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L’Iran et sa (mal) représentation, par

L’Iran et sa (mal) représentation
L’Iran (notamment post-révolutionnaire) souffre deux fois de sa mal-représentation. Non seulement, à l’intérieur des frontières, le décalage entre la diversité sociale et l’État islamique installé depuis la révolution de 79 s’est creusé, mais également, dans sa perception à l’extérieur, cette révolution a réactivé des lectures culturalistes. Nous mobilisons dans cet article le concept de « représentation », qui implique des significations politiques et esthétiques, afin de dessiner un autre tableau des tensions entre la société iranienne et son État. Le blocage de la représentativité démocratique par le gouvernement a conduit la société iranienne, en quête de son image, à se tourner vers des modalités de plus en plus esthétiques. Ces sensibilités influencent le paysage politique, de même que les représentations esthétiques sont toujours susceptibles de prendre un sens politique. C’est à ce conflit des images dans le contexte iranien que nous nous intéressons.

Iran and its (Mis) Representation
Iran (especially post-revolutionary Iran) suffers twice from its misrepresentation. Not only has the gap widened within its borders between social diversity and the Islamic Republic installed since the revolution of 1979. In its perception outside, this revolution has also reactivated culturalist readings. In this article, we mobilize the concept of “representation”, in its political and aesthetic meanings, in order to draw another picture of the tensions between Iranian society and its State. The government’s blockage of democratic
representation has led Iranian society, in search of its image, to turn to increasingly aesthetic modalities. These sensibilities influence the political landscape, just as aesthetic representations are always susceptible to receive and carry political meaning. It is this conflict of images in the Iranian context that we are interested in.

Femmes iraniennes en lutte
Le cauchemar du régime islamique, par

La République islamique d’Iran
Entre survie économique et ambitions nucléaires, par
et

La République islamique d’Iran
Entre survie économique et ambitions nucléaires
L’auteur analyse la politique intérieure et extérieure de la République islamique d’Iran en phase avec une situation économique et sociale très dégradée et un contexte géopolitique fortement bousculé ces derniers temps. L’élection du nouveau président Joe Biden aux États-Unis, la surenchère de l’Iran sur le programme d’enrichissement de l’uranium, les élections iraniennes prochaines avec une tendance néoconservatrice annoncée, le rapprochement israélo-gulfien obligent à rebattre les cartes. Comment ces phénomènes vont-ils se croiser et dans quel sens ? Apaisement ou au contraire durcissement des positions ? Sur quels alliés l’Iran peut-il compter ? Dans quelle mesure la population iranienne exerce-t-elle une influence sur les orientations gouvernementales du pays à l’extérieur de ses frontières ?

The Islamic Republic of Iran
Between Economic Survival and Nuclear Ambitions
The author analyzes the internal and external policies of the Islamic Republic of Iran, in line with a seriously deteriorated economic and social situation and a geopolitical context that has been greatly shaken up recently. The election of the new President Joe Biden in the United States, Iran’s escalation of its uranium enrichment program, the upcoming Iranian elections with a neo-conservative tendency, and the Israeli-Gulf rapprochement call for a reshuffling of the cards. How will these phenomena intersect and in what direction ? Appeasement or, on the contrary, hardening of positions ? Which allies can Iran hope? To what extent does the Iranian population exert an influence on the country’s governmental orientations outside its borders ?

La politisation des tiers-lieux, par

La politisation des tiers-lieux
Les « tiers-lieux » ont été à l’origine définis comme des lieux de sociabilité, là où on se réunit pour la joie d’être ensemble. Les entreprises mondialisées (grandes marques commerciales, constructeurs automobiles, promoteurs immobiliers et même… musées) ont récupéré le concept dans leurs stratégies marketing : il devient une opportunité commerciale. Ces firmes offrent des lieux permettant de réinventer l’expérience des consommateurs en leur donnant un sentiment de communauté, sous couvert de valeurs d’inclusion. Les tiers-lieux connaissent un devenir-marchandise. Mais, l’urgence provoquée par la pandémie de la Covid‑19 a révélé des solidarités qui ne pouvaient se construire ailleurs que dans des tiers-lieux. Ils ont constitué le laboratoire de réseaux d’entraide, de chaînes téléphoniques d’attention, de distribution alimentaire, de fabrication artisanale de matériel médical. Ils connaissent une réappropriation et un devenir-politique.

