Archives par mot-clé : artiste

La réislamisation de la société bengladeshi, par

La réislamisation de la société bengladeshi
L’histoire politique du Bangladesh, complexe et contradictoire, démonte tous les fantasmes entretenus aujourd’hui sur l’islam, érigé en ennemi global prenant la suite du défunt communisme. Le pays est devenu indépendant en 1971 après une guerre de libération meurtrière qui a vu sa population musulmane s’affronter au Pakistan, créé par l’ex-colonisateur anglais de l’Inde comme nation musulmane. Son gouvernement s’affirme d’abord laïc avant de décréter l’islam religion d’État et d’entamer une profonde réislamisation de la société. Aujourd’hui cette dictature militaire islamique avec à sa tête la Ligue Awami, l’ancien parti indépendantiste, a liquidé régulièrement toutes ses oppositions politiques au nom de la lutte anti-terroriste mondiale.

The Re-Islamization of Bangladeshi Society
The political history of Bangladesh, complex and contradictory, dismantles all the fantasies held today about Islam, erected as a global enemy taking over from defunct communism. The country became independent in 1971 after a deadly liberation war that saw its Muslim population clash from Pakistan, created by the British ex-colonizer of India as a Muslim nation. Its government claimed to be secular before promoting Islam as the State religion and initiating a deep re-Islamization of society. Today this Islamic military dictatorship headed by the Awami League, the former independence party, has regularly liquidated all its political oppositions in the name of the global anti-terrorist fight.

L’Iran et sa (mal) représentation, par

L’Iran et sa (mal) représentation
L’Iran (notamment post-révolutionnaire) souffre deux fois de sa mal-représentation. Non seulement, à l’intérieur des frontières, le décalage entre la diversité sociale et l’État islamique installé depuis la révolution de 79 s’est creusé, mais également, dans sa perception à l’extérieur, cette révolution a réactivé des lectures culturalistes. Nous mobilisons dans cet article le concept de « représentation », qui implique des significations politiques et esthétiques, afin de dessiner un autre tableau des tensions entre la société iranienne et son État. Le blocage de la représentativité démocratique par le gouvernement a conduit la société iranienne, en quête de son image, à se tourner vers des modalités de plus en plus esthétiques. Ces sensibilités influencent le paysage politique, de même que les représentations esthétiques sont toujours susceptibles de prendre un sens politique. C’est à ce conflit des images dans le contexte iranien que nous nous intéressons.

Iran and its (Mis) Representation
Iran (especially post-revolutionary Iran) suffers twice from its misrepresentation. Not only has the gap widened within its borders between social diversity and the Islamic Republic installed since the revolution of 1979. In its perception outside, this revolution has also reactivated culturalist readings. In this article, we mobilize the concept of “representation”, in its political and aesthetic meanings, in order to draw another picture of the tensions between Iranian society and its State. The government’s blockage of democratic
representation has led Iranian society, in search of its image, to turn to increasingly aesthetic modalities. These sensibilities influence the political landscape, just as aesthetic representations are always susceptible to receive and carry political meaning. It is this conflict of images in the Iranian context that we are interested in.

La République islamique d’Iran
Entre survie économique et ambitions nucléaires, par
et

La République islamique d’Iran
Entre survie économique et ambitions nucléaires
L’auteur analyse la politique intérieure et extérieure de la République islamique d’Iran en phase avec une situation économique et sociale très dégradée et un contexte géopolitique fortement bousculé ces derniers temps. L’élection du nouveau président Joe Biden aux États-Unis, la surenchère de l’Iran sur le programme d’enrichissement de l’uranium, les élections iraniennes prochaines avec une tendance néoconservatrice annoncée, le rapprochement israélo-gulfien obligent à rebattre les cartes. Comment ces phénomènes vont-ils se croiser et dans quel sens ? Apaisement ou au contraire durcissement des positions ? Sur quels alliés l’Iran peut-il compter ? Dans quelle mesure la population iranienne exerce-t-elle une influence sur les orientations gouvernementales du pays à l’extérieur de ses frontières ?

