Archives par mot-clé : effondrement

La grandeur de l’infinitésimal. Nuages de champignons, écologies du néant, et topologies étranges de l’espacetempsmatérialisant, par

La grandeur de l’infinitésimal
Nuages de champignons, écologies du néant, et topologies étranges de l’espacetempsmatérialisant
Comment considérer l’unité de l’espace, du temps, et de la matière ? Comme « espacetempsmatérialisant ». Ce terme étrange a été fondu par l’éclair d’Hiroshima. Comme l’anthropologue Joe Masco nous y exhorte, « nous avons besoin d’examiner les effets de la bombe, non seulement au niveau de l’État-nation, mais aussi au niveau de l’écosystème local, de l’organisme, et, finalement, de la cellule ». Dès lors, quels outils d’analyse peut-on utiliser pour comprendre non seulement les enchevêtrements de phénomènes qui traversent les échelles, mais aussi la très itérative (re)constitution et sédimentation des configurations spécifiques de l’espace, du temps, et de la matière ? Comment finir pas comprendre qu’il n’y a pas de séparation entre le niveau micro et le niveau macro, qu’il n’y a pas de petite matière, que l’infinitésimal est grand, que le néant nous presse ?

No Small Matter
Mushroom Clouds, Ecologies of Nothingness, and Strange Topologies of Spacetimemattering
How can we consider the unity of space, time, and matter ? As “spacetimemattering”. This weird word melted when Hiroshima bomb detonated. As anthropologist Joseph Masco urges, “we need to examine the effects of the bomb not only at the level of the nation-state but also at the level of the local ecosystem, the organism, and ultimately, the cell”. Then, what analytical tools might we use to understand not merely the entanglements of phenomena across scales but the very iterative (re)constituting and sedimenting of specific configurations of space, time, and matter ? When and how will we understand that there is no separation between the micro level and the macro level, that there is not any small matter, that an infinitesimal is big, and that nothingness presses us ?

Revenu inconditionnel d’existence et économie générale de l’attention, par

Revenu inconditionnel d’existence et économie générale de l’attention

Un revenu inconditionnel d’existence devrait être envisagé au sein d’une pluralité de formes de revenus, basés sur des logiques hétérogènes. Parmi ces justifications, la prise en compte des dynamiques de l’économie de l’attention (dont Google et Facebook tirent d’ores et déjà des revenus énormes) pourrait jouer un rôle central. Un revenu d’existence apparaîtrait alors comme un investissement social permettant à chacun(e) de diriger son attention vers ce qui lui semble le plus important. Mais cela impliquerait de passer d’une économie restreinte à une économie générale, dans laquelle le moment de l’attention réflexive ne serait pas considéré comme un luxe inutile, mais comme un besoin d’avenir.

Universal Basic Income within a General Attention Economy

A Basic Universal Income (UBI) should be considered among a plurality of heterogeneous logics for rewards and incentives. Taking into consideration the attention economy (which already provides enormous incomes to Google and Facebook) could play a central role in such argu-ments. The UBI would then be seen as a form of investment allowing each recipient to direct his or her attention where
s/he judges would be more needed. This would require us, however, to evolve from a restricted economy to a general economy, where reflexive attention would no longer be considered as a wasteful luxury, but as a growing need for the future.

Subjectivations computationnelles à l’erre numérique, par

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable, par

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable

La cognition algorithmique joue un rôle central dans le capitalisme contemporain. Depuis la rationalisation du travail industriel et des relations sociales jusqu’à la finance, les algorithmes fondent un nouveau mode de pensée et de contrôle. Dans cette phase du tout-machinique dans l’évolution du capitalisme numérique, il ne suffit plus de se mettre du côté de la théorie critique pour accuser la computation de réduire la pensée humaine à des opérations mécaniques. Comme le théoricien de l’information Gregory Chaitin l’a démontré ; l’incomputabilité et l’aléatoire doivent être conçus comme les conditions de bases de la computation. Si le technocapitalisme est contaminé par l’aléatoire computationnel et le chaos, la critique traditionnelle de la rationalité instrumentale doit elle aussi être remise en question : l’incomputable ne pleut plus être réduit au statut de contraire de la raison.

Instrumental Reason, Algorithmic Capitalism, and the Incomputable

Algorithmic cognition is central to today’s capitalism. From the rationalization of labor and social relations to the financial sector, algorithms are grounding a new mode of thought and control. Within the context of this all-machine phase transition of digital capitalism, it is no longer sufficient to side with the critical theory that accuses computation to be reducing human thought to mere mechanical operations. As information theorist Gregory Chaitin has demonstrated, incomputability and randomness are to be conceived as very condition of computation. If technocapitalism is infected by computational randomness and chaos, the traditional critique of instrumental rationality therefore also has to be put into question: the incomputable cannot be simply understood as being opposed to reason.

De la révolution de janvier à Sissi. Comment et pourquoi ?, par

De la révolution de janvier à Sissi
Comment et pourquoi ?

Cet article tente de montrer que la révolution qui s’est produite en Égypte était porteuse d’un projet politique libéral-démocrate. Les groupes révolutionnaires et les opposants au régime de Moubarak ont réussi à mobiliser des couches sociales substantielles en 2011 en demandant le respect des droits humains de base et la représentation de la volonté du peuple. La forte présence d’ouvriers mécontents, de classes moyennes appauvries et de populations urbaines défavorisées dans le mouvement de protestation n’a jamais débouché sur un projet politique visant un changement économique et social. Leurs revendications sont restées figées dans une économie morale nassériste où les revendications économiques et sociales sont en grande partie apolitiques et totalement dissociées de la démocratisation des relations entre la société et l’État. L’absence de projet de changement socio-politique a privé le processus révolutionnaire d’une large et solide coalition sociale.

