Archives par mot-clé : utopie

Post-scriptum sur l’esthétique relationnelle : capitalisme, schizophrénie et consensus, par

Le « Nouveau paradigme esthétique » de Félix Guattari se trouve réorienté par les tenants d’une esthétique relationnelle « Vers une politique des formes » qui fait dépendre la réhumanisation esthétique de la postmodernité de la dé-potentialisation et de la re-stylisation de l’art comme expérience politique « transversaliste » des années contestataires. La transversalité dissensuelle des nouvelles pratiques micropolitiques et micro-sociales qui focalisait l’activité artistique sur « la mise à jour d’une néguentropie au sein de la banalité de l’environnement » s’en trouve rabattue sur une mise en récit consensuelle post-produite pour ce théâtre trans-media de la petite forme auquel donne lieu l’espace relationnellement revisité de l’exposition.

Félix Guattari’s « New aesthetic paradigm » finds itself reoriented by the promoters of relational aesthetics « Towards a politics of forms » which makes the aesthetic re-humanization of postmodernity dependent upon the de-potentialization and re-stylisation of art as a « transversalist » political experience. The type of transversality practiced by micropolitics, based on dissensus and focalizing artistic activities on « revealing negentropy in the banality of our environment » thus finds itself reduced to a consensual narrative, post-produced for the trans-mediatic theater of the exhibition.

Le monstre politique – Vie nue et puissance, par et

The Many-Headed Hydra, par et

Cet article est la traduction de l’Introduction du livre, L’hydre aux mille têtes. L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire, à paraître aux Éd. Amsterdam en 2008. Il s’agit de l’exploration historique de la classe multi-ethnique qui forma la main-d’œuvre bon marché ayant permis l’avènement du capitalisme et de l’économie moderne transatlantique, puis mondialisée, à partir du début du XVIIe siècle. Une «foule bigarrée» (motley crowd) constituée de marchands, d’esclaves, de pirates, de travailleurs, de femmes, de soldats, de criminels déportés, de radicaux religieux, etc., développa des formes de résistance et de coopération afin de se soustraire à une exploitation forcenée (exploitation d’une main-d’œuvre dans une configuration productive qui est déjà mondialisée). Les auteurs racontent l’histoire du rôle de ces dépossédés du monde moderne, et de leur lutte pour la liberté.

This article is the introduction of the volume The Many-Headed Hydra. The Hidden History of the Revolutionary Atlantic, to be published by Amsterdam, a historical investigation of the multi-ethnique class which formed the cheap workforce which made possible the rising of capitalism and of modern transatlantic (and eventually global) economy, since the beginning of 17th century. A motley crowd made by merchants, pirates, workers, women, soldiers, convicted criminals, religious radicals, etc. developed forms of resistence and mutual cooperations, in order to escape the deep exploitation of the workforce, taking place in an economy already globalised. The authors tell the story of the role played by these wretched of modern world and of their fight for liberty.

La monnaie et la finance globale, par

Les différentes réformes institutionnelles qui, depuis la fin des années 1970, ont conduit à une « privatisation de la monnaie » ont été l’une des assises principales sur lesquelles a été bâti le pouvoir de la finance et, dans le même temps, la déstabilisation du Welfare. À cet égard, un tournant essentiel a été l’institutionnalisation de la soi-disant autonomie des banques centrales. L’une des mesures phares de cette réforme fut la coupure du « cordon ombilical » qui, dans le mode de régulation keynésien, liait le trésor public à la banque centrale, ce qui permettait de financer par création monétaire le déficit du budget de l’État et, sous la poussée des conflits, l’expansion des dépenses sociales et du salaire socialisé. En ce sens, l’affirmation de l’autonomie de la banque centrale par rapport au pouvoir politique a été aussi, et surtout, un changement institutionnel effectué dans le but de soustraire la création monétaire à la pression des conflits sociaux, et par là, de la subordonner progressivement à la logique de la rente et de l’accumulation financière. Ce n’est pas un hasard si, à la suite de l’interdiction de financer le déficit par émission monétaire, la pierre angulaire de la première phase de la financiarisation a justement reposé sur la titrisation de la dette publique, c’est-à-dire sur l’adjudication des bons du Trésor sur un marché libéralisé. Le résultat en est non la réduction mais la croissance exceptionnelle de la dette publique et des revenus rentiers. Dans le même temps, le service de la dette représente désormais l’un des principaux postes de dépenses de l’État et son poids « excessif » est souvent invoqué pour stigmatiser les gaspillages et donc le « nécessaire » démantèlement de l’État-providence. C’est toujours dans ce contexte que l’objectif principal de la politique monétaire devient la stabilité des prix et la garantie des revenus rentiers, alors que les bulles spéculatives constituent désormais la forme essentielle et nouvelle de l’inflation dans les pays développés. De plus, pour soutenir la demande malgré le creusement des inégalités et la déstabilisation des garanties du Welfare, le deficit spending public de type keynésien a été remplacé par une sorte de deficit spending privé, incitant, comme dans le cas exemplaire des subprimes, à un formidable endettement des ménages. Cette évolution signifie aussi que nous passons de plus en plus, comme pour le droit au logement, d’une logique fondée sur des droits de propriété sociale, à une logique de droits de propriété privés, soumis aux cycles d’accumulation du capital. Pour inverser cette spirale, un processus de resocialisation de la monnaie (impliquant la remise en cause du statut d’autonomie de la Banque centrale) se présente ainsi, conjointement à une réforme fiscale radicale, comme l’un des piliers d’un projet de société capable de s’attaquer au pouvoir de la rente et de permettre la mise en place d’un revenu social garanti.