The Islamic Republic of Iran
Between Economic Survival and Nuclear Ambitions
The author analyzes the internal and external policies of the Islamic Republic of Iran, in line with a seriously deteriorated economic and social situation and a geopolitical context that has been greatly shaken up recently. The election of the new President Joe Biden in the United States, Iran’s escalation of its uranium enrichment program, the upcoming Iranian elections with a neo-conservative tendency, and the Israeli-Gulf rapprochement call for a reshuffling of the cards. How will these phenomena intersect and in what direction ? Appeasement or, on the contrary, hardening of positions ? Which allies can Iran hope? To what extent does the Iranian population exert an influence on the country’s governmental orientations outside its borders ?

La politisation des tiers-lieux, par

La politisation des tiers-lieux
Les « tiers-lieux » ont été à l’origine définis comme des lieux de sociabilité, là où on se réunit pour la joie d’être ensemble. Les entreprises mondialisées (grandes marques commerciales, constructeurs automobiles, promoteurs immobiliers et même… musées) ont récupéré le concept dans leurs stratégies marketing : il devient une opportunité commerciale. Ces firmes offrent des lieux permettant de réinventer l’expérience des consommateurs en leur donnant un sentiment de communauté, sous couvert de valeurs d’inclusion. Les tiers-lieux connaissent un devenir-marchandise. Mais, l’urgence provoquée par la pandémie de la Covid‑19 a révélé des solidarités qui ne pouvaient se construire ailleurs que dans des tiers-lieux. Ils ont constitué le laboratoire de réseaux d’entraide, de chaînes téléphoniques d’attention, de distribution alimentaire, de fabrication artisanale de matériel médical. Ils connaissent une réappropriation et un devenir-politique.

The Re-Politicization of Third Places
“Third places” (like fablabs) were originally defined as places of sociability, where people meet for the joy of being together. Globalized corporations (big commercial brands, car manufacturers, real estate developers and even… museums) have absorbed the concept in their marketing strategy to exploit it as a commercial opportunity. These firms offer places to reinvent consumer experience by providing a sense of community, under the guise of inclusive values. Third places are being commodified. However, the emergency caused by the Covid‑19 pandemic revealed solidarities that could only be weaved in third places. They have been the laboratory for mutual aid networks, telephone attention chains, food distribution, and the artisanal manufacture of medical equipment. They are re-appropriated through a process of re-politization.

Vers une théorie de la non-scalabilité, par

Vers une théorie de  la  non-scalabilité
Peut-on changer d’échelle sans changer de nature ? Sans doute quantité de phénomènes sont altérés quand on étend leur domaine d’exercice : il y a plus qu’une différence de taille entre un jardin de quelques mètres carrés et un alignement de serres sur plusieurs hectares. La modernité coloniale s’est distinguée par cette sorte de foi en la « scalabilité » de la production. Son modèle est la plantation esclavagiste : un système fondé sur l’exploitation de vivants humains et non-humains qu’on coupe de leur racine et de leur environnement natif. La logique des « économies d’échelle », la logique de l’expansion emprunte son idéologie à cette histoire et c’est pourquoi il est nécessaire de lui opposer un antidote : la description et l’invention de mondes non-scalables, où les agents ne sont pas interchangeables, où les réseaux de dépendance sont locaux, situés, et mutuellement transformateurs pour ceux qui y vivent et ceux qui en bénéficient.

Towards a Theory of  Non-Scalability
Is it possible to change the scale of an activity without changing its nature? There is no doubt that a lot of phenomena change when we change their domain of extension. There is more than a difference of size between a garden of a few square meters and the alignment of greenhouses in a field of several hectars. Colonial modernity was remarkable in its desire for the scalability of production, and its model was the slavery-based Plantation: a system founded on the exploitation of human and non-human beings that are cut from their roots and their native environments in order to be extractible. The logic of economies of scale, the logic of expansion borrows its ideology to this history, and it is one of the reason it is necessary to oppose an antidote to it: the description and invention of non-scalable worlds, where agents are not interchangeable, where networks of dependance are local, situated and transformative for those who live in them and those who benefit from them.

