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Externalités africaines, par et

Externalités africaines
Cet article d’ouverture donne les clés de la métaphore de l’externalité qui résume les formes et forces de la réinvention de l’Afrique contemporaine. Elle s’élabore par des techniques politiques, financières, juridiques, numériques, socio-culturelles particulières, innovantes ou régressives, qui relèvent tout à la fois de la sédimentation historique et de la projection dans le futur. L’extraction coloniale, l’extraversion mondiale riment avec le désir d’externalité des multitudes africaines pour se projeter vers l’extérieur, pour s’exiler vers l’ailleurs et l’au-delà et pour conquérir l’autonomie, l’émancipation et la liberté. Alors le politique devient en Afrique un champ d’expérimentation où se mêlent douloureusement l’imaginaire et le concret, la mémoire et le progrès, le local et le transnational, l’État et le coutumier, le pré-colonial et le numérique.

African Externalities
This introductory article provides the keys to the metaphor of externality which summarizes the forms and forces of reinvention in contemporary Africa. This reinvention comes through political, financial, judicial, digital and socio-cultural techniques, innovating or regressive, which simultaneously illustrate historical sedimentations and projections in the future. Colonial extraction and global extraversion accompany a desire for externality among African multitudes eager to project themselves outwards, in direction of exile, to coquer autonomy, emancipation and freedom. In Africa, politics becomes a field of experimentation where the imaginary and concrete reality, the local and the transnational, the State and common law, the pre-colonial and the digital painfully intermingle.

Précarité africaine, par

Précarité africaine
Pour une généalogie et une critique
La norme du travail salarié à plein temps n’a jamais réussi à s’imposer en Afrique, pas plus que l’éthique du consumérisme fondée sur l’épargne à long terme. Elle sert pourtant de référence aux projections économiques des leaders nationalistes et aux gouvernements postcoloniaux, ainsi qu’aux politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale. Il en résulte un maintien des modalités d’exploitation coloniale et une incapacité à proposer une vision de l’économie originale, fondée sur les réalités du continent. La précarité représente de ce point de vue une modalité de résistance, une fuite potentiellement émancipatrice. Cependant, la récente théorisation de la précarité en Europe échoue à proposer un modèle alternatif parce qu’elle s’ancre dans l’impératif du travail. Seuls les discours religieux autorisent d’autres représentations et ils sont dès lors largement mobilisés en Afrique.

African Precariousness
For a Genealogy and a Critique
The norm of full-time wage labor never imposed itself on Africa, nor did a consumer esthics based on long-term savings. It remains nevertheless as the main reference within economic projections of African political leaders, postcolonial governments and structural adjustment policies promoted by the World Bank. The result is a continuation of colonial modes of exploitation and an incapacity to envisage a vision of economics truthful to African realities. Precariousness can thus be seen as a mode of resistance, a potentially emancipatory line of flight. However, the European theorizations of precariousness fail to propose a truly alternative model, since they hang on to the imperative of wage labor. Only religious discourses foster alternative representations, and they are massively mobilized in Africa.

La logique de Nuremberg ne s’applique pas à l’Afrique, par

La logique de Nuremberg ne s’applique pas en Afrique
Au sortir de la Deuxième guerre mondiale, les vainqueurs ont voulu punir les responsables de l’Holocauste et s’assurer par là du non-retour des violences de masse. Les procès se tenaient au nom des victimes mais celles-ci s’étaient vu donner un territoire propre, Israël, où elles pouvaient se tenir à l’écart de leurs bourreaux. En Afrique, les puissances occidentales ont prétendu tenir le même discours avec la Cour pénale internationale, mais elles attaquaient en même temps militairement ce qui restait des milices armées. Surtout, victimes et bourreaux furent condamnés à continuer de vivre ensemble, à reconnaître leurs fautes et à aménager leurs droits et devoirs respectifs, ce à quoi s’est consacré la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA) avant même la libération de Mandela, la fin officielle de l’Apartheid et la mise en place de la Commission de Vérité et de Réconciliation. Elle eut donc un rôle politique pionnier.
The Logic of Nuremberg Does Not Apply in Africa
The nations who won World War II made sure the perpetrators of the Holocaust would be punished and their victims protected, and given a voice during a trial. A safe and distant territory, Israel, was provided so that they could escape their oppressors. In Africa, the West pretended to do the same with the International Court of Justice, while they were attacking what was left of the armed militias. But victims and perpetrators were bound to live together, to acknowledge their crimes, to devise duties and rights, as hammered out by the Convention for a Democratic South Africa (CODESA) even before the freeing of Nelson Mandela, before the end of apartheid and before the Truth and Reconciliation Commission. It played a truly pioneering political rôle.