From the January revolution to Sisi
How and why?

The argument this article attempts to develop is that the revolution in Egypt had a relatively clear liberal democratic political project. Revolutionary groups and political opponents to the Mubarak regime managed to mobilize substantial social strata in 2011 asking for the respect of basic human rights and for the representation of the will of the people. The strong presence of disaffected laborers, impoverished middle classes and urban poor in the protest movement never evolved into a political project aiming at social and economic change. Their demands conversely remained by and large stuck in the Nasserist moral economy, where economic and social demands are largely apolitical and definitely dissociated from the democratization of society-state relations. The absence of a project of socio-political change deprived the revolutionary process of a solid and broad social coalition.

Subjectivités computationnelles, par

Subjectivités computationnelles

Nous commençons à mesurer l’importance culturelle du numérique comme nouvelle idée unificatrice d’une université totalement redimensionnée. Au-delà d’une simple question de littéracie informatique ou informationnelle, les humanités numériques nous offrent l’occasion de développer une approche critique de l’écriture numérique conçue comme une forme d’alphabétisation et de littérature, de façon à développer une culture numérique partagée comme une nouvelle forme de Bildung. Tandis que les technologies numériques produisent de nouvelles formes de subjectivités computationnelles, les humanités numériques peuvent nous aider à aller au-delà d’un rapport consumériste aux nouveaux gadgets et à casser ces boîtes noires qui, à la fois comme objets techniques et comme métaphores, absorbent aujourd’hui une si grande partie de notre attention.

Computational Subjectivities

We are beginning to see the cultural importance of the digital as the unifying idea of a redesigned and reconfigured university. Beyond a mere issue of “information literacy” or “digital literacy”, the digital humanities provide us with an opportunity to develop a critical understanding of the literature of the digital, and through that develop a shared digital culture through a form of digital Bildung. As the digital technologies are producing new forms of computational subjectivities, the digital humanities can help us move beyond the commodity layer and open these so-called black boxes, as both technologies and metaphors, that so demand our attention today.

Penser le sécularisme, par

Penser le sécularisme

Ce texte, écrit à la suite des attentats du 11 septembre 2001, tente de redéfinir les notions de laïcité et de sécularisme en marge des grands récits de sécularisation. La modernité laïque n’est ni la simple séparation du politique et du religieux, ni ce qui reste lorsque la religion décline ou s’efface. Dès lors que le concept de « religion » renvoie lui-même à une construction historique qui diffère selon les espaces politiques, l’on doit affirmer que la modernité laïque est la production d’un nouveau partage entre le religieux et le politique, d’une redéfinition de ce qu’est censé être la « religion » et, avec elle, l’éthique et la politique. Le texte discute ensuite le libéralisme politique de Charles Taylor de façon critique. L’unité de la modernité politique n’est pas factuelle, c’est l’unité d’un projet moderne : elle a un but politique dont l’hégémonie se lit dans le fait que les peuples extra-européens sont perpétuellement invités à s’y mesurer. Cette analyse dessine enfin la voie d’une anthropologie du sécularisme défini comme une doctrine qui cherche à émanciper la sphère publique d’un religieux oppressif, mais aussi et surtout comme une forme de vie laïque : un ensemble d’attitudes spécifiques, un certain rapport au corps et à la souffrance ainsi qu’un modèle de subjectivité.

Thinking about secularism

The text was written at the aftermath of 9/11. It tries to redefine secularism without presupposing any narrative of the decline of religion. Secular modernity is neither the mere separation of politics and religion nor what remains after religion has withered away. Insofar that the concept of “religion” is itself a historical construction, secularism can be seen as the production of a new binary division between the secular and the religious, as a redefinition of what religion, ethics and politics are supposed to be. The text critically engages with Charles Taylor’s political liberalism. It then asserts that modernity is a hegemonic political project forcing non-European people to measure themselves to it. It eventually paves the way for an anthropology of secularism defined as both a political doctrine and a form of life – a set of attitudes, a specific relationship to the body and pain, and a mode of subjectivity.

Entretien avec François Godement (Asia Centre), par et

Les questions ouvertes par vos correspondants ont été refermées depuis la fin de 2012. Le Parti et l’État sont parvenus à mettre la conjoncture économique sous contrôle au prix d’un renforcement de la censure, d’un étouffement des mouvements sociaux et d’un semblant de redistribution. Mais pour la Chine, l’essentiel, ce sont les marchés extérieurs. Une économie dans laquelle les ménages épargnent la moitié de leurs gains n’est pas fondée sur la consommation de masse. C’est l’État qui a su gérer la formidable augmentation des investissements dans les infrastructures et le bâtiment, dont profite surtout l’élite. La question de l’environnement est nouvelle et fait peur ; elle est traitée en termes de responsabilité individuelle.

Interview with François Godement
The questions raised by the previous contributions have been closed to public debate since the end of 2012. The Party and the State manage to keep their grip on the economic situation thanks to a strengthening of censorship, repression on social movements and an appearance of redistribution. What is essential for China, however, are the foreign markets. An economy where households save half of their income is not based on mass consumption. The State was successful in managing the tremendous expansion of investments in infrastructure and real estate, to the advantage of a small elite. Environmental issues are new and generate many fears, mostly to be treated on the basis of individual responsibility.

La protection sociale en Chine Nouveau Grand Bond en avant, par

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