Majeure 7. Après Gênes, après New York

Nous sommes allés à Gênes, nous désertons leur guerre

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Entretien avec Antonella Corsani et Giuseppe CoccoGênes, un événement extraordinaire. Réseau des réseaux, liens entre différences autour d’objectifs radicaux partagés : l’illégitimité du G8, la désobéissance civile etc. Les multitudes en conflit ouvert contre le pouvoir de l’Empire ont été confrontées au Souverain global, à l’exercice nu et brutal de la force. Mais au-delà des sommets et de leur portée symbolique, les Multitudes sont aujourd’hui appelées à se confronter à l’ensemble de la production et à l’expropriation de la richesse sociale. Un saut s’impose : de la désobéissance civile à la désobéissance sociale. Mais le 11 septembre change l’horizon. Manathan c’est la fin de toutes les ambiguïtés et c’est le début de la Guerre Globale Permanente nécessaire à la reproduction du pouvoir à l’ère de la globalisation. La désobéissance sociale doit être alors désobéissance à un Empire de guerre, la désertion.Multitudes : Un des aspects les plus intéressants de l’expérience des Tute Bianche, c’est qu’elle a su éviter le piège des oppositions “violents/non violents”, “révolutionnaires/réformistes”, “institutionnels/anti-institutionnels”, etc., par lesquelles, à gauche comme à droite, on continue à vouloir interpréter Gênes. Comment cette expérience a-t-elle été vécue, pensée et pratiquée ?

L.C & G.C. : Malgré ses conséquences tragiques, malgré la charge de violence déployée par le pouvoir contre le mouvement, Gênes a été un événement extraordinaire. Dans nos discussions vénitiennes du mois de janvier où, sur le court terme, nous avions défini nos trois étapes dans la marche contre le néolibéralisme (caravane zapatiste au Mexique, consultation sur Gênes, mobilisation contre le G8), nous avions caractérisé les journées de juillet comme notre “aurore-ment”, comme notre “soulèv-action”. Ce fut bien le cas : pas seulement une mobilisation, si grande soit elle, contre un énième sommet de l’empire, mais d’abord une “mouv-action”, un parcours politique, un laboratoire social d’expérimentation et de définition qui est parvenu à nous mettre nous aussi en question, et pas seulement le G8. Avec toutes les caractéristiques d’un mouvement constituant, qui a produit un changement irréversible dans l’histoire politique italienne et peut-être dans celle des mouvements européens. Cette capacité à développer un “réseau des réseaux” et non une simple coordination de groupes et de groupuscules, à unir d’innombrables différences autour d’objectifs radicaux (l’illégitimité absolue du G8, et non la simple contestation, la désobéissance et non la protestation comme simple témoignage), à lier indissolublement “conflit et consensus” (par des formes de lutte radicales où l’on réussissait transmettre à beaucoup d’autres gens ses propres sentiments, à convaincre beaucoup d’autres gens de ses propres raisons, de ses raisons profondes), à mettre en pratique une sorte de “guérilla de la communication” qui nous a notamment permis d’utiliser les médias officiels pour nous adresser à la terre entière (avec toutes les limites et les contradictions que cela impliquait, mais nous restons convaincus que le jeu en valait la peine), à poursuivre l’expérience du Genoa Social Forum jusque dans les moments les plus durs de la répression (aucune dissociation interne après les affrontements) : voilà les résultats et ce sont, croyons-nous, de grands résultats ; ainsi, last but not least, le niveau de pénétration sociale atteint par ce mouvement et le nombre de personnes qu’il a réussi à atteindre et à mobiliser. Nous le disons sans aucun triomphalisme, d’autant plus que toutes les horreurs imaginables se sont produites, qu’un de nos camarades, un de nos frères, a été tué, il y a eu d’innombrables blessés, beaucoup ont été marqués à vie. Mais tout cela, croyons-nous, a justement découlé de la “puissance” déployée par ce mouvement. Penser les événements de juillet après la “table rase” est devenu paradoxalement plus facile. Et d’abord parce qu’il est nécessaire de penser Gênes en dehors de l’espace politique “national”, de le penser plutôt comme une initiative de guerre préventive – strictement interne à la logique impériale -, comme un petit exemple de “guerre de basse intensité”, avec toutes les caractéristiques du modèle déjà expérimenté en Amérique latine dans les années quatre vingt et quatre vingt dix.
Le changement de nature des Sommets, depuis Seattle, est maintenant accompli : ces lieux de la représentations “harmonieuse” du pouvoir impérial (dans ses composantes monarchiques et oligarchiques) se sont transformés, pour parler comme Carl Schmitt, en autant de lieux de l'”état d’exception”, de gestion militaire de la “force nue”, d’exercice nu et brutal de la force. Gênes a été le point d’accumulation de ce processus, le point d’arrivée, le point d’application d’une sorte de Polizeiwissenschaft globale combinant l’ensemble des éléments de connaissance apparus depuis Seattle pour en faire ceux d’une contre-offensive (politico-militaire) “finalement” consciente de la puissance de la multitude en mouvement et de ses limites. Les exemples précédents de Prague, de Québec et de Göteborg ont été les moments d’un processus de croissance du mouvement, de maturation de ses contenus et de sédimentation de sa subjectivité : les pouvoirs globaux ne pouvaient contempler impassibles cette éruption volcanique.
Pour le dire en un mot, ce qui s’est passé à Gênes ne concerne pas seulement le gouvernement italien, mais le Souverain global. Ceux qui, comme Scalzone, nous avaient invités à ne pas aller à Gênes, auraient dû reconnaître sincèrement qu’ils n’avaient rien compris à rien. Nous sommes allés à Gênes, nous avons fait ce qui nous semblait juste, et nous l’avons fait en partageant cette aventure avec beaucoup d’autres, très différents de nous. Nous avons commis beaucoup d’erreurs, comme on le dit toujours après coup…un “professionnel” de la révolution jamais accomplie, nous fustige pour cela ! Mais nous sommes allés à Gênes, nous y étions. Nous l’avons construit avec tant d’autres personnes ! Et le reste n’a pas d’importance. Les mots ne comptent pas. Peu importe les braillements des gardiens du temple, des chevaliers du politiquement correct. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent : nous avons autre chose à faire.

