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101. Multitudes 101. Hiver 2025

Majeure 101. Trahir la blanchité

Contre toute sorte de suprématisme
L’arc-en-ciel de la résistance, par

Contre toute sorte de suprématisme
L’arc-en-ciel de la résistance
Rejetant les fondements des études critiques de la race et de la blanchité, et considérant qu’elles font le jeu du racisme, cet article soutient que le concept de blanchité transforme toutes les personnes blanches en suprématistes qui s’ignorent et renforce paradoxalement les narratifs suprématistes en posant les Blancs comme groupe homogène. S’appuyant sur la critique du concept de race par Lévi-Strauss et soulignant le caractère multiracial des mouvements abolitionnistes de l’esclavage, Giuseppe Cocco affirme que les études de la blanchité promeuvent la culpabilité et l’expiation plutôt que la lutte, échouent à rendre compte des conflits au-delà du binaire Noir/blanc (Ukraine, Syrie, Gaza), et ignorent la complexité des rapports de pouvoir décrits par Foucault comme un « archipel de pouvoirs différents ».

Against all Supremacies
The rainbow of resistance
Rejecting the foundations of critical race and whiteness studies and considering that they support rather than fight against racism, this article argues that the concept of whiteness transforms all white people into unwitting supremacists and paradoxically reinforces supremacist narratives by positing whites as a homogeneous group. Drawing on Lévi-Strauss’s critique of the concept of race and emphasizing the multiracial character of movements for the abolition of slavery, Giuseppe Cocco claims that whiteness studies promote guilt and expiation rather than struggle, fail to account for conflicts beyond the Black/white binary (Ukraine, Syria, Gaza), and ignore the complexity of power relations described by Foucault as an “archipelago of different powers.”

Persistances blanches, par et

Persistances blanches
Cet article enquête sur la blanchité comme engagement du blanc envers sa propre perpétuation, y compris dans les contextes antiracistes. Les autrices examinent comment la blanchité persiste à travers ce que Sara Ahmed nomme la « non-performativité de l’antiracisme » – des déclarations antiracistes qui protègent plutôt qu’elles ne défient l’hégémonie blanche. L’article s’efforce ensuite de répondre à trois objections courantes aux études critiques de la blanchité, selon lesquelles elles : 1/ induisent la culpabilité, 2/ minimisent les autres racismes, ou 3/ sont elles-mêmes racistes. Rappelant que la culpabilité blanche ne bénéficient qu’à celleux qui se sentent coupables (Audre Lorde, Eula Biss), les autrices considèrent la manière dont les études critiques de la blanchité permettent de construire des coalitions reconnaissant la spécificité du suprématisme blanc au sein du capitalisme racial. Pour elles, comprendre et étudier la blanchité de façon critique signifie ainsi la faire bégayer et trébucher, et, pour finir, l’abolir.

White Persistency
This article investigates whiteness as white’s commitment to its own perpetuation through purification, eradication, occupation and propagation. The authors examine how whiteness persists even in antiracist contexts through what Sara Ahmed calls the “non-performativity of antiracism”—antiracist declarations that protect rather than challenge white hegemony. Addressing three common objections to critical whiteness studies (that they supposedly: 1/ induce guilt, 2/ minimize other racisms, or 3/ are themselves racist), they propose transforming white guilt into white debt (Audre Lorde, Eula Biss), building coalitions that recognize the specificity of white supremacism within racial capitalism, and understanding that studying whiteness critically means making it matter differently—making it stutter and stumble, and finally, to abolish it.

Mineure 101. Spéculation / Réaction

Des spéculations anti-néolibérales aux spéculations réactionnaires, par et

Des spéculations anti-néolibérales aux spéculations réactionnaires
Utopies solarpunk, fabulations féministes, afrofuturisme, etc. : les genres spéculatifs sont en vogue à gauche. Ils sont devenus l’un des instruments culturels de lutte contre le régime néolibéral : la place centrale qu’ils laissent à l’imagination est décrite comme une manière de contester le règne des experts et de remettre en cause la fermeture des alternatives politiques instaurées par le néolibéralisme. Problème : ces dernières années, les genres spéculatifs ont aussi été appropriés par l’internationale réactionnaire. Théories de la conspiration néonazies, utopies anarcho-capitalistes, science-fiction suprémaciste… L’extrême-droite spécule et ces spéculations jouent un rôle clé dans son développement. Que faire ? Faut-il distinguer entre spéculations réactionnaires et contre-spéculations critiques, comme le propose l’un de nos auteurs ? Faut-il inventer des dispositifs anti-spéculatifs, comme d’autres l’affirment ?