Des « vices de recirculation » des sons et des appareils, par

Des « vices de  recirculation » des  sons et  des  appareils
Qu’est-ce que la circulation mondialisée des biens et des personnes fait à la musique ? Deux choses apparemment contradictoires : l’uniformisation des styles et des moyens se conjugue avec leur renouvellement constant, les effets de contagion planétaire avec la multiplication des réappropriations locales. Autrement dit ce qui uniformise peut être aussi ce qui singularise. Ce paradoxe nous conduit à dérouler quelques fils, à suivre de proche en proche des « objets » circulants –  un appareil numérique, un style musical, un groupe de pratiques  – de manière à saisir les modalités concrètes de leur circulation. Pour que ça circule, il faut que ça se connecte, ce qui ne va pas sans heurts, disputes, larsens, frottements, qui tous affectent voire transforment l’« objet » circulant. Point de circulation sans frictions et boucles de rétroaction et sans une multitude d’agents qui font que ça passe : nous croisons en cheminant des musiciens noise, mais aussi des benders, des shifters, des makers, des repairers. Ces figures de l’interconnexion globale sont également celles qui se glissent dans ses failles et amplifient ses différences.

Music in the Age of  Circulation
What does the globalized circulation of goods and people do to music? Two things, which are apparently contradictory: the uniformization of styles and means of production, on one side, and their constant renewal, on the other — an effect of the planetary contagion of sounds and the multiplication of local revisitings. In other words, the very movement that uniforms can sometimes be that which singularizes. This paradox leads us to unravel some threads, tracking different circulating objects — a digital device, a musical style, a group of practices — in order to seize the concrete modalities of their circulation. For circulation to occur, there is a need for connection, and connection doesn’t go without conflicts, feedbacks, rubbings and shriekings which all affect the circulating object. There is no circulation without friction, without feedback loop, and without a multitude of agents that allow for the transmission: we encounter the paths of noise musicians, and benders, shifters, makers, and repairers. These figures of global interconnectivity are also those who learn to slip into its cracks and amplify its differences.

Pas de pétrole, mais de l’Auto-Tune !, par et

Pas de pétrole, mais  de l’Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young ou encore PNL, tous ces artistes ont en commun l’usage de l’Auto-Tune. Ce dernier désigne un logiciel permettant d’ajuster, de corriger la voix à la suite d’un enregistrement ou durant une performance. Si initialement, l’Auto-Tune permet de chanter juste, cela est également utilisé pour produire des modulations sonores donnant un caractère artificiel, robotique, non linéaire à la voix humaine. Le premier titre avec une présence marquée de l’Auto-Tune est « Believe » de Cher sorti en 1998 qui connaît un succès retentissant. Depuis, si quelques artistes –  à l’image de Jay-Z et son titre D.O.A. pour « Death of Auto-Tune » (2009)  – dénoncent cette pratique, l’Auto-Tune a conquis l’industrie musicale et serait utilisé dans la quasi-totalité des productions (Reynolds, 2019), toutes les esthétiques confondues. Malgré cette diffusion, encore peu de recherches académiques abordent cette question. Quels sont les enjeux liés à l’Auto-Tune ?

No Oil,
Just Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young, and PNL: these artists share a common practice — the use of Auto-Tune, a software that permits the adjustment or correction of the voice after its recording or performance. If initially Auto-Tune was used to correct the pitch, it now is also used to produce sound modulations that give a robotic, artificial, non-linear character to the human voice. The first recording to use Auto-Tune was Cher’s “Believe” in 1998: a direct hit. Since then, if some artists — like Jay-Z and its record D.O.A. for “Death of the Auto-Tune” (2009) — criticize the practice, Auto-Tune has conquered the music industry and is said to be used in most of the musical productions of today (Reynolds 2019) regardless of their aesthetic leanings. In spite of this broad circulation, there are few academic papers tackling its implications. What is at stake in Auto-Tune?