The various institutional reforms which have led since the end of the 70s to the « privatisation of currency » have formed the main base on which the subsequent power of (international) finance has been built, and, concurently, the dismantling of Welfare could take place. Core of this was the so-called autonomy of central banks, as their « umbilical cord » to national treasuries was severed. From then on, deficit financing and « keynesian » social expenditures became near-impossible. Emphasizing the autonomy of central banks from politics was mostly an institutional mutation meant to free monetary policies from social pressure and make it totally subordinate to rent creation and financial accumulation. No wonder then that « securitisation » of the public debt closely followed on the prohibition to deficit financing social expenditures. And then the outcome was not a reduction, but an explosion of public debt! And as debt servicing becomes a principal item on the budget, the « excessive costs » of welfare provisions is blamed, and a further break-down of social services is called for. It is in the same vein that price inflation is controlled, but assets inflation and speculative bubbles dominate « developped » economies. Meanwhile, in order to compensate for increasing income inequalities and diminishing welfare benefits, an exacerbated form of « private households deficit spending »has come into its own, as witnessed by the subprime crisis and mounting credit card defaults. So we are moving from an entitlements-based provision of social goods (housing, education, health etc) to one based on the pure logic of capital and its cycles. The only way out lies in the resocialisation of currency (and an end to the « independence » of central banks), profound fiscal reforms, the demise of rent-seeking, and the institution of an universal « basic income ».

La géopolitique do-it-yourself, ou la carte du monde à l’envers, par

Le rire comme arme chez Joe Orton, par

Cet article vise à présenter et interpréter l’œuvre dramatique de Joe Orton, auteur anglais des années 1960 qui parvint à la notoriété par le contenu violent et obscène de ses pièces, son homosexualité affichée et sa mort brutale des mains de son amant. Le travail d’Orton est un condensé dramaturgique de thèmes caractéristiques du « matérialisme » anticipés dans les philosophies de Machiavel et de Spinoza, mais trouvant leur expression la plus aboutie dans la pensée deleuzienne : l’immanence radicale du politique ; la critique de l’identité et des concepts cliniques de la folie ; la force anarchique et impersonnelle du désir sexuel. Orton atteint ce but au moyen d’une expérimentation comique à partir du langage et d’une radicalisation de la farce (comédie), qui produit une rire à la fois destructif et affirmatif : il détruit les barrières artificielles de la raison (y compris la frontière entre l’artificiel et le naturel) et affirme ce processus de destruction ainsi que le désir pré-subjectif par lequel il s’accomplit.

This paper is a brief introduction to and interpretation of the work of Joe Orton, an English playwright of the 1960s who achieved notoriety through the violent and obscene content of his plays, his scandalous homosexual lifestyle and brutal death at the hands of his lover. Orton’s work is presented as a dramatic exemplification of distinctive themes pertaining to a radically materialistic strain in philosophy anticipated in Machiavelli and Spinoza but finding its fullest expression in Deleuze’s thought : the radical immanence of the political, the critique of self-identity and clinical concepts of madness, and the anarchic and impersonal force of sexual desire. Orton achieves this aim through comic experimentation with language and a radicalisation of farce that serve to produce a laughter that is both destructive and affirmative : destructive of the boundaries artificially erected by reason (including the boundary between the artificial and the natural), and affirmative of this process of destruction and the pre-subjective desire through which it is accomplished.

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