The Re-Politicization of Third Places
“Third places” (like fablabs) were originally defined as places of sociability, where people meet for the joy of being together. Globalized corporations (big commercial brands, car manufacturers, real estate developers and even… museums) have absorbed the concept in their marketing strategy to exploit it as a commercial opportunity. These firms offer places to reinvent consumer experience by providing a sense of community, under the guise of inclusive values. Third places are being commodified. However, the emergency caused by the Covid‑19 pandemic revealed solidarities that could only be weaved in third places. They have been the laboratory for mutual aid networks, telephone attention chains, food distribution, and the artisanal manufacture of medical equipment. They are re-appropriated through a process of re-politization.

Des « vices de recirculation » des sons et des appareils, par

Des « vices de  recirculation » des  sons et  des  appareils
Qu’est-ce que la circulation mondialisée des biens et des personnes fait à la musique ? Deux choses apparemment contradictoires : l’uniformisation des styles et des moyens se conjugue avec leur renouvellement constant, les effets de contagion planétaire avec la multiplication des réappropriations locales. Autrement dit ce qui uniformise peut être aussi ce qui singularise. Ce paradoxe nous conduit à dérouler quelques fils, à suivre de proche en proche des « objets » circulants –  un appareil numérique, un style musical, un groupe de pratiques  – de manière à saisir les modalités concrètes de leur circulation. Pour que ça circule, il faut que ça se connecte, ce qui ne va pas sans heurts, disputes, larsens, frottements, qui tous affectent voire transforment l’« objet » circulant. Point de circulation sans frictions et boucles de rétroaction et sans une multitude d’agents qui font que ça passe : nous croisons en cheminant des musiciens noise, mais aussi des benders, des shifters, des makers, des repairers. Ces figures de l’interconnexion globale sont également celles qui se glissent dans ses failles et amplifient ses différences.

Music in the Age of  Circulation
What does the globalized circulation of goods and people do to music? Two things, which are apparently contradictory: the uniformization of styles and means of production, on one side, and their constant renewal, on the other — an effect of the planetary contagion of sounds and the multiplication of local revisitings. In other words, the very movement that uniforms can sometimes be that which singularizes. This paradox leads us to unravel some threads, tracking different circulating objects — a digital device, a musical style, a group of practices — in order to seize the concrete modalities of their circulation. For circulation to occur, there is a need for connection, and connection doesn’t go without conflicts, feedbacks, rubbings and shriekings which all affect the circulating object. There is no circulation without friction, without feedback loop, and without a multitude of agents that allow for the transmission: we encounter the paths of noise musicians, and benders, shifters, makers, and repairers. These figures of global interconnectivity are also those who learn to slip into its cracks and amplify its differences.

Pas de pétrole, mais de l’Auto-Tune !, par et

Pas de pétrole, mais  de l’Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young ou encore PNL, tous ces artistes ont en commun l’usage de l’Auto-Tune. Ce dernier désigne un logiciel permettant d’ajuster, de corriger la voix à la suite d’un enregistrement ou durant une performance. Si initialement, l’Auto-Tune permet de chanter juste, cela est également utilisé pour produire des modulations sonores donnant un caractère artificiel, robotique, non linéaire à la voix humaine. Le premier titre avec une présence marquée de l’Auto-Tune est « Believe » de Cher sorti en 1998 qui connaît un succès retentissant. Depuis, si quelques artistes –  à l’image de Jay-Z et son titre D.O.A. pour « Death of Auto-Tune » (2009)  – dénoncent cette pratique, l’Auto-Tune a conquis l’industrie musicale et serait utilisé dans la quasi-totalité des productions (Reynolds, 2019), toutes les esthétiques confondues. Malgré cette diffusion, encore peu de recherches académiques abordent cette question. Quels sont les enjeux liés à l’Auto-Tune ?

No Oil,
Just Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young, and PNL: these artists share a common practice — the use of Auto-Tune, a software that permits the adjustment or correction of the voice after its recording or performance. If initially Auto-Tune was used to correct the pitch, it now is also used to produce sound modulations that give a robotic, artificial, non-linear character to the human voice. The first recording to use Auto-Tune was Cher’s “Believe” in 1998: a direct hit. Since then, if some artists — like Jay-Z and its record D.O.A. for “Death of the Auto-Tune” (2009) — criticize the practice, Auto-Tune has conquered the music industry and is said to be used in most of the musical productions of today (Reynolds 2019) regardless of their aesthetic leanings. In spite of this broad circulation, there are few academic papers tackling its implications. What is at stake in Auto-Tune?