Copier/Varier
Standards, critiques, et contre emplois des logiciels de création, par

Copier/Varier
Standards, critiques, et  contre-emplois des  logiciels de  création
À rebours d’un progrès technique consistant à voir les logiciels de CAO/PAO (« Conception/Publication Assistée par Ordinateur ») comme une « augmentation » mécanique des possibilités créatives, nous proposons de considérer ce processus comme une accélération –  voire comme une automatisation  – de façons de faire traditionnelles. Alors que les designers utilisent au quotidien les mêmes logiciels, ont-ils pleinement conscience de leur histoire et de leurs implications ? Comment cette tendance à la normalisation s’inscrit-elle dans l’histoire des transformations techniques induites par le développement de la computation ? Pour traiter ces enjeux, nous invitons à parcourir sous forme de courtes notices une série d’objets techniques (logiciels de création, machines,  etc.), classés du plus standardisant au plus ouvert. Chacun de ces items comprend trois sous-parties : une description de son caractère standardisant, une critique des valeurs qu’il embarque, et des contre-emplois (antérieurs ou postérieurs) en art et en design.

Copy/Vary
Standards, Critiques and  Oblique Uses of  Creation Software
Against the technological progressivist view that would construe CAD/DTP (Computer Aided Design/Desktop Publishing) as providing a simple mechanical supplement to creative possibilities, this paper proposes to understand CAD/DTP as accelerations — or even automations — of traditional crafts. Every day, designers use the same softwares, but do they know their histories and implications? How is this normalizing tendency inscribed in the history of the technical transformations induced by the development of computation? To envisage this, this paper provides a textual commentary of the leaflets accompanying some technical objects (from creation softwares to machines) going from the more standardizing to the most open. Each of these analyses is comprised of three subparts: a description of the standardizing aspect of the leaflet, a critique of the values it embeds, and its potential counter-uses in art and design.

Contradictions idéologiques dans les écoles supérieures d’art en France, par

Contradictions idéologiques
dans les  écoles supérieures
d’art  en  France
Comment la mondialisation artistique et la globalisation esthétique sont interprétées dans les écoles supérieures d’art ? Par une réflexion sur la normalisation des pratiques artistiques du fait de la prédominance de certains modèles de réussites, par des conflits autour des traditions théoriques (pensées antiracistes, postcoloniales et décoloniales) et par une interrogation quant à la libéralisation du secteur éducatif. Cet article propose également un cadrage historique de l’arrivée de ces vocabulaires dans les écoles et de leur inscription dans débats idéologiques contradictoires. Il évoque les effets concrets des savoirs tacites en éducation artistique sur l’évaluation des jeunes artistes en écoles. Comment éviter le double écueil d’une assignation racialisante des étudiant·es ou bien de son contraire, une politique de recrutement aveugle au racisme structurel.

Ideological Conflicts in French Art Schools
Artistic and aesthetic globalizations have various effects in the context of French art schools: they bring about debates concerning the normalization of artistic practices by the models of artistic achievement, they spur conflicts around new theoretical traditions — specifically antiracist, postcolonial, and decolonial studies — and they multiply interrogations concerning the neoliberal transformation of higher education. This paper offers a historical framing of the import of these new terminologies in art schools and a rendering of the ideological debates they provoke. What are the concrete effects of tacit systems of belief in art education and especially in the evaluation of young artists? Is it possible to avoid the double pitfall of, on the one hand, racializing art students or, on the other, of following a color-blind politics of recruiting that ignores the effects of structural racism?

Écrire à l’hôpital, une petite guérilla…, par

Écrire à l’hôpital, une  petite guérilla…
Face à la sidération provoquée par la pandémie, devant l’incertitude des lendemains et un avenir anxiogène, il est nécessaire plus que jamais de mettre en valeur l’importance de nos affects, de nos émotions, et de retrouver du lien. Les ateliers d’écriture à l’hôpital et en Ehpad sont emblématiques de la place cruciale l’artiste, de l’écrivain, dans les lieux où résident les populations vulnérables. Il ne s’agit pas de saupoudrer une activité vaguement socio culturelle, afin de légitimer la place de l’art dans la cité grâce à des intervenants bienveillants… mais d’inventer de véritables situations à l’intérieur desquelles prendra forme une communauté de dialogue. Le quatuor formé par le soignant, le patient, le parent (en pédiatrie), et l’auteure, instaure une dimension sensible qui viendra adoucir, transformer la médecine traditionnelle fondée sur le diagnostic et les traitements.

