Archives par mot-clé : contemporain

La grandeur de l’infinitésimal. Nuages de champignons, écologies du néant, et topologies étranges de l’espacetempsmatérialisant, par

La grandeur de l’infinitésimal
Nuages de champignons, écologies du néant, et topologies étranges de l’espacetempsmatérialisant
Comment considérer l’unité de l’espace, du temps, et de la matière ? Comme « espacetempsmatérialisant ». Ce terme étrange a été fondu par l’éclair d’Hiroshima. Comme l’anthropologue Joe Masco nous y exhorte, « nous avons besoin d’examiner les effets de la bombe, non seulement au niveau de l’État-nation, mais aussi au niveau de l’écosystème local, de l’organisme, et, finalement, de la cellule ». Dès lors, quels outils d’analyse peut-on utiliser pour comprendre non seulement les enchevêtrements de phénomènes qui traversent les échelles, mais aussi la très itérative (re)constitution et sédimentation des configurations spécifiques de l’espace, du temps, et de la matière ? Comment finir pas comprendre qu’il n’y a pas de séparation entre le niveau micro et le niveau macro, qu’il n’y a pas de petite matière, que l’infinitésimal est grand, que le néant nous presse ?

No Small Matter
Mushroom Clouds, Ecologies of Nothingness, and Strange Topologies of Spacetimemattering
How can we consider the unity of space, time, and matter ? As “spacetimemattering”. This weird word melted when Hiroshima bomb detonated. As anthropologist Joseph Masco urges, “we need to examine the effects of the bomb not only at the level of the nation-state but also at the level of the local ecosystem, the organism, and ultimately, the cell”. Then, what analytical tools might we use to understand not merely the entanglements of phenomena across scales but the very iterative (re)constituting and sedimenting of specific configurations of space, time, and matter ? When and how will we understand that there is no separation between the micro level and the macro level, that there is not any small matter, that an infinitesimal is big, and that nothingness presses us ?

Les routes euro-méditerranéennes discrètes de l’exode moyen-oriental, par

Camp et campements, par , , et

Camps et campements
Des économies aux principes opposés

Les camps fournissent du travail forcé aux pouvoirs qui les constituent alors que les campements autogèrent des opportunités et des hasards productifs. L’article recense plusieurs cas actuels de camps de travail forcé dans le monde et plusieurs cas historiques d’enfermement de main-d’œuvre qualifiée, utilisée dans l’économie locale. Le recours actuel à l’internement de masse pour contrôler les migrations implique des grandes entreprises et des associations qui en emportent les marchés. Dans les campements au contraire les ressources matérielles mobilisées et monétaires sont limitées mais l’installation est dépendante de ressources sociales et relationnelles suffisantes. Les frontières entre les formes camp et campement, économie formelle et économie informelle sont poreuses, comme l’illustrent quelques exemples en région Île de France.

Camps and Encampments
Two Economies with Contrary Principles

Camps provide forced labor to the powers that institute them, while encampments self-manage productive opportunities and chance meetings. This article surveys several current cases of forced labor camps around the world, as well as several historical examples of locking up qualified workforce, exploited within a local economy. The current management of migrations by mass incarceration involves large firms and associations struggling to win new markets. In encampments, on the other hand, the material and monetary resources mobilized are limited, but the installation depends on available social and relational resources. The distinction between camps and encampments, formal and informal economies, are porous, as illustrated, with a few examples from the Paris region.

Considérant ce qui s’affirme, par

Considérant ce qui s’affirme
Sciences et politiques dissidentes du PEROU dans les camps, bidonvilles et refuges de France

Dans cet entretien avec Luc Gwadzinzky, Sébastien Thiery, coordonnateur du PEROU, affirme chercher au contact des migrants et des exclus les formes émergentes de la ville de demain, celle qui fera place à tous ceux qu’exclut la métropolisation. Il s’agit de déplacer le regard, d’englober migrants et habitants dans une même question. La démarche se déplace de site en site, en faisant jurisprudence à partir de chaque cas, en produisant fictions et créations avec migrants, habitants et artistes, en reconnaissant les pratiques d’hospitalité et l’immensité des ressources potentielles qu’elles mobilisent. Un programme de recherche et de formation, l’École des situations, est en préparation.

Considering What Asserts Itself
Dissident Sciences and Politics by Perou in French Slums and Camps

In this interview with Luc Gwadzinzky, Sébastien Thiery, coordinator of the PEROU collective, explains how working with migrants and castaways helps understanding the emergent features of tomorrow’s cities, which will have to find room for all those excluded by our current metropolis. In order to displace our point of view and to develop a common perspective between migrants and locals, their work goes from site to site, generating jurisprudence based on singular cases, producing fictions and creations shared by migrants, locals and artists, documenting the incredibly resourceful wealth of hospitality and solidarity. A research program entitled the School of Situations is in preparation.

Décomposition et recombinaison à l’âge de la précarité, par

Décomposition et recombinaison à l’âge de la précarité

Cet article analyse l’« automation cognitive », c’est-à-dire l’uniformisation des procédures de perception, d’imagination et d’énonciation. La transformation digitale de l’info-travail est une condition de la précarisation finale, et l’info-travail est ainsi le point d’arrivée d’un processus d’abstraction de l’activité humaine cognitive dé-singularisée et dé-corporalisée. Le temps dé-singularisé et la cognition dé-personnalisée sont les agents ultimes du processus de valorisation : ils ne tombent pas malades, n’ont pas de revendication syndicale ni de droit politique ; ils sont là, pulsatoires et disponibles, comme une étendue cérébrale jamais hors d’atteinte. Des cellules de temps productif pré-formaté peuvent ainsi être mobilisées et recombinées grâce à la sonnerie du smartphone, qui permet d’agencer le cerveau individuel selon les flux du réseau.