Copier/Varier
Standards, critiques, et contre emplois des logiciels de création, par

Copier/Varier
Standards, critiques, et  contre-emplois des  logiciels de  création
À rebours d’un progrès technique consistant à voir les logiciels de CAO/PAO (« Conception/Publication Assistée par Ordinateur ») comme une « augmentation » mécanique des possibilités créatives, nous proposons de considérer ce processus comme une accélération –  voire comme une automatisation  – de façons de faire traditionnelles. Alors que les designers utilisent au quotidien les mêmes logiciels, ont-ils pleinement conscience de leur histoire et de leurs implications ? Comment cette tendance à la normalisation s’inscrit-elle dans l’histoire des transformations techniques induites par le développement de la computation ? Pour traiter ces enjeux, nous invitons à parcourir sous forme de courtes notices une série d’objets techniques (logiciels de création, machines,  etc.), classés du plus standardisant au plus ouvert. Chacun de ces items comprend trois sous-parties : une description de son caractère standardisant, une critique des valeurs qu’il embarque, et des contre-emplois (antérieurs ou postérieurs) en art et en design.

Copy/Vary
Standards, Critiques and  Oblique Uses of  Creation Software
Against the technological progressivist view that would construe CAD/DTP (Computer Aided Design/Desktop Publishing) as providing a simple mechanical supplement to creative possibilities, this paper proposes to understand CAD/DTP as accelerations — or even automations — of traditional crafts. Every day, designers use the same softwares, but do they know their histories and implications? How is this normalizing tendency inscribed in the history of the technical transformations induced by the development of computation? To envisage this, this paper provides a textual commentary of the leaflets accompanying some technical objects (from creation softwares to machines) going from the more standardizing to the most open. Each of these analyses is comprised of three subparts: a description of the standardizing aspect of the leaflet, a critique of the values it embeds, and its potential counter-uses in art and design.

Écrire à l’hôpital, une petite guérilla…, par

Écrire à l’hôpital, une  petite guérilla…
Face à la sidération provoquée par la pandémie, devant l’incertitude des lendemains et un avenir anxiogène, il est nécessaire plus que jamais de mettre en valeur l’importance de nos affects, de nos émotions, et de retrouver du lien. Les ateliers d’écriture à l’hôpital et en Ehpad sont emblématiques de la place cruciale l’artiste, de l’écrivain, dans les lieux où résident les populations vulnérables. Il ne s’agit pas de saupoudrer une activité vaguement socio culturelle, afin de légitimer la place de l’art dans la cité grâce à des intervenants bienveillants… mais d’inventer de véritables situations à l’intérieur desquelles prendra forme une communauté de dialogue. Le quatuor formé par le soignant, le patient, le parent (en pédiatrie), et l’auteure, instaure une dimension sensible qui viendra adoucir, transformer la médecine traditionnelle fondée sur le diagnostic et les traitements.

Writing Within the  Hospital: A  Discrete Guerilla…
The sideration, the uncertainty, and the anxiety provoked by the pandemic makes it more necessary today than ever to value the importance of our affects and our emotions, to allow for renewed ways of making connections with each other. Writing workshops in hospitals and retirement homes are emblems of the crucial role of the artist, of the writer, in places of residence for vulnerable populations. They are not a simple sprinkling of a vaguely sociocultural activity that helps legitimize the place of the arts in our society through benevolent “social workers”… they are opportunities to invent actual situations within which a community of dialog can emerge. The quartet formed by the caregiver, the patient, the parent and the author provides the context for a sensitive relationship that can soften or even transform traditional medicine and its diagnostical and pharmalogical basis.

Désidentifiées, par

Désidentifiées
« Nous savons que nous voulons nous retrouver. Tout ce dont nous avons besoin, c’est des cérémonies qui nous rassembleront » écrit la poétesse afro-féministe Alexis Pauline Gumbs. Les noms que nous utilisons pour nous dire font parfois office de cérémonies : un nom nous appelle, et nous répondons à son invocation. Ce peut être un cri de ralliement « Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You ! », mais même les collectifs les plus émeutiers et les plus retors à l’identification courent le risque, en se nommant, de se voir réassigner à résidence par l’interpellation policière (« hé toi, là-bas ! »). Comment éviter les pièges de l’identité ? Les études queer ont élaboré le concept de désidentification pour décrire la tentative fugitive d’échapper aux marquages policiers des identités. Ce texte tente de détailler les enjeux politiques de ce refus d’identification en le situant dans les allers-retours franco-états-uniens des études et des activismes queer.