Writing Within the  Hospital: A  Discrete Guerilla…
The sideration, the uncertainty, and the anxiety provoked by the pandemic makes it more necessary today than ever to value the importance of our affects and our emotions, to allow for renewed ways of making connections with each other. Writing workshops in hospitals and retirement homes are emblems of the crucial role of the artist, of the writer, in places of residence for vulnerable populations. They are not a simple sprinkling of a vaguely sociocultural activity that helps legitimize the place of the arts in our society through benevolent “social workers”… they are opportunities to invent actual situations within which a community of dialog can emerge. The quartet formed by the caregiver, the patient, the parent and the author provides the context for a sensitive relationship that can soften or even transform traditional medicine and its diagnostical and pharmalogical basis.

Désidentifiées, par

Désidentifiées
« Nous savons que nous voulons nous retrouver. Tout ce dont nous avons besoin, c’est des cérémonies qui nous rassembleront » écrit la poétesse afro-féministe Alexis Pauline Gumbs. Les noms que nous utilisons pour nous dire font parfois office de cérémonies : un nom nous appelle, et nous répondons à son invocation. Ce peut être un cri de ralliement « Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You ! », mais même les collectifs les plus émeutiers et les plus retors à l’identification courent le risque, en se nommant, de se voir réassigner à résidence par l’interpellation policière (« hé toi, là-bas ! »). Comment éviter les pièges de l’identité ? Les études queer ont élaboré le concept de désidentification pour décrire la tentative fugitive d’échapper aux marquages policiers des identités. Ce texte tente de détailler les enjeux politiques de ce refus d’identification en le situant dans les allers-retours franco-états-uniens des études et des activismes queer.

Disidentified
“We know that we want to gather. All we have to find is the ceremony,” writes afro-feminist poet Alexis Pauline Gumbs The names that we use to say ourselves are sometimes our ceremonies: a name calls us, and we respond to its calling. It can be a rallying cry (“Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You!”), but even the most riotous collectives, even the most reticent to identification run the risk, in naming themselves, the house-arrest of police hailing (“hey you, there!”) How to steer away from the traps of identity? Anglophone queer studies have elaborated the concept of disidentification to describe the fugitive attempt to escape the police-made markings of identities. This text details the political stakes of this refusal to identifiy and the potential alliances it invites.

L’art queer de ne pas réussir, par

L’art queer de ne pas réussir
Passant du cinéma d’animation pour enfants (en suivant les exemples de films comme Chicken
Run
et Le monde de Nemo) aux artistes queer contemporaines qui ont embrassé l’échec comme un style à part entière, Jack Halberstam part à la recherche de modèles de parentés, d’alliances et de communautés pour faire alternative au monde néo-libéral et à l’idéologie du succès qui en façonne les subjectivités. Cette idéologie se déploie notamment au travers des multiples injonctions à « réussir » dans les différents aspects de la vie sociale : il faut produire, accumuler et se reproduire – autant de maillons dans la chaîne de (re)production du capital. Dans The Queer Art of Failure, Halberstam propose une méthode de déviance joyeuse par rapport à cette idéologie du succès : « d’abord, résister à la maîtrise » ; « ensuite, privilégier la naïveté et l’absurdité (la stupidité) ».

The Queer Art of Failure
Going from animated films for children like
Chicken Run and Finding Nemo to those queer contemporary artists and writers that have embraced failure as a style, Jack Halberstam is in the look out for models of kinships, alliances and communities that would provide an alternative to the neoliberal world and to the ideology of success that shape its subjectivities. This ideology unfolds through multiple injonctions to “success” in different aspects of social life : we must produce, accumulate and reproduce in order to satisfy the (re)productive obsessions of capital. In The Queer Art of Failure, Halberstam proposes a method of joyful deviance from sucess: “first, resist mastery”; “second, priviledge the naive and nonsensical (stupidity).

