Archives par mot-clé : subjectivités

L’art queer de ne pas réussir, par

L’art queer de ne pas réussir
Passant du cinéma d’animation pour enfants (en suivant les exemples de films comme Chicken
Run
et Le monde de Nemo) aux artistes queer contemporaines qui ont embrassé l’échec comme un style à part entière, Jack Halberstam part à la recherche de modèles de parentés, d’alliances et de communautés pour faire alternative au monde néo-libéral et à l’idéologie du succès qui en façonne les subjectivités. Cette idéologie se déploie notamment au travers des multiples injonctions à « réussir » dans les différents aspects de la vie sociale : il faut produire, accumuler et se reproduire – autant de maillons dans la chaîne de (re)production du capital. Dans The Queer Art of Failure, Halberstam propose une méthode de déviance joyeuse par rapport à cette idéologie du succès : « d’abord, résister à la maîtrise » ; « ensuite, privilégier la naïveté et l’absurdité (la stupidité) ».

The Queer Art of Failure
Going from animated films for children like
Chicken Run and Finding Nemo to those queer contemporary artists and writers that have embraced failure as a style, Jack Halberstam is in the look out for models of kinships, alliances and communities that would provide an alternative to the neoliberal world and to the ideology of success that shape its subjectivities. This ideology unfolds through multiple injonctions to “success” in different aspects of social life : we must produce, accumulate and reproduce in order to satisfy the (re)productive obsessions of capital. In The Queer Art of Failure, Halberstam proposes a method of joyful deviance from sucess: “first, resist mastery”; “second, priviledge the naive and nonsensical (stupidity).

Tanina ntoto !
Grand-maternités politiques, par

Tanina Ntoto !
Grand-maternités politiques
L’article entend constituer la grand-mère comme figure centrale de transmission, comme personnage politique radical : figure de récit, figure de continuité mémorielle là où la colonisation a sapé l’autorité des lignées paternelles. Se décalant d’un récit qui pense la colonisation comme une castration symbolique des pères, l’auteure interroge les lignées féminines et leur pouvoir de transmission de trames narratives et mémorielles. La grand-mère est érigée en force politique, capable de défaire l’autorité patriarcale et de recréer des liens défaits. La force des « petites histoires » racontées par les grand-mères face aux défaites de la « grande histoire » des pères : tel est le pouvoir des fabulations politiques de soi qui s’inventent au-delà ou contre les identités normatives et produisent de nouveaux imaginaires politiques.

Tanina Ntoto!
Political Grandmotheroods
The article intends to constitute the grandmother as a central figure of transmission, as a radical political figure: a figure of narrative, a figure of continuity of memory where colonization has undermined the authority of paternal lineages. Moving away from a narrative that thinks of colonization as a symbolic castration of fathers, the author questions female lineages and their power of transmission of narrative and memory frames. The grandmother is set up as a political force, capable of undoing patriarchal authority and recreating broken ties. The strength of the “little stories” told by grandmothers in the face of the defeats of the “big story” of fathers: such is the power of political self-fabulations that invent themselves beyond or against normative identities, and produce new political imaginaries.

Amazonie Sentinelle, par

Amazonie Sentinelle
Cet article met en lumière une forme particulière de pouvoir dans le processus de colonisation de l’Amérique du Sud. Les expéditions des bandeirantes se distinguaient du pouvoir pastoral des missions jésuites ainsi que de l’exploitation minière ou de l’occupation territoriale en établissant un régime de chasse dont les cibles principales étaient les peuples indigènes. Ce régime servait de contrepoids au pouvoir souverain et à l’humanisme occidental. Aujourd’hui, la dimension technologique de la biopolitique donne lieu à une sémiotique de la chasse (capture de signes). L’auteur souligne l’importance de la forêt amazonienne comme réservoir de signes, et la position que certaines institutions et mouvements exercent, en tant que sentinelles de la démocratie, en opposition au populisme autoritaire et prédateur de Bolsonaro.

Amazonia Sentinel
This article highlights a particular form of power in the process of colonisation of South America. The expeditions of the bandeirantes differed from the pastoral power of the Jesuit missions as well as from mining or territorial occupation by establishing a hunting regime whose main targets were the indigenous peoples. It served as a counterweight to sovereign power and Western humanism. Today, the technological dimension of biopolitics gives rise to a semiotics of hunting (capture of signs). The author underlines the importance of the Amazonian forest as a reservoir of signs, and the position that certain institutions and movements exercise, as sentinels of democracy, in opposition to Bolsonaro’s authoritarian and predatory populism.