Disidentified
“We know that we want to gather. All we have to find is the ceremony,” writes afro-feminist poet Alexis Pauline Gumbs The names that we use to say ourselves are sometimes our ceremonies: a name calls us, and we respond to its calling. It can be a rallying cry (“Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You!”), but even the most riotous collectives, even the most reticent to identification run the risk, in naming themselves, the house-arrest of police hailing (“hey you, there!”) How to steer away from the traps of identity? Anglophone queer studies have elaborated the concept of disidentification to describe the fugitive attempt to escape the police-made markings of identities. This text details the political stakes of this refusal to identifiy and the potential alliances it invites.

L’art queer de ne pas réussir, par

L’art queer de ne pas réussir
Passant du cinéma d’animation pour enfants (en suivant les exemples de films comme Chicken
Run
et Le monde de Nemo) aux artistes queer contemporaines qui ont embrassé l’échec comme un style à part entière, Jack Halberstam part à la recherche de modèles de parentés, d’alliances et de communautés pour faire alternative au monde néo-libéral et à l’idéologie du succès qui en façonne les subjectivités. Cette idéologie se déploie notamment au travers des multiples injonctions à « réussir » dans les différents aspects de la vie sociale : il faut produire, accumuler et se reproduire – autant de maillons dans la chaîne de (re)production du capital. Dans The Queer Art of Failure, Halberstam propose une méthode de déviance joyeuse par rapport à cette idéologie du succès : « d’abord, résister à la maîtrise » ; « ensuite, privilégier la naïveté et l’absurdité (la stupidité) ».

The Queer Art of Failure
Going from animated films for children like
Chicken Run and Finding Nemo to those queer contemporary artists and writers that have embraced failure as a style, Jack Halberstam is in the look out for models of kinships, alliances and communities that would provide an alternative to the neoliberal world and to the ideology of success that shape its subjectivities. This ideology unfolds through multiple injonctions to “success” in different aspects of social life : we must produce, accumulate and reproduce in order to satisfy the (re)productive obsessions of capital. In The Queer Art of Failure, Halberstam proposes a method of joyful deviance from sucess: “first, resist mastery”; “second, priviledge the naive and nonsensical (stupidity).

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes, par

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes
Revisitant le voyage peu connu de Ernesto Che Guevara au Congo en 1965 à partir de son Journal du Congo, l’article propose une lecture décoloniale de la coopération entre Cuba et le Congo. Considérée comme un « échec » militaire, cette mission de soutien témoigne tout à la fois d’une alliance des pays du tiers-monde et d’une volonté anticoloniale et anti-impériale d’imaginer des possibles politiques alternatifs. Elle montre aussi les difficultés de faire front commun et d’implanter au Congo l’idéal marxiste cubain de « l’homme nouveau ». Malgré cette situation ambivalente, analysée à partir du journal du Che et de photographies, cette expérience militaire a été un premier jalon tiers-mondiste d’affirmation de « modernités multiples », qui ne sont pas assujetties aux seules modernités occidentales, comme en témoigne une description de l’exposition artistique du Sud Global de La Havane en 1989, conçue par l’auteure comme en étroite filiation avec le rêve du Che.

Congo and Cuba
For a Re-Existence of Latitudes
Revisiting Ernesto Che Guevara’s little-known 1965 trip to the Congo from his Congo Diary, the article offers a decolonial reading of cooperation between Cuba and the Congo. Considered a military “failure”, this mission of support testifies both to an alliance of Third World countries, and to an anti-colonial and anti-imperial will to imagine possible alternative policies. It shows also the difficulties of making a common front and implanting in the Congo the Cuban Marxist ideal of the “new man”. In spite of this ambivalent situation, analyzed from Che’s diary and photographs, this military experience was a first Third World milestone in the affirmation of “multiple modernities”, which would not be subjected only to Western modernities, as shown in a description of the artistic exhibition of the Global South in Havana in 1989, conceived by the author as being closely related to Che’s dream.

