part » des citoyens minoritaires ou des non-citoyens compte. Aujourd’hui les conditions de l’assemblée garantissent la prise de parole possible des marges sociales qui sont liées ou non aux origines culturelles. La visibilité des citoyens périphériques au sens politique et urbain (comme les mizrahim, Arabes, haredim de classe populaire, migrants, les villes du Sud) est aujourd’hui un point crucial dans la mise en œuvre de la démocratie réelle et de nouvelles pratiques politiques. Il s’agit donc, à travers une assemblée de créer aussi un espace pour l’expression de ces forces périphériques et de bousculer les représentations et les privilèges.
Ces inégalités de classe et leur dimension ethnique sont au cœur des questions économiques et permettent d’articuler différentes problématiques qui sont généralement considérées comme indépendantes dans les politiques publiques et source de ségrégation. Par exemple la question du logement apparaît le point central de discussion de l’assemblée et est posée comme problème public. Car l’accès au logement concerne évidemment les marges et les classes populaires, là où on retrouve les problèmes de classe et ethniques, avec les limites des politiques de justice et l’invisibilité nationale de certaines catégories (comme les Bédouins du Néguev). Mais la question de l’habitat déborde largement la question culturelle et sociale car elle concerne les classes moyennes, favorisées. Le travail de l’assemblée porte donc à la fois sur le désenclavement de certaines parts de la société dans leur accès au logement et la problématisation politique de cette question, en ce qu’elle est directement liée aux politiques immobilières, financières et spéculatives, et à l’État lui-même.
La commission logement de l’assemblée met en œuvre une campagne nationale axée sur la législation (plusieurs lois sur le financement de l’habitat ont été abrogées). La crise du logement concerne plus de 60 000 familles israéliennes sans parler des Bédouins, ce qui montre que le logement doit être traité comme une chose publique et un sujet de la politique en tant qu’il est lié aux forces du marché mais également aux décisions parlementaires neutralisant toute décision démocratique et citoyenne. Un des problèmes bien connus en Israël est en effet la loi dite « des arrangements » qui permet à la coalition parlementaire de suspendre la législation existante, en particulier dans le domaine dit « social », et donc de faire disparaître la responsabilité politique concernant le logement des couches populaires.
L’assemblée est présente avec des assemblées locales dans six régions : Nord ; Centre, Sharon, Tel-Aviv et banlieues, Est (la région de Jérusalem), villes du Sud (d’Ashkelon vers le plus sud du pays). Les discussions locales rejoignent les enjeux nationaux (lois, logement, instruments de gouvernance sur l’échelle locale, communication, coût de la vie). Il n’y a pas de commandement, de même que les assemblées locales ou les équipes ne comprennent pas des groupes d’intérêt ou de représentants. Le mouvement ne prétend à aucune démocratie représentative reposant sur l’accord ou la stratégie. Il s’agit d’une force citoyenne de dénonciation et d’action qui cherche à investir la sphère publique, tout en maintenant une puissance d’agir sur la réalité par des solutions qui conviennent à tous les participants.

Sur la relation à la gauche israélienne
et la question palestinienne

La force du soulèvement a surpris d’autant que la gauche a été fracassée depuis 10 ans par une politique anti-palestinienne de plus en plus dure et qu’elle ne trouve ni souffle politique, ni véritables relais dans la société palestinienne. De ce point de vue, le mouvement se démarque de la gauche militante et en particulier des militants et ONG pro-palestiniennes. Le thème de l’occupation et de la colonisation est un thème de division politique et présente également un risque du détournement. Beaucoup des militants ne s’identifient pas avec la « gauche » : en hébreu, « la gauche » est une dénomination qui concerne surtout une posture de dénonciation vis-à-vis de la politique dans les Territoires et qui permet paradoxalement d’adopter une politique assez néo-libérale dans le domaine budgétaire. Enfin, au stade actuel où le règlement politique du conflit est dans une impasse, l’occupation relève des enjeux sécuritaires. Or le collectif refuse de voir être récupéré le thème de la sécurité sociale par celui de la sécurité nationale alors que la question économique et sociale est centrale.
Or, pour des raisons historiques, qui tiennent aussi aux composantes et aux discours de la gauche, il n’est pas possible d’articuler la question de l’occupation à celle de la justice sociale. La focalisation du bloc de gauche sur la fin de l’occupation apparaît comme un discours de privilégiés qui se voilent les yeux quand il s’agit des préoccupations sociales et économiques internes à la société israélienne. Le centrage du mouvement sur les questions nationales et intérieures est d’autant plus légitime que le budget de l’armée induit des restrictions du budget national dans les domaines social, éducatif, etc., et qu’il y a bien lieu de se demander si la colonisation enrichit ou appauvrit l’État israélien. Le mouvement dans sa dimension interpolitique a évité le risque de récupération par la droite qui a brandi la thèse de la conspiration de la gauche et le risque de focalisation sur la question militaire et des colonies (qui pouvait être instrumentalisé également).
Le débat reste cependant latent. Les Palestiniens de l’intérieur ont participé aux manifestations et aux campements avec des slogans comme « Juifs et Arabes refusent d’être des ennemis », suscitant naturellement une émotion et une adhésion directe des participants. Mais cette empathie entre différentes forces sociales transfigurant le clivage entre Palestiniens et Israéliens qui a été le propre des grandes manifestations de septembre 2011 est particulièrement fragile et évanescente.

Révolte et représentation médiatique

On ne peut nier que le caractère spectaculaire du mouvement tient au rôle joué par les médias (en Israël très liés à la sphère économique des grandes entreprises) qui a travaillé dans l’ombre au début des occupations jusqu’aux manifestations, notamment parce que plusieurs des membres du noyau originel de J 14 sont issus du champ journalistique, médiatique ou des arts visuels.
La réception du mouvement et sa surmédiatisation durant l’automne 2011 a posé la question de l’authenticité du mouvement. Le rôle joué au départ de la révolte par des émissions très populaires ou des éditorialistes connus était destiné à fabriquer un quasi story-telling, à populariser le mouvement à partir de la négation ou de l’évidement de son contenu. Toute une série de messages médiatiques était destinée à présenter le mouvement comme celui des couches artistiques, autour de la personnalisation de quelques membres. D’autant que certains médias n’étaient pas dépourvus d’intentions politiciennes, comme la réhabilitation de la gauche gouvernementale.
Précisément les campements ont demandé à parler directement avec la presse. N’oublions pas que pour les sujets politiques les moins favorisés de la société israélienne, les campements et les assemblées, locales, régionales ou nationales, sont pour eux le seul espace réellement démocratique. La non-prise en compte de leur parole (auprès de ceux qui parlent aux médias) et le sentiment de ne pas exister sur la scène nationale et politique de Tel-Aviv ont été très mal vécus. Dans le même ordre d’idées, l’intervention des experts (la commission alternative Spivak-Yona) est regardée avec vigilance pour qu’elle n’institutionnalise pas le débat en l’orientant sur des questions présélectionnées ou que les experts ne s’érigent pas en interprètes ou médiateurs des « masses ».