Archives par mot-clé : care

Écrire à l’hôpital, une petite guérilla…, par

Écrire à l’hôpital, une  petite guérilla…
Face à la sidération provoquée par la pandémie, devant l’incertitude des lendemains et un avenir anxiogène, il est nécessaire plus que jamais de mettre en valeur l’importance de nos affects, de nos émotions, et de retrouver du lien. Les ateliers d’écriture à l’hôpital et en Ehpad sont emblématiques de la place cruciale l’artiste, de l’écrivain, dans les lieux où résident les populations vulnérables. Il ne s’agit pas de saupoudrer une activité vaguement socio culturelle, afin de légitimer la place de l’art dans la cité grâce à des intervenants bienveillants… mais d’inventer de véritables situations à l’intérieur desquelles prendra forme une communauté de dialogue. Le quatuor formé par le soignant, le patient, le parent (en pédiatrie), et l’auteure, instaure une dimension sensible qui viendra adoucir, transformer la médecine traditionnelle fondée sur le diagnostic et les traitements.

Writing Within the  Hospital: A  Discrete Guerilla…
The sideration, the uncertainty, and the anxiety provoked by the pandemic makes it more necessary today than ever to value the importance of our affects and our emotions, to allow for renewed ways of making connections with each other. Writing workshops in hospitals and retirement homes are emblems of the crucial role of the artist, of the writer, in places of residence for vulnerable populations. They are not a simple sprinkling of a vaguely sociocultural activity that helps legitimize the place of the arts in our society through benevolent “social workers”… they are opportunities to invent actual situations within which a community of dialog can emerge. The quartet formed by the caregiver, the patient, the parent and the author provides the context for a sensitive relationship that can soften or even transform traditional medicine and its diagnostical and pharmalogical basis.

Actualités de l’entre-nous, par

Actualités
de l’entre-nous
« Un coworking sans communauté n’existe pas. » Qu’est-ce qui sépare les nous du tiers-lieu de ceux de la start-up (plus ou moins nationalisée) ? Qu’est-ce qui distingue les bretelles (d’un nous relativement dilaté, diffracté ou bifurquant) des autoroutes (du je au cœur du développement personnel comme du nous des team buildings et atelier de we design) ? L’auto-affectation d’un soi mis au pluriel tente, par un simple jeu pronominal, de cacher son intention de relier tout le monde. À travers les reflets de ces belles âmes dans leurs variations esthétiques, cet article se propose de penser les réactualisations de la standardisation psychique mondiale en montrant comme elles brouillent de quel entre-nous ça parle. On part d’une série de citations des stars de la république des lettres. Direct, on multiplie les formes de déterritorialisations énonciatives comme autant de traversées d’un nous attaché à son incertitude d’échelle et excité par ses anachronismes : expérience originelle de l’autre comme soi, atelier alter-constructiviste, méditation auto-décentrante, réunion anti-facilitatrice, contre-point sur la situation actuelle.

News From the Segregated We
“There is no co-working without a community.” What is separating the we of the third spaces from the we of the start-up (more or less nationalized)? Is it possible to distinguish the off-ramps (of the dilated, of the diffracted, of the bifurcating we) from the highway (of the I of personal development, but also of this other we of team building and we designs)? The auto-affection of the pluralized self is an attempt, by a substitution of pronouns, to hide a not-so-secret intention to connect everybody to everybody. Investigating the reflections of these globalized “beautiful souls” in their aesthetic variations, this paper intends to think the reactualizations of world-integrated psychic standardization, in showing how they blur the we they refer themselves to. The starting point is a series of quotes from stars of the republic of letters. And it immediately shifts to forms of enunciatory deterritorializations, ways of coursing through a we attached to its own scalar uncertainty and excited by its own anachronisms: an original experience of the other as self, an alter-constructivist workshop, a self-decentering meditation, an anti-facilitating reunion, a counterpoint to the now.

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale, par

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale
Le projet Mémoires de Lubumbashi, créé en 2000, a pour objectif de collecter des sources orales sur l’histoire de cette ville minière (deuxième ville du Congo et capitale du Katanga), ainsi que des sources picturales et des objets. L’objectif est de fournir un contre-point aux sources écrites coloniales pour venir dessiner une histoire plurielle de la ville, en proposant une démarche participative et inclusive aux habitants. Des récits de vie des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga pendant la période coloniale, des récits également de leurs compagnes et de leurs filles, trop souvent oubliées des enquêtes historiques, des photographies familiales, des créations de théâtre populaire en kiswahili (surtout de la troupe Mufwankolo) qui évoquent le quotidien de la colonisation, des répertoires de chansons populaires sont autant d’exemples de cette large collecte. C’est à une conception de l’histoire en lien avec les citoyens que l’auteur nous invite, attaché à écrire les vies quotidiennes des « sans voix ».

Lubumbashi and the Idea of Oral Memory
The Memories of Lubumbashi project, created in 2000, with the aims at collecting oral sources on the history of this mining city (the second largest city in Congo and capital of Katanga) as well as pictorial sources and objects. The objective is to provide a counterpoint to written colonial sources, in order to draw a plural history of the city, by proposing a participatory and inclusive approach to the inhabitants. Life stories of the workers of the Mining Union of Haut-Katanga during the colonial period, stories also of their companions and their daughters, too often forgotten in historical investigations, family photographs, popular theater creations in Kiswahili (especially from the Mufwankolo troupe) that evoke the daily life of colonization, repertoires of popular songs are all examples of this large collection. The author invites us to a conception of history in connection with the citizens, attached to writing the daily lives of the “voiceless”.