Tanina ntoto !
Grand-maternités politiques, par

Tanina Ntoto !
Grand-maternités politiques
L’article entend constituer la grand-mère comme figure centrale de transmission, comme personnage politique radical : figure de récit, figure de continuité mémorielle là où la colonisation a sapé l’autorité des lignées paternelles. Se décalant d’un récit qui pense la colonisation comme une castration symbolique des pères, l’auteure interroge les lignées féminines et leur pouvoir de transmission de trames narratives et mémorielles. La grand-mère est érigée en force politique, capable de défaire l’autorité patriarcale et de recréer des liens défaits. La force des « petites histoires » racontées par les grand-mères face aux défaites de la « grande histoire » des pères : tel est le pouvoir des fabulations politiques de soi qui s’inventent au-delà ou contre les identités normatives et produisent de nouveaux imaginaires politiques.

Tanina Ntoto!
Political Grandmotheroods
The article intends to constitute the grandmother as a central figure of transmission, as a radical political figure: a figure of narrative, a figure of continuity of memory where colonization has undermined the authority of paternal lineages. Moving away from a narrative that thinks of colonization as a symbolic castration of fathers, the author questions female lineages and their power of transmission of narrative and memory frames. The grandmother is set up as a political force, capable of undoing patriarchal authority and recreating broken ties. The strength of the “little stories” told by grandmothers in the face of the defeats of the “big story” of fathers: such is the power of political self-fabulations that invent themselves beyond or against normative identities, and produce new political imaginaries.

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa, par

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa
Le politique et le chanteur : deux figures qui semblent bien éloignées mais que l’auteur rassemble en partant de la scène kinoise. Stratégie de subversion, culte de la personnalité, culture du clash, soutien de supporters, fonctionnement en factions : avec humour, l’auteur dresse des parallèles entre les univers musicaux et politiques pour, d’une part, souligner combien la musique porte une large part de politique et pour, d’autre part, déconstruire l’autorité du champ politique par la dérision. La dictature est ainsi lue comme le plébiscite, par les masses, d’hommes de scènes, passés maîtres dans la gestion des slogans et des bonnes répliques. Les stars de la chanson, de leur côté, sont partie prenante des campagnes électorales et participent aux stratégies de marketing de la scène politique. Au-delà des jeux de rapprochement, l’article interroge la fabrication des élites, l’espace médiatique, la création des « stars » et l’usage de la parole politique.

The Political Field and the Popular Music Field
Parallel between Two Competitive Spaces in Kinshasa
The politician and the singer: two figures who seem quite distant but whom the author brings together from the Kinshasa scene. Strategy of subversion, cult of personality, culture of clash, supporters’ spirit, faction dynamics: with humor, the author draws parallels between the musical and political worlds in order, on the one hand, to underline how much music carries a large part of politics but also, on the other hand, in order to deconstruct the authority of the political field through derision. The dictatorship is thus read as the plebiscite, by the masses, of showmen who have become masters in the management of slogans and punchlines. The music stars are part of the electoral campaigns and participate in the marketing strategies of the political scene. Beyond the parallels, the article questions the fabrication of elites, the media space, the manufacture of celebrity, the use of political speech.

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale, par

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale
Le projet Mémoires de Lubumbashi, créé en 2000, a pour objectif de collecter des sources orales sur l’histoire de cette ville minière (deuxième ville du Congo et capitale du Katanga), ainsi que des sources picturales et des objets. L’objectif est de fournir un contre-point aux sources écrites coloniales pour venir dessiner une histoire plurielle de la ville, en proposant une démarche participative et inclusive aux habitants. Des récits de vie des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga pendant la période coloniale, des récits également de leurs compagnes et de leurs filles, trop souvent oubliées des enquêtes historiques, des photographies familiales, des créations de théâtre populaire en kiswahili (surtout de la troupe Mufwankolo) qui évoquent le quotidien de la colonisation, des répertoires de chansons populaires sont autant d’exemples de cette large collecte. C’est à une conception de l’histoire en lien avec les citoyens que l’auteur nous invite, attaché à écrire les vies quotidiennes des « sans voix ».