Le stade esthétique de la production / consommation et la révolution du temps choisi, par

Le stade esthétique de la production /consommation et la révolution du temps choisi
À partir d’une relecture de quelques textes de Jean Baudrillard, l’article retrace les étapes de l’élargissement du paradigme du travail au temps prétendument « libre » des loisirs, devenu un pilier essentiel de l’économie contemporaine et du « capitalisme artiste ». Après une discussion de L’esthétisation du monde de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, la lecture d’André Gorz permet d’envisager une sortie des paradoxes et de l’appauvrissement de l’expérience entraînés par le lien indissociable entre « temps de travail » et « temps des loisirs » (tous les deux contraints), dans la perspective utopique (mais désormais concrètement réalisable) d’une « révolution du temps choisi ».

The Aesthetical Stage of Production /Consumption and the Revolution of Chosen Time
Starting from a re-reading of some of Jean Baudrillard’s texts, the paper redraws the stages of the extension of paradigm of the work to the allegedly “free” time of leisure activities, which is becoming an essential pillar of the contemporary economy and of “artist capitalism”. After a discussion of Gilles Lipovetsky and Jean Serroy’s “Aesthetization of the World”, a reading of André Gorz’s work allows us to envisage an exit of the paradoxes and impoverishment of the experience pulled by the inseparable link between “working time” and “leisure time”, in the utopian prospect (but from now on concretely achievable) of a “revolution of chosen time”.

Les politiques publiques locales à l’épreuve des disjonctions temporelles, par

Les politiques publiques locales à l’épreuve des disjonctions temporelles
Cette contribution analyse le décalage croissant entre la montée des désynchronisations temporelles en France et la faible prise en compte de ce phénomène au sein des politiques publiques locales. Quelques données statistiques soulignent l’aggravation des inégalités entre individus pour maîtriser les rythmes individuels et collectifs engendrés par l’accélération des activités professionnelles et personnelles. L’article analyse ce décalage sous deux angles : d’une part, une insuffisante prise en compte des « espaces-temps » dilatés par le monde politique ; d’autre part, une insuffisante prise en compte des propositions des citoyens qui, en s’appuyant sur leurs capacités d’articulation des usages quotidiens de leurs territoires, peuvent enrichir des politiques locales en s’appuyant sur des interfaces tels que les Bureaux des Temps.

Local Public Policies Put to the Test of Temporal Disjunctions
This paper analyzes the increasing discrepancy between the higher levels of desynchronization observed across France and the insufficient responses to this phenomenon at the level of local public policies. Statistical data stress the worsening of inequalities when dealing with the collective and individual rhythms generated by the acceleration of professional and personal activities. The paper analyzes this discrepancy from two points of view : first, an insufficient taking into account of the dilated “spaces-times” on the part of political agents ; then, the insufficient taking into account of propositions made by the people themselves who based on their daily use of their territory, can improve local policies with interfaces such as the Offices of Time.

La Nouvelle-Calédonie fantôme, par

La Nouvelle-Calédonie fantôme
La Nouvelle-Calédonie se présente comme un territoire hétérogène marqué par le déploiement de contre-emplacements disciplinaires tels que le bagne, la réserve et la mine. Le présent article entend retrouver, à travers la formation de ces hétérotopies, ce qui module les identités, corrélativement au rapport à la terre, par le jeu insidieux des normes disciplinaires et régulatrices. Par-delà l’ethnologie qui s’attache à rendre compte de la primitivité du peuple kanak, on propose ici une mise à plat des préjugés, en revenant à la formation des identités colonisées. Le kanak n’est pas le contemporain de l’européen. C’est là une asymétrie temporelle qui s’apparie à une asymétrie spatiale pour dominer un peuple d’insoumis et lui prêter les traits du sauvage et du délinquant. Ce peuple et son territoire n’ont pas à être émancipés par la voie de la « modernisation » : ils appartiennent au présent et à l’avenir, n’en déplaise à ses détracteurs.