Multitudes : Il nous semble également que cette expérience dessine de nouveaux contours de la figure du “militant” et de l'”organisation”. Comment la préparation et l’organisation de Gênes ont elles fonctionné pratiquement ? Comment l’assemblée du stade Carlini, comment les rapports avec Agnoletto[[Agnoletto est le porte-parole du Genoa Social Forum. et les autres composantes du mouvement ont ils fonctionné ? Luca disait que là, “multitude” ne fut pas seulement un mot. En avez vous tiré des enseignements quant à la méthode politique et quant à l’organisation ? Pourquoi vous êtes vous dissous à Gênes ? Pourquoi tenez vous pour achevée l’ expérience des Tute Bianche ? Que veut dire passer de la “désobéissance civile” à la “désobéissance sociale” ?

L.C & B.C. : Les Tute Bianche n’ont jamais voulu être une organisation, au sens traditionnel du terme, sous la forme d’un mouvement politique organisé, d’un groupe ou, encore moins, d’un parti ou d’un syndicat. Nous avons suivi la voie de la processualité sociale, et voici la définition que nous avons donné de nous mêmes : “un réseau organisé qui n’est pas une organisation”. Tout le monde pouvait, et peut revêtir une Tuta Bianca, au titre de référence symbolique à certaines idées-forces et à leur pratique sociale. L’expérience des Tute Bianche, assurément, a eu le mérite de restituer au conflit dignité et légitimité, de montrer qu’il était possible et praticable sous une forme ni destructrice ni autodestructrice, et qu’il pouvait parfois même produire des résultats immédiatement visibles. Notre objectif était la construction d’un parcours social, et c’est au moment même où celui-ci s’est déterminé à travers la multitude que nous avons décidé de ne plus mettre la Tuta Bianca, car nous voulions être dans la multitude, nous voulions être multitude. Assurément, comme l’écrit Wu Ming “nous avons évoqué les multitudes – elles sont arrivées”. Comment leur donner tort ? Mais les multitudes ne sont pas les convives d’un dîner de gala, ni une armée de combattants plus ou moins disciplinée. Elles sont bien plutôt un amas de contradictions, une stratification d'”ancien” et de “nouveau”. Vivre joyeusement, aimer le multiple, ce n’est pas du tout renoncer à en voir les aspects les moins “plaisants”. Les Tute Bianche, aujourd’hui, ont rempli leur tâche, car elles ont atteint le but qu’elles s’étaient initialement fixées en automne 1998 : introduire dans la théorie et dans la pratique les concepts de réseau, de multitude, de “désobéissance civile” comme rapport constructif de conflit et de consensus, introduire l’usage de la communication comme agir politique, la création de réseaux comme préfiguration de rapports sociaux différents, introduire un “faire société” en conflit ouvert avec le pouvoir de l’Empire. Nous croyons avoir en grande partie réussi, tout au long du chemin qui nous a menés à Gênes, et pendant la traversée de cet enfer. Il y a encore beaucoup à faire, mais rien, assurément, n’est plus comme avant.
Prenons le Genoa Social Forum : il y a les catholiques et nous, il y a l’Arci et les Cobas, le Réseau Lilliput, Dropt the debt et la Fiom : c’est un puissant mélange. Nous avons agi comme un centre d’impulsion parmi d’autres, sans viser l’hégémonie, en indiquant tout au plus des priorités et en nous battant pour elles. Après l’été, l’état de crise de l’ensemble des composantes du GSF a été décrété dans les faits. Mais cela n’a pas entraîné de paralysie : plutôt le constat des limites de nos analyses, de nos perspectives et de notre agenda politique. Des forum sociaux se sont formés dans toutes les villes, et c’est très positif. Des alliances nouvelles, et parfois imprévues, se sont formées, et c’est fondamental. Même si nous préférons penser non pas à des alliances, mais à un nouveau processus social où le mouvement deviendrait un pôle d’attraction pour des figures et des réalités sociales qui en sont éloignées. Pensons à ce qui est arrivé à Gênes avec les juristes et les volontaires des professions de santé. Des avocats démocrates, bien sûr, mais loin des positions du GSF, qui discutent entre eux, et décident de mettre un T-shirt “association des juristes démocrates” et de rester dans la rue. Qui s’engueulent avec les autres avocats de Gênes et, après la bataille, sont une bonne centaine et font signer à l'”Union des chambres pénales” un document sévère sur les pratiques gouvernementales. Ou encore les infirmiers et les médecins qui secourent les blessés et sont à leur tour frappés par les forces de l’ordre. Deux exemples positifs de réseaux qui se constituent parce qu’ils sont attirés par les thèmes du mouvement. Et le font à partir de leur travail spécifique, qu’ils mettent à la disposition du mouvement. Beaucoup prévoient qu’à l’automne s’ouvrira une phase délicate de l’affrontement social. Pour les métallurgistes qui voient la signature d’un contrat humiliant par la Cisl et la Uil, tandis que la Fiom appelle à une grève générale. Pour les écoles et les universités transformées en entreprises, pour les hôpitaux qui traitent la santé comme une marchandise… C’est dans un tel contexte que nous posons la question du saut de la “désobéissance civile” à la “désobéissance sociale” : le peuple de Gênes dont la composition, nouvelle et jeune, précaire et migrante, féminine, est tout simplement celle du travail intellectuel de masse, sur lequel nous nous épuisions depuis des années dans nos discours théoriques. Ce peuple est aujourd’hui appelé à se confronter à l’ensemble des dimensions de la production et de l’expropriation de la richesse sociale, non plus simplement à l’événement symbolique des sommets et des contre-sommets, mais ici et maintenant, tous les jours, sur l’ensemble du territoire.
Il a été évident qu’il nous fallait repartir de ce que nous avons appelé ” le “laboratoire Carlini”. Expérience intense qui nous a beaucoup appris. Par exemple à construire un espace public où “multitude” n’est pas un bon mot, mais la construction politique partagée des “désobéissants”, bien au delà des Tute Bianche. Il s’agit ici d’étendre et d’approfondir ce concept et ces pratiques, en termes à la fois sociaux et territoriaux.

Multitudes : Venons en au mouvement des mouvements après les attentats contre les Twin Towers. Qu’y a-t-il de changé depuis le 11 septembre ?