Covid 19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa, par

Covid‑19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa
L’auteur analyse les signes verbaux, non-verbaux, les rituels intégrés dans les discours dominants et dans les discours communs en réponse à la pandémie de Covid‑19 à Kinshasa, entre mars et mai 2020. « Masque », « geste barrière », « confinement » sont tour à tours lus à travers leurs résonnances en lingala ou au sein de l’histoire récente du Congo. L’auteur montre comment ils se chargent d’« oxymores », où des significations antithétiques viennent se greffer sur le discours officiel, venant le contredire ou en tout cas le biaiser. L’auteur revient également sur les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie, le confinement impossible de Kinshasa, la hausse des prix, les mises en scène médiatisées des hommes politiques et des hommes d’églises, les conséquences sociales dramatiques pour les plus pauvres. C’est finalement à un « éloge de la lenteur » que nous convie l’auteur, ainsi qu’à une politique du « care » et de l’accompagnement : dernière positivité paradoxale du virus.

Covid‑19
Oxymora of Totems and Signs of Life in Kinshasa
The author analyzes the verbal and non-verbal signs, as well as the rituals integrated into dominant and common discourses in response to the Covid‑19 pandemic in Kinshasa, between March and May 2020. “Mask”, “barrier-gesture”, “lockdown” are read in turn through their resonances in Lingala or within the recent history of Congo. The author shows their oxymoronic uses, where antithetical meanings are grafted onto the official discourse, contradicting or in any case twisting it. The author also discusses the measures taken by the government to fight the pandemic, the impossible lockdown of Kinshasa, the rise in prices, the high-profile media coverage of politicians and churchmen, and the dramatic social consequences for the poorest. Finally, the author invites us to a “praise of slowness” and to a “policy of care”: the last paradoxical positivity of the virus.

Ré-enchanter l’Afrique, par et

Ré-enchanter l’Afrique
Au cours de cet entretien mené par Yala Kisukidi, Achille Mbembe revient sur les thèmes clés de son ouvrage Brutalisme (2020) : la définition de l’idée d’« Afrique », la nécessité de sortir d’une « histoire de la prédation » et de réinvestir des utopies par le « ré-enchantement », la revalorisation d’une « politique du soin » tandis que la terre est endommagée, la création d’un espace africain de libre circulation sont évoquées tour à tour. Convoquant les écrivains Amos Tutuola et Sony Labou Tansi, Mbembe souligne le rôle de l’imaginaire, et singulièrement de la littérature, dans la fabrique des utopies de demain. L’art, entendu comme réserve de vie et de possibles, constitue une ressource pour penser les migrations contemporaines et imaginer d’autres modèles alternatifs au modèle actuel néolibéral. Face à la criminalisation des circulations, le pillage des ressources, la violence du « brutalisme » contemporain, Mbembe en appelle à une « politique du soin » capable d’inclure, depuis l’Afrique, la question du commun et du partage de la Terre.

Re-Enchanting Africa
During this interview conducted by Yala Kisukidi, Achille Mbembe returns to the key themes of his book Brutalism (2020): the definition of the idea of “Africa”, the need to get out of a “history of predation” and to reinvest utopias through “re-enchantment”, the revaluation of a “policy of care” in our damaged lands, the creation of an african space of free movement, all these themes are discussed in turn. Convening the writers Amos Tutuola and Sony Labou Tansi, Mbembe underlines the role of the imaginary, and particularly of literature, in the making of tomorrow’s utopias. Art, understood as a reserve of life and possibilities, constitutes a resource for thinking about contemporary migrations and imagining alternative models to the current neo-liberal model. Faced with the criminalization of circulation, the plundering of resources, the violence of contemporary “brutalism”, Mbembe calls for a “politics of care” capable of including, from Africa, the question of the common and the sharing of the Earth.

Une approche psychologique du  patriarcat ?, par

Lire et vivre dans les ruines : Tsing et Sebald, par

Lire et vivre dans les ruines : Tsing et Sebald
À partir du Champignon de la fin du monde d’Anna Tsing, ce texte interroge l’imaginaire résolument optimiste de découverte et de reconquête nourrie par l’attention à ce qui échappe à la destruction, propre à plusieurs travaux récents. Revenant sur la position du chercheur avide de nouveaux récits, soucieux également de ne pas les écraser sous des jugements déterminant a priori ce qui compte et ne compte pas, au risque de les étouffer, l’article invite cependant à ne pas négliger la dimension de perte associée aux catastrophes passées et en cours. À cet égard, il convoque d’autres voix, en dehors des sciences sociales, en particulier celle de l’écrivant allemand W.G. Sebald, lequel accorde une place très importante aux ruines et à la remémoration des mondes perdus, de ce qui a compté pour les disparus, tel l’inlassable effort caractérisant la vie au sein des milieux fragiles.

Reading and Living in the Ruins: Tsing and Sebald
Musing from Anna Tsing’s Mushroom of the End of the World, this article questions the resolutely optimistic imagination of discovery and reconquest nourished by the “arts of attention” to what escapes the destruction, promoted in many recent works. Returning to the position of the researcher eager for new stories, also anxious not to crush or stifle them under judgments determining a priori what should or should not count, the article invites us not to neglect the dimension of loss associated with past and ongoing disasters. In this regard, it calls in other voices, outside the social sciences, especially that of the German writer WG Sebald, who gives a very important place to the ruins and the remembrance of the lost worlds, of what counted for the disappeared, as a tireless effort characterizing life in fragile environments.

Multitudes