From Anti-Neoliberal Speculations to Reactionary Speculations
Solarpunk utopias, feminist fabulations, Afrofuturism… Speculative genres are in vogue on the left. They’ve become cultural tools in the struggle against the neoliberal order: their emphasis on imagination is seen as a way to challenge expert rule and reopen the space of political alternatives closed off by neoliberalism. However, in recent years, speculative genres have also been appropriated by reactionary forces. Neonazi conspiracy theories, anarcho-capitalist utopias, supremacist science fiction… The far right speculates too, and these reactionary speculations play a key role in its growth. What is to be done? Should we distinguish between reactionary speculations and critical counter-speculations, as one of our authors suggests? Should we invent anti-speculative devices, as others argue?

Spéculation
La deuxième page, par

Spéculation
La deuxième page
Dans sa Théorie de la spéculation de 1900, Louis Bachelier introduit un processus stochastique en temps continu pour le prix de l’action. Après lui, « spéculer en bourse » ne consistera plus à jouer la hausse ou la baisse, mais à spéculer sur la nature de ce processus : sa volatilité ne devrait-elle pas être plutôt stochastique, et la volatilité de cette dernière à son tour stochastique, ainsi de suite, jusqu’à l’infini ? L’avènement du modèle de Black-Scholes-Merton en 1973 introduit un paradigme différent, qui est celui du trading des options. Celles-ci deviendront assez liquides pour que des options soient écrites sur elles et échangées à leur tour, jusqu’à l’infini. La spéculation change ainsi de nature. Alors que la première, purement statistique, reniait l’objet du marché et ne pouvait étudier que les cours passés, la deuxième y replonge et crée une nouvelle forme d’écriture, qui sera celle – nous spéculons – du futur.

Speculation
The Second Page
In his 1900 Theory of Speculation, Louis Bachelier introduced a continuous-time stochastic process for stock prices. After him, “speculating on the stock market” no longer meant betting on a rise or fall of the stock price, but rather speculating on the nature of this process: shouldn’t its volatility itself be stochastic, and the volatility of that volatility stochastic in turn, and so on, ad infinitum? The emergence of the Black-Scholes-Merton model in 1973 introduced a different paradigm—that of options trading. Options became liquid enough for options to be written on them and traded in turn, ad infinitum. Speculation thus changes in nature. While the first, purely statistical, denied the market’s object and could only study past prices, the second dives back into the trading pit and creates a new form of writing. We speculate it is that of the future.

La Silicon Valley a-t-elle peur du genre ?, par

Contre-spéculations, par

Contre-
spéculations
Cet article soutient que l’émergence de homo speculans et son rapport à l’incertitude recèlent un potentiel politique encore peu exploré. Le fait que les communautés spéculatives habitent l’inconnu a rendu les individus à la fois plus attentifs à l’ici et maintenant et plus ouverts à l’imprévisibilité du futur. Ces évolutions ouvrent de nouvelles possibilités non seulement pour penser, mais aussi pour poursuivre des alternatives au capitalisme et continuer à mener une critique de la financiarisation. En s’écartant de l’accent persistant mis sur l’autoréflexivité et sur l’idée kantienne de liberté héritée de la modernité occidentale, l’article montre que les contre-spéculations renvoient à une imagination spéculative plus décentrée, qui rend compte de formes d’expérience sociale et politique de la financiarisation plus diverses.

Counter-
Speculations
This article argues that the emergence of homo speculans to the uncertain present contains underexplored political capital. The fact that speculative communities inhabit the unknown has made individuals both more attentive to the here and now and more open to the unpredictability of the future. These developments open new possibilities for contemplating as well as, importantly, for pursuing alternatives to capitalism and continuing to criticize financialization. Departing from the persisting emphasis on self-reflexivity and the Kantian idea of freedom inherited from Western modernity, the article shows that counter-speculations point to a more decentered speculative imagination at work, which accounts for more diverse social and political experiences of financialization.

Multitudes en images

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