L.C. & G.C. : C’est l’horizon qui a changé. Ce qui est arrivé le 11 septembre 2001 en Amérique est une horrible tragédie. Un massacre est toujours un massacre , rien d’autre qu’un massacre, il ne faut pas cesser de le dire. Il n’y a pas de “si”, il n’y a pas de “mais” à rajouter. C’est une prémisse que nous devrons désormais porter en nous, et sans doute pour longtemps. Parce que, tout simplement, il y a eu l’écroulement de ces deux tours jumelles : non pas une attaque venue de l’extérieur, mais l’implosion du modèle néolibéral de relations économiques et sociales régissant la planète. Parce que tout cela s’est passé à New York, au cœur de ce qu’en termes globaux nous appelons l’Empire : the Empire has collapsed. Au cœur de cette modernité qu’aujourd’hui, en temps de guerre, on cherche à étiqueter comme une “civilisation” opposée à une autre. Mais en temps de guerre, on le sait, la propagande est déterminante. Tout massacre pour nous, depuis longtemps, est quelque chose d’horrible. Partout sur la planète et quelle qu’en soit la cause. Les bombardements “humanitaires” comme le génocide par la faim. Mais ce qu’il y a aujourd’hui sur et sous les décombres, dans cette fumée acre et blanche où est plongé Manhattan, tout cela ne nous empêche pas de voir, et de voir encore mieux ce que depuis Seattle et depuis le Chiapas, ce que de Prague à Gênes nous avions imaginé : l’Empire, et les monstruosités qui croissent en lui et explosent à la face de l’humanité. Ce qui a eu lieu à Manhattan, c’est la fin de toutes les ambiguïtés, c’est la fin de tout lien avec les paradigmes du passé, ceux qui ont défini pendant un siècle la domination sur la planète. C’est la fin des États-nations, c’est la fin de l’impérialisme américain, c’est la fin de la guerre que nous avions connue, c’est la fin de la “société ouverte”, c’est la fin de la globalisation “à visage humain”. C’est la Guerre Globale Permanente qui commence, avec pour acteurs principaux les corporations de la sécurité planétaire. C’est la fin du concept même de citoyenneté et le commencement de celui d’armée globale : qui n’est pas un soldat ne peut plus être un citoyen.
Nous avions défini l’Empire comme la tendance qui, au sein de la globalisation, s’annonçait à la fois comme la plus nécessaire et la plus efficace. On n’a jamais vu de marché sans gouvernement, et pour gouverner cette planète et le nouveau mécanisme de valorisation capitaliste, des dimensions nouvelles ont pris forme, qui dépassaient la crise des États-nations. Il y a tout de même quelque chose dont nous n’avions pas beaucoup parlé, et nous l’avons payé à Gênes : la guerre comme caractéristique structurelle de l’Empire. D’un Empire qui n’est pas l’Amérique, qui est bien plus que l’Amérique et s’étend bien au-delà. L’Empire, c’est aussi la Bank of America qui tient les comptes de Ben Laden, c’est le Pakistan qui valorise l’opium avec la Central Bank, c’est la Taba Inc. qui vend toutes ces actions à Wall Street quelques heures avant l’attaque contre les tours, c’est Mc Donald et Mc Donnel Douglas, c’est la bombe atomique de l’Inde, c’est le régime des Talibans avec ses armes américaines… C’est la Cia et la Charia, tout cela mélangé. Telle est sa “constitution mixte”. “Nous