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas, par

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas
Le romancier et plasticien Sinzo Aanza interroge la place de l’artiste face au pouvoir depuis l’époque précoloniale jusqu’à nos jours dans le Congo contemporain. Ce qu’il appelle le « capital de l’imaginaire » se déploie avec et contre le pouvoir sur le marché de la valeur : tandis que les vendeurs de masques sont asservis par des discours d’authenticité fantasmée sur de l’art rituel, d’autres artistes s’attachent à dire l’expérience coloniale, l’exploitation des corps et des terres, dont les prédations minières contemporaines sont la continuation. C’est le rôle du poète et de l’artiste congolais qui est analysé en définitive, eux qui sont porteurs d’imaginaires tournés vers le futur et le monde.

The Capital of the Imaginary
What is and What is not
The novelist and visual artist Sinzo Aanza questions the place of the artist in the face of power, from pre-colonial times to contemporary Congo. What he calls the “capital of the imaginary” unfolds with and against power on the market of value: while mask sellers are enslaved by fantasized speeches of authenticity about ritual art, other artists focus on the colonial experience, the exploitation of bodies and land, of which contemporary mining predators are the continuation. It is the role of the poet and the Congolese artist that is ultimately analyzed, they who are bearers of imaginaries turned towards the future and the world.

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes, par

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes
Revisitant le voyage peu connu de Ernesto Che Guevara au Congo en 1965 à partir de son Journal du Congo, l’article propose une lecture décoloniale de la coopération entre Cuba et le Congo. Considérée comme un « échec » militaire, cette mission de soutien témoigne tout à la fois d’une alliance des pays du tiers-monde et d’une volonté anticoloniale et anti-impériale d’imaginer des possibles politiques alternatifs. Elle montre aussi les difficultés de faire front commun et d’implanter au Congo l’idéal marxiste cubain de « l’homme nouveau ». Malgré cette situation ambivalente, analysée à partir du journal du Che et de photographies, cette expérience militaire a été un premier jalon tiers-mondiste d’affirmation de « modernités multiples », qui ne sont pas assujetties aux seules modernités occidentales, comme en témoigne une description de l’exposition artistique du Sud Global de La Havane en 1989, conçue par l’auteure comme en étroite filiation avec le rêve du Che.

Congo and Cuba
For a Re-Existence of Latitudes
Revisiting Ernesto Che Guevara’s little-known 1965 trip to the Congo from his Congo Diary, the article offers a decolonial reading of cooperation between Cuba and the Congo. Considered a military “failure”, this mission of support testifies both to an alliance of Third World countries, and to an anti-colonial and anti-imperial will to imagine possible alternative policies. It shows also the difficulties of making a common front and implanting in the Congo the Cuban Marxist ideal of the “new man”. In spite of this ambivalent situation, analyzed from Che’s diary and photographs, this military experience was a first Third World milestone in the affirmation of “multiple modernities”, which would not be subjected only to Western modernities, as shown in a description of the artistic exhibition of the Global South in Havana in 1989, conceived by the author as being closely related to Che’s dream.

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés, par

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés
La photographe, vidéaste, plasticienne et dessinatrice Michèle Magema analyse sa pratique artistique, marquée par l’exil et l’appartenance à des territoires multiples. La métamorphose, le Tout-Monde, l’état de postcolonie, la monstration du corps féminin : autant de motifs de son travail artistique. Oyé Oyé est une installation mêlant images de défilés du temps de Mobutu et reconstitution par l’artiste des codes gestuels imposés aux écoliers sous la dictature. Under The Landscape reproduit et interroge les frontières politiques du Congo. Evolve revient sur la catégorie coloniale d’« évolué ». Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés interroge le « retour au pays natal » de l’artiste, après plus de trente ans d’absence. Michèle Magema définit son travail comme une création de fiction, une exploration des relations entre le Congo, la France et la Belgique, une étude des effets politiques du monde globalisé sur les individus.