Decomposition and Recombination in the Age of Precariousness

This paper analyzes « cognitive automation », i.e., the uniformization of the processes of perception, imagination and enunciation. The digital transformation of info-labor is a condition of its final precarization, as info-work is the point of arrival of a process of abstraction of human cognitive activity, after it has been de-singularized and dis-embodied. De-singularized time and de-personalized cognition are the ultimate agents in the process of valorization : they never fall sick, do not resist through trade unions nor claim political rights ; they are there available, as a cerebral openness out of reach. Cells of pre-formatted productive time can be mobilized and recombined through the tone of a smartphone, re-assembling the individual brains according to the flows in the network.

Subjectivités computationnelles et consciences appareillées, par

Subjectivités computationnelles et consciences appareillées

Cet article revient sur la notion de « subjectivité computationnelle » formulée par David M. Berry visant à développer une approche critique des technologies numériques. Afin de comprendre les implications philosophiques d’un tel rapprochement entre « subjectivation » et « computation », nous revenons tout d’abord, via Leibniz et Hannah Arendt, sur l’émergence des sciences modernes qui visent à faire du « sujet » classique une entité calculante. Nous voyons ensuite comment les sciences « comportementales » ont influencé la conception des ordinateurs en substituant à la raison humaine des modélisations rationnelles déléguées à des machines. Pour sortir de l’impasse d’une déshumanisation annoncée dès la fin des années 1970 par des auteurs comme Ivan Illich ou Gilles Deleuze, nous envisageons enfin la « subjectivation » comme un processus qui ne nécessite pas qu’il y ait sujet. Le concept d’« appareil », tel que le propose Pierre-Damien Huyghe à propos de la photographie et du cinéma, peut ainsi être étendu aux machines computationnelles pour penser de possibles « consciences appareillées ».

Computational Subjectivities and Apparatus-Consciousness

In continuation with David M. Berry’s considerations on “computational subjectivities”, this paper goes back to the emergence of modern science, via Leibniz to Arendt, questioning the attempt to see the classical “subject” as a calculating machine. After behaviorism had greatly influenced computer science, after Ivan Illich or Gilles Deleuze’s redefinition of the subject, we can now envisage processes of subjectivation without a subject. The concept of apparatus, as theorized by Pierre-Damien Huyghe’s analysis of the photographic camera, can be extended to computation and help us conceive of “apparatus-consciousness”.

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable, par

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable

La cognition algorithmique joue un rôle central dans le capitalisme contemporain. Depuis la rationalisation du travail industriel et des relations sociales jusqu’à la finance, les algorithmes fondent un nouveau mode de pensée et de contrôle. Dans cette phase du tout-machinique dans l’évolution du capitalisme numérique, il ne suffit plus de se mettre du côté de la théorie critique pour accuser la computation de réduire la pensée humaine à des opérations mécaniques. Comme le théoricien de l’information Gregory Chaitin l’a démontré ; l’incomputabilité et l’aléatoire doivent être conçus comme les conditions de bases de la computation. Si le technocapitalisme est contaminé par l’aléatoire computationnel et le chaos, la critique traditionnelle de la rationalité instrumentale doit elle aussi être remise en question : l’incomputable ne pleut plus être réduit au statut de contraire de la raison.

Instrumental Reason, Algorithmic Capitalism, and the Incomputable

Algorithmic cognition is central to today’s capitalism. From the rationalization of labor and social relations to the financial sector, algorithms are grounding a new mode of thought and control. Within the context of this all-machine phase transition of digital capitalism, it is no longer sufficient to side with the critical theory that accuses computation to be reducing human thought to mere mechanical operations. As information theorist Gregory Chaitin has demonstrated, incomputability and randomness are to be conceived as very condition of computation. If technocapitalism is infected by computational randomness and chaos, the traditional critique of instrumental rationality therefore also has to be put into question: the incomputable cannot be simply understood as being opposed to reason.

L’algorithmique a ses comportements que le comportement ne connaît pas, par

L’algorithmique a ses comportements que le comportement ne connaît pas

La présente contribution cherche à reconceptualiser certains enjeux fondamentaux du machine-learning en problématisant la question du « comportement » à l’aune de la théorie du cycle de l’image de Gilbert Simondon. En prenant au sérieux les positions théoriques et les ambitions techniques dans le domaine des algorithmes auto-apprenants, nous proposons de rendre compte de certaines transformations de l’algorithmique en la qualifiant de deux idéaux-types : mécanique et comportementale. Sans suggérer une quelconque opposition binaire, nous proposons plutôt de voir ces deux pôles comme des structurations successives, des phases d’existence qui transforment la nature du problème à résoudre, qui opèrent un passage de structure en structure. À la suite de Simondon, ce passage est requalifié de transductif, de façon à esquisser une image du comportement appelant une réinvention de nos cadres politiques et éthiques. Et si la question était : quel est le collectif qui advient, et que nous désirons voir advenir, quand nous nous comportons avec des algorithmes ?

Algorithms Have Reasons Behavior Ignores

The present contribution seeks to reconsider some of the fundamental stakes underlying machine-learning. The question of « behavior » will be problematized in light of Gilbert Simondon’s theory of the image cycle. By taking theoretical positions and technical ambi-tions in the field of machine-learning seriously, we suggest to frame the transformations of algorithmics in terms of two ideal-types: mechanical and behavioral. While taking care to avoid any binary opposition, we treat these two poles as successive structurations, phases of existence that transform the nature of the problem to be resolved, that operate a passage from one structure to another. Following Simondon, we qualify this passage as transductive so as to sketch an image of behavior that calls for a reinventing of our political and ethical frameworks. What if the question were: what collective is eventuated, or do we wish to eventuate, when we behave with algorithms?

multitudes