Lubumbashi and the Idea of Oral Memory
The Memories of Lubumbashi project, created in 2000, with the aims at collecting oral sources on the history of this mining city (the second largest city in Congo and capital of Katanga) as well as pictorial sources and objects. The objective is to provide a counterpoint to written colonial sources, in order to draw a plural history of the city, by proposing a participatory and inclusive approach to the inhabitants. Life stories of the workers of the Mining Union of Haut-Katanga during the colonial period, stories also of their companions and their daughters, too often forgotten in historical investigations, family photographs, popular theater creations in Kiswahili (especially from the Mufwankolo troupe) that evoke the daily life of colonization, repertoires of popular songs are all examples of this large collection. The author invites us to a conception of history in connection with the citizens, attached to writing the daily lives of the “voiceless”.

Covid 19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa, par

Covid‑19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa
L’auteur analyse les signes verbaux, non-verbaux, les rituels intégrés dans les discours dominants et dans les discours communs en réponse à la pandémie de Covid‑19 à Kinshasa, entre mars et mai 2020. « Masque », « geste barrière », « confinement » sont tour à tours lus à travers leurs résonnances en lingala ou au sein de l’histoire récente du Congo. L’auteur montre comment ils se chargent d’« oxymores », où des significations antithétiques viennent se greffer sur le discours officiel, venant le contredire ou en tout cas le biaiser. L’auteur revient également sur les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie, le confinement impossible de Kinshasa, la hausse des prix, les mises en scène médiatisées des hommes politiques et des hommes d’églises, les conséquences sociales dramatiques pour les plus pauvres. C’est finalement à un « éloge de la lenteur » que nous convie l’auteur, ainsi qu’à une politique du « care » et de l’accompagnement : dernière positivité paradoxale du virus.

Covid‑19
Oxymora of Totems and Signs of Life in Kinshasa
The author analyzes the verbal and non-verbal signs, as well as the rituals integrated into dominant and common discourses in response to the Covid‑19 pandemic in Kinshasa, between March and May 2020. “Mask”, “barrier-gesture”, “lockdown” are read in turn through their resonances in Lingala or within the recent history of Congo. The author shows their oxymoronic uses, where antithetical meanings are grafted onto the official discourse, contradicting or in any case twisting it. The author also discusses the measures taken by the government to fight the pandemic, the impossible lockdown of Kinshasa, the rise in prices, the high-profile media coverage of politicians and churchmen, and the dramatic social consequences for the poorest. Finally, the author invites us to a “praise of slowness” and to a “policy of care”: the last paradoxical positivity of the virus.

Ré-enchanter l’Afrique, par et

Ré-enchanter l’Afrique
Au cours de cet entretien mené par Yala Kisukidi, Achille Mbembe revient sur les thèmes clés de son ouvrage Brutalisme (2020) : la définition de l’idée d’« Afrique », la nécessité de sortir d’une « histoire de la prédation » et de réinvestir des utopies par le « ré-enchantement », la revalorisation d’une « politique du soin » tandis que la terre est endommagée, la création d’un espace africain de libre circulation sont évoquées tour à tour. Convoquant les écrivains Amos Tutuola et Sony Labou Tansi, Mbembe souligne le rôle de l’imaginaire, et singulièrement de la littérature, dans la fabrique des utopies de demain. L’art, entendu comme réserve de vie et de possibles, constitue une ressource pour penser les migrations contemporaines et imaginer d’autres modèles alternatifs au modèle actuel néolibéral. Face à la criminalisation des circulations, le pillage des ressources, la violence du « brutalisme » contemporain, Mbembe en appelle à une « politique du soin » capable d’inclure, depuis l’Afrique, la question du commun et du partage de la Terre.

Re-Enchanting Africa
During this interview conducted by Yala Kisukidi, Achille Mbembe returns to the key themes of his book Brutalism (2020): the definition of the idea of “Africa”, the need to get out of a “history of predation” and to reinvest utopias through “re-enchantment”, the revaluation of a “policy of care” in our damaged lands, the creation of an african space of free movement, all these themes are discussed in turn. Convening the writers Amos Tutuola and Sony Labou Tansi, Mbembe underlines the role of the imaginary, and particularly of literature, in the making of tomorrow’s utopias. Art, understood as a reserve of life and possibilities, constitutes a resource for thinking about contemporary migrations and imagining alternative models to the current neo-liberal model. Faced with the criminalization of circulation, the plundering of resources, the violence of contemporary “brutalism”, Mbembe calls for a “politics of care” capable of including, from Africa, the question of the common and the sharing of the Earth.