Remind Me Not to Forget Our Dreamed Territories
Photographer, video artist, visual artist and cartoonist Michèle Magema analyzes her artistic practice, marked by exile and belonging to multiple territories. Metamorphosis, the All-World, the state of postcolony, the monstration of the female body: these are the motifs of her artistic work. Oyé Oyé is an installation mixing images of Mobutu’s parades and reconstitution by the artist of the gestural codes imposed on schoolchildren under the dictatorship. Under The Landscape reproduces and questions the political borders of the Congo. Evolve returns to the colonial category of “the evolved”. Remind me not to forget our dreamed territories questions the artist’s “return to the native country” after more than thirty years of absence. Michèle Magema defines her work as a creation of fiction, an exploration of the relations between the Congo, France and Belgium, a study of the political consequences of the globalized world on individuals.

Congo
Arbres fertiles près de la source, par

Congo
Arbres fertiles près de la source
L’artiste Sarah Ndele mêle une réflexion sur sa propre pratique, nourrie de l’art Yombé, à un plaidoyer en faveur du renouvellement de l’enseignement artistique au Congo qui intègrerait une histoire de l’art classique africain. Sarah Ndele explique comment ses propres créations de masques interrogent la fracture héritée de la colonisation qui est venue rompre les transmissions intergénérationnelles, produisant des « trous » de mémoire. Dans son œuvre, le plastique a remplacé le bois et les matières végétales des masques d’autrefois ; la fonte des matières plastiques récupérées forme des « larmes », qu’elle agence avec la volonté de se recomposer soi-même par son art. Les performances, réalisées au sein d’un collectif d’artistes kinois, investissent la rue et l’espace public pour interpeller les passants sur des sujets politiques parfois sensibles. Cette pratique collective de la performance est rattachée à tout un héritage culturel africain, défendu par l’artiste.

Congo
Fertile Trees Near the Source
Artist Sarah Ndele mixes a reflection on her own practice, nourished by Yombé art, with a plea for the renewal of art education in the Congo that would include a history of classical African art. Sarah Ndele explains how her own mask creations question the fracture inherited from colonization, which broke down intergenerational transmissions, producing “gaps” in memory. In her work, plastic has replaced wood and the vegetable materials of the masks of yesteryears; the melting of recovered plastic forms “tears”, which she combines with the desire to recompose herself through her art. The performances, realized within a collective of Kinshasa artists, invest the street and the public space to question the passers-by on sometimes sensitive political issues. This collective practice of performance is linked to a whole African cultural heritage, defended by the artist.

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa, par

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa
Le politique et le chanteur : deux figures qui semblent bien éloignées mais que l’auteur rassemble en partant de la scène kinoise. Stratégie de subversion, culte de la personnalité, culture du clash, soutien de supporters, fonctionnement en factions : avec humour, l’auteur dresse des parallèles entre les univers musicaux et politiques pour, d’une part, souligner combien la musique porte une large part de politique et pour, d’autre part, déconstruire l’autorité du champ politique par la dérision. La dictature est ainsi lue comme le plébiscite, par les masses, d’hommes de scènes, passés maîtres dans la gestion des slogans et des bonnes répliques. Les stars de la chanson, de leur côté, sont partie prenante des campagnes électorales et participent aux stratégies de marketing de la scène politique. Au-delà des jeux de rapprochement, l’article interroge la fabrication des élites, l’espace médiatique, la création des « stars » et l’usage de la parole politique.

The Political Field and the Popular Music Field
Parallel between Two Competitive Spaces in Kinshasa
The politician and the singer: two figures who seem quite distant but whom the author brings together from the Kinshasa scene. Strategy of subversion, cult of personality, culture of clash, supporters’ spirit, faction dynamics: with humor, the author draws parallels between the musical and political worlds in order, on the one hand, to underline how much music carries a large part of politics but also, on the other hand, in order to deconstruct the authority of the political field through derision. The dictatorship is thus read as the plebiscite, by the masses, of showmen who have become masters in the management of slogans and punchlines. The music stars are part of the electoral campaigns and participate in the marketing strategies of the political scene. Beyond the parallels, the article questions the fabrication of elites, the media space, the manufacture of celebrity, the use of political speech.