Ghostly New Caledonia
New Caledonia is a heterogeneous territory haunted by disciplinary counter-spaces like the penal colony, the reservation and the mine. This article attempts to retrieve, through such heterotopias, that which modulates identities, in correlation with the land, through the insidious play of disciplinary and regulating norms. An ethnological approach of the “primitiveness” of the Kanak people fights prejudices by revisiting colonized identities. The Kanak is not contemporaneous of the European. This temporary asymmetry parallels a spatial asymmetry staged to dominate this unsubjugated people in order to portray it as savage and delinquent. This people and its territory do not need to be emancipated by modernization; they belong to the present and the past, like it or not.

Politiser la jeunesse kanak, par

Existe-t-il des territoires kanak ?, par

Existe-t-il des territoires kanak ?
Depuis plusieurs décennies, la relation fusionnelle des Kanaks avec leur terre ancestrale a été mise en lumière par les sciences humaines. Mais s’agit-il pour autant de territoires, définis d’un point de vue occidental comme des espaces agis, appropriés et délimités par des frontières ? Dans la culture et les langues kanak, le terme de territoire n’existe pas selon cette acception. De la période pré-coloniale, où ils étaient apparentés à un réseau de lieux, de chemins et de géosymboles, jusqu’à la période coloniale, où l’administration a voulu les transformer en réserves, les territoires kanak ont subi de profondes recompositions, qui rendent nécessaires de nouveaux outils conceptuels : ceux de territorialité et de territorialisation.

Are There Such Things as Kanak Territories ?
Social sciences have studied for many decades the fusional relation Kanak people maintain with their ancestral land. But is it really accurate to talk about “territories”, in the Western definition of spaces structured, appropriated and limited by borders ? In the Kanak culture and languages, there is no word to designate territories according to this definition. From the pre-colonial period, when they were perceived as networks of places, paths and geosymbols, to the colonial times, where the Western administration attempted to transform them into reservations, Kanak territories have gone through major recompositions, which call for new concepts, like territoriality and territorialization.

Prévention, dissuasion, préemption. Changements de logiques de la menace, par

Prévention, dissuasion, préemption
Changements de logiques de la menace
Après avoir distingué trois types de stratégies visant à neutraliser une menace – la prévention, la dissuasion, la préemption – Brian Massumi analyse le fonctionnement et les implications de cette dernière, dans la façon dont l’administration de G.W. Bush l’a théorisée et implémentée dans sa « guerre contre le terrorisme ». À la fois épistémologie et ontologie à tendance auto-propulsive, la préemption est une logique opératoire du pouvoir qui définit notre époque politique de manière aussi insidieusement infiltrante et infiniment extensive que la logique de la « dissuasion » qui a défini l’époque de la Guerre froide. Cette analyse est de la plus grande actualité pour comprendre à quoi nous engagent les politiques menées désormais en France et en Europe au nom de la même « guerre contre le terrorisme ».

Prevention, Deterrence, Preemption
Transformations
in the Logics of Threat
After distinguishing three different strategies aiming at neutralizing threats—prevention, deterrence, preemption—Brian Massumi analyses the latter in its theorization and implementation during the G.W. Bush era. Both an epistemology and an ontology endowed with a self-propelling tendency, preemption is an operative logic of power defining a political epoch in as infinitely space-filling and insidiously infiltrating a way as the logic of deterrence defined the Cold War era. Such an analysis is extremely timely in order to understand the implications of the “War on Terror” currently waged by the French and many other European governments.

Effets disciplinaires du dossier informatisé dans l’accompagnement social de la précarité, par

multitudes