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles, par

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles
« Amérique latine » est un nom empreint d’un passé colonial qui ne correspond aucunement à la diversité de ce vaste continent. Oser un redesign de l’Amérique latine signifie ici ouvrir des possibilités… plutôt que conclure des projets. Cela implique de revoir en traits rapides l’histoire de la formation des États-nations et les conséquences récentes du national-développementisme. Ensuite, de présenter quelques initiatives biopolitiques dans les enchevêtrements d’une biozone partagée par plusieurs nations latino-américaines. Enfin, de suivre les « abeilles sans dard » de la forêt jusqu’en ville pour, au bout du chemin, grâce à leurs pollinisations et essaimages, percevoir les contours d’une ZAD amazonienne en formation.

“A” for America, Amazonia and Bees
“Latin America” is a name with a colonial past that does not reflect the diversity of this huge continent. Daring to redesign Latin America here means opening up possibilities rather than concluding projects. It envolves revisiting in quick lines the history of the formation of nation-states and the recent consequences of national-developmentalism. Secondly, presenting some biopolitical initiatives in the tangle of a biozone shared by several Latin American nations. Finally, following the “stingless bees” from the forest to the city and, at the end of the road, thanks to their pollination and swarming, perceiving the contours of an Amazonian ZAD in formation.

Généalogie du gouvernement Bolsonaro
Les deux hélicoptères de la guerre brésilienne, par

Généalogie du gouvernement Bolsonaro
Les deux hélicoptères de la guerre brésilienne
L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil a eu lieu dans l’affirmation d’un nouveau warfare : une guerre diffuse où la distinction entre l’ami et l’ennemi devient floue. C’est un double dispositif qui s’est mis en place. D’une part, le retour aux affaires de l’armée brésilienne dans le cadre des missions de paix menées pendant les gouvernements de la gauche, en Haïti et dans les favelas de Rio de Janeiro. D’autre part, la polarisation par Lula et la gauche a préparé la mobilisation d’une nouvelle extrême droite. Avec la crise du Covid, grâce à la mise en place d’un revenu de base, le « lulismo » se transmute en « bolsonarismo ».

Genealogy of the Bolsonaro Government
The Two Helicopters of the Brazilian War
Jair Bolsonaro’s arrival to power in Brazil has taken place in the affirmation of a new warfare : a diffuse war in which the distinction between friend and enemy becomes blurred. A double mechanism has been put in place. On the one hand, the Brazilian army’s return to business as part of the peace missions carried out during the leftist governments, in Haiti and in the favelas of Rio de Janeiro. On the other hand, the polarisation by Lula and the left prepared the mobilisation of a new extreme right. With the Covid crisis, thanks to the establishment of a basic income, “lulismo” was transmuted into “bolsonarismo”.

Amazonie Sentinelle, par

Amazonie Sentinelle
Cet article met en lumière une forme particulière de pouvoir dans le processus de colonisation de l’Amérique du Sud. Les expéditions des bandeirantes se distinguaient du pouvoir pastoral des missions jésuites ainsi que de l’exploitation minière ou de l’occupation territoriale en établissant un régime de chasse dont les cibles principales étaient les peuples indigènes. Ce régime servait de contrepoids au pouvoir souverain et à l’humanisme occidental. Aujourd’hui, la dimension technologique de la biopolitique donne lieu à une sémiotique de la chasse (capture de signes). L’auteur souligne l’importance de la forêt amazonienne comme réservoir de signes, et la position que certaines institutions et mouvements exercent, en tant que sentinelles de la démocratie, en opposition au populisme autoritaire et prédateur de Bolsonaro.

Amazonia Sentinel
This article highlights a particular form of power in the process of colonisation of South America. The expeditions of the bandeirantes differed from the pastoral power of the Jesuit missions as well as from mining or territorial occupation by establishing a hunting regime whose main targets were the indigenous peoples. It served as a counterweight to sovereign power and Western humanism. Today, the technological dimension of biopolitics gives rise to a semiotics of hunting (capture of signs). The author underlines the importance of the Amazonian forest as a reservoir of signs, and the position that certain institutions and movements exercise, as sentinels of democracy, in opposition to Bolsonaro’s authoritarian and predatory populism.

Multitudes