Une approche psychologique du  patriarcat ?, par

#MeToologies ou les  ciseaux de Vanessa  Springora, par

Une offre morale plastique, par

Une offre morale plastique
L’offensive 
de l’ONG World Vision au Liban
Depuis quinze ans, le monde arabe, en particulier le Liban, est le théâtre d’une campagne dynamique d’évangélisation, lancée par le protestantisme évangélique, qui accorde une place prépondérante à la conversion. L’organisation non gouvernementale (ONG) est la structure privilégiée des évangélistes. Elle s’adapte parfaitement aux caractères d’une mouvance qui fonctionne en réseau, au plan transnational, et investit de larges pans du social et de l’économique. Dans cet article, on questionne les valeurs dont se réclame une ONG évangélique particulière, World Vision, et la manière dont elles sont reçues par les convertis. En analysant les parcours de deux protagonistes, Melkon et Mona, on tente de montrer que les valeurs morales alléguées par l’ONG permettent aux individus de donner sens et cohérence à leurs parcours conversionnels. Si World Vision travaille à la valorisation des individus et met en relief les manquements de la société libanaise en matière de solidarité, l’ONG participe paradoxalement à fragiliser la cohésion familiale.

A Flexible 
Moral Offer
The Offensive 
of the NGO World Vision in Lebanon
For fifteen years, the Arab world, in particular Lebanon, has experienced a dynamic campaign of evangelization, launched by evangelical Protestantism, which gives a preponderant place to conversion. NGOs are the privileged structures of the Evangelists. They perfectly adapt to the characteristics of a transnational movement that operates as a network and invests large parts of the social and economic spheres. This article questions the values ​​of a particular evangelical NGO, World Vision, and their reception by converts. By analyzing the trajectories of two protagonists, Melkon and Mona, we try to show that the moral values ​​alleged by the NGO allow individuals to give meaning and coherence to their conversion paths. While World Vision works to promote individuals and highlights the failings of Lebanese society in terms of solidarity, the NGO paradoxically contributes to weaken family cohesion.

L’hétérarchie de l’intellect général, par

L’hétérarchie de l’intellect général
Cet article élabore le problème de la structure de l’Intellect Général, dont la théorie se développe dans le mouvement intellectuel post-opéraiste. Synonyme de la capacité cognitive de la société, qui peut soit ouvrir la voie d’une libération, soit être exploité par le capitalisme, l’Intellect Général est à la fois une capacité de la société à analyser, à poser des objectifs et à produire, et un corps virtuel composé topologiquement par les connexions sociales entre « la multitude de singularités corporelles ». Ici l’Intellect Général est analysé comme une propriété de cette structure de connexion sociale, nommée comme l’hétérarchie. L’hétérarchie est un ensemble, dont les différentes parties se lient comme autant d’ensembles singuliers et contribuent à ses changements, sans pouvoir être réduites à un système de valeurs unique, transitif et cohérent. L’argument principal de cet article est que, si l’Intellect Général peut dénoter la capacité auto-organisationnelle de la société, il est impossible de l’identifier avec une organisation institutionnelle unique ou avec un régime politique cohérent et englobant.

The Heterarchy of the General Intellect
This paper explores the problem of the structure of General Intellect. Given as a synonym of the cognitive capacity of a society, a capacity which may either provide liberation from capitalism or be exploited by the capitalistic organisation of society, General Intellect is analyzed as a property of a social connection structure, named here as heterarchy. As a connection structure, heterarchy forms different kinds of singularities: aggregations made by statistical repetitions of relations and individual egos making values through their goal setting and other intellectual activity. The main argument of the article is that, though to some extent General Intellect may denote capacity for the self-organization of society, it is nevertheless difficult to identify it with only one particular institutional organisation or political regime. General Intellect appears in any type of social structuring through self-organizing processes.

Le travail des lignes, par et

Le travail des lignes
Cet article est à la fois l’aboutissement de quelques lignes de réflexion sur la mondialisation et l’ébauche encore précaire d’un projet plus ambitieux de recherche sur le travail des lignes. La question centrale est celle du travail des lignes. Dans une première partie on discute les lignes mobilisées par Carl Schmitt pour saisir le nomos de la terre. À partir des lignes du souverain, on déplace l’attention sur les lignes non étatiques dessinées par la liberté des mers et la liberté des commerces maritimes. Cela nous amène aux lignes mouvantes de déterritorialisation et de reterritorialisation pour appréhender le nomos obscur qui perce toute sorte de murs, un désert qui se propage à l’intérieur du nomos dominant. Pour terminer, on revient sur les dynamiques de la globalisation pour mettre en son centre non plus les océans d’eaux, mais le novissimo nomos de la terre déterritorialisée qui gouverne les océans d’argent. Les lignes de ce novissimo nomos se dessinent entre l’émergence incontournable de la Chine et le rythme des algorithmes.

The labour of lines
This article is both the culmination of some lines of reflection on globalization and the still precarious draft of a more ambitious project of research on the labour of the lines. The central question is that of the labour of the lines. In a first part we discuss the lines mobilized by Carl Schmitt to seize the nomos of the earth. From the lines of the sovereign, attention is shifted to the non-state lines drawn by the freedom of the seas and the freedom of the maritime trades. This brings us to the moving lines of deterritorialization and reterritorialization to apprehend the obscure nomos that pierces all kinds of walls, a desert that spreads within the dominant nomos. Finally, we return to the dynamics of globalization to put in its center no longer the oceans of waters but the novissimo nomos of the deterritorialized land which governs the oceans of money. The lines of this novissimo nomos are drawn between the inevitable emergence of China and the rythm of the algorithms.