sommes tous américains”, ont tout de suite titré les journaux au lendemain de la tragédie. Mais ce qui a plutôt été démontré, c’est que plus personne n’est américain, pas plus qu’italien ou afghan. Ce n’est pas un hasard si les simplifications inhérentes à la propagande guerrière l’ont amené à cibler non pas les “nationalités”, mais les “civilisations”, à tenter de croiser politique et religions. Et c’est ainsi que la guerre est devenue “sainte” et inévitable. Bush parle d'”extirper le mal” dans les mêmes termes qu’Omar, le chef des Talibans. Et tous les deux, en fin de compte, servent la même cause. Celle de la guerre permanente nécessaire à la reproduction du pouvoir à l’ère de la globalisation. L’Otan n’est plus la “police internationale” que nous avions connue lors de la guerre du Golfe et celle du Kosovo, c’est une “corporation”, c’est une multinationale dont on pourra bientôt acheter les actions à Francfort aussi bien qu’à Wall Street. Tout comme les autres “corporations” de la terreur, alimentées par des pétrodollars qui circulent dans les mêmes bourses. La Guerre est désormais “privée” et, comme les autres, cette privatisation détruit ce qui est public. C’est bien ce qu’ils veulent : décisions et valeurs ne doivent plus jamais avoir la moindre dimension publique. Il y a la guerre, élément stable, et l’on achète au coup par coup. Les morts et les carnages font partie des “inconvénients” de la globalisation évoqués par Berlusconi pour parler de la faim dans le monde et du Sida.
C’est ici qu’il devient nécessaire de décliner autrement la “désobéissance sociale”, de lui donner une désinence nouvelle : celle de la désobéissance à l’Empire de la guerre, de la soustraction à la logique même de la guerre : celle de la désertion. En temps de guerre, la désertion est punie de morts, et bien des commentateurs autorisés nous traitent déjà de collaborateurs ou, pire, de complices de l’ennemi. Nous devrons combattre pour la démocratie et contre l’Empire, contre ses carnages. Ce ne sera pas facile. Mais, pour parler comme Martin Luther King, c’est la seule façon de ne pas être englouti dans des ténèbres où ne parviendrait plus la lueur des étoiles. Nous devrons remodeler nos objectifs, être capables de construire la résistance à la Guerre permanente, et nous devrons le faire en pensant à l’humanité, aux multitudes, à leur désir d’égalité et de justice. Nous sommes en colère contre Bush et contre Ben Laden : contre les deux. Ils éclateront de rire, déploieront leurs drapeaux, chanteront leurs hymnes nationaux. Ils nous cracheront au visage, ils nous accuseront d’être des terroristes, mais nous devons continuer. Nous devons nous battre contre la peine de mort, contre le pouvoir extravagant des corporations, contre les transgéniques et pour les droits globaux. Nous devons continuer à proclamer l’illégitimité du G8 et de sa logique, de l’OMC et du FMI. Nous devons le faire et nous voulons le faire. Nous devons et nous voulons déserter. Car, comme le disait Marcos, cette lutte n’est plus la “lutte de classes”. C’est une lutte pour le salut de l’humanité dans un monde où il n’y a plus de place pour elle.

3 Novembre 2001.

Texte traduit de l’italien par Antonella Corsani et François Matheron.