Externalités africaines, par et

Externalités africaines
Cet article d’ouverture donne les clés de la métaphore de l’externalité qui résume les formes et forces de la réinvention de l’Afrique contemporaine. Elle s’élabore par des techniques politiques, financières, juridiques, numériques, socio-culturelles particulières, innovantes ou régressives, qui relèvent tout à la fois de la sédimentation historique et de la projection dans le futur. L’extraction coloniale, l’extraversion mondiale riment avec le désir d’externalité des multitudes africaines pour se projeter vers l’extérieur, pour s’exiler vers l’ailleurs et l’au-delà et pour conquérir l’autonomie, l’émancipation et la liberté. Alors le politique devient en Afrique un champ d’expérimentation où se mêlent douloureusement l’imaginaire et le concret, la mémoire et le progrès, le local et le transnational, l’État et le coutumier, le pré-colonial et le numérique.

African Externalities
This introductory article provides the keys to the metaphor of externality which summarizes the forms and forces of reinvention in contemporary Africa. This reinvention comes through political, financial, judicial, digital and socio-cultural techniques, innovating or regressive, which simultaneously illustrate historical sedimentations and projections in the future. Colonial extraction and global extraversion accompany a desire for externality among African multitudes eager to project themselves outwards, in direction of exile, to coquer autonomy, emancipation and freedom. In Africa, politics becomes a field of experimentation where the imaginary and concrete reality, the local and the transnational, the State and common law, the pre-colonial and the digital painfully intermingle.

Précarité africaine, par

Précarité africaine
Pour une généalogie et une critique
La norme du travail salarié à plein temps n’a jamais réussi à s’imposer en Afrique, pas plus que l’éthique du consumérisme fondée sur l’épargne à long terme. Elle sert pourtant de référence aux projections économiques des leaders nationalistes et aux gouvernements postcoloniaux, ainsi qu’aux politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale. Il en résulte un maintien des modalités d’exploitation coloniale et une incapacité à proposer une vision de l’économie originale, fondée sur les réalités du continent. La précarité représente de ce point de vue une modalité de résistance, une fuite potentiellement émancipatrice. Cependant, la récente théorisation de la précarité en Europe échoue à proposer un modèle alternatif parce qu’elle s’ancre dans l’impératif du travail. Seuls les discours religieux autorisent d’autres représentations et ils sont dès lors largement mobilisés en Afrique.

African Precariousness
For a Genealogy and a Critique
The norm of full-time wage labor never imposed itself on Africa, nor did a consumer esthics based on long-term savings. It remains nevertheless as the main reference within economic projections of African political leaders, postcolonial governments and structural adjustment policies promoted by the World Bank. The result is a continuation of colonial modes of exploitation and an incapacity to envisage a vision of economics truthful to African realities. Precariousness can thus be seen as a mode of resistance, a potentially emancipatory line of flight. However, the European theorizations of precariousness fail to propose a truly alternative model, since they hang on to the imperative of wage labor. Only religious discourses foster alternative representations, and they are massively mobilized in Africa.

Politisations du temps à l’ère de l’instabilité, par

Politisation du temps à l’ère de l’instabilité
L’accélération de l’instabilité du monde est patente. Elle concerne aussi bien la désorganisation croissante des échelles du vivant, la raréfaction des ressources, la numérisation de nos moyens et conditions d’existences, un nouvel âge géologique communément dit « Anthropocène » – quelque critique soit l’emploi de ce terme qui convertit l’approche chronotopique en stade paradigmatique, millénariste, alors que la manière dont nous voyons le monde, nous mêlons à lui, est déjà le signe d’une hybridation entre technosphère et biosphère. Cet essai porte sur les manières de répondre aux instabilités dans un monde qui semble s’être accéléré, mais qui s’est avant tout pluralisé. Cependant, cette pluralité ne doit pas faire oublier la destruction accélérée des mondes sociaux-environnementaux, et la grande difficulté de la construction de résistances.

The Politization of Time in the Age of Instability
The acceleration of the instability of the world is obvious. It concerns the increasing disorganization of life-scales, the scarcity of resources, the digitization of our means and conditions of existence, a new geological age commonly known as the “Anthropocene”, a problematic term which converts the chronotopic approach in a paradigmatic, millenarian stage, whereas the way we see the world and mingle with it is already the sign of a hybridization between technosphere and biosphere. This essay focuses on various ways to respond to instabilities in a world that seems to have accelerated, but which has become more pluralistic. However, this plurality must not blind us to the accelerated destruction of the social-environmental worlds, nor to the great difficulty of the construction of resistances.